Quels systèmes d’aide pour l’acquisition du lexique et la compréhension des textes en FLE?

Benmessabih Zahéra Malika
Université d’Oran 2.
Laboratoire Traduction et Méthodologie TRADTEC

Résumé

Dans toute interaction langagière, les interlocuteurs tiennent un rôle conversationnel. Dans l’interaction didactique qui a lieu en classe, l’enseignant détient un certain pouvoir qui lui permet de gérer la situation d’enseignement. Ainsi dans son discours, l’enseignant use de diverses procédures discursives.
Dans cet article, nous évoquerons les procédures auxquelles a recours l’enseignant, pour simplifier, à travers notamment des reformulations, le contenu textuel, cela dans le but de permettre aux étudiants d’arriver à une compréhension effective du texte en langue étrangère (désormais L2).
L’enseignement des matières scientifique, en Algérie, se fait dans les trois paliers (primaire, moyen et secondaire) en langue arabe, arrivé à l’université l’étudiant algérien se trouve contraint de suivre ses cours de spécialité en français langue étrangère. Cette situation crée un certain malaise, laissant les enseignants perplexes face aux méthodes qu’ils pourraient utiliser pour pallier les difficultés surtout en langue de leurs étudiants. Selon notre pré-enquête, les enseignants de 1ère année LMD sont partagés quant au recours ou pas à la langue maternelle (désormais L1) pendant leurs cours de spécialité. En effet, 25% des enseignants qui ont répondu à notre questionnaire avouent ne pas recourir à la L1bien qu’ils soient conscients des difficultés de certains étudiants en L2. En effet, les réponses obtenues dans les questionnaires soumis aux enseignants en témoignent. 40% des enseignants estiment que la compréhension des étudiants en L2 est moyenne alors que 60% la trouve mauvaise.

Pour certains enseignants du département de Biologie de l’université de Mascara, recourir à la L1 pourrait handicaper bien plus leur compréhension. Selon une enseignante, si les supports présentés sont en L2, leur expliquer en L1 accentuera leurs difficultés en compréhension.
Ainsi, Quelle intervention pédagogique pourrait être la mieux adaptée pour la compréhension et l’acquisition du lexique d’un document en L2 d’un texte de spécialité?

Mots clés: lexique, acquisition, FLE, FLM.

ملخص:

في أي تفاعل اللغة، والمحاورين القيام بدور التخاطب. في التفاعل التعليمي الذي يحدث في الفصول الدراسية، المعلم يحمل قوة معينة تمكنه من إدارة الوضع التدريس. وهكذا في خطابه، يستخدم المعلم مختلف الإجراءات الخطابية.
في هذه المقالة، الإجراءات التي توظف المعلم، عن البساطة، ولا سيما من خلال إعادة صياغة ومضمون النص، وهذا من أجل السماح للطلاب لتحقيق الفهم الصحيح للنص الأجنبي (الآن L2).
ويتم تدريس المواد العلمية في الجزائر في ثلاثة مستويات (الابتدائية والمتوسطة والثانوية) في العربية، وجاء الى الجامعة يضطر الطالب الجزائري لمتابعة مسارها في تخصص اللغة الفرنسية. وهذا يخلق بعض الانزعاج، وترك لهم معلمين حيرة مواجهة الأساليب التي يمكن استخدامها للتغلب على الصعوبات، خاصة في لغة طلابهم. وفقا لمسح أولي لدينا، وينقسم معلمي 1st العام LMD كما أن استخدام أو عدم اللغة الأم (الآن L1) خلال دورة اختصاصهم. في الواقع، 25٪ من المعلمين الذين استجابوا لاستطلاع الرأي تقول أنها لا تلجأ إلى L1bien أنهم يدركون الصعوبات بعض الطلاب في L2. والواقع أن الردود في الاستبيانات للمعلمين تشهد. 40٪ من المعلمين يعتقدون أن فهم الطلبة L2 متوسط، في حين نجد أن 60٪ أنها سيئة.
 بالنسبة لبعض المعلمين قسم الأحياء في جامعة ماسكارا، استخدم L1 قد يشل أكثر تفهما. ووفقا للمعلم، إذا يتم عرض وسائل الإعلام في L2، L1 شرح تفاقم الصعوبات التي تواجهها في التفاهم.
وماذا في ذلك التدخل التعليمي يمكن أن يكون الأنسب لفهم واكتساب المعجم من مستند في L2 نص التخصص؟

كلمات البحث: المفردات والفهم والنص العلمي.

Abstract:

In any language interaction, the interlocutors hold a conversational role. In the didactic interaction that takes place in the classroom, the teacher has a certain power which enables him to manage the teaching situation. Thus, in his discourse, the teacher uses various discursive procedures.
In this article, we will discuss the procedures used by the teacher, in order to simplify the textual content, in particular reformulations, in order to allow students to arrive at an effective understanding of the text in a foreign language (henceforth L2).
The teaching of scientific subjects in Algeria is done in the three levels (primary, middle and secondary) in Arabic, arrived at the university the Algerian student is forced to attend his specialty courses in French as a foreign language. This situation creates some discomfort, leaving teachers perplexed by the methods they could use to overcome difficulties especially in the language of their students. According to our pre-survey, LMD 1st year teachers are divided as to whether or not the mother tongue (now L1) is used during their specialty courses. Indeed, 25% of the teachers who answered our questionnaire admit that they do not use the L1 although they are aware of the difficulties of some L2 students. Indeed, the answers obtained in the questionnaires submitted to the teachers testify to this. 40% of teachers believe that the understanding of L2 students is average while 60% find it poor.
 For some teachers of the Department of Biology of the University of Mascara, resorting to the L1 could handicap much more their understanding. According to one teacher, if the materials presented are in L2, explaining them in L1 will accentuate their difficulties in understanding.
Thus, what educational intervention could be best suited for understanding and acquiring the lexicon of a document in L2 of a text of specialty?

Key words: lexicon, comprehension, scientific text.

Constat

L’enseignant de spécialité intervient très souvent dans une situation d’après lecture d’un document de spécialité. L’enseignant tel que nous l’avons remarqué lors de nos séances d’observations, demandera tout d’abord aux étudiants l’idée véhiculée par le texte, il essayera ensuite de corriger et d’expliciter au mieux le contenu, pour tenter enfin de faire le point sur les connaissances proposées dans le texte. Il insistera surtout sur les connaissances lexicales, sachant que c’est un texte de spécialité où la connaissance du lexique de spécialité est capitale dans la compréhension textuelle.

L’enseignant, à partir du moment où il essaye d’établir un compromis entre les besoins de l’apprenant et les objectifs d’enseignement. Dans cette disposition, il devient un preneur de décision, mais aussi, et surtout un médiateur, puisqu’il devra s’adapter et coopérer avec l’étudiant. Lorsque l’enseignant intervient pour aider l’étudiant à accéder à la compréhension du texte, la notion d’étayage prend toute son sens.

Qu’est-ce que l’étayage ?

Cette notion est par définition une intervention intentionnelle éventuellement programmée. Il peut s’agir d’une remarque didactique ou d’une tutelle pour réaliser une tâche. Vasseur (2005) explique que la notion d’étayage réside dans l’intervention didactique ou pédagogique qu’entreprend l’enseignant à l’égard de ses étudiants, nous citons : « Le partenaire novice peut trouver dans les interventions de l’expert un moyen de remédier à ses insuffisances, de combler ses manques, de réparer ses maladresses. L’expert est la personne ressource qui remplit les fonctions d’informateur et de réparateur » (p.243).

Ainsi, dans la notion d’étayage nous retrouvons l’idée d’une interaction entre deux protagonistes : l’expert et le novice.

Concernant l’expert qui est cet enseignant dans une situation d’enseignement qui devra adapter son parlé et coopérer avec l’étudiant.

Quant à l’étudiant lui-même est novice ou alloglotte. Le terme d’alloglotte tel que le définit Cuq (2003), serait utilisé pour catégoriser un public qui parle une langue autre que sa langue maternelle. Selon Py cité par Vasseur (2005), l’alloglotte désigne toute personne qui se trouve en situation d’utiliser une langue étrangère, et où l’apprenant fait des efforts pour communiquer dans cette langue.

En outre, l’enseignant tentera d’adapter les énoncés au niveau de la compréhension de l’apprenant en utilisant différents procédés simplificateurs. Nous référons pour cela, aux travaux de Corder (1987), Cicurel et Moirand (1986) qui mettent en avant la notion de rhétorique de l’enseignant, nous citons:

« C’est par le discours de l’enseignant aux apprenants que les apprenants apprennent la langue… j’utilise ici le terme rhétorique dans son sens originel de l’art d’utiliser le langage avec efficacité (…). La rhétorique de l’engeignant est la manière dont il utilise le langage pour mener à bien ses objectifs- la communication avec l’apprenant » (p.115).

Dans la rhétorique de l’enseignant donc, le procédé de reformulation attire notre attention. La reformulation est ainsi l’ensemble des procédés notamment ceux utilisés par l’enseignant visant à transformer un discours en un autre discours afin de simplifier et d’adapter le contenu du texte aux étudiants. Le contenu textuel tend ainsi à se simplifier, les reformulations contribuent selon Moirand (1992) à améliorer la communication entre les acteurs de l’apprentissage, l’enseignant et l’apprenant.

Dans le texte scientifique, le procédé de reformulation prend toute son envergure, puisque la compréhension d’un texte scientifique selon Grasser (2002), est difficile à atteindre du moment où le lecteur doit inférer des connaissances qui n’appartiennent pas au premier abord à la base de connaissance de l’étudiant.

Ainsi, lorsque l’apprenant novice manifeste des difficultés à comprendre un texte en L2. L’interrogation s’impose d’elle-même : comment l’enseignant peut dépasser les difficultés linguistiques de ses étudiants pour les amener à comprendre et acquérir le lexique de spécialité?

Nous poserons l’hypothèse suivante :

Le recourt à L1 est un système d’aide qui pourraient faciliter l’acquisition du lexique de spécialité et aussi pour une compréhension idoine du texte de spécialité.

Pour répondre à nos interrogations, nous entrerons de plain-pied dans notre expérimentation que nous avons menée au département de biologie de l’université de Mascara.

L’expérimentation :

Rappel du cadre théorique :

Notre expérimentation se situe dans une situation d’après la lecture où l’enseignant va intervenir pour faire acquérir dans une situation d’enseignement une compréhension lexicale et textuelle à ses étudiants. Cette expérimentation est effectuée dans le but d’évaluer le meilleur système d’aide que pourrait avoir l’étudiant pour la compréhension et l’acquisition du lexique lors de la lecture d’un texte de spécialité.

La méthodologie de recueil des données 

Dans cette partie, nous allons présenter les différents critères scientifiques pour la réalisation de notre expérimentation, allant des participants vers le choix des textes, jusqu’à la répartition des groupes.

Le choix du protocole de recherche 

Dans le cadre de notre recherche, nous avons effectué une approche qualitative, dans le but d’étudier le phénomène de compréhension dans toutes ses variations, et ses diversifications. Notre observation sur le terrain a nécessité 1 mois entier pour pouvoir établir les grilles sur lesquelles se basera notre expérimentation.

La nécessité de deux groupes pour cette expérience l’un groupe témoin et l’autre contrôle réside dans l’aide supplémentaire (recours à la L1) dont bénéficiera le groupe contrôle, afin de valider ou d’invalider nos hypothèses de départ.

Les participants

Les étudiants qui ont participé à notre expérimentation sont des étudiants et des étudiantes de la filière de biologie de 1 ère année LMD, leurs âges variant de 17 à 22 ans.

Leur niveau en langue a été évalué sur la base des notes obtenues en matière de français en 3e année secondaire.

Le matériel expérimental 

Pour cette expérimentation, nous avons assisté à deux séances de TD (No=50)1 par groupe, en module de biologie cellulaire. Nous avons proposé un texte sous l’intitulé de « Histologie du sang ». Ce texte nous a été proposé par l’enseignant du module.

Les objectifs et les conditions de déroulement du test 

Cette expérience a pour objectif de concevoir et de valider l’effet du système d’aide (recours à la L1) sur la compréhension textuelle. Nous répartirons les étudiants en deux groupes, un groupe témoin et un groupe contrôle.

Pour le groupe témoin, nous aurons une enseignante qui étayera la compréhension textuelle des étudiants avec une seule langue, soit la langue française. (Médiation sociale en utilisant entre autres la reformulation).

Pour le groupe contrôle, nous aurons à notre disposition une enseignante dont le discours sera marqué par différentes marques transcodiques.

Pour vérifier chez qui la compréhension a la mieux abouti, nous proposerons aux étudiants, des questions à choix multiples, sur le sujet qu’ils ont abordé. Cela pour un objectif final, à savoir dans quel groupe la compréhension et l’acquisition du lexique scientifique a été la plus remarquée. Cela, à partir d’une grille de lecture que nous avons établie.

Critères d’évaluations

Objectifs

  1. La compréhension générale du texte.

Le premier objectif de la lecture est de vérifier la compréhension du texte chez les étudiants.

  1. Reconnaître la définition du lexique de spécialité à partir de différentes propositions.

Vérifier l’acquisition du lexique, quelle méthode est la plus adaptée.

Séance 2 G. a: une semaine plus tard

Matériel : cours filmé

Tâche: La compréhension d’un texte explicatif, la médiation de l’enseignant se fera uniquement en L2. (2heures)

Consigne:

« Relisez attentivement le texte que vous avez ’’ Histologie du sang’’ et à partir des explications que va vous donner votre enseignante sur le texte, répondez aux questions qui vous ont été proposées ».

« Indiquez également vos noms et prénoms ».

Séance 3: G. b : Le même jour.

Matériel : cours filmé

Tâche : La compréhension d’un texte explicatif. La médiation de l’enseignant se fera en alternance dans les deux langues. (2heures)

Consigne:

« Relisez attentivement le texte que vous avez « Histologie du sang » et à partir des explications que va vous donner votre enseignante sur le texte, répondez aux questions qui vous ont été proposées ».

« Indiquez également vos noms et prénoms ».

Analyse

Effet du système d’aide sur la compréhension

Hypothèse 01

Le recours à la langue maternelle facilite l’appréhension globale du texte.

Prédiction 01 :

G. a<G. b

Hypothèse 02 :

Nous formulons l’hypothèse que les étudiants du groupe G2, ceux qui ont suivi le TD dans les deux langues, vont retrouver, en plus grand nombre (comparé au G1) la signification du lexique rencontré dans le texte.

Ainsi, nous postulons que la compréhension textuelle par le recours à la L1, augmente la possibilité d’acquisition du lexique de spécialité.

Prédiction 02:

G. a<G. b

Analyse : Effet de la langue (L1 vs L2) sur le traitement de l’information

Effet du recours à la langue maternelle sur la compréhension d’un texte de spécialité 

L’objectif de cette analyse est de tester l’effet du système d’aide sur la compréhension. En effet à travers cette analyse, nous essayons de concevoir et de valider l’effet de l’utilisation de la langue maternelle comme outil de compréhension d’un texte de spécialité dans une situation d’après lecture où l’enseignant va intervenir pour faire acquérir à ses étudiants la compréhension textuelle d’un texte de spécialité.

Pour tenter de valider cette hypothèse, nous avons décomposé les groupes de participants (G. a, G. b). Le G. a (N=50) aura à sa disposition une enseignante qui usera que de la L2 de façon exclusive ; alors que pour le G, b (N=50) aura une enseignante qui usera de la langue de manière concurrentielle c’est-à-dire que l’enseignante va alterner entre L1 et L2.

Les données ont été analysées selon le plan d’expérience : S<G2* L1>A1, dans lequel S, G, L, A renvoient respectivement aux facteurs : sujet (facteur aléatoire), Groupe (G1= où l’enseignant a étayé la compréhension textuelle des étudiants par l’utilisation exclusive de L2; G2= où l’enseignant a étayé la compréhension textuelle des étudiants par l’utilisation concurrentielle de L1 et L2), langue utilisée lors de l’explication du texte proposé aux étudiants (L1= utilisation de la langue maternelle de façon concurrentielle ; L2= utilisation de la langue française de manière exclusive). Acquisition de la compréhension (A1= acquisition pertinente, A2= acquisition peu pertinente).

L’interaction des facteurs « Langue et Groupe » est significative. En effet, nous avons constaté que le groupe contrôle construit plus facilement un modèle de situation, que les étudiants du groupe expérimental. Ainsi, le résultat nous permet de noter que les étudiants avec qui l’enseignant utilisait la langue de manière exclusive appréhendent le texte de spécialité beaucoup moins efficacement que les étudiants à qui le texte a été expliqué par l’utilisation des deux langues L1 et L2 de manière concurrentielle.

Ainsi, les données recueillies nous conduisent aux constats suivants :

L’utilisation de L1 dans une situation d’après lecture favorise la compréhension.

Tableau 01 : nombre d’étudiants qui ont réussi à comprendre le texte

G .a

G. b

Compréhension textuelle

40%

82%

Figure 01 : nombre d’étudiants qui ont réussi à comprendre le texte

Le facteur du recours à L1 est significatif : le groupe expérimental qui a reçu l’explication exclusivement en L2 a eu plus de difficulté quant à la compréhension textuelle. Ainsi la pertinence des réponses du G.b est significative. (82% vs 40%) (voir tableau 06et figure 07)

Prédiction 01 concernant l’effet de la langue maternelle sur la compréhension textuelle :

G .a < G. b pour le nombre d’étudiants qui a réussi à avoir une bonne réponse, considérée comme étant le reflet de leur compréhension textuelle : prédiction 02 validée.

      1. Effet du recours à la langue maternelle sur l’acquisition du lexique de spécialité 

Nous analysons l’effet de l’utilisation de L1 sur l’acquisition du lexique de spécialité. Le but de cette analyse est de valider et de concevoir la L1 comme étant un système d’aide à l’acquisition du lexique de biologie, dans une situation d’après lecture.

Nous supposons que l’utilisation de la L1de la part de l’enseignant aide à la construction d’un modèle de situation. Saisir le sens du texte et acquérir le lexique de spécialité suppose une confrontation des connaissances antérieures et des représentations qui existent en L1 à celles proposées dans le texte en L2.

Les données ont été analysées selon le plan d’expérience : S<G.b* L1>A1, dans lequel S, G, L, A renvoient respectivement aux facteurs : sujet (facteur aléatoire), Groupe (G.a= N= 50, utilisation de la L2 de manière exclusive ; G.b=50, alterner entre la L1 et L2). Langues utilisées lors de l’explication du texte proposé aux étudiants (L1= utilisation de la L1et L2 de façon concurrentielle ; L2= utilisation de la langue française de manière exclusive).Acquisition du lexique (A1= acquisition lexicale pertinente, A2= acquisition lexicale peu pertinente).

Le facteur Groupe est significatif : comme dans l’analyse précédente, les résultats indiquent un effet du facteur L1 sur l’acquisition du lexique. Les participants qui ont eu l’explication textuelle de manière concurrentielle L1 et L2 ont eu plus accès aux significations du lexique, que les étudiants à qui le texte a été expliqué de manière exclusive en ayant recourent juste à L2.

L’effet des marques transcodiques sur l’activation des connaissances 

« L’alternance codique » ou le « code switching » est une alternance de deux ou de plusieurs codes linguistiques (langues, dialecte, ou registre linguistique). L’alternance codique se réalise généralement à la fin d’une préposition, d’une expression à l’intérieur de celle-ci. Alterner entre les langues selon Gumperz (2004), serait l’une des caractéristiques propres du locuteur bilingue contrairement au locuteur monolingue  qui n’a pas la capacité de s’exprimer dans une langue autre que la sienne. Il justifie cette remarque comme suit :

« Une des stratégies les plus courantes des bilingues entre eux (et de plurilingues) est l’alternance de codes. Un segment (X) appartient uniquement à la langue (LX), un segment peut varier en ordre de grandeur allant d’un mot à un énoncé ou un ensemble d’énoncés, en passant par un groupe de mots, une proposition ou une phrase » (p.52).

Selon les recherches effectuées sur ce domaine, Gumperz (2004) et Deprez
et al (2008) ont démontré que l’alternance codique du bilingue possède des variétés et que leur présence se constitue selon la situation et le lieu de la communication. Comment pourrons-nous décrire l’alternance codique en salle de classe ? Quelle influence pourrait-elle avoir dans une situation d’enseignement/apprentissage ?

L’alternance codique en classe de spécialité

Nous partons de l’hypothèse que l’enseignant est un sujet bilingue, qu’il a en sa possession des outils, des procédures et des stratégies pour parvenir à atteindre son objectif d’enseignement. Alterner entre les deux langues fait partie des stratégies auxquelles pourrait avoir recours l’enseignant, puisque 75% d’entre eux avouent recourir à ce genre de procédé.

Selon Py cité dans Cajo et al (2004), l’alternance codique chez le bilingue engendre des inférences conversationnelles qui ont des conséquences importantes sur la compréhension. Ainsi, ces conséquences seraient-elles bénéfiques dans le processus de compréhension ?

Cependant, l’utilisation de marques transcodiques, c’est-à-dire l’usage de deux ou de plusieurs codes linguistiques dans le même discours, en salle de classe a été souvent réprimée. Marquillo Lavry (2006) démontre que ce qu’hier a été marqué comme un manque ou une défaillance constituerait de nos jours dans une perspective acquisitionnelle, un indice du développement de l’apprentissage. Alors que dans une perspective interactionnelle, elle pourrait être interprétée comme un savoir-faire langagier inégalement partagé qui viserait à gérer les situations communicatives.

Lorsque l’enseignent essaye d’adapter son discours dans une situation de communication, lorsqu’il a le choix entre diverses façons de parler, et que son choix se fait en fonction du contexte et du but de la conversation (acquérir la compréhension du contenu textuelle), cela constitue selon Gumperz (2004) une stratégie communicative.

Ainsi, nous considérons que l’alternance codique utilisée par l’enseignant en salle de classe comme étant une stratégie communicative qui viserait à gérer la situation d’enseignement/apprentissage. C’est ce que nous avons observé lors de notre expérimentation, l’enseignant essaie d’adapter son discours selon le répertoire verbal de ses étudiants, cela s’effectuait entre autres par un va-et-vient entre la L1 et L2, des notions en L2 étant étayées en L1et vice versa.

Ainsi, ce recourt à L1 est considérée comme étant une aide pour les étudiants, dans le but de les aidés à acquérir la compréhension textuelle.

Conclusion :

Notre expérimentation vient appuyer les études menées sur l’acquisition de L2 mettant en relation l’acquisition d’une langue étrangère à celle de contact de langue. Sur l’acquisition Cuq (2003) déclare que c’est : « Un processus de traitement de l’information et de mémorisation qui aboutit à une augmentation des savoirs et des savoirs faire langagier » (p.12).

Ainsi, de nombreux travaux menés en linguistique appliquée considèrent que le meilleur moyen d’acquérir des connaissances scientifiques en L2 est de recourir à L1.

L’acquisition de la L2 est représentée par Cummins (2001) cité par Cavalli (2005) comme un iceberg dans lequel nous retrouvons, nous citons: « En surface deux structures distinctes  la langue maternelle et la langue étrangère, alors qu’au niveau inférieur, le niveau profond, coexiste des compétences communes dans les deux langues. » (p.27)

Selon Py (1974) commenté par Gajo et al (2004), cette coexistence est une étape nécessaire dans l’apprentissage de L2, puisque c’est à travers elle que l’apprenant commence à maîtriser la L2. Ainsi, ce qui était considéré comme une erreur du fait de recourir à deux langues différentes dans le même énoncé devient positivement perçu.

En se référant aux travaux de Piaget, Gajo et al (2004) mettent en relation la notion de l’acquisition de la L2 chez l’adulte, à la notion d’acquisition du langage par l’enfant. Selon ces chercheurs, cette confrontation permettra à l’apprenant d’émettre des hypothèses, qui tantôt se vérifient, tantôt seront sources de conflit pour être enfin une source de progrès et d’acquisition. Ainsi, le recours à L1 pourrait-il être source d’acquisition de compréhension textuelle, et source d’acquisition du lexique scientifique. C’est ce que nous tenterons, à travers notre travail expérimental de valider ou d’invalider.

Bibliographie :

Baylon, C. (1996) : Sociolinguistique : Société, langues et discours. Armand Colin.

Bensebia, A. (2008) : milieux d’influence et poids des représentations dans la conception des manuels d’apprentissage. In Synergies 2.

Bouhadiba, F. (2006) : Revue maghrébine des langues. Edition Dar el Gharb.

Boulet, A; Savoie-Zajc, L ; Chevrier, J. (1996) : les stratégies d’apprentissage à l’université. Presses de l’université du Québec


1 No = nombre d’étudiants