Barbara Leonesi – Université de Turin

 

Traduire poésie italienne contemporaine : Montale en chinois

 

Les questions que je vais soulever portent sur la traduction poétique de l’italien vers le chinois, tant au niveau des langues que des cultures. J’ai basé mon analyse sur le répertoire des traductions chinoises de poèmes de Eugenio Montale, qui compte environ 220 textes[1]. Au-delà de mon penchant  personnel, j’ai choisi ce poète car il avait obtenu le Nobel en 1975 et grâce à l’attention qui est portée en Chine aux prix Nobel, on peut compter sur un corpus significatif de traductions. Celles-ci ont été effectuées à partir de 1978 : jusqu’à la fin des années 70 Montale avait été censuré en tant que poète bourgeois décadent[2], et c’est seulement grâce à la censure plus modérée qui caractérise le nouveau cours politique de la République Populaire depuis la fin des années 70 que des traductions de poèmes furent autorisées[3].

Il faut noter que, si la tradition de traduction littéraire est récente en Chine (la première traduction d’un roman occidental, La dame aux camélias de Dumas, date de 1898), celle des études d’italien l’est encore plus : on ne trouve de traduction directe d’œuvres littéraires italiennes qu’à partir des années 70. Auparavant, la littérature italienne était traduite du japonais, de l’anglais, du français, du russe, et de l’allemand.

J’aborderai en premier les différences linguistique entre l’italien et le chinois qui peuvent influencer la traduction ; deuxièmement, je focaliserai sur le traitement des données culturelles.

L’italien est une langue flexionnelle : les noms et les adjectifs sont marqués en genre et en nombre, les verbes selon le mode, le temps, la personne. Le chinois est une langue sans marques morphologiques nécessaires : les relations entre les termes sont signalées par des mots grammaticaux (adverbes, prépositions, etc) et par l’ordre des mots. L’un des problèmes les plus délicats posés au traducteur est l’absence de marque morphologique de temps dans le verbe chinois.

Les traducteurs chinois transposent la forme normative de l’italien - marquage de temps sur toutes les occurrences du verbe - par la forme normative du chinois - absence de marquage. En étant non-marquée, cette forme ne distingue pas passé, présent et futur ; elle nous donne tout simplement l’information d’un déroulement dans la contemporanéité de toutes les actions, mais on ne connaît pas la position de cette contemporanéité tout au long de la ligne temporelle par rapport au moment de l’énonciation. Ces informations relatives au moment de l´action par rapport au moment de l´énonciation ou à un repère donné, ne sont pas toujours indispensables à la compréhension des textes, d´autant plus que des mots outils (noms de temps, suffixes aspectuels) renseignent, entre autres, sur les relations d´antériorité et la temporalité interne de l´action.

On trouve chez Montale un grand nombre de poèmes caractérisés par l’utilisation uniforme du présent de l’indicatif. Le poète joue sur la valeur déictique/ non-déictique de ce temps pour présenter un monde poétique qui est réel et actuel et en même temps onirique, c’est le maintenant qui fuit et, à la fois, le temps indéfini de la vérité. Les exemples sont nombreux, et la traduction en chinois à l’aide de la forme standard non-marquée reconstruit bien cette atmosphère d’indétermination, d’effacement de la localisation temporelle : validité au moment actuel, ou au passé, ou au futur, et en même temps intemporelle.

(1)

Portami il girasole ch’io lo trapianti...

Portami il girasole ch’io lo trapianti

nel mio terreno bruciato dal salino,

e mostri tutto il giorno agli azzurri specchianti

del cielo l’ansietà del suo volto giallino.

 

Tendono alla chiarità le cose oscure,

si esauriscono i corpi in un fluire

di tinte : queste in musiche. Svanire

è dunque la ventura delle venture.

 

Portami tu la pianta che conduce

dove sorgono bionde trasparenze

e vapora la vita quale essenza;

portami il girasole impazzito di luce.

E. Montale, 1925

请你把向日葵给我

请你把向日葵给我,

是我将它移植到我那被盐碱烧毁的土地,

它整天把黄面孔的忧虑

对着蔚蓝的天空。

 

阴暗之物总是向着光明,

它们的形体在色彩的流动中消失,

色彩在音乐中消失。

因此, 多少机会在一个机会中消融.

 

情你把那植物给我,

它总是走向光明,

将生活的体质升华

请把那疯狂的追求光明的向日葵给我。

Liu Ruting1992

Apporte-moi le tournesol...

Apporte-moi le tournesol, que je le transplante

dans mon terrain brûlé par l’air salin ;

et qu’il montre tout le jour aux miroirs bleus

du ciel l’anxieté de son visage jaune pâle.

 

A la clarté tendent les choses obscures,

les corps s’épuisent en flux

de teintes : elles en musique. S’effacer,

la suprême aventure.

 

Oui, porte-moi la plante qui nous mène

où vont surgir les blondes transparences

et s’exhaler la vie, telle une essence;

apporte-moi le tournesol fou de lumière.

P. Angelini, 1991[4]

S’il te plaît, le tournesol donne moi

S’il te plaît, le tournesol donne[5] moi

c’est moi qui l’a transplanté dans ce terrain brûlé par le salin

celui là, tout le jour, l’anxiété du jaune visage

dirige vers le bleu ciel.

 

Les choses obscures toujours donnent vers la lumière,

leurs formes dans le flux des couleurs disparaissent,

les couleurs dans la musique disparaissent.

Donc, combien de chances dans une seule chance se

                                                             ëdissolvent.

 

S’il te plaît, cette plante donne moi,

elle toujours va vers la lumière,

la nature physique de la vie sublime :

s’il te plaît, ce tournesol affolé poursuivant la lumière

                                                              ë donne moi[6].

 

Le célèbre poème Meriggiare pallido e assorto... constitue un cas limite, car ici Montale, en dépit des règles syntaxiques de l’italien courant, utilise toujours pour le verbe de la proposition principale la forme sémi-finie du verbe - l’infinitif. Supprimant ainsi toutes coordonnées de temps et de personne, Montale crée une atmosphère hors du temps, surréelle. Dans ce cas particulier, la forme standard du chinois correspond parfaitement à l’italien du point de vue sémantique. Cependant, du point de vue esthétique, il y a un écart remarquable entre forme normative courante non marquée (chinois) et forme exceptionnelle marquée (italien). Parmi les cinq traductions chinoises dont on dispose, je voudrais toutefois signaler celle de Shen Emei et Liu Xirong qui ont surmonté cet obstacle en marquant par la particule aspectuelle durative zhetous les équivalents des verbes italiens à l’infinitif.

(2)

Meriggiare pallido e assorto...

Meriggiare pallido e assorto

presso un rovente muro d’orto,

ascoltare tra i pruni e gli sterpi

schiocchi di merli, frusci di serpi.

(...)

Montale, 1925

正午时竭息

正午时竭息, 淡然入神的

紧靠着灼烧的花园的墙

在荆棘和枝桠间听

黑鸟的戛戛, 蛇的骚动

(...)

Ye Weilian, 1974

À  midi faire halte...

À midi faire halte, pâle et pensif,

à l’ombre près d’un brûlant mur d’enclos,

écouter parmi les ronces et les broussailles

claquement de merles, bruissements de serpents. (…)

P. Angelini, 1991

À midi se reposer

À midi se reposer, pâle absorbé

s’appuyant au brûlant mur du jardin

parmi broussailles et rameaux écouter

le cui cui des oiseaux noirs, le remue-ménage des serpents

(…)

午休

中午,在园子红炎炎的墙边

我静静休憩,带着一张苍白的脸,

在荆棘和枯枝间,我倾听

山鸟怪叫,蛇儿沙沙地潜行。

(…)

Qian Hongjia, 1988

夏日正午的漫步

田园的红墙衬映着绿荫沉沉

我脸容苍白

屏息谛听

枯树枝头小鸟低沉地啼鸣

杂草丛间蛇儿沙沙地穿行。

(…)

Lü Tongliu, 1989

La méridienne

Midi, à côté du mur du jardin rouge flamboyant

je repose calmement, portant un visage pâle

parmi broussailles et ronces j’écoute attentif

oiseaux de montagne crier bizarrement, les

ë serpents glisser frou frou.

(…)

 

Promenade en un midi d’été

Les murs rouges des champs et des jardins font ressortir

ël’ombre verte toute sombre

mon visage est pâle

en retenant le souffle écouter attentivement

sur les branches des arbres secs les petits

ëoiseaux gazouillent tout bas

parmi les touffes de mauvaises herbes froufrou passent les serpents.

(…)

歇晌

中午歇晌,苍白,凝神

挨着花园的墙,热气灼人,

在荆棘和杂草丛生之处

听黑鸟的喊嚓,蛇的悉窣。

(…)

Fei Bai, 1990

*      *     *

正午烈日炎炎

苍白,忧心忡忡

倚靠在菜园灼热的矮墙旁

谛听

荆棘蒺藜丛生处

鸟鸫咯咯的啼鸣声

草蛇爬行的瑟瑟声。

(…)

Shen Emei, Liu Xirong, 1996

Faire la méridienne

À midi faire la méridienne, pâle, attentif

à côté du mur du jardin, l’air si chaude brûle,

là où poussent broussailles et mauvaises herbes

écouter le clappement des oiseaux noirs, le

ë froufrou des serpents.

(…)

 

*      *     *

Midi, le soleil enflammé brûle

le visage est pâle, le coeur est lourd d’inquiétude,

s’appuyer au muret incandescent du verger

être en train d’écouter attentivement

là où poussent broussailles et ronces

cot cot le gazouillement des merles

sss sss le glissement des couleuvres.

(…)

 

            Cependant, si l’on peut accepter facilement l’absence de localisation temporelle relative pour les poèmes dominés par le temps présent, il est plus difficile de l’accepter pour ceux dominés par le temps passés. En effet le « temps verbal » n’a pas pour seule fonction d’indiquer une position temporelle relative. Le poème Nella serra (3)se compose de 4 strophes dont les deux premières sont consacrées à la description d’une serre, et les deux dernières à une réflexion du poète.

(3)

Nella serra

S’empì d’uno zampettio

di talpe la limonaia,

brillò in un rosario di caute

gocce la falce fienaia.

 

S’accese sui pomi cotogni,

un punto, una cocciniglia,

si udì inalberarsi alla striglia

il poney - e poi vinse il sogno.

 

Rapito e leggero ero intriso

di te, la tua forma era il mio

respiro nascosto, il tuo viso

nel mio si fondeva, e l’oscuro

 

pensiero di Dio discendeva

sui pochi viventi, tra suoni

celesti e infantili tamburi

e globi sospesi di fulmini

 

su me, su te, sui limoni...

E. Montale, 1956

Dans la serre

Un piétinement de taupes emplit

la serre des citronniers,

dans un chapelet de gouttes hésitantes

la faux à foin brilla.

 

Sur les coings s’alluma

un point, une cochenille,

on entendit se cabrer sous l’étrille

le poney - et le rêve triompha.

 

Ravi et léger, j’étais imprégné

de toi, ta forme était en moi

souffle secret ; ton visage

dans le mien se fondait, et l’obscure

 

pensée de Dieu descendait

sur les quelques vivants, au milieu de

sons célestes et de tambours enfantins

et de globes pendus de foudres,

 

sur moi, sur toi, sur les citrons...

P. Angelini, 1991

在温屋

柠檬的温室里

一片鼹鼠的步声。

割草的镰刀

在串串露珠中闪闪发光。

 

 缊孛树的果实,

胭脂红耀眼明亮,

戴着马嚼的小马发出怒吼

然后是战胜一切的梦乡。

 

我对你心醉神秘,

见到你轻松愉快, 你的容貌

就是我的悄悄的呼吸, 你的脸孔

同我的脸孔一样黝黑, 融为一体。

 

上帝的思想

只降临到少数生命头上, 在那

天宇的声音, 青年们的鼓声

和悬在闪电之间的星球之中

降到我头上, 你头上, 柠檬头上。。

Liu Ruting1992

Dans la serre

Dans la serre des citronniers

le bruit des pas des taupes.

La faux à foin

parmi rangs de perles de rosée brille.

 

Les fruits du cognassier

le rouge laqué éblouissant et brillant ,

le poney portant le mors pousse des rougissements

après c’est le rêve qui gagne sur tout.

 

Je m’enivre de toi,

te vois serein et joyeux, ton apparence

est mon souffle secret, ton visage

comme mon visage est brun, se fondent ensemble.

 

Seule la pensée de Dieu

tombe sur peu de vies, parmi

les sons de l’univers, les  tambours des jeunes

et les corps célestes suspendus parmi les éclairs

tombe sur moi, sur toi, sur les citronniers….

 

 

La séquence de passés simples des deux premières strophes n’indique pas seulement une perspective de rétrospection, (événement antérieur au moment de l’énonciation) mais encore marque l’entrée dans la dimension du récit. À travers l’indice du temps verbal, l’auteur transporte le lecteur non seulement dans un Temps différent, mais dans un univers différent, l’univers du récit. Enfin, la répétition du passé simple, temps caractérisant l’action principale, crée un effet stylistique particulier : tous les verbes sont mis en relief et portés sur l’avant-scène, d’où l’effacement de l’arrière plan. Dans la traduction chinoise, non seulement le relief, mais surtout la dimension du récit est perdue : là réside, à mon avis, la raison du sentiment de malaise face à cette traduction.

Les problèmes les plus significatifs apparaissent là où, en italien, on passe d’une dimension temporelle à une autre : en chinois, tout passage d’une dimension à l’autre doit être signalée, le cas échéant, la séquence des verbes est ordonnée sur une même dimension.  Revenons à l’exemple (3) de Nella serra :  le contraste thématique entre ces deux parties est souligné par une série de procédés stylistique, et en premier lieu par le changement du temps verbal : dans les deux premières strophes tous les verbes sont au passé simple, dans les deux dernières à l’imparfait. Le poème se déroule sur deux plans distincts : au premier plan, la description de la serre enfermée dans le cercle de l’accompli marqué par le passé simple ; à l’arrière plan, la pensé du poète qui s’épanouit dans une durée marquée par l’imparfait. L’action et la pensée ont un rythme différent, un tempo différent. Cela n’affleure pas de la traduction chinoise, où l’on n’a aucune distinction entre premier/ arrière plan, entre le rythme rapide de la première partie et le rythme plus lent de la deuxième.

À côté du problème de l´expression des relations temporelles, une des principales difficultés rencontrés par le traducteur est la relative rigidité de l´ordre des mots en chinois. En effet c’est la position relative des mots dans la phrase qui permet d’identifier leur rôle grammatical. Cette “rigidité” est relative, car elle est propre au mandarin normatif, tel qu’on l’enseigne à l’école[7]. Or, la langue littéraire, et notamment la langue poétique, ne se conforment nulle part à des normes imposées, et le poème cité tout à l’heure de Montale n’est qu’un exemple. Or, c’est ce que font souvent les traducteurs chinois de Montale. Pourquoi ? Cette question dépasse le cadre de notre propos ici. Prenons l’exemple d’une tournure de style propre à la poésie de Montale qui, se heurtant à l’ordre normatif des mots du chinois, pose un problème en traduction.

Celle-ci est habitée par une foule de choses, d’objets, qui ne se bornent pas au rôle traditionnel d’éléments de mise en scène, mais s’imposent en tant que présences authentiques et essentielles[8].

Couper l’objet des suggestions et des échos littéraires, pour atteindre une animation non plus subjective mais objective de la réalité, et dévoiler enfin “l’illusion du monde en tant que représentation”[9] . Ainsi le poète déplace fréquemment la détermination après le nom de la chose[10] auquel elle se réfère. Souvent le nom de chose est isolé de son complément verbal au moyen d’une proposition relative où le pronom relatif joue le rôle de sujet. On peut citer nombre d’exemples : 

(4)

La frangia dei capelli…

La frangia dei capelli che ti vela

la fronte puerile, tu distrarla

con la mano non devi. (…)

E. Montale, 1956

La frange de cheveux

La frange de cheveux qui voile

ton front puéril, tu ne dois pas

l’ écarter de la main. (…)

P. Angelini, 1991

刘海

刘海遮住了你童稚的前额,

可你莫要用手撩开它。(…)

Lü Tongliu, 1992

La frange

La frange a caché ton front puéril

mais tu ne doit pas  l’écarter de la main. (…)

 

 

(5)

Delta

La vita che si rompe nei travasi

secreti a te ho legata : (…)

E. Montale, 1925

Delta

La vie qui se rompt dans les transfusions

secrètes, je l’ai liée à toi : (…)

P. Angelini, 1991

三角洲

生命支离破碎了,

悄悄地转移,

我把它和你联结起来:(…)

Lü Tongliu, 1992

Delta

La vie s’est brisée en morceaux,

inaperçue bouge,

elle et toi, je vous ai liées ensemble : (…)

 

 

Or, en chinois, tout déterminant doit précéder son déterminé : la phrase relative est un déterminant du terme auquel elle se réfère, et donc le précède : il est évident que l’opération opérée par Montale d’isolement du group nominal référant aux choses au moyen d’une série d’attributions et incidentes postposées constitue un problème. De plus, dans la plupart des cas la structure [group nominal + détermination postposée] est placée au début du poème : la relative, en isolant la chose du discours, la confine en même temps seule en ouverture du poème dans la position du thème.

Dans la plupart des cas, les traducteurs chinois ont préféré avoir recours à deux propositions coordonnées pour traduire la construction [group nominal + relative + group verbal]. Dans ce cas, le group nominal qui en italien est repris par le pronom relatif, apparaît en chinois dans les deux coordonnées : le traducteur le répète, ou bien a  recours à une anaphore. Les exemples (4) et (5) illustrent cette structure. Par cette solution on conserve l’ordre des mots du texte italien (et donc la thématisation!), mais on attribue aux deux  propositions le même niveau informationnel.

Dans l’ensemble, l’impression que produit la lecture des traductions chinoises de Montale est celle d’étouffement : tout est expliqué, rien n’est ambiguë, il n’y a pas d’espace libre pour l’essor de l’imagination. Cela contraste avec la brièveté et la rigueur des originaux.

Dans la plupart des cas, les traducteurs explicitent des relations syntaxiques supposées qui, ayant pour but de paraphraser le texte original, produisent un effet de redondance.

Cela est d’autant plus étonnant qu’une riche tradition critique, en chinois et en langues occidentales, dénonce les premières traductions de poésie chinoise classique en anglais ou en français pour les nombreux ajouts de connecteurs, de sujets, de coordonnés temporelles etc.[11] On est donc étonné de retrouver dans les traductions chinoises de Montale la même tendance à l’explicitation de relations syntaxiques supposées même si, comme le démontre suffisamment l’abondante bibliographie linguistique tant sur la fonction “sujet” en chinois que sur les connecteurs, la présence de ces éléments n’est nullement obligatoire. Revenons à l’exemple (2) : Qian Hongjia choisit d’ajouter le sujet de première personne wo   (je) même là où le poète italien a soigneusement effacé toute trace de coordonnée temporelle et personnelle, en ayant recours à la forme semi-finie du verbe.

L’ajout de marques syntaxiques supposées n’a qu’une fonction de paraphrase du texte original, comme le montre l’exemple ci-dessus : le traducteur transforme le rapport d’identification entre le mal de vivre abstrait et les images concrètes qui constituent ses “corrélatifs objectifs”[12] en un rapport de comparaison par l’ajout du verbe sihu  似乎 (sembler, apparaître comme).

(6)

Spesso il male di vivere ho incontrato…

Spesso il male di vivere ho incontrato:

era il rivo strozzato che gorgoglia,

era l’incartocciarsi della foglia

riarsa, era il cavallo stramazzato.(...)

E. Montale, 1925

Souvent j’ai rencontré le mal de vivre

Souvent j’ai rencontré le mal de vivre :

c’était le ruisseau étranglé qui gargouille,

c’était la feuille qui se recroqueville,

desséchée, c’était le cheval terrassé.(...)

P. Angelini, 1991

生活之恶

我时时遭遇

生活之恶的侵袭

它似乎喉管扼断的溪流

暗自啜泣,

似乎炎炎烈日下

枯黄萎缩的败叶,

又似乎鸟儿收到致命打击

奄奄一息。(...)

Lü Tongliu, 1989

Le mal de vivre

Souvent j’ai cogné

contre les assauts du mal de vivre :

ils ressemblaient au ruisseau au cours étranglé

qui à part soi bouillonne,

à la feuille morte rajeunie et desséchée

sous un soleil brûlant,

et encore à l’oiseau abattu à mort

exhalant le dernier soupir. (...)

 

 

On a l’impression que les traducteurs, craignant l’ambiguïté et/ou l’obscurité[13], s’efforcent de produire un texte claire et immédiatement compréhensible. Mais, comme l’a souligné Antoine Berman, la traduction d’une œuvre littéraire n’a pas de fonction communicative : à chaque fois que la traduction se pose comme acte de communication, elle devient une non-comunication[14].

J’ai repéré de nombreux ajouts de compléments du nom, de spécifications, voire de vers complets. Cette redondance paraphrastique n’est pas balancée par un effort équivalent pour expliciter les références culturelles, qui demeurent quelques fois incomprises.

La première partie de cet article concernait la grammaire des langues en jeu ; dans cette seconde partie, je vais poser la question du contexte implicite.

Certes, il n’est pas question d’un paratexte ou intratexte glosant tout donné culturel ; le traducteur devrait établir un partage entre “explications superflues” - qui seraient redondantes - et “explications bienvenues”, indispensables à l’éclairage des notions opaques. Dans le cas présent, où les deux langues appartiennent à deux monde culturels fort éloignés, la nécessité de donner des points de repère au lecteur de la langue cible devient urgente.

Pour combler les blancs culturels, le traducteur peut choisir, en général, entre deux démarches différentes : soit il donne une brève explication à l’intérieur du texte, soit il a recours à une note en bas de page. L’exemple suivant illustre un traitement positif des blancs culturels : Liu Ruting expose dans une note en bas de page le mythe de la nymphe Aréthuse (v. 7a), et explique à l’intérieur du texte les vers “e qualcosa che va e tropp’altro che/non passerà la cruna” (et quelque chose qui va et trop d’autres qui/ne passeront pas le chas de l’aiguille) se référant clairement à l’Evangile de St. Marc. Pour peindre la difficulté de l’accès au paradis, Jésus pose la comparaison avec le passage à travers le chas d’une aiguille. Le traducteur chinois préfère abandonner la fidélité à la lettre pour reconstruire un sens qui soit immédiatement compréhensible au lecteur chinois (combien de choses ne peuvent pas franchir la passe).

(7)

L’estate

(…)

Forse nel guizzo argenteo della trota

controcorrente

torni anche tu al mio piede fanciulla morta

Aretusa.

 

Ecco l’omero acceso, la pepita

travolta al sole,

la cavolaia folle, il filo teso

dal ragno su la spuma che ribolle -

 

e qualcosa che va e tropp’altro che

non passerà la cruna...

 

Occorrono troppe vite per farne una.

E. Montale, 1939

L’ été

(…)

Peut-être dans l’éclair argenté de la truite

à contre-courant

reviens-tu toi aussi à mes pieds enfant morte

Aréthuse.

 

Voici l’épaule en feu, la pépite

entraînée au soleil,

la piéride folle, le fil de l’araignée

tendu sur l’écume qui bouillonne -

 

et quelque chose qui va et trop d’autres qui

ne passeront pas le chas de l’aiguille...

 

Il faut trop de vies pour en faire une.

P. Angelini, 1991

(…)

鳟鱼逆流而上

欢快地跳跃闪着银光

仙女阿瑞图萨 *

你也复苏重返我的身旁。

 

山峰张开双臂, 金砖

在阳光下熠熠闪光,

彩喋纷飞, 蜘蛛

在翻腾的泡沫上织起丝网。

 

世间一物生长

却有多少事物不能过关....

 

众多的生命才能形成一条生命。

 

* 阿瑞图萨, 希腊传说中的神女, 海中神女之一。 河神啊尔甫斯钟情于她, 她为躲避化成水泉, 啊尔甫斯则变成河, 努力追赶, 终于追上, 河水于泉水河流。

Liu Ruting, 1992

L’étè

(…)

La truite monte à contre-courant

gaiement saute en miroitant une lumière argentée

déesse Aréthuse*

toi aussi reviens à la vie retourne à côté de moi.

 

Les cimes ouvrent leurs bras, lingots d’or

sous le soleil brillent scintillants

les papillons multicolores voltigent, l’araignée

sur l’écume qui bouillonne tisse la toile.

 

Dans le monde une chose grandit

mais combien de choses ne peuvent pas franchir la passe ...

 

Une multitude de vies arrive à peine à en faire une.

 

* Aréthuse, divinité de la tradition grecque, une des divinités de la mer. La divinité du fleuve Alfeo étant amoureux d’elle,  elle se mua en source pour l’échapper. Alfeo alors se mua en fleuve et la poursuivit avec tenace ; enfin, il la rattrapa, et les eaux du fleuve et de la source coulèrent ensemble.

 

Dans le corpus des traductions de Montale, les notes en bas de pages sont plutôt rares. Dans le principal recueil monographique sur Montale en chinois (1992), on trouve une cinquantaine de notes sur un total de 173 poèmes, soit un rapport de une sur quatre.

La plupart des notes fournissent des données factuelles : un bon nombre donnent les coordonnées des lieux géographiques cités, les dates des naissance et de mort des personnages historiques et l’histoire des personnages mythiques.

Certaines notes s’enracinent dans  des failles du texte traduit : par exemple, en choisissant des caractères généralement utilisés en chinois dans les prénoms de fille pour transcrire phonétiquement le prénom Dora, on aurait pu, comme l’a fait Yip Wai-lim, se dispenser des notes laconiques ajoutées par les autres traducteurs du type “prénom de fille”[15].

Les traducteurs des poèmes de Montale manifestent une attention particulière à la géographie italienne. Cela aide le lecteur à trouver des points de repères dans un espace étranger, mais, dans la plupart des cas, ne constitue pas un support significatif à la reconstruction des échos et du sens du poème. Plus intéressant, encore que discutable, est le travail effectué par certains traducteurs pour modifier l’ambiance de Montale afin de l’approcher à l’imaginaire et à l’expérience du lecteur chinois. La visée n’est pas une translation littérale du texte original, mais plutôt la reconstitution du rapport que le texte original instaure avec son lecteur italien. Le paysage dans lequel s’installe celui-ci est parfois très différent non seulement du paysage typique de la poésie chinoise classique, mais surtout du paysage dont le lecteur chinois a l’expérience. Le nespolo (néflier) devient alors l’arbre des lychees[16] , le chien danois un pékinois[17] . Le merle est oiseau commun en Europe mais non pas en Chine : en dépit de l’existence en chinois d’un équivalant reçu, jamais les traducteurs chinois n’y ont recours. Il devient soit un générique “petit oiseau” (xiao niao 小鸟)  soit “oiseau de montagne” (shan niao 山鸟)[18], ou un “corbeau”(wuya 乌鸦)[19], ou encore huamei 画眉[20] (garrulax canorus), un oiseau célèbre pour son chant très répandu en Chine mais pas du tout en Europe.

Ce travail d’acclimatation du paysage de Montale au lecteur chinois a parfois donné des résultats discutables : dans le poème I limoni[21], Lü Tongliu traduit cimase (cimaise) par feiyan飞檐 : ce terme désigne non seulement corniche dans un sens générique, mais il est utilisé dans les textes spécialisés d’architecture pour indiquer les corniches recourbées vers le haut typiques des constructions chinoises et extrême-orientales.

Les références à l’histoire, nombreuses surtout dans les poèmes écrits vers les années Trente-Quarante - sont en général restituées ou annotées en traduction : on trouve cependant des contre-exemples parfois grotesque, comme la bomba ballerina (bombe ballerine) se référant à la guerre, et non pas à des “bruits de joie” (huankuai shengxi 欢快声息) ainsi que le traduit Liu Ruting[22]. Le traducteur n’a pas saisi la triste ironie sur laquelle se joue le poème, où le fracas de la guerre est comparé à celui d’une fête.

Les références littéraires aussi, au moins les principales, ont été traitées en général de façon satisfaisante : les noms des écrivains ont été annotés, même si brièvement. Les nombreuses échos de Dante et de la Divine Comédie aussi ont été reconnues et expliquées, en note ou dans le texte : Caron, le limbe, Lucifer, l’enfer. Seuls les indices plus cachés, comme par exemple le mouvement de descente qui est en premier lieu descente en enfer, trajet de souffrance et en même temps de résurrection, n’ont pas été reconnus. La Comedia de Dante est bien connue des lecteurs cultivés chinois, et l’on peut supposer particulièrement du public qui s’intéresse à Montale. Par exemple, dans le poème Arsenio, il se peut que, même en l’absence de glose, la traduction exacte des trois verbes répétés discendi ait pu parler au lecteur chinois. Cependant, Liu Ruting ne saisit pas l’évocation du texte original, et traduit deux occurrences de discendi par zou lai走来 (s’approcher), qui indique un mouvement horizontal. Il n’est plus question d’explication bienvenue, superflue ou manquante ; on est ici sur le niveau premier de la compréhension du poème dans l’ensemble de ses évocations.

Les problèmes majeures concernent sûrement les références religieuse. Ce n’est pas un hasard si tous les critiques chinois de Montale dénoncent l’obscurité du troisième recueil, le plus “mystique”.  C’est une obscurité qui dérive d’une difficulté d’interprétation et de repérage à l’intérieur du réseau serrée de symboles tirés de la religion chrétienne. Si les traducteurs comprennent et reconstituent dans leurs textes les éléments de base du Christianisme, comme la croix, le sang, la lumière comme symbole de Dieu, ils glissent sur beaucoup d’autres, comme les stigmates, l’Epoux, etc.. Le cassage de nombreuses références cause la perte de l’atmosphère mystique du recueil, pourtant très évidente dans le texte original. On donne un exemple : la lettre majuscule qui distingue l’amour en sens générique de l’Amour de Dieu pose un problème de traduction en chinois, motivé non seulement par l’absence de familiarité du monde culturel chinois avec le Christianisme, mais encore par le manque, d’un moyen graphique comparable dans l’écriture chinoise. On regarde l’exemple (8) : si la référence à “Amour” avec A majuscule est tout à fait opaque dans la traduction de Liu Ruting, elle donne lieu à un contresens dans celle de Qian Hongjia, qui traduit par “Dieu de l’amour”.

(8)

L’anguilla

L’anguilla, la sirena

dei mari freddi (...)

l’anguilla, torcia, frusta,

freccia d’Amore in terra (...)

E. Montale, 1956

L’anguille

L’anguille : sirène

des mers froides (...)

l’anguille, torche, cravache,

flèche d’Amour sur terre (...)

P. Angelini, 1991

鳗鱼

鳗鱼啊,

寒冷的海洋上的汽笛声(...)

, 环形圆纹的鱼儿

象一条鞭子;你是大地的爱神之箭(...)

    Qian Hongjia, 1988

L’anguille

Anguille,

sifflement de sirène sur la mer froide (…)

toi, poisson annulaire

comme un fouet ; tu es la flèche du dieu

de l’amour sur terre (…)

鳗鱼

鳗鱼,北冰洋的美人鱼(...)

鳗鱼,大地之爱的火把

大地之爱的鞭子,大地之爱的箭 (...)

Liu Ruting, 1992

 L’anguille

Anguille, sirène de l’océan arctique (…)

anguille, torche d’amour sur terre

fouet d’amour sur terre, flèche d’amour sur terre (…)                                

 

Des fautes témoignant une connaissance superficielle du milieu concernent aussi la culture matérielle: dans l’exemple suivant, finto gallo est une girouette et sûrement pas un vrai coq comme l’écrit la traduction[23].

(9)

Upupa, ilare uccello calunniato…

Upupa, ilare uccello calunniato

dai poeti, che roti la tua cresta

sopra l’aereo stollo del pollaio

e come un finto gallo giri al vento.

(…)

E. Montale, 1925

Huppe, joyeux oiseau calomnié…

Huppe, joyeux oiseaux calomnié

par les poètes, qui roule ta crête

sur l’aérien perchoir du poulailler

et, feignant d’être un coq, tournes au vent ;

(…)

P. Angelini, 1991

戴胜鸟

戴胜鸟, 你依照快活自在

诚然遭到诗人们的诅咒,

你在草垛的树干上

转动你的羽冠

多像一只雄鸡迎风闲步(...)

Lü Tongliu, 1992

Huppe

Huppe, tu est encore libre et heureuse

même si t’es tombée sur les imprécations des poètes,

tu sur le poteau d’une meule de paille

tournes ta crête

que tu ressemble à un coq qui traîne à l’encontre du vent. (…)

 

 

Dans le poème L’anguilla, sirena indique l’être mythique mi-femme mi-poisson, ainsi que l’interprète Liu Ruting, et non pas le son aigu du sifflement d’une sirène ainsi que l’entend Qian Hongjia[24] ; dernier exemple de cette liste non-exhaustive,  les vers “la storia non è magistra/ di niente che ci riguardi”[25] (l’histoire ne nous enseigne/ rien qui nous concerne) veulent clairement réfuter le proverbe latin historia magistra vitae, et la traduction de magistra par shenpan guan 审判官 (magistrat) est presque ridicule, d’autant plus si l’on considère que la valeur de l’histoire comme guide pour l’action dans le futur n’est pas du tout étrangère à la pensée chinoise, au contraire. On a l’impression que le traducteur, n’ayant pas trouvé le terme magistra dans le dictionnaire italien-chinois, ait choisi celui figurant en dessous, magistrato (magistrat).

D’autre part, j’ai relève un nombre significatif de fautes d’interprétation d’origine purement linguistique aussi. En excluant tout problème concernant distance culturelle, figures du discours plus ou moins figées dans la langue source, sens deuxième ou allégorique, ironie, etc., ces erreurs témoignent des lacunes des traducteurs dans leur connaissance de la langue italienne : on demeure là au niveau brut de la compréhension d’un texte. On trouve deux types de fautes, les erreurs d’interprétation de la structure grammaticale et les erreurs d’interprétation des mots polysémiques. La majorité des fautes d’interprétation de la structure grammaticale dérivent d’une manque de familiarité avec les prépositions italiennes et leur usage. Un seul exemple, dans le syntagme la zia di Pietrasanta[26] (la tante de Pietrasanta), Pietrasanta est le lieu d’origine, et non pas le prénom de la tante ainsi que l’entend le traducteur. Si l’on s’attend que le traducteur ne connaisse pas Pietrasanta, petit village de Ligurie, la préposition di aurait dû lui suggérer que ce n’était sûrement pas un prénom, mais plutôt un toponyme : la construction di + prénom n’est pas attesté en italien. Je donne un dernier exemple d’erreur sur les mots polysémiques : le mot italien riccio, en fonction nominale, signifie soit hérisson, soit boucle. Le traducteur Liu Ruting se tient au milieu entre les deux sens de riccio, d’où le syntagme ‘hérisson frisé’ (juanmao haozhu 绢毛豪猪)[27].

Il n’est plus question alors de partage entre explication bienvenue, superflue ou manquante ; on demeure ici sur le niveau premier de la compréhension du poème dans l’ensemble de ses évocations.

Je reviens, pour conclure, à ce que je disais au début sur l’histoire trop courte des études italianistes en Chine. Des erreurs, parfois grossières, témoignent d’une préparation insuffisante de certains traducteurs. Cela n’exclut pas la présence de quelques traducteurs ayant une culture plus raffinée, ayant produit des textes qui peuvent être lus avec plaisir. Cependant, dans la perspective de la rencontre des civilisations, c´est un cas particulièrement encourageant : on a deux pays éloignés, deux langues relativement différentes, un poète italien particulièrement difficile, des traducteurs chinois qui ne bénéficient d´aucune tradition ancienne de lecture de l´italien et pourtant, le résultat, sans être toujours satisfaisant, offre au lecteur chinois une première entrée dans un des sommets de la culture et de la littérature italienne moderne.

 

 

 

RÉFÉRENCES BibliographiQUES :

 

Montale Eugenio, Ossi di seppia, Torino, Gobetti, 1925

______ Le occasioni, Torino, Einaudi, 1939

______ La bufera e altro, Venezia, Neri Pozza, 1956

______ Satura, Milano, Mondadori, 1971

______ Diario del ’71 e del ’72, Milano, Mondadori, 1973

______ Quaderno di quattro anni, Milano, Mondatori, 1977

______ Altri versi, Milano, Mondatori, 1981

______ Poèmes choisis 1916 - 1980, Paris, Gallimard, 1991 (Angelini Patrice Dyerval trad.)

 

Gu Zhengkun, 辜正坤, éd., Shijie ming shi jianshang cidian 世界名诗鉴赏词典 (Dictionnaire de poèmes célèbres du monde), Beijing, Beijing daxue, 1990

 

Lü Tongliu吕同六, éd., Tianmi de shenghuo甜蜜的生活(La dolce vita), Guilin, Lijiang, 1986

 

Lü Tongliu, , trad., Mengtalai shixuan 蒙塔莱诗选 (Montale. Poèmes choisis), Changsha, Hunan wenyi, 1989

 

Lü Tongliu, Liu Ruting 刘儒庭, trad., Shenghuo zhi e  生活之恶 (Le mal de vivre), Guilin, Lijiang, 1992

 

Qian Hongjia, 钱鸿嘉, trad., Kuaqimoduo, Mengtalai, Wengjialeidi shixuan 夸齐莫多蒙塔莱翁加雷蒂诗选  (Montale, Quasimodo et Ungaretti. Poèmes choisis), Beijing, Waiguo wenxue, 1988

 

Shen Emei沈萼梅·, Liu Xirong刘锡荣, Yidali dangdai wenxue shi意大利当代文学史(Histoire de la littérature italienne contemporaine), Beijing, Waiyu jiaoxue yu yanjiu, 1996

 

Yip Wailim叶维廉, trad., Zhongshu changge 众树唱歌(Le chant de la foret), Taipei, Yangguotai, 1974

 

 



[1] Pour une bibliographie des traductions chinoises de Montale, voir Barbara Leonesi, “Il poeta del male di vivere”. Montale in Cina, Alessandria, Edizioni dell’Orso, 2000, p. 82 – 95.

[2] Voir à ce sujet Barbara Leonesi, “Le letterature come strumenti del dibattito politico: una tradizione dura a morire. Il caso Montale”, in Clara Bulfoni, éd., Tradizione e innovazione nella civiltà cinese, Milano, FrancoAngeli, 2002 et, du même auteur, “Il poeta del male di vivere”. Montale in Cina, op. cit., p. 13 – 20.

[3] Dans l’article Xingfu. Wai sans shou 幸福。外三首 (Bonheur et trois autres poèmes) publié dans le premier numéro de la revue Waiguo wenyi 外国文艺 (Culture étrangère) en 1978, Lü Tongliu, un des italianistes chinois les plus réputés présente la biographie et l’œuvre de Montale, et traduit quatre poèmes, notamment Felicità raggiunta, si cammina…, Cigola la carrucola del pozzo.., Corno inglese et Meriggiare pallido e assorto…. C’est la première parution de traductions de poèmes de Montale en Chine populaire.

[4] Les traductions françaises des poèmes de Montale sont tirées de E. Montale (Patrice D. Angelini trad.), Poèmes choisis 1916 – 1980, Paris, Gallimard, 1991.

[5] Dans tout le texte, les verbes chinois n’ont pas de marques de mode, de temps ou de personne. J’ai choisi de traduire cette forme normative du verbe chinois par le présent de l’indicatif, pour la valeur déictique et en même temps non déictique de ce temps, qui représente la forme non marquée du français.

[6] Toutes les versions en français des traductions chinoises de Montale sont effectuées par l’auteur ; étant des « traduction de service » ou de travail, ayant pour but d’aider le lecteur à suivre le texte chinois, j’ai choisi de rester le plus proche possible du chinois. Il n’y a pas d’effort pour la restitution du niveau esthétique.

[7] Date de la fin des années Cinquante la grande campagne pour la normalisation de la langue dans l’ensemble du pays selon les normes fixés pour le putonghuab 普通话 ou langue commune.

[8] Les critiques italiens ont forgé l’expression poetica dell’oggetto (poétique des choses) pour indiquer cette tournure de style particulière, prenant l’essor de sa réflexion sur le sens du monde et de la vie. Voir Angelo Jacomuzzi, La poesia di Montale. Dagli Ossi ai Diari, Torino, Einaudi, 1978, p. 5.

[9] Eugenio Montale, Sulla poesia, Milano, Mondadori, 1976, p. 565.

[10] Pour “ nom de chose ” j’entends les substantifs avec référant concrète inanimé.

[11] Voir Eugene Chen Eoyang E., The Transparent Eye, Honolulu, University of Hawaii Press, 1993 et Yip Wai-lim, Diffusion of distances, Berkeley - Los Angeles - Oxford, University of California Press, 1993.

[12] Les critiques occidentaux de Montale ont eu recours à la notion de “correlatif objectif” ainsi qu’elle a été définie par T.S. Eliot : in The Sacred Wood: Essays on Poetry and Criticism, London, Methuen, 1920: “A set of objects, a situation, a chain of events which shall be the formula of that particular emotion; such that when the external facts, which must terminate in sensory experience, are given, the emotion is immediately evoked”. Montale, par ailleurs, a été traducteur et critique de Eliot.

 

[13] A propos d’ “obscurité”, on rappelle le débat enflammé qui s’ouvrît en Chine à la fin des années 70, lors de la naissance du courant de poésie nommé “obscure” (menglong shi 朦胧诗) : le poète Ai Qing (艾青 1910 – 1996), aligné sur le pouvoir, défendît la valeur incontournable pour toute œuvre d’art de la clarté d’expression, afin que le plus grand nombre de gens puisse en bénéficier. Voir Stefania Stafutti, “Montale e la Cina”, in Sigma, XX, n. 3, 1995, p. 161 - 178. 

[14] Voir Antoine Berman, La traduction et la lettre, ou l’auberge du lointain, Paris, Seuil, p. 70 (première édition pour Mauvezin, Trans-Europ-Repress, 1985).

[15] Eugenio Montale, Dora Markus, 1939. Traductions chinoises : Yip Wai-lim, Tangna 唐娜, 1974 ; Lü Tongliu, Duola Maerkushen 多拉 •  马尔库什, 1992 ; Qian Hongjia, Duola Magusi 多拉•  马古斯, 1988.

[16] Eugenio Montale, Ti libero la fronte dai ghiaccioli..., 1939. Traduction chinoise : Lü Tongliu, Wo wei ni shi qu e shang de bingshuang我为你拭去额上的冰雪 (Je t’essuie la glace sur la front), 1989.

[17] Eugenio Montale, Al mare (o quasi), 1977. Traduction chinoise : Lü Tongliu, Zai haitan (huozhe jihu zai haitan) 在海滩或者几乎在海滩 (A la plage (ou presque à la plage)), 1989.

[18] Eugenio Montale, Meriggiare pallido e assorto..., 1925. Traductions chinoises : voir p. 3, exemple (2).

[19] Eugenio Montale Forse non era inutile..., 1981. Traduction chinoise : Lü Tongliu, Yexu bingfei tulao wuyi  也许并非徒劳无益(Peut-être ce n’était pas inutil), 1992.

[20] Eugenio Montale, Gli uccelli parlanti, 1977. Traduction chinoise : Liu Ruting, Hui shuuohua de niao 会说话的鸟 (Les oiseaux parlants), 1992.

[21] Eugenio Montale, I limoni, 1925. Traduction chinoise : Lu Tongliu, Ningmeng 柠檬 (Les citrons), 1986.

[22] Eugenio Montale, Brina sui vetri; uniti..., 1939. Traduction chinoise : Liu Ruting, Boli chuang yingchu yin si玻璃窗映出银丝(La fenêtre vitrée reflète des fils argentés), 1992.

[23] Mais le traducteur français tombe dans la même erreur!

[24] Voir exemple (8), p. 11.

[25] Eugenio Montale, La storia, 1971. Traduction chinoise : Liu Ruting, Lishi历史(L’histoire), 1992.

[26] Eugenio Montale, Una visitatrice, 1981. Traduction chinoise : Liu Ruting,  Yi ge nü lai fangzhe 一个女来访者 (Une visitatrice), 1992.

[27] Eugenio Montale, A pianterreno, 1971. Traduction chinoise : Liu Ruting,  Loufang de diceng楼房的底层 (Le bas étage de la maison), 1992.



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