Trans Internet-Zeitschrift für Kulturwissenschaften 16. Nr. August 2006
 

1.2. Gesellschaftliche Reproduktion und kulturelle Innovation. Aus semiotischer Sicht
Herausgeber | Editor | Éditeur: Jeff Bernard (Institut für Sozio-Semiotische Studien ISSS, Wien)

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Société et représentation de la femme dans l’œuvre romanesque d’Andreas Karkavitsas

Martha Kiskira-Soderquist (L’Université Paris IV-Sorbonne, University of Athens Greece)
[BIO]

 

Résumé

Dans cette étude nous examinons la représentation de la femme dans les deux premiers romans d’Andréas Karkavitsas, un romancier grec de la fin du 19ème siècle. Cette représentation suit dans une grande mesure les principes du naturalisme, par la présentation des actes et des comportements qui sont le produit du milieu. Les personnages suivent un chemin prédestiné par la société locale sans manifester une individualité autonome. En fait, ils montent une résistance minimale contre les conditions provinciales où ils vivent.

Notre étude tente à identifier les aspects particuliers de ce sujet, en se focalisant sur les codes sociaux, éthiques et économiques, qui agissent et interagissent dans l’action de deux romans, Lygeri (1890) et Le mendiant (1896). Ces codes, en se combinant avec les instincts biologiques et les forces vitales, déterminent la représentation romanesque de la femme, individuellement et collectivement, dans son rapport avec le travail, l’amour, le mariage et la fécondité. Notre approche utilise des instruments méthodologiques et des notions théoriques provenant de la recherche sémiotique sur la représentation littéraire des personnages, menée notamment par A. Greimas et Ph. Hamon.

Les deux premiers romans d’Andréas Karkavitsas, Lygeri (1890) et Le mendiant (1896) présentent des caractéristiques qui les rapprochent du genre de l’écriture naturaliste en ce qui concerne le choix du milieu représenté ainsi que la construction de leur anthropologie. Leur mythe se déroule dans des milieux populaires ruraux avec leurs coutumes locales sans aucun effort d’embellissement. Au contraire, ils contiennent des images et des scènes qui reflètent des aspects cruels de la vie. La conception naturaliste de l’interaction milieu-individu, qui souligne le rôle déterminant du milieu dans la formation et le destin de l’individu, est ici exprimé tant au niveau du signifiant (nom, description extérieure) que du signifié («sens», «valeur») des personnages (Hamon, 1977: 125). Cette conception influence particulièrement la façon dont est représenté le sexe féminin dans les œuvres en question.

 

Le cas de Lygeri

L’action se situe à la fin du 19 e siècle dans une petite ville du Péloponnèse surnommée Lechaina. Anthi, fille d’un épicier, est amoureuse d’un jeune homme nommé Giorgis Vranas, qui exerce la profession de charretier. Son père embauche comme assistant, un homme appelé Nicolos Picopoulos, qui se montre extrêmement ingénieux dans le commerce. En admirant ses capacités, et désirant le garder pour toujours près de lui au profit de son entreprise, son maître décide de marier sa fille avec lui. Anthi, qui aime le jeune et beau charretier, sent de l’aversion pour l’épicier laid et grossier, avec lequel ses parents l’obligent à se marier. Se trouvant dans une impasse, elle cède finalement aux exigences de sa famille. Cependant, après le mariage de son bien aimé qui pense à son tour être trahi par elle, et après la naissance de son fils, Anthi s’adapte avec succès à sa nouvelle vie de femme mariée: elle arrive à estimer les compétences commerciales de son mari et à se sentir comblée auprès de lui.

Le roman suit l’histoire d’un personnage central, Lygeri. Il s’agit d’un nom «caractéristique», qui renvoie au rôle thématique de la jeune fille de la campagne, en contenant de plus un marquage axiologique de l’apparence (Lygeri: jeune fille de belle taille). Une étiquette sémantique qui crée chez lecteur, grâce à des associations liées à l’utilisation répandue de ce nom-périphrase dans la littérature grecque populaire (Politi: 63-64), un horizon d’attente associé aux connotations référentielles de ce rôle.

Malgré son individualisation par un nom propre, Anthi, l’étiquette sémantique de Lygeri, comme elle est désignée de façon conséquente par le narrateur, renvoie à celle de la jeune paysanne. Le rôle thématique de la jeune fille se combine ainsi avec le rôle social de la paysanne.

Le milieu, familial et social, où vit Anthi détermine la soumission des femmes à des conventions collectives puissantes qui régissent des relations inter-familiales, comme celles entre enfants et parents et entre époux. Ces relations, comme elles se présentent dans le roman, sont représentatives d’une société patriarcale traditionnelle, où les parents choisissent l’époux de leur fille.

Anthi, ayant compris le projet de ses parents de la marier avec l’épicier - projet qu’elle apprend d’une vielle femme habile de son village qui combine le rôle de sorcière, de guérisseuse et de négociatrice de mariages - rencontre en cachette son bien aimé Giorgis dans la campagne où elle va avec sa cruche pour puiser de l’eau . Là, après avoir appris les nouvelles, Giorgis lui propose de l’enlever, une habitude sociale qui fonctionnait comme la seule façon pour des jeunes amoureux de se marier, sans le consentement de leurs parents. Cette rencontre renvoie aux catégories narratives de la communication et de l’épreuve (Greimas & Courtès, 1993: 45-48, 131). Les deux jeunes gens échangent des informations concernant leur situation. La proposition de l’enlèvement crée une lutte intérieure chez Anthi, correspondant à une épreuve, qui se termine avec une décision qui la met en confrontation avec son propre désir ainsi qu ’ avec son amant. Le conflit se situe entre son amour pour Giorgis et le devoir d’une paysanne envers ses parents et il a une conséquence négative, parce qu’ il annule le programme narratif d’Anthi pour un mariage d’amour. Le rejet par Anthi de la proposition d’enlèvement (qui a comme conséquence que Giorgis se sent offensé), est un signe de la domination des codes sociaux (préservation de la réputation sociale de la fille et de ses parents) par rapport aux codes naturels (soumission au sentiment de l’amour). A ce point, une opposition se désigne entre Anthi et Giorgis, qui correspond aux optiques différentes que les deux sexes adoptent par rapport à la situation. Giorgis considère comme évidente la soumission d’Anthi à son amour pour lui et non aux codes sociaux. Cependant, selon les données sociales en vigueur, les codes sociaux pèsent davantage dans le cas des femmes: si Anthi s’écarte du droit chemin, elle, et ses parents, vont être confrontés à de lourdes conséquences liées à la honte sociale.

La lutte d’Anthi entre la question de l’amour et la question sociale est aussi présente dans une séquence antérieure. Son amant ayant gagné aux courses de chevaux, lui offre publiquement son trophée tandis qu’elle la refuse. Une analyse endoscopique de l’événement et de ses conséquences chez Anthi renvoie de nouveau à une épreuve au sens du conflit entre le désir et le devoir. Dans cette épreuve, l’héroïne est confrontée tant avec son amant qu ’ avec la société locale, qu’elle essaye de respecter. Dans ce cas aussi, Giorgis prend en compte le code naturel de l’amour, tandis que Anthi se fie au code social de la réputation. Le geste de Giorgis, comme manifestation publique d’intentions amoureuses, est interprété aux dépens d’Anthi par la communauté des femmes, comme le montrent les commentaires sociaux négatifs qui suivent. Les femmes plus âgées se présentent comme des contrôleuses de la morale publique et comme des dépositaires de conventions relatives au comportement social des plus jeunes.

En essayant d’analyser le récit selon une logique paradigmatique, on s’aperçoit que les personnages principaux autour desquels est tissée l’action peuvent former des groupes par rapport à leurs similitudes et divergences, dont la démonstration amène à la surface non seulement des traits caractériels différents mais aussi des systèmes de valeurs opposés. Selon T. Todorov dans la Poétique de la prose, «les nombreuses indications des auteurs, ou même un regard superficiel sur n’importe quel récit, montrent que tel personnage s’oppose à tel autre» (1971: 15).

La relation d’Anthi et de Giorgis est soutenue par une connexité paradigmatique puisque le deux amants donnent l’image d’un couple harmonique. Une relation de similitude, qui combine des traits distinctifs extérieurs et intérieurs (beauté, belle taille, sentimentalité, désintéressement) lie le jeune couple, tandis qu’ une relation d’opposition, tant au niveau des traits physionomiques que psychiques, caractérise le couple Anthi-Nicolos. Nicolos concentre des traits opposés de ceux qui rapprochent les deux amants (gros, court, avare, sentimentalement pauvre). Au contraire, Nicolos se lie avec ressemblance paradigmatique avec son beau-père, l’épicier Strimmenos; tous les deux formant des personnages «synonymes» (Hamon: 133) à travers leur identité professionnelle commune et des traits de caractèrl comme intérêt personnel, amour de l’argent, manque de sentimentalité.

La relation Anthi-Giorgis (attirance) obéit aux codes naturels tandis que la relation Anthi-Nicolos (répugnance) obéit aux codes économiques (continuation de l’entreprise du père à travers le mariage) ainsi qu ’ aux codes sociaux (priorité de la volonté des parents face à la volonté de la jeune fille).

Nous avons ainsi deux couples de personnages opposés, où le premier (Strimenos-Nicolos) exprime une conception matérialiste qui obéit aux codes économiques (profit) et où le deuxième (Anthi-Giorgis) exprime une conception de vie qui obéit aux codes naturels (amour) et qui pourrait - par rapport à la première- s’appeler idéaliste. Ces codes et les conceptions de vie respectives ont comme véhicule deux classes professionnelles qui s’opposent dans le récit, les charretiers auxquels appartient Giorgis et les commerçants auxquels appartiennent Strimenos et son gendre.

L’antagonisme entre les deux classes professionnelles s’actualise dans le roman à l’occasion du mariage d’Anthi avec le commerçant, un mariage qui prend une signification négative dans le milieu de Giorgis pour la raison supplémentaire que Nicolos s’est approprié la charrette d’un charretier qui lui devait de l’argent. Les caractéristiques des deux classes professionnelles, qui se désignent tant au niveau de l’action qu’aux parties descriptives du récit, se résument ainsi:

 

Charretiers

Milieu ouvert (extérieur)

Etat de mouvement

Liberté

Vie d’insouciance (vin, chansons, amour)

Souplesse corporelle-flexibilité

Commerçants

Milieu clos (intérieur)

Etat de stagnation

Limitation

Vie de souci (calcul des comptes, argent)

Obésité - Inflexibilité

Les caractéristiques ci-dessus qui déterminent l’étiquette sémantique des charretiers et des commerçants comme ils sont représentés par Giorgis et Nicolos correspondent à des savoir-vivre différents (Jouve, 2004: 251). Le premier est insouciant, extériorisé et se relie plutôt au monde de la nature, le deuxième est plus responsable, intériorisé et se relie au monde de l’argent. Au sein de ces savoir-vivre se forme donc une opposition entre savoir jouir et savoir faire (travailler). Politi (1996) prend aussi en compte le facteur historique du développement des sociétés rurales, en soulignant une opposition entre passé et avenir, selon laquelle la classe des charretiers appartient au passé et les commerçants à la classe montante des bourgeois.

La question du mariage, question qui appartient à une sphère privée, entre dans des schémas plus collectifs et met en lumière un antagonisme professionnel. Le mariage public et fastueux de Giorgis par rapport au mariage clos et simple d’Anthi s’exprime comme la revanche de la classe des charretiers sur les commerçants. La collectivisation de l’individuel est d’ailleurs une des caractéristiques des sociétés provinciales. Hors de ces facteurs, qui intègrent l’individuel au collectif dans le récit, se trouve aussi la conception que l’individu est surdéterminé par le milieu professionnel auquel il appartient, ce qui renvoie à la doctrine naturaliste. Un réseau puissant de relations intègre définitivement Anthi, après son mariage, dans la classe des commerçants, non seulement dans l’opinion publique de la petite ville, mais aussi dans sa propre conscience, puisque petit à petit elle s’assimile au système de valeurs de son mari, subissant ainsi une sorte d’aliénation de conscience (Tonnet, 2001: 171).

Tandis que la symbiose d’Anthi et de Nicolos se préconise difficile en raison des oppositions intrinsèques intenses, qui sont illustrées de façon répétitive dans le récit, au niveau de la désignation tant du signifiant que du signifié de deux êtres, celle-ci va être influencée par des événements qui vont changer à un point non imaginable l’issue de l’action, renversant les données initiales. Le passage fastueux du cortège nuptial de Giorgis au-dessous de la fenêtre d’Anthi, qui répond au schéma de la revanche de l’amant trahi, échelonne la déception de celle-ci. Cependant, des faits décisifs pendant la durée de la vie de mariée d’Anthi vont changer son humeur ainsi que son point de vue: la maternité avec la naissance d’un fils, mais aussi son constat qu’à l’opposition de la prévoyance et de l’assiduité de son mari, les charretiers sont irresponsablement amuseurs et incapables de garantir la sécurité matérielle d’un ménage.

Nous avons ici un scénario narratif particulier: le programme narratif initial de l’héroïne s’annule puisqu’ elle-même en démissionne pour des raisons sociales. En plus, les relations entre les personnages ne sont pas stables, mais subissent des transformations entre le début et la fin du texte. Les relations initiales d’attirance (Anthi-Giorgis) et de répugnance (Anthi-Nicolos) se renversent finalement.

Le dernier chapitre qui décrit la vie du couple porte le titre «Assimilation», titre à caractère interprétatif. En perdant sa liberté à travers le mariage, elle perd aussi sa belle taille en devenant corpulente, mais aussi sa sensibilité, sa passion et son caractère rêveur, en se rapprochant de plus près de l’étiquette sémantique de Nicolos. Les transformations au niveau du signifiant (qui aboutissent à la perte de la nomination de Lygeri) correspondent à une transformation au niveau du signifié (sens du personnage). Lygeri donc, en tant que personnage romanesque, forme un signe discontinu tant au niveau du signifiant que du signifié (Hamon, 1977: 124-125).

Comme il est souligné dans les interventions du narrateur, le mariage en question, qui conduit à une transformation corporelle et psychologique, exprime par synecdoque le mariage de la villageoise. Le rôle de la mariée et les conventions qui y sont attachées (appartenance à un époux, devoirs d’épouse et de mère), est celui qui façonne l’individu et non le contraire. Le narrateur connecte de manière stable la position et l’évolution de Lygeri dans son mariage avec son statut de villageoise. Ainsi, il déduit l’individu au rôle et certifie la surdétermination du premier par le second. Le récit élabore l’opposition jeune fille vs femme mariée, tant au niveau de l’histoire que du commentaire théorique. Selon le discours du narrateur, seulement la vie virginale d’une paysanne peut se considérer comme vraie. Deux différentes façons de vivre déterminent respectivement la façon d’être de la femme:

 

Avant (Vie virginale)

Vraie vie

vs

Après (Vie de mariée)

Non vraie vie

 

Liberté

vs

Engagement

 

Sensibilité

vs

Insensibilité

 

Mince

vs

Corpulente

 

Jeune fille (: Lygeri)

vs

Femme

 

«Amante rêveuse»

vs

«Epouse positive»

 

Individu

 

Rôle

La vie de mariée d’Anthi correspond à une acquisition d’insensibilité. Comme son corps a perdu sa minceur et est devenu lourd ainsi son esprit est devenu stagnant et préoccupé uniquement par des questions matérielles de subsistance. Dans ce changement, la nature, une notion-clé dans la conception anthropologique des naturalistes (soulignée par le narrateur par une majuscule initiale: «Nature»), joue un rôle catalytique en venant à l’aide dans l’adaptation d’Anthi à son nouveau rôle social.

Dans le roman, comme on a vu à l’occasion de la désignation des principaux personnages, sont manifestées deux sortes d’analogies: entre des qualités physiques et psychiques et entre des fonctions professionnelles et des qualités psychiques. Ces correspondances, qui intègrent à un large degré le facteur du milieu, influencent la relation entre signifiant et signifié des personnages et peuvent être connectées à de conceptions naturalistes sur les lois du développement de la personnalité.

En ce qui concerne les codes principaux qui entrent en jeu dans l’action du roman et s’investissent sur les caractères, nous observons ce qui suit:

Dans le roman est percevable un antagonisme entre codes naturels et codes économiques qui est thématisé à travers le sujet de l’amour et du mariage respectivement. Le mariage par amour et le mariage forcé sont les deux pôles de cet antagonisme dans lequel, comme on l’a vu, s’impliquent aussi des codes professionnels. Cependant, l’issue de l’action conduit à une jonction et une harmonisation des codes antagonistes, qui se réalise avec comme axe anthropocentrique le personnage central de Lygeri. Dans cette jonction intercèdent, à un grand degré, des codes naturels survenant après, comme l’instinct de la maternité, mais aussi l’instinct darwinien de l’adaptation d’un organisme à un changement de conditions. Ici, il est à noter que le narrateur connecte métaphoriquement le changement d’Anthi au processus d’adaptation des plantes tropicales quand elles sont transplantées dans les pays du Nord.

Ces éléments, qui renversent le cours de l’action apportent l’harmonie au mariage incompatible d’Anthi et de Nicolos. A partir de l’exclusion mutuelle initiale, on passe à une notable coopération, complicité et synthèse de codes naturels et socio-économiques.

 

Le cas du Mendiant

Un mendiant qui vient d’un village où mendier constitue une profession, arrive avec son assistant handicapé dans un village de Thessalie, Nychteremi, récemment libéré par les Turcs. Là, avec sa ruse, il arrive à tromper les paysans ignorants et à s’enrichir sans que ceux-ci s’en rendent compte. Les conséquences de son séjour dans le village sont catastrophiques. Les herbes qu’il a vendu à une villageoise pour qu’elle donne naissance à un fils la conduisent, après des douleurs atroces, au suicide. Afin de venger un officier qui l’avait battu, le mendiant entraîne les villageois à brûler la maison où il réside et qui appartient aux autorités turques, avec le prétexte que dans cette maison son assistant qui venait de mourir, est devenu vampire. Cet acte est interprété par les autorités turques comme une rébellion des villageois et ces derniers sont poursuivis, tandis que le mendiant en changeant d’identité, quitte le village triomphalement et prend, cette fois, comme assistant lors de ses trajets de mendiant l’officier qui l’avait offensé, devenu handicapé par le feu.

Dans le Mendiant la femme se présente notamment comme un sujet collectif, même là où son existence est individualisée. L’identité de son signifiant est «la paysanne», une nomination qui se répète de façon constante dans le récit, où parfois elle est utilisée en périphrase pour nommer certaines femmes. Ce rôle social définit de manière absolue la sphère de son action, mais aussi ses traits psychologiques. Le milieu villageois associe la femme au lourd travail rural et domestique; par ce côté, elle s’assimile à l’homme paysan, qui est présenté notamment à travers des descriptions qui sont relatives au travail. La vie des deux sexes est régie par les codes économiques des sociétés rurales qui s’associent pour la survie. Il s’agit d’un faire qui détermine l’être des deux sexes.

Les qualités principales attribuées à l’identité des femmes au début du récit sont: assiduité, endurance, dureté psychique. Le narrateur souligne la résistance nerveuse des femmes locales, à la différence d’un étranger, l’officier, qui ne peut pas s’adapter à la rude vie des paysans. Mais la désignation des caractéristiques qui composent l’identité sémantique des femmes se réalise surtout à travers la relation qu’elles développent avec le personnage central du roman, le mendiant.

Ce dernier arrive au village ayant à accomplir un programme narratif spécial, celui de l’enrichissement, en profitant de ses habitants. Son étiquette sémantique se définit par la modalité du vouloir qui se concentre à cette quête majeure. Le mendiant va exécuter son programme avec succès, à travers une action qui comprend surtout la tromperie des femmes. Son action est inaugurée avec une épreuve. Le mendiant tombe victime de maltraitance par l’officier du village, qui s’énerve avec lui, parce qu’ il le dérange avec ses supplications insistantes. Pendant cette épreuve, le mendiant, même s’il dispose de la force physique, ne résiste pas et montre une patience admirable, en simulant des qualités morales, qui, parallèlement à la maltraitance qu’il subit, attirent la compassion des villageois. Quant au mendiant, on peut dire qu’il s’agit d’une épreuve préliminaire de qualification qui est associée avec l’acquisition de la qualification de la victime, qui renforce efficacement sa qualité de mendiant. Malgré le fait que l’officier (Opposant) domine sur lui avec la violence physique et réussit à l’ épuiser, l’issue de l’épreuve est favorable pour le mendiant (Sujet), puisqu’ il attire l’attention sur lui et reçoit les premiers soins des villageois.

Cependant, la sphère d’action professionnelle du mendiant ne va pas être la communauté des hommes mais celle des femmes. Le mendiant approche un lieu extérieur exclusivement féminin où des femmes rassemblées travaillent, échangent des informations, s’amusent et balivernent. Là, il prépare son action en essayant de lire la psychologie de ses futures victimes. L’indifférence initiale des femmes envers lui se transforme en intérêt vif, quand elles s’imaginent qu’il a des forces magiques et peut devenir assistant à leurs poursuites personnelles. Tandis qu’il les conduit habilement à des confessions et gagne leur confiance, le mendiant, en isolant chacune d’entre elles, essaye de les convaincre des qualités miraculeuses des herbes dont il dispose. Dans cette rencontre, qui se réalise loin des regards des hommes, on reconnaît la catégorie de la communication, pendant laquelle se crée un contrat selon le schéma (proposition [mendiant] - acceptation [femmes]), qui consiste en la vente et l’achat de ses herbes. Afin de gagner la confiance des femmes et d’assurer le contrat, le mendiant mobilise la modalité de dire avec une habileté extrême, dans un processus de conviction sur la rareté et l’efficacité de ses herbes. Ce processus réussit et lui-même arrive à être reconnu par les femmes comme une personne aux capacités supérieures. Ainsi, grâce à son épreuve avec l’officier et à l’issue positive de la communication avec les femmes, le mendiant obtient, dans la perspective des villageois, deux qualités qui lui permettent d’exécuter son programme narratif avec succès : celle de la victime pitoyable, au début et celle du mage, par la suite. La première qualité mobilise la compassion des hommes, tandis que la deuxième attire l’intérêt des femmes.

De cette manière, le mendiant est reconnu comme devin et connaisseur du royaume de la nature. Ces forces le placent à une position de supériorité par rapport aux femmes, selon le schéma oppositionnel savoir-ignorer. A partir du moment où les femmes reconnaissent sa supériorité au sujet de la connaissance s’établit un contrat qui appartient à la catégorie de la tromperie, étant donné que les services du mendiant sont faux mais les échanges qu’il réclame véritables.

Dans la même séquence de la communication, émerge sur la surface narrative une affinité paradigmatique entre les femmes et le mendiant, que lui-même perçoit et commente. Certaines femmes n’ont pas un caractère moins sombre que le sien, puisqu’ elles demandent ses services pour faire mal à d’autres personnes qu’elles considèrent comme ennemies. L’hostilité et la méchanceté situent les femmes, comme le mendiant, dans la sphère du mal. L’autre trait paradigmatique commun aux deux pôles de la transaction est l’intérêt. Les femmes ne sont pas motivées par un vrai sentiment de compassion et de charité envers le mendiant mais commencent à le soigner quand elles sont en train de croire qu’il peut les aider dans leurs besoins.

Les deux pôles de la communication entrent ainsi dans une relation commerciale, qui s’appuie sur l’échange de biens. Ce code commercial, même s’il présente quelques apparences d’humanisme comme l’offre de nourriture au mendiant affamé, est par définition économique et s’appuie sur le profit mutuel.

Un autre trait du profil sémantique des femmes, particulièrement présent dans cette séquence, est leur nature superstitieuse qui les rend particulièrement disposées aux mystères et aux symboles, dans lesquels elles voient des moyens magiques pour influencer le monde naturel à leur gré. Un tel exemple est la réaction superstitieuse de Kroustallo, quand son époux aide le mendiant battu par l’officier, en lui apportant une torche allumée pour passer la nuit. Kroustallo, enceinte et obsédée par l’envie d’avoir un fils, proteste fortement, car selon un préjugé, sortir une lanterne de sa maison la nuit favorise la naissance des filles dans la famille. Ici, les codes économiques et sociaux relatifs à la nécessité d’avoir des fils s’avèrent plus forts que le code moral lié à l’offre d’aide à une personne en besoin.

Les besoins personnels, que les femmes essayent de satisfaire à l’aide du mendiant, sont relatifs à des codes sociaux. La fille du prêtre du village, Panayiota, a été abandonnée par son fiancé parce que le père d’une autre fille lui a promis quelques faisceaux de foin de plus pour dot. Elle veut ramener son fiancé notamment pour faire disparaître la honte sociale provoquée par cette infidélité. Par ailleurs, Kroustallo, qui souhaite avant tout obtenir un fils, accepte à tout prix d’acheter l’herbe spéciale que le mendiant lui propose. Dans ses arguments, elle expose les raisons qui motivent cette obsession:

 

Homme

Protecteur

Sécurité économique

Force

Femme

Protégée

Dépendance économique

Faiblesse

Donner le jour à un enfant de sexe masculin s’associe à de puissants codes économiques et familiaux, puisque l’homme avec sa force physique offre aux membres faibles de la famille (mère-sœurs) sécurité physique et financière.

Dans la capacité du mendiant de convaincre, hormis sa pénétrante analyse psychologique des victimes, est impliqué l’usage hypocrite de notions telles que bonté et charité, qui appartiennent à un code chrétien de valeurs. Ces notions font partie de son savoir-faire professionnel.

Caractéristique de cet art qui relève de la modalité du savoir dire est la flatterie envers Kroustallo quand le mendiant essaye de susciter chez elle des sentiments philanthropes pour en tirer profit. Cette flatterie provoque chez la femme un phantasme de supériorité psychique et de vie aristocratique, qui constitue dans le roman la seule forme de réaction d’une femme envers sa place sociale et son milieu. Le fantasme mobilise les oppositions: rêve vs réalité, vie aristocratique vs vie paysanne, richesse vs pauvreté, et subordonne les qualités morales compassion vs indifférence aux catégories socio-économiques de la richesse et de la pauvreté. Il est ainsi souligné que le milieu socio-écomique est celui qui forme la morale d’une personne, ce qui renvoie à un modèle de pensée naturaliste (Dictionnaire des genres et notions littéraires, 2001: 512-520).

Les femmes constituent pour le mendiant le principal moyen pour parvenir à ses fins. Pour cela, il met en acte des mécanismes de leur manipulation. Par conséquent, dans la relation mendiant-femmes se développent deux nivaux de comportement: d’une part celui du mendiant qui est hypocrite et appartient à la catégorie du faux et du paraître et d’autre part celui des femmes qui est réel et appartient à la catégorie de l’être. Leur communication qui est régie par l’opposition être/paraître donne une dimension tragique à la situation problématique des femmes. De cette façon, la relation vendeur-client qui relève du code commercial entre dans une relation sacrificateur-victime:

Proposition (de vente) [Mendiant] / Acceptation de la proposition [Femmes]

Confiance [Femmes] / Engagement [Mendiant]

Echange des biens

Déception [Femmes] / Justification [Mendiant]

Tandis que la victime de la ruse du mendiant et, en fin de compte, tout le village, sa première victime-cible, par rapport à son programme narratif d’enrichissement, est la communauté féminine. Selon les séquences suivies jusqu'à présent nous avons la distribution des rôles suivants (Greimas 1986: 172-186, voir aussi A. Greimas & J. Courtés, 1993: 3-5):

Sujet + Destinateur + Destinataire = Mendiant

Objet = Biens matériels

Adjuvant = Femmes

Opposants = Officier + Epoux des femmes trompés (virtuellement)

Le syncrétisme des trois premiers actants au personnage du mendiant peut être attribué à un type de caractère particulièrement volontariste. Des personnages discernés par des fortes pulsions vitales sont d’ailleurs souvent rencontrés dans les œuvres naturalistes.

Par rapport aux rôles de l’opposant nous avons un opposant réel que se manifeste au début du récit et qui assure une victoire sur le sujet. Cependant, selon l’optique de ce dernier et de son programme narratif, c’est lui qui profite du conflit. Par la suite, l’époux de Kroustallo, la villageoise que le mendiant a réussi à tromper en lui donnant une herbe dangereuse en échange de biens précieux de sa maison, ne perçoit pas à temps l’absence de ses biens pour se mobiliser comme opposant. Il s’agit des opposants accidentels ou virtuels, qui ne renversent pas le programme du mendiant. En plus, dans le cas de l’officier, il est finalement triomphalement vaincu par le sujet, selon le schéma de la vengeance, qui conduit à un renversement des rôles: de victime le mendiant devient le sacrificateur de l’officier (en le rendant handicapé et en l’utilisant comme assistant).

On voit que la vie des femmes est réglée de façon absolue par des conventions collectives qui règlent la vie du village. En dehors de ces conventions généralement acceptées est référé un contrat local à caractère économique, dont les créateurs sont des hommes. Ce contrat a un caractère inhumain et montre une pathologie sociale. Un village voisin de celui du mendiant base son économie sur l’acte de mendier, dont la principale victime sont les enfants. La mutilation des enfants quand ils naissent afin de devenir handicapés et d’être loués chez des mendiants professionnels est un phénomène commun et constitue la source principale du revenu familial. Cela se passe avec le consentement - même silencieux - de la société locale. Les villageois ne l’admettent pas de façon évidente, puisqu’ ils répandent que la mutilation des enfants est due à des forces surnaturelles. Le scénario de l’exploitation du faible va de pair avec le schéma de l’hypocrisie. Il s’agit d’une violation des codes fondamentaux naturels et moraux qui sont liés au devoir parental et social de la protection des enfants et d’une subordination absolue de ces codes aux codes économiques. Les porteurs de cette violation sont des hommes; les femmes sont obligées de se conformer à la situation soit à cause de l’ignorance et de la crédulité, soit à cause de la soumission aux hommes et à leur endurcissement psychique qui les égalise à ces derniers. Cependant, le narrateur rapporte le cas d’une mère qui ne peut pas se concilier avec cette situation et en souffre: Chaidemeni, la mère de Mountjouris, assistant du mendiant, ne veut pas croire à la rumeur qui reconnaît des causes surnaturelles à la mutilation de ses enfants et soupçonne la cause humaine, un soupçon qui touche aussi son mari. Pendant son dernier accouchement, où son mari est absent, elles prend toutes les mesures nécessaires et ne laisse personne s’approcher de ses jumeaux. Cependant, malgré sa précaution, elle ne réussit pas à les sauver. Au retour de son mari et à la démonstration de sa part d’amour pour les nouveau-nés, Chaidemeni se tranquillise. Cependant, un jour, elle les trouve mutilés; dans son désespoir elle quitte sa maison pour toujours. Le programme narratif de Chaidemeni, contrairement au programme narratif de son mari, connaît la défaite. L’antagonisme des deux sexes et la lutte pour la domination du code naturel (féminin) sur le code économique (masculin) échoue, ce qui montre l’impasse de la réaction de l’individu isolé (mère) en face d’un pouvoir masculin très puissant (père) qui impose ses cruelles règles économiques dans la société locale.

En ce qui concerne la distribution des modalités dans la relation femmes-mendiant, nous observons que les femmes sont dotées d’un vouloir faire, mais pas d’un savoir faire. Elles se trouvent au niveau du désir et se sentent impuissantes face à la nature et à leur destin. Au contraire, le mendiant se présente comme un sujet qui combine plusieurs modalités: vouloir faire (profiter), savoir-faire (techné) auquel appartient un savoir dire (faire persuasif) et finalement un pouvoir faire (Jouve, 2002: 159). La combinaison de plusieurs modalités chez le mendiant, contrairement aux femmes qui y sont inférieures, lui attribue une place de supériorité envers celles-là.

Comme nous venons de le voir, les caractéristiques principales du profil sémantique des femmes se dessinent à travers leur relation avec le protagoniste du mythe, le mendiant, qui fonctionne comme catalyseur en contribuant à ce que les principaux problèmes de la communauté féminine montent à la surface.

Tandis que la femme par ses fonctions et ses qualités se présente comme un rôle social, le mendiant se présente aussi comme un rôle psycho-professionnel. Il s’agit de personnages référentiels, lesquels selon Hamon servent essentiellement «d’encrage» référentiel en renvoyant au grand Texte de l’idéologie, des clichés, ou de la culture (Hamon, 1977: 122). Dans le cas du mendiant, on a un caractère individualisé avec une action qui est mobilisée par un volontarisme puissant. Le mendiant a la capacité d’influencer son milieu, selon sa volonté, tandis que les femmes subissent son influence dans une relation plus pathétique. Le narrateur souligne que les traits de caractère des femmes (dureté, superstition, crédulité) ne sont pas innés mais sont dus à des facteurs environnementaux.

L’identité sémantique de la femme au niveau du signifiant (onomatologie, description extérieure) et du signifié (caractéristiques psychologiques, convictions) est surdéterminée par la localité et le milieu. Elle se dessine non par rapport à son individualité mais par sa relation avec les codes économiques (subsistance) et familiaux-sociaux (procréation, patriarchie), qui sont issus de ce milieu. Ces codes, comme on le voit dans le mythe, fonctionnent de façon étouffante pour les femmes qui,dans leur effort d’y réagir (Chaidemeni) ou de s’y conformer (Kroustallo), entreprennent des actions avec des conséquences néfastes pour leur existence.

Dans Le mendiant, l’écrivain tend à réaliser, à travers des présentations de cas à valeur de synecdoque, une psychographie féminine collective, celle de la paysanne, dans son milieu historique, pragmatique et social, en subordonnant la personne à l’espèce et en révélant ainsi l’influence des conditions sur l’individu.

Dans les deux romans de Karkavitsas, Lygeri et Le mendiant, la représentation du sexe féminin est régie par un déterminisme biologique et social. Par rapport à l’homme, la femme présente plus de passivité dans sa relation avec son milieu avec très peu de marges d’expression de son autonomie, même quand elle a l’occasion d’exercer sa volonté. Cela est dû au fait que les codes sociaux qui l’influencent n’ont pas seulement de la puissance extérieure, mais sont aussi intériorisés au niveau de la conscience (Lygeri).

Tandis que les femmes se présentent plus sensibles à des questions qui sont relatives à des conventions sociales, les hommes semblent plutôt se mouvoir dans le cadre des codes économiques, dont il peuvent être les créateurs, comme dans la société des villages, Krakoura et Agios Petros, qui produisent des mendiants professionnels. Les femmes sont impliquées dans ces codes dans le degré où elles vivent leurs conséquences en tant que victimes, un cas percevable tant dans le cas du Mendiant que de Lygeri. Dans le premier cas, ce phénomène se réalise à travers le rôle social du mendiant, qui manipule les femmes pour parvenir à ses buts économiques. Dans le deuxième cas, ceci se réalise à travers le rôle thématique du père, qui force sa fille à un mariage mal assorti, par calcul économique. Dans les deux contextes, la dominance de la volonté masculine est présente: que cela se passe licitement et consciemment avec l’intercession des conventions sociales (Lygeri), ou bien par des moyens illicites et par ignorance, dans le cas de la tromperie massive des femmes par le mendiant.

© Martha Kiskira-Soderquist (L’Université Paris IV-Sorbonne, University of Athens Greece)


REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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  4. Hamon, Philippe (1977), «Pour un statut sémiologique du personnage», dans Barthes, Roland, Kayser, Wolfgang, Booth, Wayne, C. & Hamon, Philippe, Poétique du récit, Paris: Editions du Seuil, 165-180.

  5. Jouve, Vincent (2002), L’effet personnage dans le roman, Paris: P.U.F. (première édition: 1992).

  6. Karkavitsas, Andréas (2002), Le Mendiant, Athènes: Editions Estias.

  7. Karkavitsas, Andréas (1995), Lygeri, Athènes: Editions Estias.

  8. Politi, Tzina (1996), «L’élaboration romanesque de l’idéologie: Analyse de Lygeri d’Andréas Karkavitsas», dans Politi, Tzina En parlant avec les textes [Traduit du grec], Athènes: Editions Agra, 63-127.

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  10. Το nnet, Henri (2001), Histoire du roman grec moderne. Traduit en grec par M. Karamanou, Α thènes: Editions Patakis.


1.2. Gesellschaftliche Reproduktion und kulturelle Innovation. Aus semiotischer Sicht

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For quotation purposes:
Martha Kiskira-Soderquist (L’Université Paris IV-Sorbonne, University of Athens Greece): Société et représentation de la femme dans l’œuvre romanesque d’Andreas Karkavitsas. In: TRANS. Internet-Zeitschrift für Kulturwissenschaften. No. 16/2005. WWW:www.inst.at/trans/16Nr/01_2/kiskira-soderquist16.htm

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