MEKKAOUI Mohamed
Maître de conférences
Université de Mascara (Algérie)
Résumé : Ce travail de recherche mené en didactique cognitive de la production écrite des textes explicatifs en milieu plurilingue, s’intéresse principalement, à l’effet et aux éventuels apports du recours à une pédagogie de la créativité en classe de français langue étrangère. Nous nous interrogeons sur la manière avec laquelle, la conception des cartes conceptuelles pourrait déclencher, chez nos participants, un état émotionnel positif, en freinant ainsi leurs émotions perturbatrices liées au contexte de la production écrite. Nous supposons que cet objet créatif jumelé à un travail en collaboration permettrait à nos participants de canaliser leurs émotions parasites, en activant plus d’émotions personnelles. Cet environnement d’apprentissage, conduirait nos participants à activer leurs connaissances antérieures, à produire davantage d’idées pertinentes, et à co-construire de nouvelles connaissances, tout en améliorant la qualité du texte du point de vue de son contenu sémantique.
Mots-clés : pédagogie de la créativité – émotions – révision collaborative en présentiel – cartes conceptuelles – didactique cognitive.
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Cadrage théorique de l’expérimentation
La recherche sur la pédagogie de la créativité est devenue un enjeu, souvent central, dont de nombreux domaines se sont inspirés, y compris celui de la didactique du FLE. Recourir à ce type de pédagogie en classe de français, implique la conception d’un environnement scolaire dans lequel l’enseignant laisse la place à la pensée divergente, cherche à relier fortement les objets d’apprentissage aux émotions de ses apprenants, complexifie les tâches afin de les encourager à la persévérance (Lubart, 2003). Une pédagogie de la créativité, en classe de langue, est pluridisciplinaire puisqu’elle s’intéresse principalement à quatre théories de recherche : émotionnelle, créative, cognitive et didactique. L’objectif de cette pédagogie est de proposer de nouvelles formes d’enseignement/apprentissage de la langue, et vise l’accompagnement des apprenants dans la gestion de leurs émotions.
Nous avons constaté que les étudiants inscrits à l’Université de Mascara (Algérie), rencontrent des problèmes vis à vis de l’apprentissage de langue française. Ces étudiants éprouvent des difficultés linguistiques notamment lors de l’activité de production écrite. Nous supposons que ces apprenants se retrouvent pénalisés durant une situation de production écrite, vu que leurs émotions sont des éléments qui pourraient affecter leur performance à l’écrit. C’est justement en classe de langue que l’émotion peut constituer une entrave, ou au contraire une aide forte à l’acquisition de cette langue cible (Cuq, 2003 : 80). Il s’agit alors de parvenir à maitriser ses émotions sans pour autant les supprimer (Cuq, 2003 : 80).
Selon Bandura (2007), les sentiments d’efficacité personnelle constituent le point de départ pour s’interroger sur l’état émotionnel des apprenants. La perception préalable que l’apprenant a de ses compétences est considérée comme une variable non négligeable de la réussite scolaire. Cette dernière est influencée par les états physiologiques et émotionnels de l’apprenant, et qui va lui permettre de s’engager ou non dans son apprentissage. Généralement, plus la perception de ses compétences est élevée, plus ses émotions et ses états physiologiques qui en découlent sont positifs, ce qui contribue à la réussite probable de sa performance et inversement.
Un état émotionnel est perçu comme un stade court et intense, une réaction à un stimulus externe, qui serait un objet créé par un apprenant. Cette démarche, qui se veut expérimentale, s’intéresse aux effets d’un état émotionnel positif ou négatif (joie, tristesse, surprise), sur la performance à des tâches créatives (Lubart, 2003).
Actuellement, les chercheurs ont tendance de distinguer entre trois types d’émotion : primaires ou universelles (bonheur, tristesse, peur ou dégoût), des émotions secondaires ou sociales (l’embarras, la jalousie ou l’orgueil), et des émotions d’arrière-plan (le bien-être ou le malaise, le calme ou la tension). La pédagogie de la créativité tente de favoriser une émotion d’arrière-plan (le calme) afin de réduire celle de la tension liée à l’environnement de classe, et à l’apprentissage (Damasio, 1999).
Selon Lubart (2003), l’émotion joue un rôle crucial sur le processus créatif des apprenants. Ce psychologue décrit la créativité, selon une approche multivariée, qui permet de mettre en avant ses composantes conatives (la personnalité, la motivation de l’apprenant), ainsi que celles dites environnementales et émotionnelles. La créativité est alors la capacité à réaliser une production qui soit à la fois nouvelle et adaptée au contexte dans lequel elle se manifeste.
Afin de stimuler la créativité chez les apprenants en classe, plusieurs facteurs sont susceptibles d’être employés. Nous nous intéressons principalement à l’effet d’un environnement d’apprentissage favorable (Runco, 2003 ; Gibson, 2010), en l’occurrence le recours aux cartes conceptuelles, sur l’émergence des émotions facilitatrices d’apprentissage qui freinent ainsi les émotions parasites des apprenants liées au contexte de la production écrite. La conception d’un support créatif (cartes conceptuelles) pourrait permettre à l’apprenant de développer sa créativité et de de stimuler un état émotionnel qui lui permettrait de se percevoir plus auto-efficace. L’apprentissage dans un tel environnement encourage, favorise la créativité des apprenants, et les invite à rappeler de nouvelles idées (Craft, 1997). Ainsi, nous nous interrogeons sur la manière avec laquelle, la conception d’un environnement d’apprentissage pourrait favoriser un état émotionnel positif chez les apprenants, qui leur permettrait d’activer plus d’informations, et d’éviter ainsi le scénario de la page blanche (Puozzo Capron, 2013).
Nous nous intéressons également à l’impact de la collaboration (Galbraith et Jones, 2003 ; Gibson, 2010), sur l’activation d’émotions personnelles qui amélioreraient la performance des apprenants à l’écrit, et sur la canalisation des émotions parasites de l’apprentissage.
Par ailleurs, dans une approche psycholinguistique et cognitive, le processus rédactionnel est constitué de trois opérations fondamentales : la planification, la mise en texte et la révision (Hayes et Flower, 1980). Ce troisième constituant du processus rédactionnel est considéré comme un ensemble qui se subdivise en trois opérations cognitives : la relecture critique, la mise au point, et la révision. Cette dernière étape occupe une place de choix en didactique cognitive de la production écrite. C’est une activité qui nécessite de la part du scripteur un retour sur son premier jet. Ce retour doit intervenir dans toutes les tâches ainsi que dans toutes les étapes de la production écrite (Olive & Piolat, 2003).
En outre, lors de la revue de la littérature concernant la production écrite, la réflexion de Norman (1993), a attiré notre attention. Selon lui, l’activité de rédaction nécessite un recours aux pairs ou aux systèmes d’aides externes, comme source de connaissances, comme organisateurs de l’activité, et comme extensions des ressources cognitives propres aux individus. Le recours aux pairs lors d’une situation de révision des écrits est synonyme de révision collaborative ou de co-révision, durant laquelle les apprenants révisent en binômes ou à plusieurs la première version d’un texte. Zammuner (1995), avance l’idée selon laquelle l’écriture collaborative est de meilleure qualité que l’écriture individuelle. Elle remarque que la situation qui produit la meilleure aide est celle où les apprenants écrivent avec un binôme, et que le travail de production avec un pair est de meilleure qualité.
En plus de l’intervention du pair, le scripteur a également besoin de systèmes d’aides externes lors de la co-révision de son texte. Nous pensons que le recours aux organisateurs graphiques pourrait aider les apprenants à la compréhension, à la rétention des informations importantes, et à comprendre leurs relations hiérarchiques. L’organisation spatiale des informations pourrait favoriser l’acquisition et la construction des connaissances, le rappel et le maintien de ces connaissances. L’utilisation des cartes conceptuelles en situation de révision collaborative pourrait constituer un système d’aide pour nos participants afin de réviser leurs textes, et d’améliorer leurs performances à l’écrit. Elles permettraient aussi de réduire la surcharge cognitive de la mémoire de travail. La transformation des connaissances antérieures en schémas pourrait favoriser l’activation rapide des connaissances et faciliterait 1’intégration des nouvelles connaissances en mémoire à long terme. Ces systèmes d’aide créent et mettent en place de nouvelles situations qui génèrent de nouveaux comportements réflexifs (Crinon & Legros, 2002).
La carte conceptuelle est définie comme un dispositif schématique favorisant une représentation visuelle signifiante d’un groupe de concepts, intégrée à des propositions structurées (Novak, 1990). Elle permet à l’apprenant, d’expliciter les liens entre les différents concepts dont la maîtrise est nécessaire dans le cadre de la construction d’une compétence. La carte conceptuelle est composée de plusieurs concepts reliés entre eux par des liens unidirectionnels qui sont nommés également verbes, formant ainsi des propositions.
Les cartes conceptuelles s’appuient sur la théorie de l’apprentissage signifiant Ausubel (1968). Elles permettraient à ce type d’apprentissage de favoriser les liens entre les connaissances antérieures et les nouvelles connaissances que vient d’acquérir un apprenant en cours de formation. Ces cartes contribueraient au développement de la capacité métacognitive des apprenants.
Nous nous interrogeons, durant cette recherche, sur l’impact de la conception d’une carte conceptuelle sur l’émergence des émotions facilitateurs ou perturbateurs, et l’influences de celles-ci sur la co-révision en présentiel d’un texte explicatif en FLE. Nous nous questionnons également sur la nature et la valence des émotions qui émergeraient dans un tel environnement d’apprentissage.
Nous avançons l’hypothèse selon laquelle, l’élaboration d’un dispositif créatif, en l’occurrence le recours à une carte conceptuelle lors de la révision collaborative en présentiel d’un texte explicatif en L2, pourrait développer la créativité des participants tout en favorisant l’apprentissage du français. Nous supposons que cette démarche pourrait déclencher, chez nos participants, un état émotionnel positif, en freinant ainsi leurs émotions parasites liées au contexte de la production écrite. Cet environnement d’apprentissage pourrait favoriser la replanification des idées ainsi que la co-construction de nouvelles connaissances. Il pourrait également améliorer la qualité du texte du point de vue de son contenu sémantique.
2. Méthode expérimentale
Dans le cadre de cette recherche expérimentale, soixante-dix étudiants inscrits en Master 1 à l’Université Mustapha STAMBOULI, ont participé à notre expérimentation. Nous avons formé cinq groupes de participants : G1, G2, G3, G4 et G5. Les groupes G1 et G2 travaillent de manière individuelle. Tandis que les groupes G3 et G4 travaillent en collaboration. Le groupe témoin (G5) travaille individuellement. Le public expérimental a assisté à plusieurs séances de travail réparties sur les tâches suivantes. Pendant la première séance, les participants ont subi un questionnaire initial (Q1) composé de dix questions. L’objectif de ce questionnaire (Q1) est d’évaluer le niveau des connaissances des participants sur le thème de l’organisation judiciaire en Algérie. Ensuite, les participants ont lu, dans un premier temps, un texte juridique. Par la suite, ils ont subi une épreuve de rappel (R1). Les étudiants devaient rédiger un texte explicatif en répondant à la consigne suivante : comment s’organise le système judiciaire Algérien?
Lors de séance suivante, les groupes G1/G3 et G2/G4 ont assisté respectivement aux formations suivantes : les groupes G2/G4 ont bénéficié d’une formation à la construction des cartes conceptuelles. Tandis que les participants des groupes G1/G3, ont reçu un cours concernant les caractéristiques, l’organisation et la synthèse d’un texte explicatif. Le groupe témoin G5 n’était pas invité à cette formation. Les participants des cinq groupes ont révisé, par la suite, leur premier rappel (R1) selon les modalités suivantes. Les participants du groupe G1 ont révisé individuellement le rappel R1 à l’aide de la synthèse du texte explicatif ; les participants du groupe G2 ont révisé le rappel R1 à l’aide de la carte conceptuelle construite ; les participants du groupe G3 ont révisé en collaboration le rappel R1 à l’aide de la synthèse du texte explicatif T1 ; les participants du groupe G4 ont co-révisé le rappel R1 à l’aide de la carte conceptuelle construite ; les participants du groupe G5 ont révisé individuellement le rappel R1 sans aucune aide. Pour finir, un questionnaire final, identique au questionnaire initial, a été proposé à l’ensemble des participants. Ces derniers ont répondu, à un questionnaire final (Q2) composé de dix questions, afin d’analyser les connaissances construites par les participants sur l’organisation judicaire en Algérie.
3. Méthode d’analyse
L’analyse des protocoles expérimentaux recueillis s’articulent autour de quatre points : les réponses au questionnaire initial (Q1) ; l’écriture du premier rappel (R1) ; la réécriture du second rappel (R2), et enfin les réponses au questionnaire final (Q2).
La première analyse de cette recherche tente d’étudier le nombre de réponses correctes produites aux questionnaires (Q1 et Q2) chez les participants. Ces questionnaires sont considérés comme des outils d’aide à l’élaboration des inférences causales sur la réponse à des questions qui portent sur le modèle de la situation évoquée par le texte Vs des questions qui portent sur le contenu de la base de texte.
La seconde analyse vise à étudier le niveau de pertinence des informations produites lors de l’écriture du premier rappel (R1). La troisième analyse étudie le niveau de pertinence des propositions ajoutées lors de la réécriture du texte explicatif (R2). La dernière analyse a pour but d’analyser le niveau de pertinence des réponses ajoutées au questionnaire (Q2).
L’analyse des réponses au questionnaire initial (Q1) et final (Q2) a porté sur le nombre de réponses de type (T1) qui revoient à la base du texte, et de type (T2) qui renvoient au modèle de situation (Kintsch, 1983). Les réponses aux deux rappels (R1 et R2) ont été analysées en propositions sémantiques en procédant à une analyse qui nous permet d’analyser le contenu sémantique des productions écrites des participants. Elle consiste à découper le texte en prédicats (verbe, adjectif ou terme relationnel), et de nombre d’arguments (souvent des substantifs) (Le Ny, 1979).
La variable dépendante est constituée dans cette analyse par le nombre de propositions produites lors de chaque rappel (R1 et R2), et catégorisées en fonction de leur niveau de pertinence : informations très pertinentes (P3), en informations moyennement pertinentes (P2), ou en informations peu pertinentes (P1).
L’analyse des informations ajoutées au questionnaire final (Q2) et des informations ajoutées au second rappel (R2) nous permet de mesurer l’impact du recours à une pédagogie de la créativité (l’utilisation d’une carte conceptuelle ainsi que la collaboration) sur la révision du texte explicatif produit. Les analyses statistiques ont été réalisées à l’aide d’une méthode statistique inférentielle : l’analyse de la variance ou ANOVA (ANalysis Of VAriance).
3. Analyse des résultats
Nous présentons à présent les résultats de notre recherche expérimentale.
3.1 Résultats et analyse des réponses aux questionnaires Initial (Q1) et final (Q2) pour tous les groupes (G1, G2, G3, G4, G5).
Les données ont été analysées selon le plan S<G5>* Q2 dans lequel les lettres S, G, Q, renvoient respectivement aux facteurs Sujet (facteur aléatoire), Groupe (G1, G2, G3, G4 et G5), Questionnaire (Q1= questionnaire initial ; Q2= questionnaire final). Le facteur Groupe est significatif F(4,45)= 384,301.p< 0.0001). Les réponses aux questionnaires Q1 et Q2 varient en fonction des groupes (moy G1= 3,22 vs moy G2= 3,10 vs moy G3=4.3 vs moy G4=4.95 vs moy G5=2.62). Le facteur Questionnaire (Q1 vs Q2) est significatif F (4.45)= 5304,047.p<0.0001). Les réponses aux deux questionnaires (Q1 vs Q2) sont significativement différentes (moy Q1= 2,18 vs moy Q2= 5,38). L’interaction des facteurs Groupe et Questionnaire (Q1 vs Q2) est significative F (4.45)= 335,504.p< 0.0001). La différence de réponses aux deux questionnaires Q1 et Q2 varie en fonction des groupes (Voir la Figure 1).
Figure 1. Moyenne de réponses aux deux questionnaires (Q1 vs Q2) en fonction des groupes (G1 vs G2 vs G3 vs G4 vs G5).
Nous avons remarqué que c’est surtout les groupes expérimentaux qui améliorent leurs résultats au questionnaire final (Q2). Les réponses du groupe G4 au questionnaire final (Q2) sont plus importantes que celles du groupe G3 (4,95 vs 4,3), les réponses du groupe G3 au questionnaire final (Q2) sont plus importantes que celles du groupe G2 (4,3 vs 3,8), les réponses du groupe G2 au questionnaire final (Q2) sont plus importantes que celles du groupe G1 (3,80 vs 3,22) et les réponses du groupe G1 au questionnaire final (Q2) sont plus importantes que celles du groupe G5 (3,22 vs 2,62).
3.2 Résultats et analyse de l’effet des systèmes d’aide et des modalités de travail sur le nombre de propositions produites lors du rappel (R2) Vs (R1)
Les données ont été analysées selon le plan S<G5>* R2 dans lequel les lettres S, G, R, renvoient respectivement aux facteurs Sujet (facteur aléatoire), Groupe (G1, G2. G3, G4 et G5), Rappel (R1= rappel R1 ; R2= Rappel R2). Le facteur Groupe est significatif (F(4,45) = 84,329.p< 0.0001). Le nombre d’informations des deux rappels R1 et R2 varient en fonction des (moy G1 = 12,3 ; moy G2 = 13,8 ; moy G3 = 16,45 ; moy G4 = 18.35 ; moy G5 = 10,8). Le facteur nombre d’informations (R1 vs R2) est significatif (F(4,45)= 1130,158.p<0.0001). Le nombre d’informations rappelées dans les deux rappels est significativement différent. (moy R1= 8, 3 vs moy R2= 20,38). Les participants des cinq groupes produisent plus d’informations lors du rappel R2 par rapport au rappel R1. Nous observons une différence significative dans le nombre d’informations rappelées dans le rappel R2 (moy G1 = 16,4 ; moy G2 = 19,5 ; moy G3 = 24,5 ; moy G4 = 28 ; moy G5 = 13,5). Les participants des cinq groupes ont produits plus de propositions lors du second rappel par rapport au premier, grâce aux systèmes d’aide proposé et grâce aux modalités de travail. L’interaction des facteurs Groupe et nombre d’informations (R1 vs R2) est significatif (F(4,45)= 51,117.p< 0.0001). La différence du nombre d’informations produites dans le R1 et le R2 varie en fonction des groupes. Les sujets des groupes expérimentaux produisent lors du rappel R2 des propositions pertinentes par rapport à celles produites lors du premier rappel R1 (Voir la Figure 2).
Figure 2. Moyennes et Écarts type des propositions produites lors du premier rappel (R1) en fonction des groupes (G1 vs G2 vs G3 vs G4 vs G5).
4. Discussion et conclusion
Nous avons formulé dans cette recherche une hypothèse principale qui préconise que le recours à une pédagogie de la créativité, en classe de français, pourraient déclencher, chez nos participants, un état émotionnel positif, en freinant ainsi leurs émotions parasites liées au contexte de la production écrite. Cet environnement d’apprentissage pourrait favoriser la replanification des idées ainsi que la co-construction de nouvelles connaissances, tout en améliorant la qualité du texte du point de vue de son contenu sémantique. Les résultats obtenus nous ont permis de confirmer cette hypothèse. Nous avons remarqué que, lors de la production du premier Rappel (R1), les participants ont produit un pourcentage très rapproché d’informations, et activent donc le même nombre d’idées. Ces résultats nous ont permis de confirmer que les participants possèdent les mêmes connaissances référentielles (juridiques), et qu’ils effectuent les mêmes tâches dans les mêmes conditions. En revanche, lors de la tâche de révision collaborative, les participants produisent plus d’idées et l’interaction des facteurs Groupe et Niveau de pertinence des idées activées et produites, indique qu’ils produisent plus d’idées très pertinentes. Le travail collaboratif a favorisé l’activation et la production des idées pertinentes, et a amélioré la qualité du texte du point de vue de son contenu sémantique.
Les résultats de l’expérimentation montrent que les sujets rappellent mieux les informations de type P3, renvoyant à une relation causale. Ces résultats confirment l’idée de Kinsch (1998), qui selon laquelle, les informations insérées dans une relation causale sont mieux restituées par les étudiant que les informations isolées et indépendantes (lecture d’un texte d’aide) de la chaine causale. Ces résultats confirment également que, chez nos participants, la co-revision du texte explicatif en L2 a amélioré la qualité du rappel. Ils produisent, en effet, des textes contenant plus de propositions très pertinentes que des sujets qui travaillent de manière individuelle (Zammuner, 1995). Ainsi, le fait de participer aux activités de co-révision, permet aux sujets d’activer plus d’éléments, et de produire des textes plus riches en propositions sémantiques pertinentes (Hänze, & Berger, 2007).
Les résultats de l’interaction des facteurs Groupe et Pertinence montrent que, contrairement aux participants des groupes (G3, G2, G1 et G5), les participants du groupe (G4), qui ont conçu une carte conceptuelle, et qui ont travaillé dans une modalité de co-révision, ont rappelé plus d’informations de type P3 renvoyant à une relation causale (Fayol & Gaonac’h, 2003). L’activité de construction de cartes conceptuelles les a permis également de s’investir dans l’activité de construction d’une représentation conceptuelle du domaine, et de relier leurs connaissances antérieures aux connaissances représentées dans le texte. Pour finir, la conception des cartes conceptuelles, a permis aux participants de développer leur créativité et a déclenché chez eux un état émotionnel favorable, qui les a permis de se percevoir plus auto-efficace. L’émergence des émotions positives, par le biais de l’activité créative, a donc favorisé, chez nos participants, une expérience d’apprentissage significative.
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