Perspective diachronique de l’emprunt et procédés de formation du lexique

Dr. HARIG Fatima Zohra
Laboratoire LOAPL
Université d’Oran 2

Dr. SOLTANI Souhila
Ecole Normale Supérieure d’Oran
Laboratoire LOAPL- Université d’Oran 2

Abstract: In this article, we will see that borrowing is the most used, we will question this state of affairs. It is the most obvious and also the most effective solution internationally, it names the notion and connotes its origin, which explains its success despite all its disadvantages. We propose to provide some guidance on lexical borrowing in order to better understand the motivations of the different authors for the choice of the methods used to describe the reality of the other

Keywords: lexical borrowing, xenonism, interference, layer, transfer.

Introduction

Le discours avec ses ces différents types ( littéraire, médiatique, historique, scientifique et politique), fait l’objet d’une écriture particulière qui lui permet de se démarquer de par son mode d’expression relatif à la situation d’énonciation, de par son lexique et de la liberté de transgresser certaines règles de langues, tels que les emprunts, les néologismes, les dénominations .Ce discours est produit par un émetteur dans une situation de communication donnée. Il est régi par des conditions de production qui prennent en considération le contexte au sens large (historique, social…),son objectif est de rendre compte des différents éléments à la base de toute nomination et donc de toute signification, mais il ne prend pas en considération le sens produit. L’intérêt est plutôt porté sur les circonstances ayant abouti à un sens particulier et de comprendre le processus de la signification qui est donc envisagé comme dynamique.

L‘emprunt est l‘introduction d‘un terme étranger dans un système linguistique. Il n‘est pas un acte de création linguistique ; il consiste à se servir d‘un signifiant étranger déjà existant en référence à un signifié lui-même étranger. Cette translation serait pour certains un acte de paresse linguistique, mais on a vu que le processus d‘intégration de l‘élément étranger suscitait des formes linguistiques nouvelles morphosyntaxiques ou sémantiques. Par un autre aspect, l‘emprunt est aussi générateur de création linguistique ; à partir du moment où le vocabulaire étranger est prédominant dans un secteur du lexique, il peut se produire un processus de rejet. Il est alors nécessaire de faire appel aux possibilités de création offertes par le système lexical de la langue emprunteuse pour substituer un terme national au terme étranger. En effet, le lexique de la langue française connaît un perpétuel mouvement : il naît, se renouvelle et voyage d’une langue à une autre. Ce processus se réalise par l’emprunt lexical, qui est destiné à combler des lacunes linguistiques et à décrire les nouvelles réalités. Les interlocuteurs découvrent ces nouvelles unités, intégrées dans le système de la langue d’accueil, à travers plusieurs voies.

Notre analyse démontrera les raisons pour lesquelles les mots, une fois crées et chargés d’un certain sens, sont amenés à le resserrer, à l’étendre, à le transporter d’un ordre précis d’idées à un autre, à l’élever ou à l’abaisser, autrement-dit à le changer. C’est cette partie qui constitue proprement la sémantique ou les sciences des significations.

Nous nous proposons d’examiner, dans cette article un mode particulier de la construction de la référence. L‘intérêt se porte plus particulièrement sur l‘utilisation de l’emprunt qui engage fortement la responsabilité du locuteur. Un emprunt qui risque de trop révéler, de dépasser l‘intention de ce dernier et de créer un effet paradoxale.

Motivation et objet d’étude 

Toutes ces manières de représenter le realia en français peuvent donc être interprétées en fonction de l’intention de l’auteur. Ainsi le fait de faire figurer un équivalent, mot simple, mis entre parenthèses ou juxtaposé, peut être assimilé à un acte de prudence de la part de l’auteur qui désire être compris. Toutefois, les différentes formes que prennent ces équivalents sont à leur tour en mesure d’être interprétées.

La langue se déploie dans un discours ou logos qui rend compte de la représentation symbolique de l’univers. Celle-ci est indissociable des structures textuelles dans une forme de discours lié à l’espace public qui intègre à la fois les composantes situationnelles, textuelles et linguistiques, des fonctionnements du discours qui sont appréhendés du point de vue des lois qui les régissent et des usages qui les caractérisent.

L’analyse du discours a progressivement forgé ses propres concepts en s’intéressant principalement à la production du sens en rapport avec la réalité sociale.

Ce nouveau champ de recherche va tenter d’injecter du sens, de la cohérence dans un champ polysémique qui, sans cet éclairage serait chaotique.

L’approche praxématique qui constitue la base de notre investigation s’inscrit dans une dynamique de l’ensemble d’une production spécifique au discours algérien de tout genre, et se fait à travers différentes thématiques qui se distinguent sur le plan socio-politique, économique, culturel en fonction des conditions de production relatives au genre rédactionnel.

Afin d’éclairer notre problématique, nous tenterons de comprendre comment fonctionne l’emprunt lexical depuis sa première apparition dans le discours jusqu’à sa fixation dans la langue.

Nous avons pu constater que l’emprunt constitue le procédé privilégié pour représenter les réalités nouvelles. Toutefois, il est souvent accompagné de gloses permettant d’en affiner la représentation. Lorsque l’emprunt n’est pas utilisé seul (sens opaque), il est assorti en contexte plus ou moins large d’un équivalent. Il arrive que l’emprunt ne soit pas sollicité, dans ce cas-là, il faitappel à des néologismes tels que les extensions sémantiques. Ces néologismes constituent des équivalents du mot étranger représentant le realia. Ainsi le mot « voile » a permis de représenter le « haik ». Un équivalent peut-être aussi proposé et ajusté par exemple par une définition négative.

En fait, nous pouvons observer que tous les procédés figurant dans le relevé ont pour base un équivalent à l’exception donc des emprunts utilisés seuls. C’est l’expansion ou non des équivalents proposés qui permet de les différencier .Nous verrons que chacune de ces formes d’expansion, si elle n’est pas vraiment justifiée par le realia, peut s’expliquer par le type de texte dans lequel elle est utilisée et donc par l’intention du locuteur.

Aperçu historique de l’emprunt

L’emprunt du français à l’arabe a été essentiellement lexical, ce qui diffère cependant d’une période à une autre, c’est le type de lexique emprunté.

Du moyen âge au XVIII e siècle, l’emprunt était surtout celui des sciences mathématique et médicale.

Aux XIXe et XXe siècles, c’est le lexique de la vie sociale et quotidienne, quand ce n’est pas celui du domaine artistique, ce dernier type de vocabulaire garde le plus souvent une certaine connotation, une expressivité de la couleur locale.

On constate qu’il y a une adaptation difficile voire même un rejet d’une grande partie de ce vocabulaire qui se trouve employé à l’occasion, une ou deux fois pour ne plus réapparaître avec le maintien de l’expressivité locale, En effet, entre les termes « algèbre » et «  alcool » d’une part, et les termes « minbar » et « haouch », d’autre part, il y a une grande différence d’adaptation. Il n’en demeure pas moins pourtant qu’un terme comme « coufi », issu du vocabulaire artistique, a bien donné naissance en français, à « coufique » (par dérivation lexicale.)

Sur le plan lexicologique et quantitatif, le nombre de termes varie très sensiblement au cours des différentes périodes historiques. Selon F.NASSER, le nombre de termes étudiés dans Emprunts lexicologiques du français à l’arabe, était décroissant du XIe- XIIe siècle, variant environ de soixante-cinq à quarante termes, augmenterait en flèche au XVIe siècle pour atteindre le chiffre de deux cent trente et un termes. Il diminue au XVIIe siècle jusqu’à cent cinquante-huit et au XVIIIe, jusqu’à quatre vint six. Il remonte à cent trente-cinq termes au XIXe siècle. Ce n’est là qu’une indication très approximative. Le nombre réel des emprunts faits par le français à l’arabe est de loin beaucoup plus important. Sans parler des emprunts indirects parvenus de l’araméen au français par l’intermédiaire du latin (et du grec). On peut constater que c’est au début de la période moderne (XVIe siècle) que le français doit essentiellement ses emprunts à l’arabe ; autrement dit, ce phénomène a suivi une longue période de contact , le Moyen Age , entre l’Orient, le Maghreb et l’Occident. Au point de vue temporel,l’emprunt d’une langue à une autre n’est pas une conséquence immédiate du contact, celui-ci se fait longtemps après. Néanmoins, cette période forge les multiples conditions de toutes natures qui favorisent l’emprunt. A l’heure actuelle pour Jean Pruvost, lexicologue, le vocabulaire français serait composé d’environ 500 d’origine arabe.

  1. Typographies des procédés de formation du lexique

Les définitions typographiques des procédés de formation du lexique, données dans l’article «  typographie des procédés de formation du lexique » paru en 1989 dans les cahiers de lexicologie: « les différents procédés1 de formation du lexique peuvent être définis et classés selon cinq traits définitoires dont un au moins oppose tel procédé à tel autre conformément au modèle phonologique ».

Il n’est pas impossible que l’ensemble de ces procédés constitue un système au sens où on l’entend habituellement en linguistique. Même si les différents procédés se combinent diachroniquement, il n’en demeure pas moins que leur position aux traits indiqués au nombre de cinq (une ou plusieurs partie (s), autonomie syntaxique des parties, mise en morphologie, base lexicale appartenant à la langue, rapport avec une langue- source) situe chacun d’eux, en synchronie, par rapport à tout autre de manière appositive. (CHERIGUEN, F : 1989-2.pp.53-57)

Tout comme pour les autres procédés, nous constatons une définition typographique du xénisme et de l’emprunt. De ce point de vue, la différence qui distingue l’un de l’autre réside dans la mise en morphologie. C’est la problématique majeure que pose le présent travail. Il ne suffit pas de définir le xénisme et l’emprunt d’un point de vue théorique, il est essentiel d’étudier et de montrer le mécanisme du passage de l’un et de l’autre et l’absence de passage comme cela est le cas parfois de l’étape du xénisme à celle de l’emprunt.

Il ne suffit pas non plus de constater que le xénisme relève du discours et appartient au sémiotique et l’emprunt de la langue, appartiendrait lui, au sémantique. en outre cette « impossible traduction » de certains vocabulaires parait importante dans le recours à l’emprunt. Car, comme l’écrit encore Benveniste (1974, tome 2 : P229), « on ne peut transposer la sémiotique d’une langue dans celui d’une autre, c’est l’impossible traduction » c’est ce qui justifie le recours au xénisme.

  1. Interférence, Transfert , Calque ou Emprunt ?

Des linguistes, comme O. weinreich (1968) et A. Martinet (1970) attribuent à ces trois signifiants, interférence, transfert et emprunt, un signifié unique, ils assimilent emprunt et interférence, les considérant équivalents, puisque faisant référence au même concept qu’est l’utilisation de termes provenant d’une langue A par une langue B.

De même, WF Mackey (1976), cité par F. Debyser, confond ces deux notions car il définit l’interférence comme étant’’ l’emploi, lorsque l’on parle ou l’on écrit dans une langue des éléments appartenant à une autre langue’’.

Pour ce dernier, le critère de différenciation s’évalue au degré d’intégration du terme étranger dans la langue cible : l’emprunt est intégré tandis que l’interférence ne l’est pas encore, de ce point de vue, deux désignations distinctes sont inutiles puisque, par ailleurs (Deroy,1980) on parle d’emprunt collectif (ou intégré) par opposition à l’emprunt individuel(pérégrinisme ou xénisme).

Par contre pour l’emprunt, c’est-à-dire d’une manière générale toutes les fois qu’il existe un individu apte à ce servir totalement ou partiellement de deux parlers différents, il est nécessairement lié au prestige dont jouit une langue ou le peuple qui la parle (mélioration).

Comme ceci peut être au mépris dans lequel on tient l’un ou l’autre (péjoration ) , la tendance à l’emprunt n’est pas le lot exclusif des temps modernes, ainsi, le français, à certaines époques a emprunté autant que de nos jours ; au latin ou le grec, de l’anglais…. Ilen est de même de nos jours, pour des mots empruntés à l’arabe comme barda, bled, casbah, oued, zhar, smalah ou encore plus récent comme Harragas, hirak, hidjeb, …

Galisson et D. Coste (1976) classent les deux notions (emprunt et interférence ) dans des discipline différentes, en didactiques des langues, l’interférence serait une faute commise en langue étrangère du fait de l’interférence à la langue maternelle alors que l’emprunt , en linguistique, serait un transfert de langue à langue, il se définit comme étant un procédé d’enrichissement par contact, utilisé par les langues naturelles pour combler des lacunes dans leur système propre, essentiellement dans leurs système lexical.[….] ‘’ ( R. Glisson/D.Coste.ibid).

De ces définitions, il ressort que l’emprunt linguistique se réalise d’une manière conjoncturelle et plus ou moins consciente, aussi bien en situation de bilinguisme que l’unilinguisme ;le contact entre deux langues n’étant pas une condition siné qua-none

L’interférence par contre, apparaît principalement dans une situation déficiente d’apprentissage d’une langue étrangère : Elle résulte d’une contamination (F. Chérigen 1990 pp.53/67), d’une superposition des deux langues en contact (langue maternelle et langue étrangère). Qui provoque parfois chez l’apprenant des confusions au niveau phonologique, morpho -syntaxique et lexical de la langue 2 (langue étrangère).

Résultant d’un bilinguisme composé, l’interférence, phénomène involontaire et inconscient pour WEINREICH(1963) p43 : ‘’ l’interférence est toujours inconsciente c’est-à-dire que le sujet subit inconsciemment l’influence d’une autre langue…. », constitue de fait un élément erroné transposé d’une langue à une autre.

Alors que l’emprunt s’opère d’une langue étrangère vers la langue maternelle, l’interférence à l’inverse, s’effectue de la langue maternelle vers la langue étrangère.

Dans le cas d’un bilinguisme, bien assimilé le terme de transfert est plus approprié car plus ou moins volontairement effectué par le sujet parlant qui désire conférer une fonction particulière à son discours (Fonction stylistique on poétique).

Ainsi F. Debyser (ibid. p36) nomme transfert ‘’ l’effet positif d’un apprentissage sur un autre, interférence, l’effet négatif’’

L’intégration du mot emprunté à la langue emprunteuse se fait de manière très diverses selon les mots et les circonstances. Ainsi le même mot étranger, emprunté à des époques différentes prend des formes variées. l’intégration, selon qu’elle est plus au moins complète, comporte des degrés divers : le mot peut être introduit à peu près tel qu’il se prononce( et, s’écrit) dans la langue B. ily a toutefois généralement même dans ce cas, Assimilation des phonèmes de la langue B aux phonèmes les plus proche de la langue A. Ainsi, en l’algebre « Elgabre » désignant une branche des mathématiques, ayant pour objet de simplifier et de résoudre des problèmes…( TLF, 2005) et sera utilisé en français avec la prononciation [l’algèbre]

Nous avons d’autres exemples :

– Le Coran ; Alcora,alchoran fin du XVe s. alcoran ; 1657 koran. Empr. à l’ar. al qur‘  « la lecture; la lecture par excellence, le Coran » dér. de qara’a « lire, réciter » avec et sans l’article al, la forme alc(h)oran étant peut-être parvenue par l’intermédiaire de l’esp. alcoranle Coran ou Koran

– Le café qui était à l’origine elkahoua ou elcahwa selon la langue arabe

Jupe : a été emprunté à l’italien giubba, lui-même adapté de l’arabe jubbaou giubba.  ce mot était assimilé à une robe. L’indécision entre l’homme et la femme a perduré longtemps pour finalement se tourner vers le sens de vêtement féminin.

– La casbah 1735 alcassabe « [en Afrique du Nord] forteresse, citadelle d’un souverain », 1890, s.v. casauba : le principal château [d’Alger] est appelé l‘alcassabe), attest. isolée; 1830 casauba ; 1836 casbah , la casbah, la ville haute, la rue Bab-Azoun);  Empr. à l’ar. qaṣaba  « forteresse », du verbe qaṣaba  « couper, retrancher ». ar. al-, la forme fr. alcassabe . Le mot s’est définitivement implanté au moment de la conquête de l’Algérie pour donner la Casbah

-Potiron dont l’origine est assez simple. Ce terme vient de l’arabe futrun, qui signifie champignon. 

– Magasin qui vient de makhzen en arabe, qui veut dire entrepôt ou dépôt.

LE ‘’H’’ de [Henné] ou bien du [Hadiths] pose un problème dans sa prononciation en langue française. L’absence de l’intégration phonétique ou morphologique implique la maîtrise de deux systèmes (celui de A et celui de B) et est parfois considérer comme de l’affection de la part du sujet parlant. Ceci peut se produire aussi quand le parler A est submergé par B, à un niveau plus avancé d’intégration, seuls quelques traits très fréquents de la langue B sont maintenus : par exemple, les préfixes déterminant’’ El ou ‘’ al’’. Enfin l’intégration est totale quand tous les traits étrangers à A disparaissent et se voient substituer les traits les plus voisins ou non de B, avec parfois des rapprochements avec certains autres mots de B : Ainsi pour:

Moufti → Mufti

faqihs → fqihs

kôle → khôle

kaftan → caftan

djellabah → djellaba

moufti → mufti

faqihs → fqihs

kôle → khôle

L’emprunt contrairement au calque, implique toujours au moins au départ, une tentative pour prendre la forme ou le trait étranger.

La distinction entre ces différents concepts étant faite, nous choisissons, pour notre part, de designer le terme d’emprunt le processus de passage d’un vocable d’une langue maternelle (arabe) dans une langue cible (français) et celui de terme emprunt (lexie ou vocable), le produit de celui-ci .

Selon le dictionnaire de linguistique (2002), il y a emprunt linguistique quand un parler ’’A’’ utilisé et finit par intégrer une unité ou un trait linguistique qui existait précédemment dans un parler B ( dit langue source) et que A ne possédait pas ; l’unité ou le traitement emprunté sont eux-mêmes qualifiés d’emprunts. L’emprunt est le phénomène sociolinguistique le plus important dans tous lescontacts de langues, c’est-à-dire d’une manière générale toutes les fois qu’il existe un individu apte à se servir totalement ou partiellement de deux parlers différents, Ils est nécessairement lié au prestige dont fournit une langue ou le peuple qui la parle (mélioration), ou bien au mépris dans lequel on tient l’un ou l’autre (péjoration) Dictiling. p177

  1. L’emprunt et la sociolinguistique 

La sociolinguistique est une partie de la linguistique dont le domaine se recoupe avec ceux de ’’l’ethnolinguistique ‘’de la ‘’ sociologie’’ du langage, de la géographie linguistique et de la dialectologie.

La sociolinguistique peut aussi se placer du point de vue du destinataire .Le genre de discours utilisé est, en effet, en fonction des individus auxquels il s’adresse. C’est pourquoi qu’à partir de notre corpus, on peut dire que nos auteurs s’adressent à des lecteurs maghrébins qui comprennent et vivent dans la même réalité sociale. Avec l’utilisation de l’emprunt lexical, qui reflète notre vie, notre langue, notre identité,un lecteur Français ne va jamais comprendre ce que ces textes veulent transmettre comme message sauf s’il a vécu au Maghreb.

Parfois ce sont les notions exprimées (le contenu des énoncés) qui sont sociales, la sociolinguistique qui s’occupe du vocabulaire ; comme dans notre corpus l’emprunt fait à l’arabe appartient surtout au vocabulaire religieux, social et culturel. Ce qui indiquent que nos auteurs maghrébins essayent de s’imposer comme écrivains musulmans d’expression française, pour se démarquer et se distinguer et avoir un statut particulier et c’est par ce trait distinctif à première vue et sans aller à une étude plus profonde du discours, on peut facilement les dissociés et les reconnaître. En maîtrisant même une autre langue que la nôtre n’empêche pas de s’inspirer de nos sources, de notre langue maternelle qui reste et restera toujours la première dans l’imaginaire et la pensée maghrébine.

Nous voulons seulement chercher les motivations de l’emprunt dans une des sciences humaines autre que la linguistique en faisant appel à la langue.

Pour expliquer tel ou tel domaine d’emprunt, ce qui rapport au social et de l’attitude du locuteur vis-à-vis de son énoncé pour le juger sur son comportement verbal selon les variations géographiques.

  1. L’emprunt et corpus  

Notre étude porte sur un corpus très varié qui ne cesse de croitre vu l’évolution du phénomène. Nous avons commencé par plus de 250 termes qui sont dans leur grande majorité des xénismes ou des emprunts faits essentiellement à la langue arabe. Ce vocabulaire, issu de diverses sources, est retenu à la suite d’un dépouillement qui nous a permis d’isoler tout terme de souche arabe.

Le vocabulaire étudié porte sur plusieurs domaines ; religieux, politique, musical, architectural, le mobiliers, la gastronomie, les arts traditionnels, les arts ménagers, etc…, c’est à un dépouillement d’ouvrages littéraires ( Marocain, Tunisien, Algérien) , historiques, médiatiques et autres dans lesquels nous avons procédé à des comparaisons dans l’usage des xénismes et des termes d’emprunt contenus.

Ce sont des ouvrages traitant la vie au Maghreb, d’un même domaine mais avec un léger écart d’époque, qui nous ont permis d’établir d’autres comparaisons et un suivi très important pour la connaissance du fonctionnement des termes d’emprunt. C’est pour cela que nous n’avons pas hésité à mettre en évidence les aspects progressifs du cheminement des emprunts dans toute leur complexité, avec parfois des retours en arrière nécessaires pour mieux illustrer les évolutions. En effet, l’étude de l’emprunt nécessite une approche dynamique et une saisie des faits au double point de vue : l’historique (diversifié dans le temps) et synchronique (Diversifié dans l’espace) comme par exemple le cas de l’emprunt Hidjeb qui a eu plusieurs sens et plusieurs appellations selon les époques et les personnes qui l’utilisent ;

Le hijab, voile ou foulard islamique, après il ya eu le niqab, le sitar et burqa.

Conclusion

C’est en fait à partir du terme reconnu qu’il peut être possible d’étudier le processus d’intégration d’un terme inconnu cheminant dans la langue qu’il emprunte, bien qu’il s’y pose un autre problème : doit-on se baser sur l’extension du néologisme (ou du xénisme) pour savoir si un terme donné est devenu un terme d’emprunt ou pas ? Et sur quels critères doit-on se baser pour déterminer une extension suffisante ?

Pour, L. Guilbert (1975,p93) : «  toute la question est de savoir quel doit être le degré d’extension » selon lui «  un terme d’origine étrangère cesse d’être néologisme à partir du moment où il est entré dans le système linguistique de  la langue d’accueil c’est-à-dire quand précisément , il cesse d’être perçu comme terme étranger. « cette installation, ajoute encore L. Guilbert, doit être jugée du point de vue des processus linguistiques… » Toujours, selon son point de vue, il semble que « ce soient les critères morphosyntaxiques et sémantiques qui décident de l’installation durable d’un terme étranger dans une langue ».

Pour J. Rey.debove : « le processus de l’emprunt arrive à son terme lorsque M2 n’était plus connu il prend le statut de M1 il arrive donc un moment T’’ ou’’ le mot M2 après s’être inséré dans le discours sous tous les masques qu’on lui a vue prendre ; se présente à découvert comme n’importe qu’elle mot M1 » une telle définition de l’insertion du terme d’emprunt dans une langue emprunteuse est aussi juste théorique. Nous savons que : « cependant certains auteurs assument l’emploi de M2 non codifié (comme c’est le cas dans le corpus que nous étudions) en le présentant comme M1 »

La difficulté dans ce domaine est telle que comme l’écrit S. SGUAIT-TAMATTI-BASSI, à propos des emprunts directs faits par le français à l’arabe «il est impossible de tirer des conclusions valables pour un groupe de mots : chaque vocable doit être étudié séparément et le résultat auquel on arrive n’a de valeur que pour l’emprunt en question ». Cette remarque nous semble trop catégorique, nous verrons dans quelles mesures il y’aura lieu de formuler des conclusions de type général et dans quelles mesures il faudra faire remarquer les exceptions ou les restrictions.

L’étude des emprunts a abouti à la conclusion selon laquelle l’emploi de ces mots étrangers a une double conséquence. Ils reflètent, tout d’abord, un lieu à partir duquel s’écrivent le texte, à savoir l’espace maghrébin. Puis, ils donnent à la langue française une substance nouvelle, tout en clamant une différence dans son utilisation. De cette manière, la langue française „renouvelée“ devient un cri de révolte contre tous les interdits.

En choisissant le français , ces auteurs visent à l’universel, qui ne saurait être entaché des particularités de la langue d’origine, un universel via le particulier par synthèse dialectique des « moments » représentés par chacunes des langues à savoir l’arabe et le français, c’est une typologie générale du rapport entre les langues qu’il faudrait s’attacher, afin d’évaluer le degré de liberté dans le « choix » du français.

Bien que cela dépasse l’objet de notre propos, nous signalerons aussi pour conclure que le modèle praxematique entraîne à la recomposition d’un débat fort ancien en sémantique entre universalistes et culturalistes. On voit, par la compréhension donnée de la signifiance nominale, qu’on peut très bien, selon les conditions d’un emprunt et selon les conditions ultérieures d’emploi, voir des sens se maintenir en différentes langues, et d’autres être perdus ou acquis.

Références bibliographiques :

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  • BARBERIE J.M., BRES J. et SIBLOT P, (1998), « Fécondité et complexité d’un concept »in De l’Actualisation, CNRS édition, pp. 13-47.

  • CHERIGUEN F (2002), « Les mots des uns, les mots des autres, le français au contact de l’arabe et du berbère ». Alger : Casbah Editions.

  • DETRIE C., SIBLOT P., VERINE B. (2001). « Termes et concepts pour l’analyse du discours. Une approche praxématique ». Paris : Champion.

  • GALISSON, R et COSTE, D (1976) Dictionnaire de didactique des langues. Paris : Hachette

  • MOIRAND, (1999), « Les indices dialogiques des contextualisation dans la presse ordinaire », in Cahier de praxématique 33, 145-184.

  • SIBLOT, P., (1991), « Entre territoires des uns et territoire des autres, L’espace du sens », in Cahiers de praxématique17, 143-153.

  • SIBLOT, P., (1995), «Comme son nom l’indique…Nomination et production de sens ».Thèse de Doctorat d’Etat, Université de Montpellier III (8 vol), t.1et2

  • SIBLOT, P., (1997), «Nomination et production de sens : le praxème » Langages127, 38-55.


1Ils sont au nombre de neuf : xénisme, emprunt lexical, emprunt sémantique calque, composition, composition, dérivation, licence poétique, troncation, siglaison