Trans Internet-Zeitschrift für Kulturwissenschaften 15. Nr. August 2004
 

5.11. Das Schreiben in der Migration: Literatur und kulturelle Kontexte in der Romania
HerausgeberIn | Editor | Éditeur: Klaus-Dieter Ertler (Universität Kassel/Graz)

Buch: Das Verbindende der Kulturen | Book: The Unifying Aspects of Cultures | Livre: Les points communs des cultures


Migration et transmigrations littéraires au Québec: L'exemple brésilien

Gilles Dupuis (Montréal)

Les écritures migrantes, comme phénomène distinct de la littérature d'immigration, ont fait leur apparition au Québec au cours des années 1980. L'expression apparaît pour la première fois sous la plume du poète d'origine haïtienne, Robert Berrouët-Oriol(1). Par convention (ou pure coïncidence), il est coutume de dater les débuts officiels de ce "courant littéraire(2)" en 1983, date de publication du roman de Régine Robin, La Québécoite, et de la parution du premier numéro de la revue transculturelle Vice versa.

Peu importe la datation exacte du phénomène, la littérature n'étant pas (du moins pas encore) l'objet de la paléontologie... Il n'en reste pas moins que les années 1980 signalent un changement important dans le panorama de la littérature québécoise. La tradition nationale, qui dominait la scène littéraire et culturelle depuis la Révolution tranquille (au point d'en arriver à ne plus se percevoir comme un discours hégémonique), voit apparaître en son sein une production littéraire qui échappe à la doxa nationaliste et dont l'un des effets critiques sera de remettre en question les fondements idéologiques qui lui servaient de légitimation. Fait plus significatif, le phénomène migrant apparaît au Québec au lendemain de l'échec du premier Référendum (1980), à un moment où le discours nationaliste est pour ainsi dire ébranlé de l'intérieur et où ses plus ardents défenseurs sont encore sous le choc de la tristesse post-référendaire. Cette conjoncture pourrait expliquer qu'entre le corpus issu de la tradition nationale et celui constitué par les écritures migrantes, il y ait eu somme toute peu d'échanges au cours de cette décennie. Les deux courants majeurs de la littérature québécoise contemporaine ont eu plutôt tendance à se dérouler en parallèle, en entrecroisant rarement leurs trajectoires. Malgré quelques tentatives de franchir les barrières et d'instaurer un dialogue "interculturel(3)", une méfiance mutuelle rendait ces échanges difficiles.

Il faut attendre les années 1990, et plus particulièrement la deuxième moitié de cette décennie, pour que des formes de transmigration se manifestent entre les deux corpus. Ce n'est pas un hasard si ces effets de transmigrance surviennent au lendemain d'un autre échec: celui, plus controversé, du deuxième Référendum (1995). Malgré le mot malheureux de Jacques Parizeau, alors Premier ministre du Québec, à propos du "vote ethnique" pour expliquer en partie cette deuxième défaite, le résultat très serré du plébiscite laisse supposer que la question souverainiste gagnait au contraire des adeptes dans les communautés culturelles(4). La bévue du Premier ministre, qui avait été sévèrement critiqué et désapprouvé par la majorité des Québécois, a d'ailleurs amené ses successeurs au Parti Québécois à réviser leur politique afin de tenter de rallier les membres des autres communautés à leur cause. L'époque est maintenant révolue où le blâme peut être jeté impunément sur les citoyens d'origine étrangère quand il s'agit d'expliquer la déconfiture du Québec sur la scène politique. Les conditions semblent réunies pour que la frontière imaginaire qui a été tracée entre deux "classes" de citoyens, les Québécois d'origine et les autres, soit enfin franchie et qu'une réelle pratique du "transculturel", naguère théorisée et préconisée par les animateurs de Vice versa, devienne possible.

Dans cet essai, je réserverai l'emploi du mot "interculturel" aux situations où l'échange avec l'autre ne remet pas vraiment en question le concept d'identité, de part et d'autre de la frontière imaginaire. J'entendrai, par "transculturel", l'existence de transferts où le rapport à l'autre ouvre une brèche dans la conception du sujet et son mode de représentation(5). La transculture n'existe que dans la mesure où une transformation, résultant de l'échange culturel, se manifeste au niveau du sujet écrivant. Si l'on adopte cette distinction, la première vague d'écritures migrantes au Québec, celle des années 80, appartiendrait encore à la phase interculturelle(6). À cette première vague a succédé, au cours des années 90, une deuxième vague plus diversifiée quant à son origine. C'est ainsi que l'on a vu arriver sur la scène littéraire des écrivains migrants dont le français n'était ni la langue maternelle ni la deuxième langue d'origine, mais une langue étrangère d'adoption dans et par l'écriture(7). Or, ce n'est qu'avec cette deuxième vague que l'on voit apparaître dans la littérature québécoise une nouvelle forme d'interaction entre écrivains d'ici et d'ailleurs. J'appelle transmigrantes ces formes particulières de transferts culturels qui opèrent dans les deux sens: du corpus issu de la tradition nationale vers le récent corpus migrant, et vice-versa. Si la revue du même nom (mais sans le trait d'union) avait prêché dans ce sens, il aura fallu attendre paradoxalement sa disparition, en 1996, pour que ses théories portent fruits.

J'ai choisi d'illustrer la problématique des écritures transmigrantes par un cas particulier, celui du Brésil, à travers l'ouvre de l'auteur québécois d'origine brésilienne, Sergio Kokis, et d'un écrivain québécois d'origine, Pierre Samson. Ce cas a déjà été abordé par Eurídice Figueiredo, de l'Université fédérale Fluminense du Brésil(8). Je vais m'appuyer sur cette première analyse du corpus brésilo-québécois afin de poursuivre la réflexion amorcée par la critique brésilienne et peut-être corriger, de l'intérieur, la portée de certaines observations que son regard externe l'avait amenée à formuler.

L'article de Mme Figueiredo s'intéresse aux romans québécois où le Brésil figure comme trame de fond, voire comme matière première du récit. À part Kokis et Samson, elle passe en revue les romans de Daniel Pigeon (La proie des autres), de Claire Varin (Clair-Obscur à Rio) et de Noël Audet (Frontières ou tableaux d'Amérique), ainsi que l'essai-fiction de Pierre Nepveu (Intérieurs du Nouveau Monde), tous parus entre 1995 et 1998. Au moment de rédiger son article, Sergio Kokis a déjà publié Le pavillon des miroirs, en 1994 (et non en 1995, comme l'indique erronément une note en bas de page), Negão et Doralice, en 1995, et Errances, en 1996. Pour sa part, Pierre Samson n'a fait paraître que les deux premiers volumes de sa trilogie brésilienne: Le Messie de Belém, en 1996, et Un garçon de compagnie, en 1997. Le troisième volume, Il était une fois une ville, ne paraîtra qu'en 1999. Ce corpus montre bien que la référence brésilienne est une donnée récente dans l'histoire de la littérature québécoise et que les effets de transmigrance (à supposer qu'il s'agisse bien ici d'un cas de transmigration littéraire) ne se sont manifestés qu'après 1995. De cet ensemble, somme toute hétéroclite, l'ouvre de Samson se démarque et se signale à l'attention de la critique par une certaine originalité perceptible au niveau narratif:

Comparant la narration privilégiée dans les textes à l'étude, il est possible de constater une première différence: la voix narrative des romans de Samson ne correspond pas à celle d'un écrivain/alter ego/personnage canadien en visite au Brésil (Audet, Nepveu, Pigeon, Varin) ni à celle d'un Brésilien en exil, vivant à Montréal (Kokis): les divers narrateurs sont aussi brésiliens que les personnages(9.)

Je vais revenir plus loin sur la problématique brésilianité du narrateur samsonien. Pour le moment, je me contente de remarquer que cette originalité narrative non seulement distingue la production romanesque de Samson de celle des autres écrivains d'origine québécoise, mais la rapproche singulièrement de celle de Kokis. En effet, ces deux écrivains situent principalement l'intrigue de leurs romans au Brésil, à partir d'une perspective narrative qui passe par un regard "indigène" (ou mieux endogène). Dans le cas de Kokis, le procédé est attendu: le narrateur apparaît comme un relais entre l'auteur, d'origine brésilienne, et ses personnages de même origine que lui. Le premier roman de Kokis étant fortement imprégné d'éléments autobiographiques, éléments que l'on retrouvera plus ou moins déformés dans les romans subséquents, il pouvait difficilement en être autrement. Mais dans le cas de Samson, le choix d'une voix narrative brésilienne a de quoi surprendre. D'abord, il est plutôt rare que les auteurs nés au Québec écrivent des fictions qui mettent en scène des protagonistes, et à plus forte raison un narrateur, d'origine autre que québécoise. Déjà, l'entreprise de Samson peut nous paraître singulière. Si l'on ajoute que l'auteur québécois n'avait pas encore mis les pieds au Brésil au moment d'entreprendre l'écriture de sa trilogie, le choix d'un narrateur et d'un cadre narratif brésiliens pour amorcer sa carrière littéraire laisse le lecteur encore plus perplexe. Le truchement narratif d'une voix "exotique" se laisse alors lire comme une tentative délibérée d'échapper à l'origine québécoise.

C'est en effet un Brésil inventé de toutes pièces que Samson met en scène dans le premier volume de sa trilogie, un Brésil imaginaire qui lui a été suggéré par des conversations avec des amis brésiliens, mais aussi par des lectures choisies(10). Samson est avare de noms quand il s'agit de décliner l'identité des auteurs qui l'auraient possiblement inspiré. Kokis figurait-il au palmarès? Jamais, en tout cas, son nom n'est-il évoqué par l'auteur québécois(11). En revanche, il y a d'évidents parallèles entre l'ouvre déjà parue de l'écrivain d'origine brésilienne et le premier roman de la trilogie de Samson. La dictature, la torture, les comportements sexuels "déviants" sont autant d'éléments communs aux deux ouvres. Il est vrai que l'on retrouve souvent les mêmes ingrédients dans la littérature sud-américaine, où ils constituent à la limite des lieux communs de la latinité. De ce point de vue, le roman de Samson s'apparente tout autant, sinon plus, au Baiser de la femme-araignée de Manuel Puig, qu'il avait peut-être lu ou plus vraisemblablement vu dans son adaptation cinématographique. Mais le fait qu'il évoque ces clichés après que Kokis les a fait entrer officiellement dans la littérature québécoise le place d'emblée dans une position seconde par rapport à l'auteur brésilien, comme si ce dernier constituait un modèle désavoué.

Peu importe, au fond, que Samson ait lu ou non Kokis, qu'il ait subi ou non l'influence de son devancier. Ce qu'il m'importe de souligner, c'est que cette coïncidence se soit produite à un moment où le Québec semble vouloir s'ouvrir à des influences venues d'ailleurs, et qu'elle suscite une métamorphose chez certains écrivains d'origine québécoise dans leur manière d'écrire, de concevoir leur ouvre, voire d'entrer en littérature. La nouvelle conjoncture littéraire signalée par cette apparente ouverture me semble plus intéressante à analyser que la vieille théorie des influences.

C0 ce propos, la lecture que Figueiredo fait de Samson et Kokis est révélatrice. On aurait pu s'attendre à ce qu'elle souligne la stéréotypie du Brésil mis en scène par Samson en lui opposant l'authenticité de Kokis. Or, c'est tout le contraire qui se produit. En fait, elle ne perçoit plus le caractère factice de la brésilianité samsonienne: "D'une certaine manière, [dit-elle] l'aspect brésilien est tellement ,naturel' que l'on a parfois l'impression de lire un roman brésilien traduit, dans lequel le français semble déplacé, puisque l'on s'attendrait à ce que les personnages parlent portugais et non français(12)". En revanche, elle a des mots bien moins tendres pour désigner la ville de Rio évoquée par Kokis: "Les descriptions de la ville sont caricaturales, voire ridicules pour quelqu'un qui vit à Rio. Kokis démontre du ressentiment envers son pays natal, et ce, par le biais de ses deux alter ego - le narrateur du Pavillon des miroirs et Boris d'Errances(13)". De toute évidence, la critique d'origine brésilienne souffre mal que son compatriote ait décidé non seulement de quitter le pays natal, mais qui plus est d'en dire du mal(14). En insistant, par contre, sur le caractère "naturel" des romans brésiliens de Samson, caractère qu'elle attribue à une représentation "interne" du pays et à l'absence de "regard étranger", Figueiredo suggère qu'une forme de transmigration culturelle aurait permis à l'auteur québécois d'inventer un Brésil littéraire plus vrai que nature.

Or cette lecture, aussi intéressante soit-elle, fait problème. Elle repose sur l'idée que tous les narrateurs samsoniens sont brésiliens. Si c'est le cas, en théorie, pour les romans où la narration est assumée au "je", comment prétendre que c'est aussi le cas pour le "narrateur omniscient et neutre" du Messie de Belém? Il serait plus juste d'alléguer que la focalisation interne de la voix narrative épouse successivement le point de vue des personnages brésiliens, mais que l'identité nationale du narrateur non identifié, dans le premier roman de Samson, demeure floue. J'irai encore plus loin dans ce sens, en prétendant qu'il existe un lieu de focalisation externe à tous les romans brésiliens de Samson (peu importe le choix de la voix narrative) et que ce foyer d'énonciation demeure le Québec. J'en veux pour preuve un aveu de l'auteur que Figueiredo ne pouvait pas connaître, puisqu'il figure dans un essai écrit après la rédaction de la trilogie brésilienne. Dans cet essai au titre fort éloquent, Alibi, Samson s'explique sur son désir d'écrire, ses goûts littéraires et ses préférences sexuelles, et sur les rapports tendus qu'il entretient avec l'Institution littéraire québécoise. Or, au sujet du choix du Brésil pour amorcer son entrée en littérature, il tient des propos révélateurs:

Et puis, j'écris en même temps sur le Québec. Je n'ai pas autant choisi le Brésil que la fuite et le détachement, le salutaire largage des amarres. En m'attaquant à un territoire vierge, j'avais soudainement les coudées franches pour exprimer ma rage et mon dégoût face à certaines vicissitudes de notre société. Dans Le Messie de Belém, je dénonce l'obsession qui nous taraude de forger des modèles herculéens, aussi médiocres soient-ils ; Un garçon de compagnie critique notre soumission aux règles catholico-capitalistes de supposée liberté individuelle, surtout celle d'exploiter sans vergogne son prochain ; Il était une fois une ville perce à jour notre schizophrénie nationale née d'une amnésie historique fièrement assumée et de notre présumée fierté nationale (fierté de quoi, on ne sait trop, disons: d'être platement là avec Hydro-Québec pour nous saigner à blanc)(15).

L'auteur québécois écrit (ou feint d'écrire) sur le Brésil pour mieux régler ses comptes avec son pays natal. Le réquisitoire est sans merci, mais non sans messie ! À vrai dire, c'est Samson lui-même qui pose ici en faux messie d'un Québec à ses yeux encore aliéné, et qu'il faut libérer par l'écriture. Il adopte ainsi une posture critique qui rappelle singulièrement l'engagement des intellectuels de Parti pris et de Liberté à l'époque de la Révolution tranquille. Quand Figueiredo, pour sa part, évoque "la désastreuse tradition messianique" du Brésil et qu'elle en déduit qu'"invoquer un messie, du fait qu'il s'inscrit fortement dans l'imaginaire brésilien, ne peut pas être perçu comme l'intervention d'un étranger(16)", elle oublie ou ignore tout simplement que le Québec a, lui aussi, connu les excès du discours messianique, et que c'est en partie contre le messianisme canadien-français que la génération québécoise des années 60 a mené le combat pour l'affirmation d'une nouvelle identité nationale.

Curieusement, le cas de Samson rappelle ici aussi celui de Kokis. Dans Les Langages de la création, qui reprend le texte d'une conférence publique prononcée au Musée de la civilisation de Québec, Sergio Kokis expose sa conception de l'art et de la littérature. L'illustration de la couverture reproduit le détail d'un tablêu réalisé par l'auteur intitulé "L'Artiste". C'est un tablêu que Kokis dit avoir détesté aussitôt après l'avoir peint, avant de pouvoir surmonter son profond dégoût et se réconcilier avec l'ouvre honnie. Dans les propres mots de l'auteur, le tablêu représente un homme nu qui aspire à quelque chose d'élevé qui le transcende: l'art, l'acte créateur ou l'élan de l'inspiration. Le peintre se montre content du résultat, sauf en qui concerne la couleur verte qu'il avait choisie pour peindre le corps de l'artiste:

Je l'avais fait vert anglais clair, en d'autres termes, vert laitue éclatant, grotesque. Et l'acidité de cette teinte corrodait définitivement à mes yeux ce qui avait été une réussite. Vert laitue tirant sur celui des poivrons lorsqu'ils sont bêux, avec des cernes violets... Insupportablement brésilien(17).

Kokis tente d'abord de nier la couleur verte du tablêu qu'il juge trop "brésilienne". Peine perdue, son plus jeune fils lui rappelle la verdeur extra-terrestre du bonhomme en question. Horripilé, il décide alors de l'oublier pendant un an. Mais le psychologue ne peut pas s'enfermer indéfiniment dans le déni. Surgit alors un souvenir que le tablêu-écran avait eu pour fonction de refouler. La couleur verte est celle des bananiers de son enfance, en particulier de ce bananier que le père de l'artiste en herbe devait abattre pour qu'il repousse l'année suivante. L'enfant tente de se substituer au père, mais trop petit pour l'accomplir il échoue dans sa mission. Le père complète le sacrifice maladroitement entamé par le fils, tout en le consolant de son échec.

Bien évidemment, le tablêu condense cet épisode. Mais ce qui a le plus attiré mon attention, c'est qu'il rappelle à l'artiste, Kokis, "le souvenir d'un homme merveilleux, si étranger aux tropiques et qui [lui] a ouvert les fenêtres du monde en [l]'encouragênt à combattre(18)". Ce n'est pas le Brésil maternel qui est évoqué dans cette scène, la mère brésilienne étant complètement absente du tablêu et du souvenir d'enfance ; c'est le Brésil déjà étranger, le pays du père letton, la patrie de l'autre filiation. Si Eurídice Figueiredo avait davantage tenu compte de la double nature de l'artiste, elle ne lui aurait peut-être pas tant reproché les libertés qu'il avait prises dans ses romans pour échapper à la représentation fidèle du pays natal. Comme si le réel posait vraiment "des limites à ce qu'on est en droit d'imaginer(19)"... Dans un certain sens, le Québec est pour Kokis l'équivalent culturel de ce tablêu ambigu: un écran sur lequel projeter à l'infini des souvenirs d'un Brésil réinventé à l'image du père. Aussi, quand viendra le temps de rendre hommage à son pays d'adoption, est-ce encore la patrie symbolique de l'enfance que l'artiste peindra dans La danse macabre du Québec(20).

Il est impossible d'échapper totalement à ses origines. La transmigrance littéraire, si elle permet une fuite salutaire hors de l'identité nationale, ce "charnier natal(21)", n'en demeure pas moins un lieu par où transite le retour du refoulé. En sens inverse, Kokis et Samson ont parcouru le même chemin. Paradoxalement, ils se sont rencontrés avant même d'entreprendre leur transmigration.

© Gilles Dupuis (Montréal)


CITES

(1) Robert Berrouët-Oriol: "L'effet d'exil". In: Vice versa, 17 (décembre 1986-janvier 1987), p. 20. Cité par Pierre Nepveu: L'écologie du réel. Mort et naissance de la littérature québécoise contemporaine. Montréal: Boréal 1988, 200, et Daniel Chartier: "Les origines de l'écriture migrante. L'immigration littéraire au Québec au cours des deux derniers siècles". In: Voix et images, 80 (hiver 2002), 304.

(2) C'est en ces termes que Chartier évoque la spécificité des écritures migrantes dans le panorama plus vaste de la littérature d'immigration au Québec. Ibid., 305.

(3) Je pense notamment aux efforts déployés dans ce sens dans les revues Dérives (1975-1986) et Vice versa (1983-1996), animées successivement par des écrivains issus de la diaspora haïtienne et de la communauté italo-québécoise.

(4) C'est le cas, par exemple, de l'écrivain italo-québécois, Marco Micone, qui n'a jamais caché ses sympathies pour la cause indépendantiste.

(5) Pour une discussion plus approfondie de cette distinction, je me permets de renvoyer le lecteur à une conférence que j'ai prononcée à l'UQAM dans le cadre du colloque Littérature, immigration et imaginaire au Québec et en Amérique du Nord, 12-13 mars 2003, dont le texte remanié paraîtra sous peu dans la revue Globe: "Les écritures transmigrantes: les exemples d'Abla Farhoud et de Guy Parent".

(6) J'abonde ici dans le sens de Marco Micone: "C'est après le référendum de 1980 que le discours 'interculturel' a été propagé". Cité par Pierre L'Hérault: "L'intervention italo-québécoise dans la reconfiguration de l'espace identitaire québécois". In: Carla Fratta et C9lisabeth Nardout-Lafarge (dir.): Italies imaginaires du Québec. Montréal: Fides 2003, 181.

(7) Contrairement aux écrivains haïtiens qui ont gravité autour de Dérives, ou même aux auteurs italo-québécois de Vice Versa, certains "néo-migrants" ont appris le français, soit sur le tard, soit comme langue étrangère très éloignée de la langue originelle. C'est le cas, respectivement, de Sergio Kokis et de Ying Chen.

(8) Eurídice Figueiredo: "Représentations du Brésil dans la littérature québécoise contemporaine". In: Voix et images, 75 (printemps 2000), 563-575.

(9) Ibid., 565.

(10) Blandine Campion: "La sensualité avant tout. Pierre Samson et l'espace brésilien". In: Le Devoir (8 août 1998), D 1.

(11) Dans une entrevue accordée à Denis-Daniel Boullé, Samson évoque de nombreux auteurs qui l'auraient inspiré ou influencé dans sa formation d'écrivain. Curieusement, aucun écrivain d'origine latino-américaine ne figure dans la liste: "Il était une fois un écrivain...". In: Fugues 16, 6 (septembre 1999), 066-070.

(12) Figueiredo 2000, 567.

(13) Ibid., 573.

(14) Compte tenu du lieu où j'ai prononcé la communication qui fut à l'origine de cet article, je ne peux m'empêcher ici de tracer un parallèle entre ce jugement sévère et celui de certains lecteurs autrichiens à l'égard de l'ouvre de Thomas Bernhard...

(15) Pierre Samson: Alibi. Montréal: Leméac 2000, 15.

(16) Figueiredo 2000, 566.

(17) Sergio Kokis: Les langages de la création. Québec: Nuit blanche éditeur/CEFAN 1996, 61 (je souligne).

(18) Ibid., 67-68 (je souligne).

(19) Figueiredo 2000, 572.

(20) Sergio Kokis: La danse macabre du Québec. Montréal: XYZ éditeur 1999.

(21) José-Maria de Heredia: "Les Conquérants". In: Les Trophées. Paris: Gallimard 1981.


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For quotation purposes:
Gilles Dupuis (Montréal): Migration et transmigrations littéraires au Québec: L'exemple brésilien. In: TRANS. Internet-Zeitschrift für Kulturwissenschaften. No. 15/2003. WWW: http://www.inst.at/trans/15Nr/05_11/dupuis15.htm

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