Trans Internet-Zeitschrift für Kulturwissenschaften 15. Nr. August 2004
 

5.5. Ein Fremder unter den Einheimischen, ein Einheimischer unter den Fremden: zur literarischen (Selbst)Repräsentation des nomadisierenden Subjekts
HerausgeberIn | Editor | Éditeur: Zalina A. Mardanova (Vladikavkaz / Nordossetien-Alanien)

Buch: Das Verbindende der Kulturen | Book: The Unifying Aspects of Cultures | Livre: Les points communs des cultures


Sémantique, connaissance et systemes d'information

Manuel Durand-Barthez (Université de Toulouse - France)
[BIO]

 

La recherche d'information scientifique dans le domaine universitaire s'effectue généralement suivant deux modes.

Le premier, héritier de la recherche bibliographique traditionnelle sur support imprimé, repose en grande partie, depuis le milieu des années 1970, sur des bases de données informatisées structurées (tant sur le plan des concepts sur lesquels porte l'interrogation que sur celui des champs dont les références bibliographiques sont constituées).

Le second, en expansion depuis le début des années 1990, a l'Internet pour assise, dont la structure repose aussi sur des zones marquées. Celles-ci, à l'inverse du processus en usage dans le premier mode, ne sont pas, sauf exception, manipulées consciemment par l'utilisateur dans la construction d'une requête.

Bien qu'alimenté en permanence, le réservoir des bases de données est rigoureusement délimité dans le champ des publications scientifiques classiques (revues faisant autorité, colloques, thèses, rapports, brevets) dont les auteurs sont jugés experts dans leur domaine.

Ce type de littérature "contrôlée" peut bien sûr être véhiculé par l'Internet, mais n'en constitue qu'une part infime.

Sans aller plus avant dans la différenciation entre les 2 modes, retenons ici plus particulièrement l'aspect sémantique. Notre réflexion sera centrée sur le point suivant: quelles sont les caractéristiques du processus mental d'élaboration d'une requête dans chacun des deux modes et quels sont ses vecteurs?

Les grilles d'analyse applicables à cette problématique sont évidemment multiples: technologique, socio-économique, pédagogique, neuropsychologique... Nous avons délibérément choisi une option philosophique, de type phénoménologique, s'appuyant sur les travaux de Husserl. Nous mettons l'accent sur les rôles combinés de l'indicatif et de l'expressif dans les deux types de démarche.

 

Les caractéristiques du mode 1

Afin d'illustrer la structuration d'un signalement bibliographique, examinons successivement: une décomposition horizontale (1), une arborescence verticale (2).

(1) Exemple d'une référence bibliographique issue de la base de données biologiques BIOSIS [Biological Abstracts; Philadelphie]

15/4/6
FN- DIALOG(R)File 5:Biosis Previews(R)|
CZ- (c) 2003 BIOSIS. All rts. reserv.|
AZ- 14065997|
AA- 200300060026|
TI- Cranial osteology of the andean lizard Stenocercus guentheri (Squamata:
Tropiduridae) and its postembryonic development.|
AU- Torres-Carvajal Omar(a)|
CS- (a)Division of Herpetology, Natural History Museum and Biodiversity
Research Center, University of Kansas, 1345 Jayhawk Blvd., Dyche Hall,
Lawrence, KS, 66045-7561, USA USA E-Mail: otorres@ku.edu|
JN- Journal of Morphology|
VO- 255|
IS- 1|
PG- 94-113|
DA- January 2003|
PY- 2003|
ME- print|
SN- 0362-2525|
DT- Article|
RT- Abstract|
LA- English|
AB- In spite of the great diversity of iguanian lizards, detailed
descriptions of their osteocrania and postembryonic development are
rare. Herein, the adult cranial osteology of the tropidurid lizard
Stenocercus guentheri and its postembryonic development are described
based on cleared and double-stained and dry skeletal specimens from a
single Ecuadorian population. The amphikinetic skull of S. guentheri is
short and elevated and bears teeth on the premaxilla, maxillae, and
pterygoids. Mandibular teeth are present on the dentaries. Ossification
of the articular from Meckel's cartilage and growth of the parietal
(ossification and investment of the frontoparietal fontanelle) are the
most significant ontogenetic changes of the splanchnocranium and
dermatocranium, respectively. The ossification of the cartilage
separating the bones of the braincase is the most relevant
postembryonic ontogenetic event of the neurocranium. The number of
teeth does not vary ontogenetically and replacement teeth are present
throughout postembryonic life. This study includes a list of the
osteocranial characters of Stenocercus that have been used in
systematic studies, as well as a discussion of functional morphology
and kinesis.|
DE- <MAJOR CONCEPT> Development; Skeletal System (Movement and Support)|
DE- <BIOSYSTEMATIC> Sauria--Reptilia, Vertebrata, Chordata, Animalia|
DE- <ORGANISMS> Stenocercus guentheri (Sauria)--embryo|
DE- <PARTS,ETC> Meckel's cartilage--ossification, skeletal system;
dermatocranium--skeletal system; neurocranium--skeletal system;
splanchnocranium--skeletal system; tooth--dental and oral system|
DE- <SUPER TAXA> Animals; Chordates; Nonhuman Vertebrates; Reptiles;
Vertebrates|
DE- <GEO. NAME> Ecuador (South America, Neotropical region)|
DE- <MISC.> osteology; postembryonic development|
CC- 18004 Bones, Joints, Fasciae, Connective and Adipose
Tissue-Physiology and Biochemistry
19004 Dental and Oral Biology-Physiology and Biochemistry
25502 Developmental Biology-Embryology-General and Descriptive|
BC- 85408 Sauria|

Faisons abstraction des données relatives à l'auteur (les 2 champs AU [Author] et CS [Corporate Source]) et au document lui-même (onze champs se suivant, de JN [Journal] à LA [Language]). Intéressons-nous à toute la partie lexicale concernant le sujet recherché.

Cette partie se subdivise en deux éléments.

A. Un élément "libre" , c'est-à-dire indépendant de la conception de la base de données elle-même; il s'agit du titre (champ TI) constitué de termes librement choisis par l'auteur, auquel est associé le résumé (Abstract, champ AB)
B. Un élément "contrôlé", c'est-à-dire régi par des tables conceptuelles propres à la base de données, s'étalant sur 2 types de champs:
1- lexicaux: les descripteurs (DE) eux-mêmes subdivisés en 7 sous-champs
2- numériques: les codes de concept, eux-mêmes subdivisés en 2 sous-champs: Concept codes (CC) et Biolological codes (BC)

Des tables et index permettent à l'utilisateur de moduler les termes de sa question en utilisant notamment la logique booléenne (opérateurs AND, OR, NOT, NEAR) et les troncatures de termes autorisant l'interprétation de toutes les terminaisons possibles (genre, nombre, formes verbales, adjectivales, adverbiales, etc...)

(2) L'arborescence hiérarchisée peut privilégier l'entrée lexicale ou l'entrée alphanumérique.

(2.1) Exemple MEDLINE (base de données de la National Library of Medicine aux Etats-Unis)

Nous voyons ci-dessous la situation d'un concept, le Fibroblast Growth Factor (FGF) avec ses variantes "1" et "2", à l'intérieur de 3 arborescences hiérarchisées différentes

All MeSH Categories
Chemicals and Drugs Category
Growth Substances, Pigments, and Vitamins
Growth Substances
Intercellular Signaling Peptides and Proteins
Fibroblast Growth Factors
Fibroblast Growth Factor 1
Fibroblast Growth Factor 2
All MeSH Categories
Chemicals and Drugs Category
Amino Acids, Peptides, and Proteins
Peptides
Intercellular Signaling Peptides and Proteins
Fibroblast Growth Factors
Fibroblast Growth Factor 1
Fibroblast Growth Factor 2
All MeSH Categories
Chemicals and Drugs Category
Immunologic and Biological Factors
Biological Factors
Growth Substances
Fibroblast Growth Factors
Fibroblast Growth Factor 1
Fibroblast Growth Factor 2

On voit ici qu'un même concept peut relever en amont, soit des Growth substances, soit des Peptides et Protéines dont l'ascendance est elle-même sujette à des croisements hiérarchiques, non plus considérée comme concept générique mais comme Biological Factor.

Une fois franchi ce cap de la détermination conceptuelle dans l'arborescence, celle-ci se voit affecter une qualification qui définit un aspect. Les aspects peuvent être communs à plusieurs concepts. Il existe une liste globale d'aspects, mais chaque concept sera filtré par un nombre plus ou moins grand d'aspects issus de cette grille commune.

Exemples: administration and dosage • adverse effects • agonists • analysis • biosynthesis • blood • cerebrospinal fluid • chemical synthesis • chemistry • classification • deficiency • diagnostic use • economics genetics • history • immunology • isolation and purification • metabolism • pharmacokinetics • pharmacology • physiology • poisoning • radiation effects • secretion • standards • therapeutic use • toxicity • urine

 

(2.2) Exemple de la Classification Internationale des Brevets (C.I.B.)

Celle-ci tend à privilégier l'entrée codifiée alphanumériquement. Elle propose, outre des définitions strictes, des renvois vers des indices approchants.

G-03: PHOTOGRAPHIE; CINEMATOGRAPHIE; TECHNIQUES ANALOGUES UTILISANT D'AUTRES ONDES QUE LES ONDES OPTIQUES; ELECTROGRAPHIE; HOLOGRAPHIE (reproduction d'images ou de dessins par balayage et conversion en signaux électriques H-04-N)

(2.3) Exemple de la codification de l'American Chemical Society (CAS)

L'exemple parfait de détermination univoque d'un concept est celui des substances chimiques auxquelles l'ACS a attribué individuellement un numéro international d'immatriculation (R.N. = Registry Number) assorti d'une formule moléculaire, d'une appellation homologuée, d'appellations commerciales et, facultativement, d'une représentation graphique de la molécule.

Voici des extraits essentiels de la fiche identifiant la vanilline de synthèse:

Registry Number: 121-33-5

Formula: C8 H8 O3

CA Index Name: Benzaldehyde, 4-hydroxy-3-methoxy- (9CI)

Other Names: Vanillin (8CI); 2-Methoxy-4-formylphenol; 3-Methoxy-4-hydroxybenzaldehyde; 4-Formyl-2-methoxyphenol; 4-Hydroxy-3-methoxybenzaldehyde; 4-Hydroxy-5-methoxybenzaldehyde; 4-Hydroxy-m-anisaldehyde; H 0264; Lioxin; m-Methoxy-p-hydroxybenzaldehyde; NSC 15351; NSC 403658; NSC 48383; p-Hydroxy-m-methoxybenzaldehyde; p-Vanillin; Rhovanil; Vanillaldehyde; Vanillic aldehyde

  -- Properties --
 

Calculated
   
Property Value Condition Note
Bioconc. Factor 4.70 pH 1 (1) ACD
........... etc.      
Boiling Point 282.6 ±20.0 C Press: 760.0 (1) ACD
Enthalpy of Vap. 54.25±3.0 kJ/mol   (1) ACD
H donors 1   (1) ACD
Koc 105 pH 1 (1) ACD
............etc.      
References: ~9357    
Deleted Registry Number(s): 8014-42-4, 52447-63-9

En résumé, donc, d'une manière générale dans le mode 1, les chaînes de caractères constitutives des questions posées aux systèmes d'information sont systématiquement comparées par les chercheurs avec celles des tables et index préordonnés. L'utilisateur se soumet à la structure conceptuelle préétablie d'un réservoir de données déterminé.

 

Les caractéristiques du mode 2

L'exemple type de recherche en mode 2 est la fenêtre basique d'un moteur sur Internet.

Ouvert et hétérogène, ce réservoir de données est universel et pluridisciplinaire; seul un peu plus d'un tiers de son volume total était, en 2003, accessible en permanence.

En mode 2, la question est généralement saisie de manière spontanée, dans la langue maternelle de l'utilisateur, souvent en langage naturel, avec un mot pour un concept, ce mot étant écrit d'une manière figée, dans la forme grammaticale de cette graphie spontanée.

Représentation synthétique des deux modes

A ce stade, on peut déjà envisager une représentation synthétique des deux modes:

A l'énoncé de la question (1) fait suite un temps d'arrêt (marqué par les barres verticales [2]) qui balise une étape de réflexion comparative sur des tables et index (3). Celle-ci se traduit par la rédaction d'une nouvelle forme de la question utilisant une syntaxe particulière à l'interface de la base interrogée (4). Cette base est circonscrite et constituée d'éléments relevant en général d'une typologie documentaire commune: le plus souvent des articles de périodiques. Le résultat (5) est lui-même échafaudé sur deux types de liens:

- les termes propres aux références bibliographiques elles-mêmes (issus soit du titre, soit des descripteurs) qui peuvent susciter de nouveaux départs en vue d'affiner l'interrogation initiale

- les références bibliographiques terminales propres à ces références (i.e. celles qui figurent en hyperlien à la fin de certaines références bibliographiques récentes pourvues de cet appendice électronique) qui peuvent générer d'autres interrogations

L'énoncé de la question (1) peut, à certains égards, directement s'identifier à ce que nous définirons comme la position de la question. D'où la symbolique horizontale (2), l'omission de la re-présentation marquée verticalement en mode 1 qui suivait un processus tabulaire ou indexé. Cette omission en mode 2 n'implique aucunement l'absence de réflexion. Le réservoir (3) du Web n'est pas à proprement parler circonscrit et ne répond pas à une typologie documentaire précise. Le résultat (4) est constitué d'une multiplicité de liens.

 

Bilan analytique provisoire

Dans l'absolu, avec un certain recul, rien ne distingue réellement les 2 schémas. C'est toujours un système d'information qui s'intercale entre Question et Réponse. Les différences de modalité s'appuient sur les distinctions de milieu, de contexte pédagogique et/ou scientifique, de degré d'exigence en termes de qualité de réponse, bref, d'utilisation finale.

Il semble néanmoins subsister une pierre d'achoppement au niveau de la représentation des concepts. L'expansion de l'utilisation banalisée du Web, ses facilités d'accès et d'emploi, paraissent contribuer progressivement à la désuétude du mode 1. Coûteuses, dotées d'interfaces complexes dont les récentes simplifications réduisent parfois l'efficacité, plus difficilement accessibles que le Web global, les bases de données paraissent jouir de moins en moins de l'assiduité des chercheurs. Ceux-ci ont souvent tendance à se reporter aux moteurs internes des grands éditeurs de périodiques scientifiques, dont les interfaces simplifiées permettent un accès direct au texte intégral électronique d'articles, pour peu que leur organisme de tutelle soit abonné aux titres correspondants. Les bases de données classiques sont moins partiales car indépendantes de tel ou tel éditeur commercial; leur couverture est universelle et leurs références sont, on l'a vu, analysées au niveau conceptuel. Ce niveau intermédiaire de représentation fait le plus souvent défaut à l'interrogation directe sur un moteur d'éditeur commercial.

En contrepartie, le Web global donne évidemment accès à des pages spécialisées de laboratoires, à des notes techniques de sites industriels, à des pages personnalisées de chercheurs ainsi qu'à des preprints de plus en plus nombreux.

On peut, à cet endroit, déclarer qu'il ne faut comparer que ce qui est comparable, et affirmer que les deux types d'ensembles interrogés et les deux modes d'interrogation sont de nature si dissemblable qu'on ne peut raisonnablement les situer sur une échelle de valeur.

Néanmoins, c'est au niveau de la pratique culturelle que nous souhaitions appliquer une grille d'analyse, de type philosophique, ainsi que nous l'avons suggéré en introduction, plus particulièrement inspirée des réflexions de Husserl et Derrida. Il ne s'agit pas tant de mettre ces modes de recherche en concurrence ou en opposition, que de souligner les convergences susceptibles d'émerger de ces deux ensembles.

L'analyse part ici d'un constat, celui d'un geste. Avoir conscience de ce que nous appellerons provisoirement les éléments constitutifs d'une requête, avoir décidé d'effectuer à son propos une investigation suivant tel ou tel mode, semble générer presque immédiatement un flux qui se traduit physiquement par la saisie spontanée d'une chaîne de caractères.

Bien que ce mouvement, dans ce que nous avons appelé le premier mode, soit systématiquement "doublé" par la recherche d'une adéquation avec un vocabulaire contrôlé, son existence est indéniable dans un mode comme dans l'autre. Tout se passe comme si un geste était déclenché par le "flottement d'un thème devant les yeux".:

"Il y a à flotter devant moi un objet d'une manière simplement imaginaire, et c'est un objet nommé."(1)(Husserl - Leçons sur la théorie de la signification, p. 36) [ci-après codé: THS; voir références in fine]

Au-delà de la notion faussement matérielle de l'objet, Husserl nous invite à considérer le thème qui s'impose à nous avant même d'être dé-couvert:

"Ce n'est pas l'objet pur et simple qui est le thème. Lui-même ne vient alors même [sic] nullement devant les yeux. C'est un thème qui nous vient devant les yeux, et c'est une fois ce thème-ci, et une autre fois ce thème-là."(2) (THS 60)

En effet, c'est la thématique de l'objet de la question qui surgit dans l'intentionnalité avant d'être figée dans l'expression nominale. Le système d'information vise justement à donner de la forme à une matière sans contours dont la vocation est de se figer momentanément dans une forme précise.

"En tout cas, dans l'ensemble des domaines phénoménologiques (dans l'ensemble: c'est-à-dire à l'intérieur du plan de la temporalité constituée qu'il faut constamment conserver) cette dualité et cette unité remarquables de la hylè et de la morphè intentionnelles jouent un rôle dominant."(3) (Husserl - Idées directrices pour une phénoménologie, p.289) [ci-après codé: IDP]

On pourrait, à certains égards, avancer que tables et index représentent, dans le mode 1, la fonction morphologique, le résultat constitué par les réponses étant subséquent, alors qu'en mode 2 ces dernières pourraient constituer sa finalité plutôt que sa fin inscrite précisément dans le temps et plus particulièrement dans l'instant. Le poids du rétrospectif, patent en mode 1, est pratiquement absent en mode 2. La temporalité est évidemment toujours présente mais suivant des modalités dont l'apparence semble différente.

On ne saurait trop insister sur le surgissement propre à la recherche, sur ce geste, ce mouvement, ce flux inscrits dans la temporalité. Le "jeté-là" de l'argument de recherche ne peut qu'être approximatif. L'approximation, l'approche, c'est précisément ce mouvement intentionnel vers un "objet-sur-quoi" inscrit dans le temps, le mouvement se développant dans le temps.

"La manière du signifier est [...] à chaque fois, une quelconque manière déterminée: pour qu'un objectif puisse être en général signifié, il doit être signifié d'une manière quelconque."(4) (THS 58) . D'où bien sûr le rôle à la fois fondamental et souvent traître (?) du signe:

"Le signe d'écriture que nous lisons se tient devant nos yeux sur le papier. Mais ce n'est pas à lui que va, dans la conscience normale de signification du mot (ici de la lecture), notre 'intérêt'. Nous jetons la vue dessus; et pourtant nous ne le percevons pas au sens le plus prégnant, bien connu, où nous nous tournons vers un objet en tant qu'il est perçu, en tant qu'il est saisi et posé à présent lui-même. On se sent peut-être poussé à dire: nous voyons le signe d'écriture, nous le fixons même mais nous ne le visons pas, nous ne le prenons pas en vue. Au contraire, en l'appréhendant et en suivant ainsi du regard en général les formations compliquées des signes d'écriture qui se succèdent les unes aux autres ou s'entrelacent les unes aux autres, ce que nous visons, c'est quelque chose de tout autre: nous visons les objectivités signifiées, nous 'vivons' dans la conscience de signification. Ce sont là des rapports phénoménologiques particuliers."(5) (THS 39/40)

On retrouverait ici, à certains égards, le "flottement", celui du signe (et non plus du thème), ou de la séquence de signes: soit une séquence extraite d'un libellé documentaire qui nous accroche comme correspondant approximativement à ce que l'on cherche, soit une séquence correspondant au(x) terme(s) que nous imaginons le(s) moins inapproprié(s) à la saisie de notre requête ou de notre concept.

La "manière quelconque" serait en quelque sorte le repli réflexif qui intervient mentalement au vu ou au lu d'un thème à traiter. C'est la "manière quelconque" qui est à la base de la démarche comparative dans le vocabulaire contrôlé du mode 1, mais c'est aussi elle qui se traduit par un jet spontané en mode 2, avec un risque encouru qui s'inscrit dans la temporalité, dans le présent.

A certains égards, dans la perception initiale du thème,

"Le mot 'perception', pris en son sens normal, ne veut pas dire seulement qu'une chose 'apparaît' au moi au sein d'un présent vivant, mais encore que le moi "s'aperçoit" (gewahr werde) de la chose qui apparaît, la saisit comme étant là véritablement, bref la pose. Cette actualité de la position d'existence est, d'après ce qui précède, neutralisée dans la conscience perceptive de portrait. Le regard tourné vers le 'portrait' (non vers ce qu'il dépeint), nous ne saisissons rien de réel comme objet, mais précisément un portrait, un fictum. Cette 'saisie' comporte bien une orientation actuelle du regard, elle n'est pourtant pas une saisie réelle, mais une simple saisie sous la modification du 'quasi' (gleichsam); la position n'est pas une position actuelle, mais modifiée dans le registre du 'quasi'."(6) (IDP 378/379)

La "manière quelconque" abordée par Husserl dans sa Théorie de la Signification trouverait ainsi un écho dans le gleichsam, le quasi des Idées directrices pour une phénoménologie.

Le quasi est propre au mouvement puisque le presque "va vers". Tout se passe comme si le flux se traduisait par un rayonnement du moi,

"rayons qui émanent de lui comme d'une source originelle de productions (Erzeugungen). Chaque thèse débute par une 'initiative' (Einsatzpunkt), par un point où la 'position prend son origine' (Ursprungssetzung) [...] le fiat, l'initiative du vouloir et de l'agir."(7) (IDP 414) L'initiative est le fait d'un "être libre", ainsi que le souligne Husserl en commentant plus loin la notion de "rayon du moi":

"Le rayon de l'attention se donne comme irradiant du moi pur et se terminant à l'objet, comme dirigé sur lui ou s'en écartant. Le rayon ne se sépare pas du moi, mais est lui-même et demeure rayon-du-moi (Ichstrahl). "L'objet" est atteint; il est le point de mire, simplement posé en relation au moi (et par le moi lui-même): mais lui-même n'est nullement 'subjectif'. Une prise de position qui comporte en soi le rayon du moi est de ce fait même un acte du moi lui-même: c'est le moi qui agit ou pâtit, qui est libre ou conditionné. Le moi, pourrait-on dire encore, 'vit' dans de tels actes. Ce mot: vivre ne désigne nullement l'être de 'contenus' quelconques emportés dans un flux de contenus; il désigne une multiplicité de modes accessibles à la description et qui concernent la façon dont le moi, engagé dans certains vécus intentionnels qui comportent le mode général du cogito, vit au sein de ces actes comme "l'être libre" (freie Wesen) qu'il est. L'expression 'en tant qu'être libre' ne signifie rien d'autre que des modes du vivre tel que: sortir-de-soi librement, ou revenir-en-soi-librement, agir spontanément, éprouver quelque chose de la part des objets, pâtir, etc."(8) (IDP 321)

On voit ici comment "l'initiative" rejoint la "manière quelconque", comment l'origine de la position s'inscrit dans un parcours spatio-temporel qui, en mode 1, sera celui de la reformulation (réitération des formulations visant la quasi exhaustivité) et, en mode 2, celui de l'encadrement immédiat d'un portrait, le portrait pris à l'instantané dans un champ "perceptif" irradié par le rayon du Moi.

On ne peut nier là l'existence d'un autre aspect de la représentation. Car l'encadrement, c'est-à-dire la mise en forme, est à sa manière une reformulation. Dans les deux modes,

"Nous voyons, et, en saisissant catégorialement, nous voyons à nouveau: ceci là, ceci est un moulin, ceci est un ruisseau, et ce moulin se tient sur le ruisseau. Et ensuite la saisie nominale: ce moulin sur le ruisseau. Dans cette connexion, ce ne sont pas seulement le premier et le second objets qui en général nous sont donnés; mais ce qui est donné, c'est l'unité catégoriale."(9) (THS 108)

Nous pourrions même aller jusqu'à dire que le résultat est en soi une reformulation. Il y aurait là un report d'étape qui orienterait vers l'exploitation du résultat, exploitation qui, pour le même chercheur ou pour un autre, deviendra une initiative, une origine de position, inscrite dans une séquence de position de position (vis-à-vis de laquelle l'hyperlien joue évidemment un rôle moteur).

Autrement dit, le résultat pourrait s'assimiler à la reconstruction catégoriale fondatrice d'une nouvelle vision. La vision est elle-même une étape, une installation, un jalon de la visée; la vision est repli sur la visée, réflexion de la visée.

Visé et visée reçoivent une expression via une signification: "Tout visé (Gemeint) en tant que tel, toute visée (Meinung) au sens noématique (en entendant par là le noyau noématique) est susceptible, quel que soit l'acte, de recevoir une expression au moyen de 'significations' (Bedeutungen). Nous posons donc le principe suivant: La signification logique est une expression."(10) (IDP 419)

Toutefois, le mode 2 tendrait à donner l'impression d'une prolongation volontaire de la visée, d'une fuite consciente et réitérée du visé. L'un et l'autre mode usent de significations génératrices d'expressions, mais alors que le mode 1 semble insister sur la modélisation des significations via l'indexation, le mode 2 voudrait créer en quelque sorte l'expression dans le même temps que la signification. La saisie spontanée de la chaîne de caractères dans la fenêtre de recherche s'apparente à l'agglomération ou à la congruence de la signification avec l'expression. Tandis qu'en mode 1 l'expression, loin de répondre à la spontanéité de l'utilisateur, est comme imposée sur le schéma de signification que ce mode met en _uvre, - imposée par les tables prédéfinies par les concepteurs du système.

La détermination propre au premier utilisateur d'arriver aux fins de la visée, c'est-à-dire au visé, l'emporterait de ce fait dans le mode 1 alors que - on l'a vu - le mode 2 semble affecter la prééminence à une visée renouvelée, sans pour autant, bien sûr, empêcher la stabilisation à un instant "t", d'un visé.

Mais tandis que le mode 1 admet une certaine satisfaction (c'est-à-dire une action admise comme étant arrivée à saturation, à une expression pleine) à un certain moment, par exemple à l'établissement d'une bibliographie significative ou représentative en vue d'un rapport ou d'un document scientifique de quelque importance, le mode 2 au contraire, paraît juger cette stabilisation plus aléatoire, moins évidente, moins conforme à la nature toujours métastatique de l'information au sens étymologique du terme.

On jugera peut-être spécieux le fait de plaquer directement sur la distinction qui précède, la notion de "prendre vraiment" (wahrnehmend) par opposition à celle de représentation simple (bloß vorstellend), notions évoquées par Husserl, mais une interprétation prudente de cette dualité peut néanmoins se révéler utile à l'analyse de nos deux modes:

"[Et ici aussi,] nous avons les deux cas, celui où la représentation se relie vraiment à un objet, à savoir quand la pleine intuition de l'objet a le caractère de celle qui pose vraiment (wahrnehmend), ou bien celui où elle représente simplement l'objet, à savoir quand l'objet se constitue dans une intuition qui ne pose pas, mais qui représente simplement, et quand ce n'est que dans une pareille intuition que l'identité se montre."(11) (THS 102)

Le "prendre vraiment" est, selon toute apparence, illusoire. Mais il semble exister en mode 1 un "tendre vers" qui ne rougit pas de sa stabilisation, alors que par contraste, la position de position, cette constitution de l'objet "dans une intuition qui ne pose pas", conviendrait mieux à une définition de la dynamique cognitive du second mode.

Lorsque Husserl écrit: "Par exemple, l'acte de saisir par perception, d'appréhender (Ergreifen) se change aussitôt et sans interruption en "avoir sous son emprise" (im Griff haben)."(12) (IDP 414), il évoque une situation qui, dans la saisie par perception, se situe bien évidemment en amont de l'un et l'autre mode.

On pourrait avancer cependant qu'existe dans le mode 1, avant la régularisation via l'index, une perte provisoire de l'emprise associée à une régénération de la perception ou de la saisie initiale (laquelle resterait présente) dans la visée d'une nouvelle emprise, conforme aux standards du système.

Tandis qu'en mode 2 existerait une exigence de l'emprise n'admettant que la médiateté simple de l'appréhension initiale.

On pourrait même supposer que l'authenticité de la visée serait, en mode 2, associée à l'unicité de cette médiateté. Autrement dit, que le "jeté-là" de l'argument de recherche spontanée saisi dans la fenêtre du système, serait le garant de la pertinence du résultat, du fait qu'il est directement généré par le flux d'une conception individuelle, "pleine et entière", à l'instant "t" où l'utilisateur saisit cet argument de recherche.

A certains égards, cette continuité du flux conceptuel (jaillissant en quelque sorte de ce fameux "rayon du moi") génératrice en prolongement instantané, d'un bloc de réponses hyperliées, - cette continuité, donc, serait garante de l'authenticité de l'opération. Où le système peut devenir le prolongement de son utilisateur, où, suivant une certaine perspective, il fait corps avec lui. Ce qui est bien sûr exclu en mode 1.

Nous avons le sentiment, face au Web, d'être en présence d'un système totalement public; et pourtant, l'attitude de l'utilisateur emprunte un canal presque entièrement privé, c'est-à-dire un espace-temps géré par l'individu dans sa conduite, géré comme il l'entend, dans la direction et les changements de directions qu'il entend. Alors que l'espace clos et les mises à jour "calendairement" définies, propres au mode 1, ne sous-tendent pas cet aspect privatif.

On répliquera que le réservoir du mode 2 est spatialement et temporellement circonscrit. C'est exact. Mais cette circonscription reste indéfinie, on peut même dire que la croyance en cette limitation fait défaut, voire qu'elle est sciemment oblitérée.

Par définition, une catégorie est mise en valeur par sa circonscription. Elle est sous-tendue par le verbe qui se déploie à travers une articulation ouverte à toutes les formes. Aussi serions-nous tenté, dans la complémentarité "catégorial-verbal", d'appréhender une relative servitude du verbal vis-à-vis du catégorial en mode 1 et un rejaillissement permanent du verbal sur le catégorial en mode 2.

"Le penser discursif ou catégorial introduit sa plénitude de formes, une certaine articulation; tout acte catégorial partiel a sa position et sa fonction déterminées, et, en elles, sa forme déterminée. Ce qui, dans la simple intuition, était donné implicite d'une certaine manière, cela subit son explicitation: là se tient alors un sujet, et, là-dedans, l'objet sur quoi, et, y étant relié là dans le phénomène-du-est, la propriété qui <lui> revient, etc. Le penser verbal reflète toutes ces articulations en membres et toutes ces formes dans les représentations de mot; et de même que le simple représenter peut être plein et vide, intuitif et non intuitif, de même aussi le représenter catégorial, et, à sa manière encore, le verbal."(13) (THS 106)

Cette articulation dynamique étaye évidemment les deux modes mais suivant des "périodes" ou des "mutations de phases" différemment proportionnées dans le parcours incessant visée / visé: proportion anecdotiquement plus importante du catégorial dans le premier mode, du fait de la superposition d'un vocabulaire contrôlé.

Le langage est inhérent à la conscience porteuse de forme. Il est un vecteur d'impuretés indispensable à tout système d'information. Mais ce sont précisément ces impuretés qui assument la conduction du flux. "Continuité de dégradés", dira Husserl, qui a pour corrolaire l'impossibilité "d'étaler aucune phase de ce flux en une succession continue." (Derrida - La Voix et le phénomène, p. 74, [ci-après codé: VPH] cite le § 36 des Leçons pour une phénoménologie de la conscience intime du temps)

Flou porteur, parasites conducteurs, tels seraient les fondements de l'indication qui contamine l'expression, pour reprendre les termes de Derrida interprétant Husserl dans La Voix et le Phénomène:

"La détermination de l'expression est contaminée par cela même qu'elle semble exclure: le Zeigen, le rapport à l'objet comme monstration indicative, montrant du doigt ce qui est devant les yeux ou doit toujours pouvoir apparaître à une intuition dans sa visibilité, n'est invisible que par provision. Le Zeigen est toujours une visée (Meinen) qui pré-détermine l'unité d'essence profonde entre l'Anzeigen de l'indication et le Hinzeigen de l'expression." (VPH 80)

Cette unité d'essence profonde est le reflet de la Verflechtung, de l'enchevêtrement entre la dualité parallèle de l'Anzeichen (l'indice) et du Bedeuten (le "vouloir dire") "dans la mesure où la Bedeutung (l'expression) est prise dans un discours communicatif." (VPH 21)]

Enchevêtrement et contamination rendent inconcevable une dichotomie entre indicatif et expressif, empêchent aussi de juger notre premier mode plutôt enclin à l'expression et le second à l'indication. Tout peut être, a-t-on suggéré plus haut, affaire de proportion entre les différentes phases qui modulent cette dualité. L'évolution des systèmes d'information correspondrait-elle réellement à une mutation de notre Weltanschauung, de notre vision du monde? Une analyse phénoménologique plus approfondie apporterait sans doute des éclaircissements supplémentaires. Les prémices du changement constaté depuis environ une dizaine d'années, ne sont pas encore de nature à procurer la distance nécessaire à une évaluation significative. Mais les frémissements déjà très sensibles dans la pédagogie de l'information rendent la question sinon pressante, du moins très actuelle.

© Manuel Durand-Barthez (Université de Toulouse - France)


CITES

(1) "es schwebt mir ein Gegenstand bloß phantasiemässig vor, und er ist genannter Gegenstand. Aber der Ausdruck kann auch sinnvoller Ausdruck sein ohne solche Anschauung des genannten, und allgemeiner des bedeuteten Gegenstandes." (Vorlesungen über Bedeutungslehre, Sommersemester 1908. Husserliana, Bd. XXVI; hrsg. U. Panzer. Dordrecht: Martinus Nijhoff, 1987. S.15)

(2) "Nicht der Gegenstand schlechthin ist das Thema. Er selbst kommt uns dabei nie und nirgends selbst vor Augen. Ein Thema kommt uns vor Augen, und einmal dieses und einmal jenes Thema." (Vorlesungen... 36)

(3) "Jedenfalls spielt im ganzen phänomenologischen Gebiet (im ganzen - innerhalb der beständig festzuhaltenden Stufe konstituierte Zeitlichkeit) diese merkwürdige Doppelheit und Einheit von sensueller und intentionaler µ_ eine beherrschende Rolle. In der Tat drängen sich uns diese Begriffe von Stoff und Form geradezu auf, wenn wir uns irgendwelche klare Anschauungen oder klar vollzogene Wertungen, Gefallensakte, Wollungen und dgl. Vergegenwärtigen. Die intentionalen Erlebnisse stehen da als Einheiten durch Sinngebung (in einem sehr erweiterten Sinne). Sinnliche Data geben sich als Stoffe für intentionale Formungen oder Sinngebungen verschiedener Stufe für schlichte und eigenartig fundierte." (Ideen zu einer reinen Phänomenologie und phänomenologische Forschung. Bd. I. Halle: Max Niemeyer, 3. Aufl., 1928. S. 172)

(4) "...ist die Weise des Bedeutens jeweils irgendeine bestimmte: soll ein Gegenständliches überhaupt bedeutet sein, so muss es in irgendeine Weise bedeutet sein." (Vorlesungen... 35)

(5) "Das Schriftzeichen, das wir lesen, steht vor unseren Augen auf dem Papier. Aber ihm gehört im normalen Bewusstsein des Wortbedeutens (hier des Lesens) nicht unser Interesse. Wir sehen darauf hin, und doch nehmen wir es nicht wahr in dem bekannten prägnanteren Sinn, in dem wir einem Objekt als einem wahrgenommenen, als <einem> selbst gegenwärtig erfassten und gesetzten, zugewendet sind. Man fühlt sich vielleicht gedrängt zu sagen: Wir sehen das Schriftzeichen, wir fixieren es sogar, wir meinen es aber nicht, wir haben es nicht darauf abgesehen. Vielmehr, es auffassend und so überhaupt den komplizierten Gestaltungen der aufeinanderfolgenden oder ineinandergewobenen Schriftzeichen mit dem Blick nachgehend, meinen wir etwas ganz anderes, wir meinen die bedeuteten Gegenständlichkeiten, wir leben im Bedeutungsbewusstsein. Das sind eigentümliche phänomenologische Verhältnisse." (Vorlesungen... 18)

(6) "Wahrnehmung im normalen Wortsinne besagt nicht nur überhaupt, dass irgendein Ding dem Ich in leibhafter Gegenwart erscheine, sondern dass das Ich des erscheinenden Dinges gewahr werde, es als wirklich daseiend erfasse, setze. Diese Aktualität der Daseinssetzung ist, nach dem früher Ausgeführten neutralisiert im perzeptiven Bildbewusstsein. Zugewendet dem Bilde (nicht dem Abgebildeten), erfassen wir als Gegenstand kein Wirkliches, sondern eben ein Bild, ein Fiktum. Die Erfassung hat die Aktualität der Zuwendung, aber sie ist nicht wirkliche Erfassung, sondern bloße Erfassung in der Modifikation des gleichsam, die Setzung ist nicht aktuelle Setzung, sondern im Gleichsam modifizierte." (Ideen... 230)

(7) "...sie sind Ausstrahlungen aus ihm [aus dem reinen Ich] als einer Urquelle von Erzeugungen. Jede Thesis beginnt mit einen Einsatzpunkt, mit einer punktuellen Ursprungssetzung (...) Es ist so wie das fiat, wie der Einsatzpunkt des Wollens und Handelns." (Ideen... 253)

(8) "Der aufmerkende Strahl gibt sich als von reinen Ich ausstrahlend und im Gegenständlichen terminierend, zu ihm hingerichtet oder von ihm sich ablenkend. Der Strahl trennt sich nicht vom Ich, sondern ist selbst und bleibt Ichstrahl. Das Objekt ist betroffen, Zielpunkt, nur zum Ich (und von ihm selbst) in Beziehung gesetzt aber nicht selbst subjektiv. Eine Stellungnahme, die den Ichstrahl in sich trägt, ist dadurch Akt des Ichs selbst, das Ich tut oder leidet, ist frei oder bedingt. Das Ich, so drückten wir uns auch aus, lebt in solchen Akten. Dieses Leben bedeutet nicht das Sein von irgendwelchen Inhalten in einem Inhaltsstrome, sondern eine Mannigfaltigkeit von beschreibbaren Weisen, wie das reine Ich in gewissen intentionalen Erlebnissen, die den allgemeinen Modus des cogito haben, als das freie Wesen, das es ist, darinnen lebt. Der Ausdruck als freies Wesen besagt aber nichts anderes als solche Lebensmodi des Aus-sich-frei-herausgehens oder In-sich-zurückgehens, des spontanen Tuns, des von den Objekten etwas Erfahrens, Leidens usw." (Ideen... 192)

(9) "Wir sehen, und kategorial fassend sehen wir wieder: dies da, dies ist eine Mühle, dies ist ein Bach, und diese Mühle steht am Bach. Und dann die nominale Fassung: diese Mühle am Bach. In diesem Zusammenhang ist uns nicht nur der eine und andere Gegenstand überhaupt gegeben, sondern die kategoriale Einheit ist gegeben." (Vorlesungen... 80/81)

(10) "Jedes Gemeinte als solches, jede Meinung im noematischen Sinn (und zwar als noematischer Kern) eines beliebigen Aktes ist ausdrückbar durch Bedeutungen. Allgemein setzen wir also an: Logische Bedeutung ist ein Ausdruck." (Ideen... 257)

(11) "[Und auch hier] haben wir die beiden Fälle, dass die Vorstellung in Wahrheit auf einen Gegenstand sich bezieht, nämlich, wenn die volle Intuition des Gegenstandes den Charakter der wahrsetzenden, der wahrnehmenden hat, oder dass sie den Gegenstand bloß vorstellt, nämlich, wenn der Gegenstand in nicht-setzender, sondern bloß vorstellender Intuition sich konstituiert und nur in solcher sich die Identität ausweist." (Vorlesungen... 76)

(12) "Zum Beispiel das wahrnehmende Erfassen, Ergreifen wandelt sich alsbald und bruchlos in das im Griff haben." (Ideen... 253)

(13) "Das diskursive oder kategoriale Denken bringt seine Fülle von Formen herein, eine gewisse Artikulation, jeder kategoriale Teilakt hat seine bestimmte Stellung und Funktion und in ihr seine bestimmte Form. Was in der schlichten Anschauung in gewisser Weise implicite gegeben war, das erfährt seine Explikation: da steht nun ein Subjekt, und darin der Gegenstand - worüber, und darauf bezogen im Ist-Phänomen die <ihm> zukommende Beschaffenheit usw. Das verbale Denken spiegelt alle diese Gliederungen und Formen in den Wortvorstellungen wider; und wie das schlichte Vorstellen voll und leer, intuitiv und nicht-intuitiv sein kann, so auch das kategoriale Vorstellen, und in seiner Weise wiederum das verbale." (Vorlesungen... 78)


REFERENCES

Husserl (Edmund). - Leçons sur la théorie de la signification; intr. Ursula Panzer; trad. notes index Jacques English . Paris: Vrin, 1995 (Bibliothèque des textes philosophiques)

Husserl (Edmund). - Idées directrices pour une phénoménologie; trad. Paul Ricoeur. Paris: Gallimard, 2001 (Tel; 94)

Derrida (Jacques). - La Voix et le phénomène: introduction au problème du signe dans la phénoménologie de Husserl. Paris: Presses universitaires de France, 1993 (Quadrige: 156)


5.5. Ein Fremder unter den Einheimischen, ein Einheimischer unter den Fremden: zur literarischen (Selbst)Repräsentation des nomadisierenden Subjekts

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For quotation purposes:
Manuel Durand-Barthez (Université de Toulouse - France): Sémantique, connaissance et systemes d'information. In: TRANS. Internet-Zeitschrift für Kulturwissenschaften. No. 15/2003. WWW: http://www.inst.at/trans/15Nr/05_05/barthez15.htm

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