Trans Internet-Zeitschrift für Kulturwissenschaften 16. Nr. April 2006
 

14.1. Re-Shaping Eastern Communities’ Patterns through the European Union Context
Herausgeberin | Editor | Éditeur: Anca Irinel Teleoacă ( "Lower Danube" University, Galati, Romania)

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Le langage publicitaire - de l’information a la seduction

Aura Celestina Cibian (Université «1 Decembrie 1918», Alba Iulia, Roumanie)

 

Le langage est une arme extrêmement puissante car il aide à l’expression et la diffusion des idées ainsi qu’à la structuration de la pensée. À ce titre, il fait l’objet de l’attention des publicitaires qui veulent par son intermédiaire faire appel à notre subconscient pour nous faire admettre, avec le moins de réflexion ou de regard critique possible que tel ou tel produit nous est devenu indispensable. Aussi l’objectif de la publicité sera-t-il le même: celui d’ «accrocher» le consommateur, d’établir entre lui et le produit une relation consciente ou non. Quant aux méthodes, elles varieront en fonction du produit, du client ou de la période choisie pour le lancement.

 

La publicité est très sensible au climat socio-économique. Un climat dominé par l’information, mais quelle sorte d’information? Quelle est la limite entre la réalité et la fiction? Le consommateur, est-il attiré vers le produit ou est-ce le produit qui est poussé vers le client? - une série de questions convergeant toutes vers le même point de rencontre: la publicité et ce qu’elle a de plus représentatif - les méthodes de persuasion dont elle se sert pour atteindre ses buts.

La révolution dite médiatique a été provoquée par la mise en pratique des nouvelles technologies de consommation des médias (le rôle croissant de l’audiovisuel), ce qui entraîne la mise en place d’une logique économique qui détermine le marché média. Pour l’homme d’affaires du XIX e siècle, une simple connaissance empirique du marché suffisait pour écouler ses marchandises. Mais, de nos jours, le monde des affaires est en recomposition continue de sorte que même les entrepreneurs les plus entendus ont du mal à tenir le coup. Les techniques de vente des années ‘80, ‘90 ne sont plus efficaces. L’économie d’abondance, l’élargissement des marchés, le développement de la concurrence, les produits hors de prix imposent l’appel à des armes et techniques particulières car le problème n’est plus de vendre ce que l’on produit, mais de produire ce qui est susceptible d’être vendu.

Une affaire profitable s’appuie sur deux des plus puissantes armes: l’information et la surprise. L’information tient de ces étapes du lancement et de la commercialisation d’un produit qui visent la naissance de l’idée (que va-t-on produire?), l’analyse de l’idée (le projet est-il réalisable?), l’étude de marché (quels sont les produits similaires offerts par la concurrence, les avantages, les défauts de ceux-ci? quel est le profil du futur consommateur? quelles sont ses motivations?). En revanche, la surprise repose sur la mise en place des moyens de communication et de promotion (comment faire connaître le produit et inciter le public à l’acheter?). Une stratégie de communication est un instrument d’homogénéité entre tous ceux qui contribuent à la création de la campagne publicitaire. Chacun, spécialiste des médias, de la création, des relations publiques etc. a une idée de ce qu’il faudra faire, chacun voit la publicité avec sa lorgnette personnelle. La stratégie de communication aide à orienter le travail de tous. Elle les pousse dans le même sens, dans le même but - celui d’entrer en contact avec le client potentiel et non seulement cela. Car ce que nous vivons aujourd’hui est une sorte de tout-publicité.

Selon J.P.Gourevitch (in Danilo: 7), chaque jour:

on lit 0,022 livres

on capte entre 100-500 messages publicitaires
on voit 0,009 films  
on écrit 0,203 lettres  
on écoute 167 minutes de radio  
on regarde 1,52 heures de télévision  
on parcourt 0,243 journaux .  
On les choisit. Ils nous choisissent

Le langage est une arme extrêmement puissante car il aide à l’expression et la diffusion des idées ainsi qu’à la structuration de la pensée. À ce titre, il fait l’objet de l’attention des publicitaires qui veulent par son intermédiaire faire appel à notre subconscient pour nous faire admettre, avec le moins de réflexion ou de regard critique possible que tel ou tel produit nous est devenu indispensable. Aussi l’objectif de la publicité sera-t-il le même: celui d’ «accrocher» le consommateur, d’établir entre lui et le produit une relation consciente ou non. Quant aux méthodes, elles varieront en fonction du produit, du client ou de la période choisie pour le lancement.

Selon Jean-Marie Floch (in Romantan & Aldea, 2000: 74) il y a quatre types de publicité: la publicité référentielle, substantielle, mythique et oblique, la différence majeure se situant au niveau du rapport entre le discours publicitaire et le produit. «Si, avec la publicité référentielle et celle substantielle on est dans l’aire de la crédibilité, de l’information, de la simplicité, avec la publicité mythique et celle oblique on entre sous l’impact de l’imaginaire, des pièges langagiers, de la manipulation de la réalité» (idem). Pourquoi défaire la réalité? Pourquoi présenter le produit non pas comme il est, mais de telle manière que le client ait envie de l’acquérir? Une des réponses est qu’il n’y a pas de clients, mais des clients potentiels partagés en plusieurs catégories en fonction de l’âge, de la personnalité, du système de valeurs de chacun. Un objet, un mot, une idée provoquent des réactions différentes chez des personnes différentes. Les superlatifs relatifs des adjectifs, par exemple, compris dans un message publicitaire garantissent à certains clients la suprématie du produit visé, tandis que pour d’autres ils ne font que diminuer la valeur de celui-ci. Ou bien un message du type «C’est la chose qui vous manquait» pourrait déclencher une réaction soit d’approbation, soit de méfiance ( de la part de ceux qui considèrent que les autres ne peuvent décider à leur place.) L’homme d’affaires doit très bien connaître ses clients, tellement bien que ceux-ci n’aient plus envie de tester les produits de la concurrence. C’est le client et non pas l’industriel à prendre les décisions majeures concernant le produit qui sera vendu.

Pour arriver à ces résultats, les publicitaires se servent des études de psychologie qui les aident à mieux comprendre la manière de penser et de réagir des clients potentiels. Certains pensent que la vente d’un objet doit tenir compte de la hiérarchie sociale en fonction de laquelle chaque groupe essaye à la fois de se distinguer des groupes placés en dessous de lui et d’imiter la consommation du groupe situé immédiatement au-dessus. Ainsi un bien nouveau sera-t-il d’abord acquis par les membres du groupe supérieur cela leur permettant de montrer leur position sociale. Non seulement ils dépensent beaucoup, mais ils consomment les choses les plus bizarres qu’ils importent à grands frais des pays exotiques. D’ailleurs, le caviar dont ils se régalent n’est pas tant qu’ils y prennent goût, ils le consomment surtout pour montrer qu’ils peuvent se l’offrir. Leur consommation est ostentatoire. Dès que le prix devient accessible à d’autres, le bien est acheté pour imiter le groupe supérieur («Si les Démiaux ont la Renault, pourquoi ne l’aurais-je pas? Si eux, pourquoi pas moi?»)

C’est que les fabricants vendent avant tout de la sécurité émotive. Un réfrigérateur représente pour quelques-uns l’assurance d’avoir toujours de quoi manger à la maison et ce fait équivaut à la sécurité et à la chaleur. Ou bien ils vendent le sentiment de puissance. Lors d’un sondage psychiatrique, une agence de publicité a conclu que quelqu’un qui achète une voiture neuve tous les deux ans c’est qu’elle lui donne un sentiment renouvelé de puissance et le rassure quant à sa virilité.

Une autre classification réalisée par Bill Gallagher (1995: 69) met en évidence sept types ou phases de personnalité se constituant pour les spécialistes en une sorte de «carte de l’esprit». Dans certaines phases, les gens éprouvent des besoins, des désirs et des espoirs différents. En observant certains clichés dans leur comportement, on peut anticiper les questions qu’ils vont se poser, les objections qu’ils vont faire et même les informations dont ils auront besoin pour acheter. Les sept types de phases sont: la phase de l’amoralité, la phase de l’égotisme, la phase de l’amabilité, la phase de l’autorité, la phase du principe, la phase de la responsabilité et la phase de l’universel. L’attitude de l’homme amoral se caractérise par le repli sur soi-même en évitant les difficultés. Les trois phases suivantes sont spécifiques pour les gens à dominante cérébrale gauche, les «réalistes». Par exemple, une personne dont le comportement s’inscrit dans la phase de l’égotisme doit toujours gagner. Lorsqu’il croise un étranger, l’égotiste se demande tout suite si l’étranger est plus compétent que lui. Les égotistes sont ambitieux, agressifs, insensibles. Pour eux, tout est une compétition ce qui ne leur permet pas de réfléchir aux sentiments des autres. Les clients potentiels de cette phase ne font pas confiance à un vendeur de peur qu’ils ne soient trompés. Cependant, ils aiment les confrontations avec les vendeurs de la même phase en méprisant en même temps ceux qui se trouvent dans la phase de l’amabilité. De plus, un égotiste aura toujours besoin de dates concrètes pour être fidélisé. Un agent immobilier lui présentera une maison de la manière suivante: «L’achat d’une maison est une décision extrêmement importante qui épouvante certaines personnes. C’est probablement le seul investissement important que vous fassiez. Et peut-être vous vous demandez: "Est-ce vraiment la maison de mes rêves?" Bien sûr que la réponse ne viendra pas tout de suite. Mais je dois vous dire qu’au bout des six mois après votre emménagement, après que vous aurez aménagé l’intérieur, mis au point le gazon et fait peindre la façade, vous en serez très fier car la maison portera votre empreinte. C’est à ce moment-là que vous serez conscient des avantages de votre choix.» (idem) L’agent déplace ainsi le client du présent à un avenir agréable, lui décrit un cadre familier où il occupe la place centrale. L’agent lui crée une motivation. Cette étape est nommée par les spécialistes «affronte le monstre» (c’est à dire faire disparaître le doute).

À l’opposé se trouvent les clients des phases de l’autorité, du principe et de la responsabilité. Pour les convaincre, l’agent jouera sur leur côté émotionnel car il s’agit de gens à dominante cérébrale droite, «les créatifs». Soit il leur fait part de son expérience personnelle («Je me rappelle le choix de notre première maison. Il nous a été très difficile - à ma femme et à moi - de prendre une décision…Mais aujourd’hui, même si l’on habite une plus grande maison, dans un plus beau quartier, nous pensons encore avec nostalgie à cette petite maison de la Rue 18.»)(idem), soit de l’expérience d’une troisième personne («J’ai collaboré quelques années auparavant avec un couple des jeunes gens qui trouvaient que la maison était plus grande qu’ils l’auraient voulu. Mais, une fois instalés, ils ont appris qu’ils attendaient un bébé. Aujourd’hui, leur fillette a sa chambre à coucher à soi et une grande cour qui lui offre de la sécurité.»)(idem). Les «créateurs» ont besoin qu’on fasse appel à leur sensibilité, à leur imagination. Ce sont eux le public-cible de la publicité oblique. Le publicitaire devra faire preuve d’habileté verbale et trouver le moyen de bien dire les choses et les dire d’une manière originale. L’exemple suivant, rapporté par Biscayart (in Danilo: 9) illustre bien cette importance:

Le psychologue américain de la vente Ripley passe un jour devant un aveugle se trouvant à une entrée de métro avec une sébile à la main.

-Combien recueillez-vous par semaine? lui demande-t-il.
-Six à douze dollars, répond l’aveugle.
-Voulez-vous gagner davantage?
-Bien sûr! dit l’aveugle.

Ripley écrit alors quelque chose sur l’ardoise qui porte le mot aveugle et s’en va. Une semaine plus tard, l’aveugle est fou de joie. Les passants étaient trois fois plus généreux. Ripley, connaissant bien la nature humaine, avait écrit sur l’ardoise:

AVEUGLE

C’est le printemps et je ne peux le voir…

Le publicitaire lui aussi usera souvent des mécanismes de suggestion. Il ne dira pas «buvez du vin», mais «un repas sans vin est une journée sans soleil».

La publicité oblique s’appuie sur les sens, l’instinct, le subconscient. La lecture d’un message oblique suppose la connaissance de nombreux codes (socioculturel, politique, économique, culturel) qui chiffrent le message en créant une multitude d’effets. Le concepteur-rédacteur d’une publicité oblique doit donc faire preuve de créativité, de capacité d’analyse et de synthèse afin d’être à même d’interpréter les données concernant le marché pour en tirer des arguments vendeurs. Il lui faut de la curiosité, du savoir-écrire, une certaine tournure de l’esprit, respirer l’air du temps. Il doit faire preuve d’une curiosité omnidirectionnelle, avoir le sens du spectacle, de l’étonnant. Un bon slogan agit sur la mémoire créant une sorte de réflexe mental qui entraîne à l’achat: «J’y vole, donc j’y suis.»

Parmi les procédés littéraires dont se sert la publicité, la parodie prend des formes différentes, un des types favoris étant celui où une publicité glisse dans son message des allusions ironiques à l’adresse d’une autre publicité ( au cas ou il s’agit de la concurrence, cela est une sorte de contre-réclame, partie intégrante de la publicité clandestine; c’est un exemple de publicité pas très souvent employée car elle est illicite). Une publicité pour le chocolat LINDT affirme «Quelques grammes de finesse dans un monde de brutes»; Volkswagen réplique: «Une voiture de rêve dans un monde de réalité». C’est aussi le cas de publicité roumaine de Dialog: «Es-tu sur Dialog? Très bien! C’est ça la conversation!» qui fait allusion au slogan de la campagne PRO TV: «Es-tu sur PRO TV? Très bien! C’est ça la télévision!» (exemples de Romantan & Aldea, op. cit.: 87-107) .

À part la parodie, la publicité oblique fait appel à d’autres procédés littéraires tels que l’ironie et l’humour. L’ironie n’est pas du tout cryptique et vise un public prêt à interpréter. «Nulla dies sine GSM» c’est une des annonces de Connex, les images présentant un individu avec un air bête, mais qui s’efforce d’accroître son importance en achetant des objets de luxe dont il ne se sert pas forcément (idem: 84)

L’auto-ironie fait elle aussi partie des procédés spécifiques du discours oblique en choquant le consommatuer car, au lieu de vanter le produit visé, elle l’ironise; c’est comme si l’on avertissait le client de faire attention aux choix qu’il fait. L’auto-ironie est devenue une des constantes de la communication de Volkswagen qui fait semblant de se résigner à sa condition ingrate: «La laideur n’est qu’apparente», «quand on en possède une, le mieux c’est de la revendre» (idem: 96).

L’ironie va jusqu’à l’humour noir par la création d’un message dont l’acteur principal est Ceau ş escu: «Ce printemps je veux voir vert partout!» (le vert - la couleur-symbole de Connex, mais non seulement; Ceau ş escu faisait peindre les arbres jaunis et le gazon flétri en vert émeraude). (idem: 110)

Vu le statut de la publicité qui a beaucoup changé, le langage publicitaire a désormais des intérêts non seulement dans le domaine de la publicité, mais aussi dans l’ économique, le politique, le social voire le religieux. Ce n’est pas un hasard si tous les politiciens prennent bien soin d’apprendre les techniques de joute oratoire avant de se lancer dans l’arène politique. Le côté le moins agréable de toute cette conjoncture est que la logique du profit détruit les êtres humains, les structures sociales, les acquis sociaux et l’environnement qui s’accompagne d’une domination autoritaire et incontestée de toute la planète.

 

Facettes de l’âme contemporaine

La majorité des annonces tirent leur efficacité du mythe, ce récit fabuleux qui renvoie à l’origine des choses. C’est par le mythe que les anciens transmettaient leur compréhension du monde. Ces récits qui racontent l'origine de l'univers, la création de l'homme, son voyage dans l'au-delà et d'autres motifs semblables servent de référence et d'explication. Remplis de symboles expressifs qui touchent le côté émotif des humains, les mythes traditionnels ont presque toujours une signification religieuse ou spirituelle. Nous pouvons rappeler la Genèse qui raconte la création du monde et l’expulsion de l'homme du paradis terrestre. Nous pouvons aussi évoquer le livre des morts égyptien qui raconte la migration de l'âme lors d'une traversée vers l'au-delà. Il y a encore l'exemple d'Hercule, personnage de la mythologie grecque, dont les douze travaux évoquent le combat et la puissance de l'homme face à la nature et aux dieux.

En raison du progrès scientifique et du déclin de la pensée religieuse, bien des gens pensent que les mythes ont disparu à notre époque. Il est vrai, les mythes ont changé de forme, mais ils sont aussi présents qu'autrefois. Nous pouvons même dire que les mythes sont un besoin fondamental de l'être humain. Ils jouent de grands rôles dans notre vie sociale et dans notre psychisme individuel. Outre les mythes religieux et politiques, on compte de nombreux mythes véhiculés par les médias modernes, dans la publicité, le cinéma, la musique, la télévision: le mythe de l'éternelle jeunesse, le mythe de la performance sexuelle, le mythe de l'amour romantique, le mythe de la puissance automobile et celui de l'harmonie sociale etc véhiculés par des personnages comme James Bond, la poupée Barbie, la voiture sport et les motos Harley Davidson. Chacun de ces mythes est une composition de récits, de symboles et d'émotions associés à un moi idéal. Comme Hercule dans l'antiquité, Superman redresse les torts et combat les méchants. Comme la belle Hélène de Troie, les tops modèles de la mode font soupirer les cœurs d'envie et de désir (cf. Klineberg 1959).

Un possible argument contre le pouvoir de séduction des mythes serait que nous sommes aujourd'hui moins naïfs et plus rationnels qu'autrefois. Cependant, cela reste à voir car, après avoir fait de la science et de la haute technologie une idole imbattable qui aurait dû résoudre tous les problèmes de l'humanité, nous brûlons maintenant leurs effigies au nom de la nature douce et harmonieuse des écologistes. Comme au début du siècle, l'astrologie et les autres "sciences" occultes font des ravages parmi le peuple, propageant des mythes inoffensifs ou très dangereux, comme ceux qui ont poussé les membres de l' «Ordre du temple solaire» au suicide et au meurtre. Dans ce siècle, des millions de gens se sont battus et sont morts pour le socialisme scientifique. Au nom de l'islam, des milliers d'enfants iraniens sont morts au front de la guerre contre l'Irak: pas de problème, ce sont des martyrs qui sont aujourd'hui au ciel.

Toute la publicité tire son efficacité du mythe selon lequel plus je consomme, plus je serai heureux. Elle est elle-même un véhicule inventif de mythologie contemporaine. Certaines marchandises deviennent de véritables objets de culte: les marques de vêtements s'étalent en devanture, la BMW est «plus qu'une voiture» et l'ordinateur Macintosh va créer une «vie meilleure». Les slogans publicitaires tiennent lieu de pensée («la génération Pepsi») ou d'idéologie («Beneton, toutes les couleurs unies»). Les messages publicitaires mettent en scène une famille idéale imaginaire où les rapports sont harmonieux, les gens souriants et où toutes les banlieues du monde vivent dans l'abondance. La publicité vend du rêve. Ainsi, les mythes contemporains sont plutôt des représentations collectives que des récits fabuleux en tant que tels. Ces représentations interviennent souvent dans la vie sociale et dans la vie de chaque personne.

Les mythes ont un rôle psychique très important: ils cristallisent les espoirs et les craintes, mobilisent les énergies vitales autour d'objectifs symboliques importants et ils orientent les désirs et les sentiments qui accompagnent toute action mobilisante (op. cit.). Certaines personnes croient que leurs relations amoureuses se dérouleront dans un climat d'euphorie perpétuelle et de fusion totale. La réalité se chargera de les décevoir, mais entre-temps ils entretiendront une conception fabuleuse des relations amoureuses et tenteront désespérément de correspondre à une certaine image d'eux-mêmes, tel que le rôle qu'ils entendent jouer le définit: Roméo ou Juliette, Casanova ou Mata Hari, Madonna ou Roch Voisine selon leur identification imaginaire. De fortes émotions seront reliées à ce mythe: ils réagiront avec indignation à toute critique ou raillerie contre leur vision de l'amour. De la même manière, un sectateur sera prêt à défendre avec véhémence des idées absurdes au nom de l'amour qu'il porte à son gourou. Dans la vie sociale les mythes jouent également un rôle essentiel: ils organisent les masses autour des objectifs idéologiques communs, ce qui explique leur rôle en politique et dans l'éducation par exemple. Ils favorisent la cohésion du groupe et permettent la communication en fournissant un langage commun aux acteurs sociaux. Il suffit de comparer le comportement des gagnants et des perdants lors d'une élection pour comprendre tout ce que les militants ont pu sacrifier à leur idéal. Lors des parades nationalistes ou syndicales, des phénomènes d'identification collective aux leaders investissent ceux-ci d'un pouvoir immense qui provient de leur ascendant sur le groupe des supporters. La Nation, le Peuple, le Parti, l'Église sont des symboles très puissants autour desquels un mythe devient une véritable force sociale. Depuis Platon, la philosophie est ambivalente face au mythe. D'un côté, elle en dénonce les prétentions, d'un autre, elle s'en sert pour illustrer et renforcer son propos, qu'on pense au mythe du surhomme chez Nietzsche ou à la fin de l'histoire chez Marx. Le premier envisage le dépassement des limites et des travers de la condition humaine par le recours au mythe du surhomme à venir, alors que le second envisage la fin de la division de la société en classes sociales et l'égalité complète entre des hommes libérés de toute contrainte économique en recourant au mythe du communisme intégral. Pourtant la philosophie dénonce le mythe religieux ou idéologique et ses prétentions à la vérité. Ce n'est là qu'un autre aspect du conflit entre le doute et la quête du sens qui caractérise le discours philosophique.

Du mythe au stéréotype, il n’y a qu’un pas. Le stéréotype est un ensemble de croyances donnant une image simplifiée des caractéristiques d’un groupe. Le préjugé inclut le stéréotype qui en constitue l’aspect cognitif, mais y ajoute la prédisposition d’agir d’une certaine façon et un aspect affectif fait de sentiments de méfiance, de mépris. Le préjugé est en général péjoratif.

Les stéréotypes aident les gens à donner du sens au monde qui les entoure, à se sentir bien dans leur peau et à être acceptés par les autres. Définir un groupe par un certain nombre de traits nous permet de savoir rapidement à quoi nous attendre: les femmes sont coquettes, les Allemands sont sérieux...Cette simplification nous fait gagner du temps: dans une ville inconnue, je demanderai mon chemin à un chauffeur de taxi ou à un policier parce que je les mets dans la catégorie „connaissent leur ville". A part l’aspect cognitif, l’aspect social est, lui aussi, important: les stéréotypes caractérisent le groupe des autres par rapport à notre groupe; si nous nous situons comme Roumains, les autres sont les étrangers; comme hommes, ce sont les femmes, etc. Les traits que nous attribuons à ces autres nous servent à renforcer notre identité sociale, en nous valorisant par rapport à eux. Une autre utilité sociale des préjugés serait d’offrir un motif avouable au rejet de l’autre. A leur arrivée en Californie en 1850, les immigrants chinois étaient appelés rangés, travailleurs, s’adaptant facilement; vingt ans plus tard, lorsqu’ils sont devenus des concurrents pour la main d’œuvre locale, ils sont qualifiés de dangereux, menteurs, impossibles à assimiler. La compétition accentue la tendance de chacun à voir les autres comme les méchants et les siens comme les bons.

Les stéréotypes viennent en général de l’éducation (les enfants américains blancs préfèrent les poupées blanches aux poupées noires). La transmission des préjugés se fait par les parents, mais aussi par l’école, les livres, les films. Toutefois, en grandissant, les enfants peuvent changer d’avis. Ils proviennent aussi de la rigidité des opinions et de l’hostilité à l’égard des groupes minoritaires (cf. Allport 1954).

Le préjugé peut conduire à la victimisation d’un groupe de personnes, voire à sa destruction. G. Allport (op. cit.) décrit le processus qui a conduit le régime nazi à l’extermination: expression d’opinions négatives sur le groupe visé (ici les Juifs); l’évitement des relations; les mesures discriminatoires; les actes d’agression; l’extermination. Il est donc souhaitable d’agir contre les stéréotypes et les préjugés en nous basant sur le fait qu’ils ne sont pas des créations stables de la réalité, mais des constructions élaborées au coup par coup en fonction du contexte, de la motivation, etc. Si les stéréotypes changent spontanément, on peut espérer les modifier en faisant appel à la raison, à la coopération, en mettant les enfants en contact avec des groupes d’ethnies différentes, etc.

© Aura Celestina Cibian (Université «1 Decembrie 1918», Alba Iulia, Roumanie)


BIBLIOGRAPHIE

1. Allport, G., The Nature of Prejudice. Addison Zesley. 1954

2. Gallagher, B. Guerilla Selling. Arme si tactici neconventionale pentru cresterea vanzarilor

(Armes et tactiques non-conventionnelles pour l’accroîssement des ventes). Bucuresti: Ase

World Enterprises Klineberg, O (1959). Psychologie sociale. Paris. PUF. 1995

3. Landowski, E. Présence de l’autre. Paris. Presses Universitaires de France. 1997

4. Romantan, A., Aldea, B. Postmodernité et médias. Cluj-Napoca : Echinox. 2000


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