Belkaim Leila
Université Mohamed Ben Ahmed – Oran 2
Résumé
Cet article explore l’articulation des notions de dialogisme et du nom propre à partir d’un recueil de nouvelle de l’auteur algérien d’expression française, Yasmina Khadra. On examinera ici plus particulièrement un cas de figure : le nom propre fictionnel, dont la particularité est d’être transposable au même titre que le «Mot», dans le sens où le mot est assimilé à l’énoncé, à la discursivité. Nous postulons que le nom propre Sid Roho, en tant que mot du discours, est un discours qui se superpose. De là les noms propres, constituent un enjeu important et peuvent être prédisposés, à l’expression du dialogisme. Nous avons donc choisi de nous donner pour cadre praxématique la notion de dialogisme de la nomination, empruntée à P. Siblot. D’un point de vue discursif, l’intérêt de cette notion est de proposer un traitement sémantique et discursif du nom propre.
Mots clés : les noms propres, dialogisme, Yasmina Khadra, analyse discursive, fiction.
ملخص
تستكشف هذه المقالة صياغة مفاهيم الحوار والاسم الصحيح من مجموعة من القصص القصيرة للكاتب الجزائري الناطق بالفرنسية ، ياسمينة خضرة. سيتم دراسة حالة واحدة خاصة هنا: الاسم الصحيح الخيالي ، الذي يكون قابليته للتحويل بنفس الطريقة مثل „الكلمة“ ، بمعنى أن الكلمة ممزوجة بالبيان ، إلى الاستطراد. نحن نفترض أن الاسم الصحيح سيد روحؤ ، ككلمة كلمة ، هو الخطاب الذي يتم فرضه. ومن هنا فإن الأسماء الصحيحة هي قضية مهمة ويمكن أن تكون عرضة للتعبير عن الحوار. ولذلك ، اخترنا أن نعطي ، كإطار براغمي ، فكرة حوار. من وجهة النظر الاستطرادية ، فإن اهتمام هذه الفكرة هو اقتراح معالجة دلالية وسياسية للإسم الصحيح .
الكلمات المفتاحية: الأسماء الصحيحة ، الحوار ، ياسمينة خضرة ، التحليل الاستطرادي ، الخيال
Summary
This article explores the articulation of the notions of dialogism and the proper name from a collection of short stories by the French-speaking Algerian author, Yasmina Khadra. One particular case will be examined here: the fictional proper noun, whose particularity is to be transposable in the same way as the „Word“, in the sense that the word is assimilated to the statement, to the discursiveness. We postulate that the proper name Sid Roho, as a word of speech, is a discourse that is superimposed. Hence proper names are an important issue and can be predisposed to the expression of dialogism. We therefore chose to give as a praxematic framework the notion of the dialogism of the appointment, borrowed from P. Siblot. From a discursive point of view, the interest of this notion is to propose a semantic and discursive treatment of the proper name.
Key words: proper nouns, dialogism, Yasmina Khadra, discursive analysis, fiction.
Introduction
Cet article se propose d’interroger les voix, qui se confondent dans le nom propre désormais (Npr) en tant que lieu possible de l’émergence de l’articulation dialogique. L’étude se situe dans le cadre de l’analyse du discours littéraire adossée à une étude onomastique, afin d’examiner le caractère discursif du nom propre de la même manière que celui du «Mot».
Dans cette approche, inspirée des travaux de M. Bakhtine « le mot, et particulièrement le Np, mot et discours (slovo), assure le lien entre un thème et la continuité discursive d’un ajustement perpétuel entre co-énonciateurs » (Bakhtine. 1977 [1929]), pour accéder à la continuité discursive on est tenu à rechercher le sens du mot/ le Npr dans le contexte même du mot donné.
Le mot est appréhendé à la fois comme nomination et comme discours d’ailleurs, M. Bakhtine l’utilise pour rendre compte de cette double appartenance du mot.
À travers le cas du «Npr » considéré comme discours, «habités par des voix autres» (Bakhtine M. 1963-1970 : 236), nous nous proposons d’aborder le dialogisme qui caractérise la rencontre entre nom propre et discours. Premièrement, vue la question de l’existence d’une corrélation entre le nom propre fictif et le dialogisme, comment le Npr dans le discours oriente–t-il cette notion de dialogisme ? Deuxièmement, la question de la nomination ainsi posée : comment se fait la production de sens par les noms propre ?
L’étude porte donc, sur l’existence du dialogisme qui se désigne dans le nom propre ou dans le discours du texte littéraire : un type de noms porté par la fiction romanesque qui peut faire passer à travers le personnage (porteur du nom) de multiples discours et de divers points de vue. Dans un premier temps, il s’agit de mettre au jour la notion de dialogisme liée à la problématique de la nomination. Dans un deuxième temps, nous exposons quelques caractéristiques linguistiques et littéraires propres au Npr. Nous interrogeons pour finir ce que l’on considère ici comme le dialogisme des Npr de fiction: à travers le cas du Npr, Sid Roho, personnage principal de la douzième nouvelle intitulée « Une étoile dans la brume » extraite du recueil de nouvelles, Les Chants Cannibales, 2012,deYasmina Khadra, édité par Casbah édition.
Le nom propre : une entité dialogique complexe
Dans le cadre d’une réflexion sur le Npr. Nous présentons ici la notion de dialogisme empruntée à Bakhtine pour orienter le « Npr » en direction du « Mot ». Le dialogisme est un concept hérité des travaux de Bakhtine, il est ensuite repris par l’analyse du discours pour indiquer la présence dans un discours, d’un (ou plusieurs) autre (s) discours enchâssé (s), « tout énoncé entretient avec les énoncés produits antérieurement ainsi qu’avec les énoncés à venir que pourraient produire les destinataires » (Charaudeau et Maingueneau 2002 : 175).
A ce propos, l’orientation du « Npr » en direction du « Mot » („slovo“ „mot“, en russe) que Bakhtine assimile à l’énoncé, à la discursivité ou à la «parole» constitue une illustration des formulations de Bakhtine dans lesquelles c’est le « mot» qui semble, de façon privilégiée, porteur de la dimension dialogique car « il n’existe plus, depuis Adam, d’objets innommés, ni de mots qui n’auraient pas déjà servi» (Todorov. T.1984 : 8). Le dialogisme bakhtinien considère le type de « Mot »au même titre que le Npr (énoncé, discours)1dans lequel s’effectue l’échange dialogique.
Le principe dialogique du Mot / Npr, réside dans son aspect changeant, dans sa multiplicité des consciences, des voix et de son antériorité. Le Npr dans le discours littéraire, est à l’image du Mot qui entre constamment en relation avec les voix de ceux qui l’ont employé, il sent:
la profession, le genre, le courant, le parti, l’œuvre particulière, l’homme particulier, la génération, l’âge, le jour et l’heure. Chaque mot sent le contexte et les contextes dans lesquels il a vécu sa vie sociale intense; tous les mots et toutes les formes sont habités par des intentions. Dans le mot, les harmoniques contextuelles sont inévitables. (Todorov. T.1981:77)
De là, le Npr dans un discours ne sera plus un mot, une propriété de la langue, mais une propriété des discours, en tant qu’énoncé. Ainsi, le Npr comme un énoncé,« peut faire entendre, en plus de sa propre voix, celle d’un énoncé antérieur (dialogisme interdiscursif), celle d’un énoncé à venir, lorsque l’énonciateur anticipe la réponse de son interlocuteur (dialogisme interlocutif), voire même la propre voix de l’énonciateur principal, lorsqu’il y a autodialogisation. »(Moirand cité par Bénédicte. L 2004 :57/80).
C’est la pertinence de cette citation que nous nous ne perdons pas de vue au cours de cet article. Les Npr se comportent de la même manière que les « Mots », ils n’appartiennent à personne. Ils nous viennent d’un autre contexte, traversés par l’interprétation d’autrui. Ils portent en eux les empreintes des discours passés. Lors de chacune des actualisations, ils font écho à ces discours antérieurs, qui résonnent, implicitement ou explicitement, en eux, même s’il est le plus souvent impossible d’identifier un discours, à plus forte raison, un locuteur précis.
Pour Paul Siblot 1998, les «Mots » que nous utilisons sont « lestés des sens » produits par les emplois antérieurs et qui ont été capitalisés. Dans la perspective praxématique2,« la production de sens par les praxèmes […] est en elle-même éminemment dialogique »(Paul. Siblot 1998). En effet, « l’énonciateur trouve les mots toujours déjà habités de sens avec lequel/lesquels il se produit, lors de l’actualisation, une interaction » (Siblot op. cit. 98). Ce dialogisme repose sur l’expression d’un point de vue en discours ; point de vue capitalisé par la suite en langue, et que la mémoire discursive se charge de réinjecter lors d’une nouvelle actualisation. Pour Siblot, les praxèmes se chargent de sens par la « mémoire discursive, dont la langue conserve les traces », sous la forme de « programmes de sens ». S. Moirand confirme ce postulat par l’idée qu’au fil du discours une mémoire interdiscursive se constitue, c’est ce qu’elle appelle le « dédoublement du dialogisme constitutif » (S.Moirand1999 :146). Loin des formes du dialogisme montré, la mémoire interdiscursive ne fonctionne pas « en tant qu’indices de contextualisation évidents » ((Siblot op. cit. p. 146). Pour elle, les mots recouvrent une “mémoire”, cette mémoire s’opère via le mot lui-même qui est « “habité” de discours autres » et « d’intentions ». De fait, il serait ingénieux de se recentrer « sur les expressions nominales elles-mêmes plutôt que sur les énonciateurs ou les formations discursives. »(Moirand.S.1999 : 146).
En étudiant la nature de cette mémoire de mots, Moirand, fait une distinction très pointue de ce qui est de l’ordre de la mémoire interdiscursive, pour montrer réellement cette allusion aux dires de l’autre, de ce qui se rapporte davantage à des faits. Les praxonymes qui sont une catégorie des Npr peuvent évoquer des faits sans véritablement faire allusion à des dires
En considérant la manière dont est établie la hiérarchisation des voix comme le propose Bres pour le niveau syntaxique, on remarque que dans l’acte de nomination la notion de dialogisme pose problème. En effet, le dialogisme de la nomination est une notion qui nécessite un traitement différent car le dialogisme a été plus souvent un phénomène relevant du discours.
Notons que Bres présente les fondements énonciatifs de la notion de dialogisme comme suit :
L’interaction dialogique d’un énoncé [E] avec un énoncé [e] peut être d’ordre interdiscursif: le discours, dans sa saisie d’un objet, rencontre les discours précédemment tenus sur ce même objet ; d’ordre interlocutif : le discours est toujours adressé à un interlocuteur : il lui répond et ne cesse d’anticiper sur sa réponse ; et d’ordre intralocutif(autodialogisme) : le discours dialogue avec lui-même, notamment avec sa propre production. (Bres. 2001 : 85)
Il semble difficile de pouvoir repérer les marques du dialogisme de la nomination comme dans le discours écrit ou à l’oral. Dans l’énoncé emprunté à Bres (Bres 2001 : 85) :« Les trois otages occidentaux des Khmers rouges ont bien été assassinés. »Cet énoncé est analysé comme dialogique puisqu’il comporte en son sein un énoncé déjà actualisé, que l’auteur reconstruit en « Les trois otages occidentaux des Khmers rouges ont été assassinés. »L’énoncé (1) reprend l’énoncé (2) en confirmant celui-ci par la présence de l’adverbe bien. Il s’agit, dans ce cadre, de repérer formellement les marques linguistiques qui assurent la « réponse » à l’énoncé antérieur. Or, le Npr en sa qualité de «Mot» ne possède pas de telles marques voire« des caractéristiques énonciatives repérables ». Cela nous conduit à dire qu’il est difficile d’exploiter le potentiel dialogique du Npr, comme énoncé monoterme, dans l’optique interlocutive. C’est pourquoi le dialogisme de la nomination se présente comme un dialogisme particulier:« [ l]e dialogisme de la nomination pourrait se présenter comme un dialogisme des « possibles » puisqu’il appartient à l’énonciateur et au coénonciateur d’actualiser ou non certains programmes de sens du nom, certains sens en potentialité. »(Laurent. Bénédicte. 2004 :57/80). Il revient de dire que le sens des Npr dans leurs relations au dialogisme, en tant que discours antérieurs et discours à venir, sont construits l’un après l’autre par le couple énonciateur /co-énonciateur.
I.3. la configuration onomastique khadraienne : entre fiction et dialogisme
Bien que, le rôle du personnage soit souvent capital dans le texte littéraire pour de multiples raison, ce dernier demeure sans vie s’il n’est pas nommé «Les personnages demeurent inexistants aussi longtemps qu’ils ne sont pas baptisés » (Gide. 1927 : 14).Nommer ses personnages, ses lieux est un acte tributaires de nombreuses interprétations: sociales, idéologiques et politiques.
Roland Barthes ayant abordé le sujet, a pris conscience que le nom propre est le «prince des signifiants » (Barthes. 1975 : 34), dont on se rappelle le postulat fameux : « On peut dire que le propre du récit n’est pas l’action, mais le personnage comme Nom propre »(Ibid.)
Le nom constitue dans l’œuvre littéraire, un élément de cohérence narrative et de source d’information sur l’époque du Npr, sur le style de l’œuvre, sur les multiples relations qu’entretient le Npr avec le texte environnant sur l’enrichissement du texte et notamment sur son orientation vers une nouvelle interprétation, voire même sur les personnages sans nom, ceux qui restent anonymes « les personnages épisodiques ou ceux que leur statut social ne rend pas dignes d’être reconnus par un nom propre : il en est ainsi des Arabes chez Camus et du personnel domestique en général » (Baudelle.199 1 : 1 27).
Mais le sens des Npr demeure une question récurrente et qui ne sera jamais close.
Le sens du Npr a toujours été étudié dans d’autres cadres disciplinaires ou sous- disciplinaires, tel que la littérature.
Dans la littérature, le Npr joue le rôle d’un « phare», il apporte plus d’éclairage et de nouvelles interprétations. Depuis les noms proustiens, on peut affirmer que l’ancrage du nom propre dans le texte littéraire n’est jamais un fruit du hasard. Très souvent, dans les travaux consacrés aux Npr, les noms des personnages (dits fictifs) et les noms des individus réels sont présentés conjointement. Avec le temps, les images littéraires marquantes deviennent aussi importantes que celles des personnes historiques. « Quels noms d’individus réels des XVIe et XVIIe siècles peuvent rivaliser, dans la mémoire, avec ceux des protagonistes littéraires de cette période, tels Don Quichotte, Dulcinée, Hamlet, Othello, Roméo et Juliette ? » (Shokhenmayer. E.2009:107).
Sans être réels, certains noms propres des protagonistes, peuvent être liés à un type ou une classe de personnages reconnaissable dans beaucoup d’individus, en devenant stéréotypiques et parfaitement clairs pour le lecteur. Belinski, précise ce cas par le Npr Hamlet: « voici un homme qui comprend profondément l’objectif de la vie, qui cherche à faire le bien, mais, privé de l’énergie de l’âme, ne réussit rien du tout et souffre de sa faiblesse et de son impuissance, il suffit tout simplement de dire : voici un Hamlet! ». (Belinski.1838 : 75). Ainsi, le Npr devient un moyen qui ouvre tout un monde, un moyen pour la détermination et la caractérisation du personnage irréel, mais aussi un moyen souvent assez subtil et insaisissable pour signifier une personne réelle.
L’usage du Npr (simple, banale ou étrange) dans le discours littéraire est toujours significatif et demande à être expliquée. Dans une œuvre littéraire, dés qu’on porte l’intérêt au personnage, le Npr constitue Ipso facto le point de départ pour situer le personnage par rapport aux interrogations fondamentales de toute l’œuvre.
Le Npr inclue dans le texte littéraire, non seulement il constitue une désignation pleine, mais aussi une nouvelle piste pour remonter jusqu’ au sens antérieur, caché, qui se réfère à un signe dégagée du personnage respectif.
La stratégie de l’auteur créateurs de noms propres est claire : outre les raisons d’esthétiques, il s’agit in fine de forger un nom propre traversé par des discours qui ne se «montrent » pas mais dont on peut mettre au jour la présence dans certaines constructions onomastiques. Ce qui conduit notamment à la découverte des discours et point de vue implicites, « représentés » de ce Npr et des multiples jeux qu’il implique entre l’auteur et son lecteur, l’écrit et le réel.
Le Npr fictionnel dépend en fait du choix esthétique de l’auteur, du romancier ; le Npr en tant que fiction ne peut pas exister sans les représentations, celle de l’auteur-onomaturge, celle du lecteur aussi : c’est grâce aux représentations que l’on parvient à mieux saisir les discours circulant à travers le Npr, et débusquer les formes les moins évidentes de «discours représentés ».
À la réception du texte littéraire le lecteur doit être très attentif pour interroger les voix qui se confondent dans le Npr.
Ainsi, le monde fictionnel engendre de nombreux types de Npr
- Rudnyckyj propose de son côté une classification du type de noms dans les œuvres de fiction en quatre parties :
noms ayant un rapport avec les caractéristiques du personnage ;
noms ayant un rapport avec l’endroit où se déroule l’action ;
noms russes en Russie, des noms espagnols en Espagne, etc., ils donnent une couleur locale ;
noms ayant un rapport avec l’époque où se déroule l’action : noms en accord avec leur époque qui apportent une vraisemblance historique ;
noms choisis exclusivement pour leur forme. (Rudnyckyj. 1959 : 3 79-3 82)
La prise en compte de ces types de noms proposés par J. Rudnyckyj, nous permettra de connaitre d’un côté, l’onomastique khadraienne proprement dite, c’est-à-dire l’apparition du Npr dans le texte de son œuvre et d’un autre côté de découvrir les différentes descriptions du Npr, courantes et moins courantes liées à l’expression dialogique.
En outre,il est important de savoir que les Npr, par leur motivation et transparence dans le texte littéraire, en comparaison avec les noms qui n’appartiennent pas au domaine de la communication littéraire, sont sémantiquement riches et jouent un rôle de signal évoquant tout un complexe de co-sens associatifs.
Dans notre analyse, il doit être envisageable de repérer un Npr à deux voix : l’un reprenant le discours de l’autre et deux discours l’un se plaçant sur l’autre. Ainsi se voient analysés différents Npr pris de notre corpus.
A chaque personnage correspond un Npr particulier pour indiquer la voie d’une interprétation adéquate. Mais, cette interprétation est mise en rapport avec la multiplicité des voix du Npr, selon la triangulation suivante : narrateur, personnage, lecteur, ce qui laisse entendre que le sens d’un Npr ne se limite pas à un seul discours, mais à plusieurs d’autres.
Ce n’est certainement pas par hasard, si le narrateur attribue un seul Npr pour un seul personnage : Sid Roho et l’étude dialogique fait ressortir plusieurs d’autres.
Il apparaît rapidement que ce nom est chargé de transmettre de multiples discours, par son origine, ses différentes couches linguistiques, ses associations sémantiques possibles (connotations) qui vont pouvoir lui être associées, sa consonances, son symbolismes phonétiques. En plus, le créateur de ce Npr fait intentionnellement contraster les différents discours par la voix du personnage, point de vue sur point de vue, accent sur accent, appréciation sur appréciation à l’attention du lecteur. Ce dernier est censé trouver les discours implicites selon les desseins sémantiques de l’auteur. Ce jeu multiforme de la superposition des discours, lui permet de laisser le dialogisme de la nomination se dessiner clairement,à travers « ce qu’on ne veut pas dire, ce qu’on ne peut pas dire, ce qu’on n’ose pas dire… (Moirand2011).
On peut le voir dans le genre de discours qui va illustrer notre propos : la nouvelle N° 12 intitulée Une étoile dans la brume. Ce genre se présente sous ses multiples aspects :
Le type de discours est une nouvelle, l’époque concernée évoque des événements de, l’Algérie post-indépendante, loin de la dynamique militante de la période de lutte pour l’indépendance. Une Algérie envahie par la montée de l’islamisme et son aboutissement dans la guerre civile. Les bouleversements politiques et sociaux, de l’Algérie contemporaine constituent la plate forme du roman.
Ce genre mobilise un dispositif d’énonciation scénographique, une discussion entre un barman et un client pas comme les autres. Il s’agit d’un jeune artiste talentueux, qui souffre de marginalité et d’exclusion.
Exemple 1
Rien qu’en lisant le Npr de ce personnage Sid Roho, on peut constater que la deux parties Sid et Roho, sont de souche arabe.3
Sid Roho avait été comédien. [nous mettons en gras]. (Yasmina Khadra .2012 :75).
L’examen de ce nom montre qu’il est en apparence, comme une «expression populaire» très usitée en Algérie. Ce nom est constitué de la catégorie des noms communs, qui deviennent un nom propre. Sid Roho veut dire littéralement, quelqu’un qui prend en charge sa propre personne, ou par lui-même.
Formulations plus complexes sans doute qu’il ne paraît en raison de l’ambiguïté du mot/ Npr comme discours antérieur. Sid Roho, peut être discuté à partir de l’existence d’une « altérité » et d’une « extériorité » : il s’agit de situations où le discours du Npr est revendiqué par la voix d’autres locuteurs, il se présente comme un commentaire méta-énonciatif (entre guillemets) qui dit que le Npr Sid Roho est signalé comme un mot « de l’autre », un mot déjà occupé et déjà habité dans le sens de Bakhtine. Il devient altéré parce qu’il traîne avec lui des usages ou des contextes d’emploi, autres que sa fonction initiale qui se résume dans l’identification.
Tout membre d’une collectivité parlante trouve non pas des mots neutres, « linguistiques », libres des appréciations et des orientations d’autrui, mais des mots habités par des voix autres. Il les reçoit par la voix d’autrui, emplis de la voix d’autrui. Tout mot de son propre contexte vient d’un autre contexte, déjà marqué par l’interprétation d’autrui. Sa pensée ne rencontre que des mots déjà occupés (Bakhtine M. 1963-1970 : 236).
Ce dialogisme « interdiscursif » ou énoncé antérieur se précise par la voix du Npr Sid Roho: le discours de ce mots circule dans des discours extérieurs au monde romanesque, que l’on serait tenté d’identifier comme « le discours social» d’un côté, et «le discours de l’adage» de l’autre.
On voit que la question qui se profile ici est celle du marquage du dialogisme. Si l’on s’en tient au mot/Npr, en tant qu’il nomme un objet de discours (name), l’alternative semble être la suivante :
— soit le Npr est accompagné d’une marque ou d’un commentaire signalant que le mot est déplacé, « vient d’ailleurs »,
— soit l’intuition du récepteur, éventuellement confortée par une configuration discursive particulière, qui fera jouer d’autres discours derrière le discours en train de se tenir, et c’est par la constitution de corpus que l’analyste rendra compte de cette intuition.
Dans cette optique, l’extérieur du discours n’est pas autre chose que du discours, la particule Sid qui accompagne le Npr renvoie à d’autres énoncés attestés qu’un travail de mise en corpus est susceptible de mettre en relation.
La particule «Sid» est particulièrement productrice de sens dans le contexte, algérien, « Sayyid4 (arabe : sayyid, سـيد, pluriel sāda, سادة; parfois transcrit Seid ou Sid); seigneur/Maître) est un titre honorifique souvent donné pour des arabes de haut rang. « Roho » veut dire littéralement, sa propre personne, ou par lui-même.
La particule Sid sonne aussi Cid :«le vassal idéal » mais « condamné parce qu’il n’est pas gouverné par un « bon suzerain.»5Cette homonymie, n’est pas un simple hasard dans le roman. La particule Cid confirme le deuxième discours caché du Npr Sid, elle témoigne de sa part que Sid Roho est un bon algérien condamné parce qu’il n’est pas gouverné par une bonne politique.
Dans l’orientation dialogique le Npr Sid Roho ne raisonne plus que par des discours sous-entendus. La manière dont le Npr Sid Roho décrit ou raconte peut renvoyer soit au point de vue du Sid, soit au point de vue de l’Artiste, soit au point de vue de l’Algérien. Il s’ensuit que le roman pose en le Npr Sid Roho la question des relations entre sa situation sociale, sa vocation pour l’art et la politique du système algérien, pour exprimer des valeurs et une idéologie précise.
Dans le cas suivant : « Je ne suis qu’un zawali qui se démerde comme il peut et qui ne peut grand-chose. » (Yasmina Khadra .2012 :80).C’est l’interprétation du récepteur qui attribue au nom Npr zawali un trait dialogique, mais cette interprétation est étayée par des indices cotextuels et interdiscursifs : la reconnaissance d’une allusion par exemple s’appuie à la fois sur la perception d’une discordance du fragment perçu comme allusif avec son environnement, et sur sa ressemblance avec un autre discours .Ainsi, le nom zawali repérée ici qui recoupe la mémoire discursive et le savoir partagé avec le récepteur pour faire allusion à un autre discours ; celui de la pauvreté attribué à l’artiste algérien.
Du Sid ,le seigneur et le maître au Sid le zawali ; (dialecte algérien) =pauvre. De l’interaction de ces deux pôles énonciatifs se construit le référent Sid Roho qui apparaît, au-delà de ses caractéristiques nominatives réelles reconnues par l’histoire, comme un personnage anéanti, un seigneur livré à lui-même, puis qu’il est un artiste. « Je suis un artiste, une générosité nécessaire, et ici, on ignore ce que ça signifie.» (Yasmina Khadra .2012 :93).
On peut noter que la représentation du sens du mot Sid Roho comme intégrant les énoncés dans lesquels il apparaît, peut être qualifiée de dialogique au sens où elle fait écho à la conception bakhtinienne du mot.
Il revient de dire que le sens des Npr dans leurs relations au dialogisme, en tant que discours antérieurs et discours à venir, sont construits l’un après l’autre par le couple énonciateur /co-énonciateur.
Exemple 2
L’artiste, « Un peintre, un type intelligent, jeune et beau, qui a de l’avenir et du talent et peut être un tas de diplômes et de l’instruction. » [nous mettons en gras]. (Yasmina Khadra .2012 :93)
On observe que le Npr est accompagné d’un commentaire signalant un discours concessif.
« Mais », en Algérie, la situation de l’artiste change, « l’artiste est au bas de l’échelle.» [nous mettons en gras]. (Yasmina Khadra .2012 :79)
Le mot concédé « Mais» est remarquable par son caractère informatif (présence d’adjectifs, nombreuses précisions sur les circonstances de l’artiste en Algérie, etc.) : ce qui est posé comme un rappel à un discours opposé, antagoniste (déjà connu ou déjà dit ailleurs sur l’artiste) d’un savoir autre, disponible sur l’objet de discours en question constitue une information nouvelle, qui est en quelque sorte apportée par l’énoncé concessif. Le marqueur concessif mais peut ici être qualifié de « dialogique ».
Dans la continuité des travaux de Ducrot, Mœschler et de Spengler (1982) prennent en charge ce type de concession : la concession argumentative, représentée par l’analyse de mais. Ce type de concession, pour la description de laquelle est reprise l’analyse ducrotienne de mais, repose sur la notion d’inférence entre un argument et une conclusion. Ainsi dans l’artiste est intelligent, il a de l’avenir et du talent et peut être un tas de diplômes et de l’instruction, mais il est intelligent entraîne comme conclusion il faut l’engager tandis que il est en Algérie argumente pour la conclusion inverse il ne faut pas l’engager, «Sous un autre ciel on crierait au génie… Chez nous …le talent est un malheur suicidaire.» [nous mettons en gras]. (Yasmina Khadra .2012 :82).
La question de l’inférence, c’est-à-dire du passage d’une proposition p à une conclusion r, qui « en dit plus » que p. Ducrot dans sa description de mais explique que « la conclusion r qui sert de lien entre p et q n’est que très partiellement déterminée par le contenu de ces deux propositions, mais dépend pour une bonne part des croyances que les interlocuteurs se prêtent les uns aux autres dans le contexte où le dialogue est situé », autrement dit le recours à l’inférence semble admettre à l’inachèvement du sens, l’introduction de contenus extralinguistiques « extérieurs ». « Dans notre pays, mon cher ami, il n’est pire martyre que celui d’un artiste. Son étoile s’éteint chaque nuit au milieu des frasques et des paillettes. » [nous mettons en gras]. (Yasmina Khadra .2012 :82).
La dimension dialogique de L’artiste, nous permet d’adopter un point de vue nouveau sur le Npr Sid Roho. A travers les idées et les images associées à L’artiste algérien (Voir la description plus haut) dans le roman, le discours passe comme un autre discours qui superpose celui du Cid/Sid. Cette notion de dialogisme nous offre la possibilité d’approfondir la connaissance du Npr Sid Roho en analysant d’un côté sa portée onomastique le Sid et Roho, et d’un autre côté le talent de l’Artiste par rapport à l’imaginaire collectif algérien. Le dialogisme du Npr Sid Roho présente alors un fonctionnement discursif différent, car il opère au sein d’un nom construit, dont le sens est apporté, injecté.
Pourtant, L’artiste, est cette tendance artistique, qui éveille une conscience auprès des citoyens, auprès de la société et contribue à modifier les structures culturelles et sociales au sein de l’environnement proche. Parce que « ce ne sont pas les politiques qui élève la nation, mais les poètes, les humoristes, les savants, les cinéastes, les athlètes, les dramaturges, les libraires, les chanteurs. Ce sont ces derniers qui savent mettre à la portée de l’enchantement et réconcilier le cœur et les esprits.» (Yasmina Khadra .2012 : 93). Plein de « chagrin » (Yasmina Khadra .2012 :83), l’Artiste n’a cessé de crier la nécessité d’améliorer ses conditions de vie, d’être reconnu et admiré. Mais, « il n’y a rien pour moi, dans ce pays. J’ai épuisé tous les recours, toutes mes prières, toutes les promesses.» (Yasmina Khadra .2012 : 93).
À la fin, l’artiste victime de la « Hogra » l’équivalent de l’injustice en langue française, opte pour devenir « Harag »=un migrant clandestin, qui prend la mer depuis l’Algérie, à bord de (bateaux de pêche, bateaux pneumatiques à moteur) pour rejoindre illégalement l’autre rive. L’artiste arrivé au bout de ses chagrins, préfère risquer sa vie comme « ces harragas dont on repêche les corps au large des illusions » (Yasmina Khadra .2012 : 93) « je pars demain pour Oran, et demain, à la nuit tombée, j’embarque sur un semi-rigide pour l’Espagne. Le passeur dit que la météo sera favorable à la traversée. Je le crois car je n’ai pas le choix. »(Yasmina Khadra .2012 92).
On retrouve dans le Npr Sid Roho, un point important posé par la praxématique, à savoir l’altérité présente dans la nomination. Nommer, c’est finalement se nommer soi-même et nommer l’Autre. Le Npr va le plus souvent s’attacher à ne désigner seulement qu’un aspect contingent du référent et ce pour attirer l’attention.
De ce fait, l’Autre est désigné par la mise en exergue d’un point de vue particulier porté sur le référent. Cette mise en exergue n’a qu’un seul objectif : nommer le référent pour impliquer l’Autre, qui est le lecteur algérien. Par la volonté de l’auteur, ce nom commun devient un Npr en lui attribuant à chaque fois la majuscule comme un critère d’identification. Pour que l’on puisse reconnaitre, un Npr selon la grammaire française, il faut au préalable lui trouvé la majuscule initiale, « Les noms propres prennent toujours la majuscule » [Grevisse 1964:17]. De nombreux linguistes attestent cette remarque [Riegel, Pellat et Rioul, 1996: Sag et Wasow, 1999]. Cette marque typographique est souvent interprétée, par le sens commun, comme spécifique au nom propre. L’Algérien est considéré comme un Npr à part entière.
Exemple 3
Contrairement au discours concessif que nous avons traité ci-dessus, l’exemple qui suit prend appui sur le postulat de la nature dialogique de la nomination. La nomination « entendue comme un acte de parole du sujet en situation de communication » (Siblot 1997, 2001).
Dans certaines formulations de P. Siblot par exemple, le mot semble immédiatement perçu comme dialogique :
À chaque actualisation, en fonction de contextes situationnels et communicationnels, en fonction de stratégies discursives également, le locuteur opte pour une appellation, simple ou complexe, lexicalisée ou non, dans laquelle il énonce sa prise de position et son point de vue à l’égard de l’objet nommé. (Siblot 2001 : 203)
« L’Algérien, est une boite de Pandore…une armada sous scellés, des ouragans muselés des millier de peines itinérantes, des colères en gestation. » (Yasmina Khadra .2012 :81).
On remarque que l’importance plus ou moins centrale accordée à la question du dialogisme de la nomination constitue le reflet de positionnements différents quant au caractère statique du signe saussurien, refuser la coupure entre langue et discours. Dans le champ praxématique le dialogisme est lié à la sémantique structurale, dans cette perspective nommer le réel ne fait plus peur. La production du sens se fait par la substitution de praxème à lexème : « Fondamentalement le sens n’est pas inhérent aux mots mais aux praxis. Il passe de celles-ci aux discours qui le symbolisent et le formalisent avant que la langue ne le capitalise » (Siblot 2001 : 199). On aurait affaire à une conception du passage langue-discours, c’est-à-dire de l’analyse du mot on passe à celle des réseaux discursifs.
On peut faire l’hypothèse, que le « point de vue » du locuteur « passe » immédiatement dans le mot Algérien. Sans se « frotter » à la résistance de la langue, entraînant la production d’une hypothèse interprétative s’appuyant sur une « intuition » partagée entre énonciateur et co-énonciateur.
Le locuteur a une intention communicative : s’adressant à un lectorat, local, algérien, il a pour souci permanent de garantir l’adhésion de ce lecteur pour faire admettre la définition suivante : «une boite de Pandore.» (Yasmina Khadra .2012 :83). Cette définition métaphorique devient dès lors le seul moyen d’élucidation pour donner un sens au Npr Sid Roho et au peuple algérien et c’est à travers, elle, que le narrateur cherche à se découvrir au lecteur (l’Algérien). Dispersé dans l’espace du nom propre l’Algérien est signifié, non pas par sa, valeur, par ce qu’il accomplit mais par les multiples discours implicites ou explicites sur sa tristesse, son hostilité et ses colères justifiées. Ces différents discours sont repérables à travers le Npr Sid Roho.
Si l’on regarde ce passage, il est évident que le locuteur se borne à exprimer la souffrance profonde que partagent les algériens. « Aucun puits n’est aussi abyssal qu’un cœur d’un Algérien » (Yasmina Khadra .2012 :81). Le discours évoque les rapports constants entre l’Algérien et son pays, en faisant « une évocation malheureuse ». (Yasmina Khadra .2012 :86) qui donne envie « à chialer comme une madeleine » (Ibid. :86). Le narrateur s’attache à plonger le lecteur, l’ami directement dans l’analyse de l’état algérien «et l’on se demande après pourquoi notre peuple est agressif. Parce qu’on lui a confisqué ses rêves, cher ami. C’est parce qu’il a oublié comment s’émerveiller.»(Yasmina Khadra .2012 :83)
Sid Roho, galérait ferme. Depuis la vanne sur son ministre de tutelle, lors d’un gala caritatif, il ne voyait plus le bout du tunnel. Limogé du théâtre, interdit à la télé, il s’était retroussé du jour au lendemain sur la paille, sans audience et sans la moindre perche à saisir au vol, lâché dans la jungle inextricable d’un showbiz sélectif et réfractaire aux rédemptions. (Yasmina Khadra .2012 : 85)
Le discours, sur l’algérien est produit par le Npr. Il a des visées argumentatives qui sont inscrites dans le nom même Sid Roho, nous avons vérifié que la nomination du personnage constituait un enjeu important et pouvait donner lieu à une interprétation dissimulée destinés au lecteur, comme en témoignent les deux exemples ci-dessus. C’est l’interprétation du lecteur/ récepteur qui attribue à tel ou tel Npr un trait dialogique. Mais cette interprétation est étayée par d’autres Npr qui se manifeste dans le texte comme des indices discursifs. Ainsi, nous pouvons envisager la désignation Sid Roho comme le profil type de l’Artiste algérien d’une part et de l’Algérien de l’autre part.
C’est à partir des deux catégories nominales cibles définies par le narrateur que se fait le choix du nom propre Sid Roho. Cette désignation s’inscrit dans l’esprit du lecteur par le type livré à lui-même. Lire le Npr Sid Roho, le narrateur, se reconnaît, et reconnaît l’autre entant que tous deux des algériens. Finalement le Npr est médiateur, il nomme le personnage Sid Roho, nomme l’Artiste et nomme l’Autre l’Algérien. C’est ici que les « mots d’autrui » sont pris pour des « orientations personnelles », tout comme les Npr, ils peuvent présenter une adhésion modifiée et réinterprétée, afin d’imposer leur propre interprétation.
Conclusion
Le « Mot » transposé en Npr, propose un discours particulier en ce qu’il interpelle le coénonciateur, c’est-à-dire le lecteur, en tant que « destinataire » du message, sans attendre pour autant une réponse verbale mais un acte d’adhésion. En outre, il est difficile de pointer un sens précis. Mais on ne peut pourtant pas soutenir qu’il n’y a pas de support discursif. Le dialogisme des Npr de fiction ne peut pas être appréhendé comme l’est le dialogisme syntaxique. Il nous faut envisager autrement la définition du dialogisme afin de pouvoir rendre compte du faisceau de paroles qui traversent le Npr fictionnel. Le dédoublement énonciatif porte des marques. Le Npr pour sa part n’offre aucun de ces repères. Seule sa contextualisation peut fournir des repères. Le contexte romanesque, la contextualisation, permet au virtuel d’être actualisable. C’est le dynamisme du contexte sémiotique, la présence d’un cotexte autour du Npr qui construit le dialogisme des Npr fictionnels. La notion de dialogisme des Npr fictionnels permet alors d’adopter un point de vue nouveau sur cet objet d’étude et d’être plus opérationnel qu’avec la notion de «discours».
Yasmina Khadra recourt à l’orientation dialogique du Npr pour tenter de remédier par le langage, qui est sa seule arme, à une situation de fait caractérisée par une spoliation culturelle, historique, identitaire et linguistique, et dénoncer toute forme de tyrannie. Il combat le discours véhiculé par cette forme de pouvoir en construisant un autre discours, un contre-discours. Face à l’activisme de l’autre camp, l’orientation dialogique du Npr devient chez Yasmina Khadra une stratégie majeure.
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1Sur ce point, voir entre autres Todorov (1981 : 44).
2Selon Jacques Bres La praxématique s’est construite dialogiquement, à la fin des années 70, dans la lecture critique des approches structuralistes, notamment dans la contestation des dichotomies saussuriennes fondatrices de la théorie du signe clos : langue/parole, signifiant/signifié, synchronie/diachronie. Selon elle, l’analyse saussurienne conduit à autonomiser la langue de ses conditions de production, à en faire un objet neutre, également disponible pour tous, dont le sujet userait comme d’un outil extérieur à lui. La société est tenue pour homogène ; le sujet qu’elle présuppose, plein et maître de son propos ; le signifié, qu’elle définit comme corrélat du signifiant, stable. Autant de points contre lesquels la praxématique s’inscrit en faux pour définir le projet d’une théorisa- tion de la praxis linguistique. ( Bres.1998 :22/23)
3https://lasignificationprenom.com/sayyid/ Consulté le 02/08/2017 à12H03.
4https://lasignificationprenom.com/sayyid/ Consulté le 02/08/2017 à12H03.
5https://mythologica.fr/medieval/cid.htm.Consulté le 10/04/2017à 13H 30.