La démocratie au-delà de l'état. Les (im) possibilités de la démocratie transnationale

Anton Pelinka (Innsbruck)
[BIO]

Un essai en 20 paragraphes

1. La démocratie s'est dévelopée en tant que conception de l'état - la politis. A commencer par la "polis" d'Athènes, le concept de démocratie fournissait à l'état un ensemble spécifique d'ordres et de règles: la participation et la co-détermination de tout ce qui appartenait au "peuple" dans toutes les affaires de l'état.

2. La définition de l'état comprend deux éléments indispensables: le territoire et le peuple. Un état est "souverain" en gouvernant "le peuple" vivant sur son territoire.

3. C'est précisément cette conception de la souveraineté qui fut affaiblie par la réalité de la mondialisation. L'économie ne connaît pas de frontières, pas plus que la culture (médias, amusement, etc.).

4. La mondialisation a amené l'érosion du sens de l'état et de la souveraineté nationale. Ce faisant, la mondialisation est cause de l'érosion du sens de la démocratie puisque cette notion repose sur l'existence d'états traditionnels et souverains.

5. Le déclin des notions de bien-être public, basées sur l'état-nation, est la conséquence de ce développement. Lorsque l'état perdra son pouvoir général de souveraineté et son pouvoir particulier de contrôle de l'économie alors l'état providence mourra.

6. Le déclin de l'état entraîne le déclin de la démocratie tant que la démocratie n'est pas dissociée de l'état, de l'état-nation dans le sens d'une entité souveraine disposant du plein contrôle (souveraineté) du peuple et du territoire.

7. .Pour sauver la démocratie, il est nécessaire de développer une conception post-nationale, transnationale, sub et internationale de la démocratie. La démocratie sera rendue possible au-delà de l'état-nation ou elle ne sera plus possible du tout.

8. La démocratie aura toujours besoin d'un consensus sur le "demos": qui sont les gens qui décident - directement ou indirectement - de leur propre destin en participant de manière libre et égale à un processus de prise de décisions? Qui fait partie du "demos" et qui en est exclu?

9. La démocratie aura toujours besoin d'un consensus sur le pouvoir que le "demos" a le droit d'exercer: Qu'est-ce qui fait partie du domaine politique et qu'est-ce qui en est exclu? Quelle sphères sociales sont légitimement "politiques" et lesquelles se trouvent au-delà de la politique?

10. La démocratie contemporaine est limitée au pouvoir qu'un "demos", au sens étroit du terme, est autorisé à exercer dans un domaine politique dans le sens étroit du terme et sur un territoire étroitement limité. En vue de réinventer la démocratie, il s'agit de transgresser ces limites.

11. En vertu de la nature même de la démocratie, une définition ethnique (ou religieuse) du peuple reflète une réalité mais pas une nécessité. Le "demos" n'est pas une entité naturelle reçue du ciel mais elle se développe dans l'histoire et ne cesse de se développer.

12. Le fait qu'un "demos" surgisse au-delà des ethnies traditionnelles n'est pas en contradiction avec les principes de la démocratie - ce n'est pas non plus un souhait pieux comme le montrent le cas de l'Inde et (jusqu'à un certain point) ceux des USA et du Canada.

13. Le fait que naisse un "demos" européen qui inclut (et n'exclut pas) les identités nationales traditionnelles est une réponse éventuelle - toutefois pas encore existante- qui donnerait à la notion de démocratie une perspective transnationale.

14. La conséquence d'un "demos" européen serait une démocratie européenne, basée sur une identité européenne transnationale qui utiliserait un nombre d'instruments politiques tels qu'ils furent établis dans les démocraties nationales et discutés dans la Convention européenne.

15. La démocratie fédérale européenne deviendrait le laboratoire le plus important en vue d'une gouvernance démocratique transnationale. Ses résultats fourniraient l'expérience nécessaire pour développer une gouvernance mondiale démocratique.

16. La gouvernance démocratique transnationale - européenne, mondiale - est la seule possibilité de contrebalancer la puissance économique transnationale. Mais la gouvernance démocratique transnationale ne peut pas naître d'en- haut, elle doit provenir d'un besoin largement accepté, d'un intérêt à répondre au pouvoir économique par un pouvoir politique.

17. Cet intérêt peut être enraciné dans une tradition de démocratie à fleur de terre, telle qu'elle est articulée par la notion de démocratie communautaire et par le "bon usage" des sociétés et sous-sociétés auto-organisées qui agissent sans attendre "l'Etat".

18. La démocratie communautaire souligne le fait que la démocratie au-delà de l'Etat peut être une démocratie au-dessus de l'Etat ou en- dessous de l'Etat. Comme l'Etat est de moins en moins apte à contrôler le pouvoir non- étatique la démocratie doit être établie à différents niveaux non-étatiques.

19. En vue de développer la démocratie de l'avenir, qui ne pourra être qu'une démocratie de plus en plus dissociée de l'état-nation, les intérêts oeuvrant en faveur de la démocratie ont à vivre avec la méthode "essais et erreurs". Comme nous n'avons aucun cas de version stable de démocratie non-étatique, il faut du temps à cette dernière pour naître à partir de l'expérience.

20. La réponse démocratique à la mondialisation ne peut pas insister sur un modèle démocratique basé sur les conditions de l'état-nation des XVIIIe et XIXe siècles mais sur les conditions non-nationales, internationales, subnationales et transnationales du XXIe siècle.

© Anton Pelinka (Innsbruck)

Plenum | Plenary Session | Séance plénière

       Inhalt | Table of Contents | Contenu

Webmeister: Peter R. Horn     last change: 21.11.2003