Territorialité et internationalisation d’une culture africaine: Le cas de la culture des Bakongo du royaume du Kongo

ELOI CYRILLE TOLLO

Université de Yaoundé 1, Cameroun

Abstract

This article1 deals with the transformation and the diffusion of cultures, particularly that of the Bakongo’s people of the ancient kingdom of Kongo. It shows how from their land in Kongo, the Bakongo people entered in contact with the Portuguese and how the cultural transformation started in 1491, when Catholicism was introduced within the Kongo kingdom. Kongo became the first Christian country south of Equator in Africa. In addition to this local transformation and adaptation, from the sixteen century, the Bakongo culture was exported to America through the slave trade. It is in this context of domination, that from the 16th century, Bakongo’s slaves deported in Americas developed strategies to preserve part of their cultural heritage. In this resilience, cultural factors have played an important role. Bakongo’s cultural elements were therefore mixed with European and Native American cultures. This led to the creolization of American culture. Over time, Bakongo’s cultural heritage which arrived Americas through slavery like other African cultures became a component of America’s cultures. In the Americas (Brazil, USA, Colombia and Caribbean Islands), the Bakongo influence can be observed in several domains including languages ​​, beliefs, onomastics, dance or music. Therefore, the Bakongo people contributed to build the Americas creoles cultures that we have today. To realize this study, we use multidisciplinary data from linguistic, history, archaeology and anthropology.

Keywords: Culture, Bakongo, Kongo, America, Africa, creole.

Le royaume du Kongo est sans doute l’un des plus prestigieux centres politiques que l’Afrique ait produit dans l’histoire. D’un simple agrégat de clans installés sur des territoires hétérogènes, il fut unifié par un héros légendaire, Lukeni lua Nimi pour devenir, au fil des siècles, une puissance politique dont la renommée et l’influence allaient de la côte atlantique aux franches septentrionales du bassin du Congo. Mais le destin de ce royaume bascula en 1483, lorsque les explorateurs Portugais conduits par Diego Cao y débarquèrent. Deux peuples, deux sociétés, deux cultures que tant de choses opposaient se retrouvèrent face à face. De cette rencontre, on se serait attendu a priori à un véritable choc de civilisations. Mais au départ, il se tissera une histoire faite de respect mutuel, de courtisanerie, mais qui se transformera au fil du temps en ruse puis en véritable système d’exploitation, dont le paroxysme fut la traite négrière. Cette dernière a créé un environnement conflictogène, champ d’expression des contradictions, des incompréhensions liées à l’altérité et à la divergence des intérêts. Pourtant, le Kongo avait une identité culturelle forte, une organisation socio-politico-économique qui d’ailleurs forçait l’admiration des ressortissants portugais ou hollandais qui avaient eu l’occasion de visiter Mbanza Kongo, sa capitale entre le 15e et le 17e siècles. Au départ, d’un jeu de rapports basés sur l’égalité, le respect et la courtoisie entre les parties, la divergence des intérêts liés au développement du commerce triangulaire a entrainé l’émergence de nouvelles préoccupations en faveur d’un Portugal devenu arrogant, agressif, dépourvu de toute empathie et sourd aux plaintes des souverains locaux, qui s’insurgeaient contre des pratiques avilissantes. Ayant volontairement accepté et adopté la culture portugaise, les phénomènes d’acculturation et d’inculturation se sont accentués au fil du temps, influençant de fait une partie de l’univers culturel bakongo, tant du point de vue des artefacts, des technofacts que des idéofacts. En même temps, la participation du royaume du Kongo à la traite négrière a entrainé malgré lui l’exportation de la culture kongolaise vers les Amériques. Cette internationalisation des cultures africaines en général et kongolaise en particulier est à l’origine de la créolisation des cultures afro-américaines actuelles, que l’on soit aux Etats Unis, au Brésil, à Cuba, en Colombie ou dans les Caraïbes.

En nous appuyant sur les données historiques, linguistiques, anthropologiques et archéologiques, nous allons montrer comment une culture africaine a su s’adapter localement et intégrer des items culturels étrangers, comment elle s’est exportée, maintenue et développée loin de ses frontières. Il s’agit de montrer la résilience des cultures dans des environnements hostiles en nous basant sur le cas des déportés Bakongo. En effet, les esclaves Bakongo en particulier et Africains en général ont su développer des formes de résistance, en conservant jusqu’à nos jours une partie de leur patrimoine culturel ancestral. Leur présence démographique et anthropologique dans le nouveau monde a contribué à l’éclosion d’une néoculture aux Amériques, fruit de la rencontre entre africains, amérindiens et européens.

L’unité culturelle des Bakongo avant l’arrivée des Portugais

Bien avant l’arrivée des Portugais, les Bakongo présentaient une identité culturelle caractérisée par l’uniformité des appareils idéologique et sociologique. Il s’agit des faits culturels typiquement kongo qui trouvent leur origine dans un passé commun qui s’incarne à travers des aspects axiologiques, des artefacts, ainsi que des systèmes de représentations communs. Sur le plan factuel, par exemple, des études ethnographiques ont mis en évidence l’homogénéité des traditions céramiques bakongo de la fin du 19e siècle, ainsi que celle de la poterie actuelle (Pinçon et Ngoïe-Ngalla, 1990 ; Kaumba, 2014 et 2015). Hors, certains archéologues pensent que ce matériau peut être un bon indicateur de l’identité ethnique (Gallay et al., 1996 ; Dietler et Herbich, 1994). En plus, l’étude de la céramique peut également apporter d’importantes informations sur l’histoire des groupes ethniques, ainsi que sur le peuplement (David et al., 1991 ; Mayor, 2005 ; Mezop Temgoua, 2011). Néanmoins, aborder la question de la profondeur historique des groupes ethniques demeure toujours une tâche délicate, tant du point de vue archéologique que politique (MacEachern, 1990, 1992 ; 1994 ; de Maret, 2005; Mayor, 2005; Mezop Temgoua, 2011). Nous n’aborderons pas ici le débat portant sur l’ethnicité et la complexité de ce concept (Anselme et M’Bokolo, 1987). Cependant, nous devons nous résoudre à admettre que chaque société humaine développe une identité et une altérité. L’identité étant l’ensemble des caractéristiques culturelles qui singularisent un groupe humain par rapport aux autres. En ce qui concerne les Bakongo, l’un des éléments symptomatiques qui fonde leur identité culturelle est d’abord leur langue, le kikongo. Il s’agit d’un large continuum linguistique appartenant au Bantu et constitué de plusieurs variantes dialectales2 dont les structures se ressemblent (Obenga, 1970). Cependant, il ne faut pas croire que le royaume du Kongo mis en place par les Bakongo était une espèce d’isolat linguistique, car même si le kikongo, en tant qu’idiome des conquérants était la langue officielle, elle n’était pas majoritaire. Les masses paysannes autochtones avaient d’autres langues donc certaines se sont créolisées au contact du Kikongo pour donner des idiomes hybrides comme par exemple le Kituba, encore appelé kikongo ya leta. La dominance du kikongo ne relève donc pas de l’ethnisme, car au-delà des Bakongo, les souverains du royaume du Kongo avaient soumis et fédéré un grand nombre de seigneuries appartenant à d’autres groupes ethniques. C’est le cas de Loango, Kakongo, Angoï, Ndongo, Ngoyo, Teke pour ne citer que ceux là (Cuvelier, 1946 ; Randlès, 1968).

Rappelons que si l’on fait exception des emprunts massifs, le principe de la classification génétique des langues repose sur le postulat selon lequel celles qui sont apparentées résultent d’une même communauté d’origine (Campbell et Poser, 2008). Et comme certaines études ont montré qu’il y a une filiation entre langues et gènes (Sanchez-Mazas et al. 1991/92 ; Cavalli-Sforza et al, 1993), on peut légitimement inférer une origine commune des Bakongo. Il faut cependant reconnaitre qu’à travers les migrations, les dialectes qui composent le kikongo ont évolué différemment, du fait de leur distanciation les uns des autres. Cet éloignement a entrainé quelques différences minimes au niveau du vocabulaire qui demeure tout de même commun à 80%. Raison pour laquelle, dans sa classification des langues bantu, Malcolm Guthrie (1953) a classé toutes ces langues sous le groupe kongo. Il s’agit du groupe 10 de la zone H. C’est d’ailleurs ce qui explique que la mémoire collective des Bakongo et apparentées ait conservé cette conscience d’appartenance à un même ensemble sociologique constitué de références historiques et idéologiques communes. Pour Georges Balandier (1965), si certains ensembles tribaux ne le revendiquent pas toujours, tous connaissent le terme Kongo et, en dépit des variances dialectales, leur parenté est une évidence.

Les Bakongo se retrouvent aujourd’hui dispersés dans une aire géographique qui recoupe quatre pays d’Afrique centrale, l’Angola, notamment sa partie septentrionale ainsi que le Cabinda, le sud-ouest de l’actuelle République Démocratique du Congo y compris la région de Kinshasa3, le sud-ouest de la République du Congo, Brazzaville incluse, ainsi que la côte méridionale du Gabon, jusqu’au Cap Lopez. L’espace géographique sus-défini correspond plus ou moins aux limites de l’ancien royaume du Kongo telles que décrites par les traditions orales et définies par certains historiens (Randles, 1968 ; Thornton, 1982). L’autre caractéristique culturelle qui relève également de la linguistique est l’existence d’un fond onomastique commun. En effet, des hydronymes, des toponymes, ainsi que certains anthroponymes sont spécifiques à l’aire culturelle kongo 4 (Pinçon et Ngoïe-Ngalla, 1990: 159-160). Et comme nous le verrons, certains se retrouvent aujourd’hui dans de nombreux territoires américains.

Sur le plan mythologique, dans leur quasi-totalité, les Bakongo partagent un mythe d’origine commun, rassembleur et identitaire, le „kongo dia Ntodila„, qui signifie la région des rois du Kongo. Sans enlever la fonction symbolique aux mythes comme l’a si bien défendu Claude Lévi-Strauss (1958), celui des Bakongo est également étiologique. En effet, quelle que soit le groupe et sa localisation, les traditions orales aussi diverses qu’elles soient, font toutes référence à un lieu unique d’où serait partie ce peuple. C’est le cas des Bayombe ou des Bavili qui ont pourtant appartenu au royaume de Loango, d’abord vassal, puis rival du Kongo (Hagenbucher-Sacripanti, 1973). Toutes les tribus kongo connaissent Mbanza Kongo dia Ntodila, c’est-à-dire, la ville de résidence des rois. La charge symbolique de la place qu’occupe cette cité dans l’imaginaire des Bakongo relève du rapport émotionnel et idyllique que ce peuple entretien avec un passé lointain, mais prestigieux. Mbanza Kongo évoque la nostalgie d’un royaume dont la grandeur et la notoriété ont traversé les âges de l’histoire. Certains symboles de cet âge d’or sont encore perceptibles. C’est le cas de l’église de Kulumbimbi, construite entre 1495 et 1523, puis érigée comme première cathédrale de l’Afrique au sud de l’équateur en 1596. Bien qu’en ruine, cette église fait encore l’objet de pèlerinage de populations venues des contrées lointaines. Ainsi, en juin 2014, alors que nous menions des fouilles archéologiques sur l’un de ses flancs, nous avons rencontré des pèlerins venus du Cabinda, et qui ont tenu non seulement à la visiter, mais aussi à y prier. La charge à la fois émotionnelle et dévotionnelle éprouvée par ceux-ci montre que la ville historique de Mbanza Kongo et ses symboles contribuent à déterminer la bakonguité, c’est-à-dire la conscience de l’appartenance au groupe Bakongo. Ce qui fait donc de cette ville un pilier de la conscience historique de l’identité bakongo.

En ce qui concerne la culture matérielle, l’unité culturelle des Bakongo a également été mise en évidence à travers l’étude de la céramique. Ainsi, la poterie récente et celle du 19e siècle trouvées dans l’aire culturelle Kongo présentent de fortes ressemblances technologique, morphologique et sémiologique (Pinçon et Ngoïe-Ngalla, 1990 ; Kaumba, 2014 et 2015). Du point de vue technologique, il existe deux modes de fabrication des pots, le creusage de la motte et le montage au colombin. On note aussi des analogies au niveau morphologique, marquées par l’existence de petites et grandes marmites, des gargoulettes ainsi que des jarres (figure 1). L’on observe également des similarités sémiologiques, car dans la majorité des cas, il s’agit d’une céramique peinte ou imprimée.

Figure 1. Poterie ethnographique de l’aire culturelle kongo (Pinçon et Ngoïe-Ngalla, 1990: 159-160)

Mais, cette céramique semble avoir connu une évolution par rapport à la poterie archéologique kongo, car leurs grammaires décoratives ne sont pas absolument identiques. Alors que dans la poterie du 19e siècle la peinture est dominante, la céramique archéologique a surtout des décors imprimés. Cette observation a été réalisée dans des excavations qui ont eu lieu dans trois anciennes provinces du royaume du Kongo, le Mpemba, le Nsundi et le Mbata. Lors des fouilles archéologiques auxquelles nous avons pris part à Mbanza Kongo, capitale du royaume et chef lieu de la province du Mpemba, nous n’avons pas trouvé de la céramique locale peinte (Mbida et al., 2014). Il en est de même des excavations réalisées dans d’autres capitales régionales, notamment à Ngongo Mbata, chef lieu de la province orientale du Mbata (Clist et al., 2013 ; Clist et al., 2015a) et Mbanza Nsundi, capitale de la province septentrionale du Nsundi, et plus précisément le site de Kindoki (Clist et al., 2013 ; Clist et al., 2015b). Dans tous ces sites pourtant éloignés les uns des autres, on observe une homogénéité des traditions céramiques. Sur le plan morphologique, on a surtout deux types de pots hémisphériques. Le premier est constitué de marmites sans col et le deuxième de jarres légèrement fermés à encolure. Pour la première catégorie, les décors sont souvent partiels et situés sous le bord, tandis que pour les jarres, la sémiologie est constituée d’une seule bande d’impressions localisée sous le col et dont les motifs forment, soit des lignes horizontales, soit des wavy lines ou alors des hachures (figure 2).

Figure 2. Céramiques archéologiques Kongo en provenance de : (A) du site de Mpidi A Tadi à Mbanza Kongo (Mbida et al., 2014) ; (B) site de Ngongo Mbata (Clist et al., 2015a) et (C) site de Kindoki à Mbanza Nsundi (Clist et al., 2015b).

Sur le plan chronologique, les plus anciennes céramiques apparaissent dès le 14e siècle5 entre 1390 et 1435 AD, dans le site de Mpidi A Tadi à Mbanza Kongo. Il s’agit bien d’une poterie de tradition kongo qu’on trouvera tout au long des siècles suivants dans l’espace culturel kongo, aussi bien dans la capitale du royaume que dans les sites régionaux comme à Kindoki, où elle est datée entre les 17e et 18e siècles AD (Clist et al., 2015a : 392). A Ngongo Mbata, elle se situe entre les 16e et 17e siècles de notre ère (Clist et al., 2015b : 479). L’évolution des techniques décoratives entre la poterie ancienne et la poterie subactuelle maintient toutefois l’uniformité des styles céramiques dans l’aire culturelle kongo. Il y a dans cette uniformité des traditions céramiques kongolaises, une trajectoire historique commune qui trouve ses origines dans un fond culturel unique. Comme dans le reste de l’Afrique subsaharienne, la technique du tour n’était pas connue au Kongo. Et si, éventuellement, elle aurait été importée et utilisée localement par des artisans-potiers européens, les kongolais semblent l’avoir ignoré au profit des techniques céramologiques locales, transmises de génération en génération. La cuisson se faisait en mode oxydante dans des foyers ouverts.

La présence portugaise au Kongo remonte à la fin du 15e siècle. C’est donc tout à fait normal que la céramique tournée, la porcelaine et la faïence aient été découvertes dans les différents sites archéologiques du royaume. A Mbanza Kongo, cette céramique importée apparait entre la fin du 16e et le début du 17e siècle AD. Notamment dans les sites de Tadi Dia Bukikwa et Lumbu. A Mpidi A Tadi, on en trouve également, mais l’ancienneté des dates de ce site (14-15e siècle AD) laisse penser cette faïence y est intrusive. Quoi qu’il en soit, la présence européenne au Kongo a été permanente entre le 15e siècle jusqu’à la fin de la colonisation, c’est-à-dire en 1975 pour l’Angola. Il est donc tout à fait normal que les faïences étrangères aient été découvertes dans d’autres sites du royaume. A Kindoki et à Ngongo Mbata, elles ont été fabriquées au Portugal et en Chine. Sur le plan chronologique, elles sont relativement tardives, comparativement à celles de Mbanza Kongo, et leurs dates se situent entre les 17e et 18e siècles de notre ère (Clist et al., 2015a et 2015b).

Les Bakongo, comme les autres peuples Bantu d’ailleurs, ont des fondements spirituels communs aux religions traditionnelles africaines (R.T.A) qui se caractérisent par quatre éléments, l’existence d’un Dieu suprême, les ancêtres, les vivants et les génies. Leurs croyances sont donc polythéistes et comme d’autres, mythologiques. Chez les Bakongo, la religion est un élément socioculturel important (Van Wing, 1938 ; Hilton, 1985 ; MacGaffey, 2000 ; Thornton, 2013). Le Dieu suprême est appelé Nzambi, terme auquel l’on accole souvent l’épithète Mpungu qui signifie « celui qui a les meilleurs paroles ». Cependant, les Bakongo ont un panthéon bigarré dont la cosmologie est constituée de plusieurs types d’esprits. Il s’agit souvent des ancêtres réincarnés ou non à qui les vivants rendent un culte6. Certains de ces esprits appelés Bisimbi sont des génies. Il y a en a plusieurs comme Lembi qui habite dans l’eau, tandis que d’autres dont Tolula sont dans le sol et Nzenzi dans les arbres. Nous verrons comment ce système de croyance a influencé les religions afro-américaines. Pour mieux comprendre la religion de ce peuple, il faut d’abord saisir l’homme et son milieu social qui « fournissent aux Bakongo les éléments constitutifs de ce que nous appelons le monde des esprits » (Van Wing, 1938 : 7). Chez les Bakongo, l’homme se compose de quatre éléments que sont le corps, nitu constitué de la chair, des os et du cœur, siège du sang. Appelé menga, ce dernier contient l’âme ou moyo et le mfumu kutu, espèce de double âme qu’on pourrait traduire par âme sensible. Mais ce dernier appartient à Nzambi.

Dans les croyances traditionnelles africaines en général, l’effusion du sang fait souffrir l’âme et l’expression « boire le sang » renvoie à la prise de contrôle de celui-ci par un autre individu. L’âme est le principe moteur de la vie et les esprits se nourrissent souvent, entre autres, du sang sacrificiel. D’où l’importance du sang dans le fétichisme au kongo, comme partout ailleurs en Afrique subsaharienne. Chez les Bakongo, les esprits ont un corps également appelé nitu ; et toute personne qui décède quitte son enveloppe mortelle pour devenir un autre nitu. Ce changement d’état est un principe important dans la conception dualiste que les Bakongo ont du monde. Tous les êtres vivant disposent d’une force intrinsèque, une énergie vitale, un pouvoir spécial malfaisant ou bienfaisant que l’on peut s’approprier. La religion traditionnelle kongo oppose donc les esprits du bien à ceux du mal, dont la puissance s’exprime à travers la sorcellerie, synonyme de magie noire.

La sorcellerie ou kindoki est de nature ténébreuse. Pour la combattre, les prêtres appelés nganga disposent de formules religieuses et pratiquent des rites dans lesquels les fétiches-esprits ou „nkisi“ jouent un rôle important. Ces fétiches, qui ont une fonction médiatrice entre les vivants et les morts, sont souvent des statuettes à clou dans lesquelles les esprits habitent (figure 3). Ces esprits intercèdent pour résoudre tout type de problème, maladie, envoutement, stérilité etc. Elles prennent le nom de nkondi, lorsqu’elles sont anthropomorphes ou zoomorphes. Dans ce dernier cas, il s’agit, le plus souvent, d’un chien bicéphale appelé kosi, dont l’une des têtes protège, alors que l’autre détecte les menaces. Ces fétiches protectrices et bienveillantes sont la source du pouvoir des prêtes. Leur force dépend des éléments souvent hétéroclites qu’ils renferment : griffes de léopards, becs de rapace, etc. Cette charge magique est logée dans une cavité obturée par une plaque métallique ou un miroir. C’est cette charge qui a le pouvoir de contrer le mauvais sort jeté par les sorciers appelés ndoki.

Figure 3. Statuettes à clou anthropomorphes bakongo ou nkondi. Le chien bicéphale est appelé kosi

La formation spirituelle, celle qui permettait au Bakongo d’accéder à la plénitude sociale est complétée par les sociétés initiatiques sécrètes dont la fonction était de préparer les nouvelles générations à s’enraciner et à s’approprier les traditions sacrées. La plus importante était le Kimpasi, une secte d’initiation au métier de prêtre, c’est-à-dire de féticheur.

Sur le plan social, la société bakongo est dominée par la filiation matrilinéaire et les règles de mariage sont basées sur la résidence patriarcale. L’organisation sociale et politique est fondée sur le clan ou kanda. A l’origine, il en existait douze et chacun avait un chef, Mfumu Kanda. Il dirigeait les hommes libres, bisi kanda, et les esclaves, bantu ba nsumba. On dit d’ailleurs „kanda dia fwa ko„, c’est-à-dire que le lignage est immortel. Les devises claniques, les proverbes, les danses et les chants sont partout semblables.

Les instruments de musique (figure 4) sont nombreux et comprennent des membranophones, des cordophones, des aérophones et des idiophones (Mark, 2010/2011). Parmi les membranophones, de nombreux tambours ont été reproduits par les esclaves Kongo aux Amériques, comme on peut le voir en Colombie chez les Palenque, ou alors les tambours dits Yuka qu’on trouve à Cuba. Sur le plan de la culture matérielle, les Bakongo produisaient des métaux, notamment le fer et la cuivre à la cire perdue (Randles, 1968 : 79-81). Ils fabriquaient leur outillage domestique et rituel avec ces métaux, le bois ou la poterie. Le fer, particulièrement, semble avoir joué un rôle important dans la structuration sociopolitique de la société bakongo (De Heusch, 1975), même si l’on sait que son introduction au Bas-Congo, plus précisément dans le Mayombe, remonte entre le 3e siècle BC et le premier siècle AD (Dominique Schwartz et al., 1990). Autrement dit, lorsque les Bakongo arrivent dans le Mayombe, la métallurgie du fer a déjà une longue histoire.

Figure 4. Instruments de musique au kongo (Marck, 2010/2011). Le tambour est l’ancêtre des tambours Yuka qu’on retrouve à Cuba.

Dans cet ensemble sociopolitique, le roi était déjà l’hypostase du royaume. Luc de Heusch (1972) a montré que dans la tradition des BaKongo, à l’origine, le pouvoir avait un côté sacré. Selon la mythologie, les premiers rois étaient des métallurgistes qui connaissaient la fabrication du fer. Or, contrairement à toutes les technologies connues au paléolithique et au néolithique, le principe de base de la métallurgie est celui de la transmutation de la pierre en métal. Ce changement d’état physique a donné à la métallurgie africaine une charge idéologique et symbolique forte, en faisant d’elle un art nécessitant deux types de savoirs, l’un technique et l’autre magico-religieux. C’est la raison pour laquelle dans la plupart des mythes africains, la métallurgie et les métallurgistes étaient associés à la création. On note d’ailleurs que dans la sidérurgie traditionnelle africaine, le symbole obstétrique est un trait transethnique. Dans de nombreux cas, comme chez les Dogon, les Bambara ou les Bantu en général, les métallurgistes sont, soit à l’origine, soit alors associés à la constitution des pouvoirs politique et religieux. Il en était de même au Kongo, au point qu’à l’origine, rois et forgerons avaient une histoire imbriquée (de Heusch, 1975). C’est la raison pour laquelle, d’une part, les objets en fer occupaient une place de choix dans les insignes royaux, et, d’autre part, après la spécialisation des pouvoirs, c’est au forgeron que revenait la tâche de légitimer le pouvoir royal à travers l’intronisation. Par exemple, on a pu voir que lors des sacres de Pedro II, en 1622, ou de son fils Garcia I, en 1624, ils portaient, sur le bras droit, un bracelet de fer doré qui symbolisait le royaume, alors appelé « kongo de fer » (de Heusch, 1975 : 166).

En Afrique centrale, les forgerons ont toujours joué un rôle politique, religieux et social prépondérant à travers ce que Dean Miller (1978) a appelé « la théorie unifiée », qui voudrait que le roi et le forgeron représentent des modes primaires d’expression de l’énergie, la puissance et le pouvoir. On comprend donc pourquoi les forgerons jouaient un rôle primordial dans l’initiation et l’intronisation des rois, comme l’a si bien noté Luc de Heusch. Au Kongo, cette tradition qui a perduré jusqu’aux époques subactuelles, a été diffusé à des échelles de pouvoir inférieur. Chez les Bakongo, le roi était aussi un être sacré, un prêtre initié aux choses qui échappaient au commun des mortels. En cela, son pouvoir politique et son leadership étaient d’ascendance divine. Le caractère, à la fois sacré et divin des anciens rois en Afrique, est une constance qu’on retrouvait déjà dans l’Egypte antique. Ils permettaient d’extraire le souverain de la condition normale des hommes pour en faire une entité suprasociale capable de coaliser et d’unifier plusieurs clans. C’est ce qui explique que chez les Bakongo, les traditions orales mettent en avant deux types de mythes, celui du Kongo dia Ntele, relative à leurs origines ancestrales communes et le Kongo dia Ntotele, selon laquelle ils ont tous appartenu au « Kongo des rois ». Ces mythes n’ont pas besoin d’être vrais, mais ils ont besoin de rendre vrai et les Bakongo y croient durement.

Au moment où les Portugais arrivent à Mbanza Kongo en 1483, ils découvrent un royaume dont la physionomie générale laisse transparaitre une civilisation ancrée dans l’histoire. Faute de documents écrits, il est difficile de dire avec exactitude à quel moment remonte l’épisode qui a conduit à la constitution du Kongo comme entité politique émergeant au sud de l’équateur. Mais sur la base des traditions orales, historiens et anthropologues s’accordent à reconnaitre que ses origines lointaines remontent à un foyer originel, Kongo dia Ntele, situé au nord, dans les régions du Mayombe et de Bungu sur la rive droite du fleuve Congo (Vansina, 1963 ; Cuvelier, 1930 ; de Heusch, 1975 ; Thornton, 1982 et 2002 ; Hilton, 1985 ; MacGaffey, 2000). La fondation du Royaume du Kongo telle que l’ont découvert les Portugais est l’œuvre d’un héros fondateur dénommé Lukeni lua Nimi. Mais en réalité, il faut remonter à son père, le roi Nimi A Nzima, pour trouver les prémisses de ce royaume. Parti du Bungu, dans la région du Bas-Congo, c’est son fils qui conduisit d’abord un certain nombre de partisans vers Mpemba Kasi (l’actuel Matadi), avant de traverser le fleuve (Cuvelier, 1946 ; Cavazzi-Labat, 1732). Les historiens évoquent les conquêtes de Lukeni avant son installation à Mbanza Kongo dont celles des Mpangala (Cavazzi-Labat, 1732 ; Cuvelier, 1946 ; Vansina, 1963 ; Hilton, 1985 ; MacGaffey, 2000 ; Thornton, 2001). Pour l’instant, les résultats des fouilles archéologiques auxquelles nous avons pris part à Mbanza Kongo ne révèlent pas les traces d’une présence pré-kongo dans cette ville. Si ce fait se confirme dans le temps, cela suppose que le choix de Mbanza Kongo, comme capitale du royaume, se justifie par le fait qu’il s’agissait d’un no man’s land. D’ailleurs, l’absence de populations en ce lieu, au moment où s’y installent les Bakongo, est également évoquée par les traditions orales, notamment celles collectées dans la région de Kionzo dans le Bas-Congo (Cuvelier, 1930 : 471). John Thornton qui est l’un des plus grands spécialistes actuels de l’histoire du Kongo, et avec qui nous avons eu l’occasion d’échanger à plusieurs reprises, aussi bien à Luanda qu’à Mbanza Kongo, a réalisé un formidable travail pour essayer de situer historiquement les débuts de la royauté kongolaise. Sur la base d’une étude de la généalogie royale, il propose l’année 1390 comme date probable de la création du royaume du Kongo par Lukeni Lua Nimi (Thornton, 1982 ; 2001). Et les dates d’apparition de la céramique à Mbanza Kongo se situent entre la fin du 14e siècle et le 15e siècle. Dans le site de Mpindi A Tadi nous avons obtenu deux dates7 associées à une poterie de tradition kongo (Mbida et al., 2014). En l’état actuel des recherches, l’archéologie vient donc confirmer la création possible du royaume du Kongo au 14e siècle, hypothèse émise par de nombreux historiens (Thornton, 1982 ; 2001 ; Vansina, 1963 ; Randles, 1968).

De plus, les traditions céramiques datant entre le 14e siècle et le 16e siècle sont homogènes aussi bien à Mbanza Kongo qu’à Mbanza Nsundi et Ngongo Mbata. Ces deux derniers sites ont été fouillés par l’équipe du projet Kongo king de l’Université de Gand en Belgique (Clist et al., 2015a et 2015b). Cette homogénéité des styles céramiques dans différentes villes du royaume indique que nous sommes en présence d’une production artisanale diffusée par les Bakongo lors de leurs migrations.

Au moment de l’installation des Bakongo à Mbanza Kongo, Lukeni devint naturellement le souverain, et c’est à lui que revient le mérite des premières conquêtes expansionnistes, ainsi que l’établissement des alliances qui ont conduit à la formation de l’ossature de base du royaume du Kongo. On pense qu’à l’origine, le royaume comptait six provinces principales. Mais les auteurs affichent quelques divergences toponymiques (Thornton, 2001). Pour Antonio Cavazzi, ces provinces qui prirent plus tard les noms de duchés, comtés et marquisats étaient constituées de Mbamba, Nsoyo, Nsundi, Mpangu, Mbata et Mpemba. C’est cette dernière localité qui abritait la capitale. Ces provinces étaient souvent divisées en seigneuries (Cavazzi-Labat, 1732 : 24) et elles correspondent à celles inventoriées par Duarte Lopez (Pigafetta et Lopez (2002). Cette liste est légèrement différente de celle établie par le roi Afonso I en 1526 (Jadin et Dicorato, 1974 : 148-152). Certes, il y a toujours six provinces Mbamba, Wembo, Nsundi, Mpangu, Mbata et Mpemba. On remarque cependant que Nsoyo n’y existe pas, à contrario de Wembo (Thornton, 2001 : 102, Jadin et Dicorato, 1974 : 148-152). Wembo était important, puisque dans sa correspondance adressée au roi João III du Portugal le 26 mars 1526, missive dans laquelle il sollicite l’envoie de nouveaux prêtres au Kongo, Afonso I déclare que cette province est une grande seigneurie ayant à sa tête son frère Dom Pedro.

Qu’à cela ne tienne, sur le plan géographique Mpemba était au centre. Nsundi la plus septentrionale était limitrophe, dans sa partie méridionale, avec Mpangu. Mbata, la région d’origine de la mère de Lukeni, était la province la plus méridionale. Vers la côte à l’embouchure du fleuve, on avait le comté de Soyo et Mbamba, quant à lui, était situé à l’ouest de Mpemba, il s’étendait jusqu’à la côte (figure 5).

Figure 5. Carte du royaume du Kongo avec les six provinces d’origine (Clist et al., 2015b)

Pour atteindre une superficie d’environ 2,5 millions de km2, comme l’a estimé Raphael Batsîkama (1999), l’espace politique kongo s’est agrandi à travers les alliances et la soumission de plusieurs chefferies par les nouveaux conquérants (Vansina, 1963). Au début du 17e siècle, période de son apogée du royaume, le royaume s’étendait sur un vaste espace qui allait de la côte atlantique, intégrant les régions actuelles de Soyo, de Luanda vers l’hinterland en direction du nord de l’Angola actuel, y compris le Cabinda, une partie de la RDC, le Congo et le sud-est du Gabon. Il incluait également des royaumes vassalisés comme le Loango et le Ndongo. Puisque le roi régnait sur d’autres royaumes, on devrait, à juste titre, qualifier le Kongo d’Empire et non de royaume. La dévolution du pouvoir reposait sur des principes tantôt héréditaires, tantôt électifs, et seuls quelques clans pouvaient y prétendre. Le système de gouvernance étatique intégrait donc, dans une certaine mesure, le choix et le besoin de contrôler le pouvoir politique (Randles, 1968). Le royaume avait une organisation très hiérarchisée, avec à sa tête, le monarque appelé Mani Kongo ; la caste dirigeante était constituée des nobles dont certains étaient membre du conseil d’Etat, sorte d’assemblée qui élisait le roi. On trouvait aussi le corps des fonctionnaires et une garde royale.

Selon John Thornton (1982), deux modèles économiques avaient existé dans l’ancien royaume du Kongo. Avant le développement de l’économie de la traite qui a pris de l’importance à partir du 16e siècle, il y avait dans les zones rurales un MPD ou « mode de production domestique », tel que théorisé par Claude Meillassoux (1975). En effet, dans les sociétés agricoles d’autosubsistance comme l’était le Kongo, le système économique reposait sur l’autoproduction des ressources. La force de travail provenait, soit de l’institution familiale, soit alors des esclaves, souvent des captifs de guerres ou de razzias. L’agriculture était l’activité économique majeure (Randles, 1968 : 65-73) et les cultures, assez diversifiées, comprenaient quelques plantes natives comme l’igname (Discorea sp.) ou des céréales, notamment le sorgho (Sorghum bicolor) et le millet (Pennesetum Glaucum). Il y avait aussi des oléagineux dont le palmier à huile (Elaeis guineensis) qui donnait de l’huile et surtout du vin. La banane plantain (Musa sapientum) était également cultivée. On note la pratique de l’élevage comme l’atteste la présence d’ossements de bovidés (Bos primigenius familiaris taurus) et de suidés (Sus scrofa domesticus) retrouvés dans le site de Lumbu à Mbanza kongo. Dans les zones urbaines, en plus de l’agriculture, il existait un système commercial basé sur des échanges régionaux avec la côte et les royaumes vassaux. Ainsi, par exemple, avant l’arrivée des Portugais, le commerce du sel qui relevait d’un monopole royal était florissant. Ce sel provenait des salines de Pinda à l’estuaire du fleuve, ainsi que de celles d’Ambriz, à l’embouchure du fleuve, Loje non loin de Luanda. Le commerce de l’ivoire et du cuivre était tout aussi florissant. Ces échanges avaient comme instrument des coquillages-monnaies appelés nzimbu (Olivella nana)8. Ils étaient récoltés par les femmes dans l’île de Loanda. Et selon Georges Balandier, « l’une des premières sources de richesse, pour le roi et les responsables de l’appareil étatique, est l’exploitation exclusive des coquillages-monnaies recueillis aux abords de l’île de Loanda, dénommée par les Portugais, en raison de cette fonction, Ilha do Dinheiro ou Ilha da Moeda. » (Balandier, 1965 : 21). Cette monnaie est d’ailleurs restée en vigueur jusqu’en 1621, date de l’annexion de cette l’île par les Portugais. A côté des coquillages, l’on avait des tissus en fil de raphia appelés Lubongo, qui faisaient aussi office de monnaie. En plus de cette économie à circuit interne, dès la fin du 16e siècle, la traite négrière naissante a fait entrer le Kongo dans l’économie marchande liée au commerce triangulaire et dont le produit d’échange principal était les esclaves.

Avant cette date, le Kongo était donc un pays prospère, au point que les portugais arrivés à Mbanza Kongo en août 1483 trouvent une véritable ville qu’ils comparent à Evora, la deuxième cité portugaise après Lisbonne (Heywood, 2014). C’est à partir de cette rencontre que sont nées les relations luso-kongolaises, empreintes d’attention, de courtoisie réciproque et d’égalité, comme on peut le voir dans les échanges épistolaires entre souverains kongolais et portugais (Brasio, 1952-1988 ; Jadin et Dicoreta, 1947). Dès lors, le Kongo connaitra des transformations qui modifieront durablement son paysage culturel. Que ce soit du point de vue physique, idéologique ou axiologique (architecture, croyances, commerce, habillement, éducation, valeurs), des changements notoires surviendront dans une congruence entre acculturation et inculturation.

En réalité, les prémisses de cette transformation du Kongo remontent aux relations de confiance établies entre Diego Cao et le roi Nzinga à Nkuvu dès 1483. Lors de son retour au Portugal, le roi avait à deux reprises, entre 1483 et 1488, confié à son hôte portugais quelques enfants de la noblesse kongolaise pour qu’ils soient formés. Lors de leur retour, ces jeunes „intellectuels“ parlant latin et portugais devinrent les propagateurs et les défenseurs de la culture portugaise dans la cour. C’est aussi eux qui convainquirent le roi et leurs parents des bienfaits du christianisme. D’ailleurs, le roi du Portugal João Il avait tôt fait d’envoyer des missionnaires auprès de Nzinga à Nkuvu qui se fit baptiser en 1491, la même année que son fils et successeur Nzinga Mbemba (Afonso I) ainsi que quelques dignitaires du royaume. Linda Heywood (2014) distingue deux phases dans la transformation du Kongo, une première avec l’adoption du christianisme en 1491 et la seconde avec le début de l’esclavage juste au début du 16e siècle. Les deux phénomènes étant presque synchrones, il est difficile de parler de l’un sans évoquer l’autre. L’année 1491 est donc une année charnière parce qu’elle marque l’introduction officielle du christianisme au Kongo avec d’importantes conséquences socioculturelles dont le bouleversement du système de croyances (Heywood, 2014, Thornton, 2013). John Thornton a montré que le christianisme kongolais est resté essentiellement syncrétique, mélangeant rites chrétiens et païens, ce que nous avons pu constater dans le domaine funéraire par exemple. Ainsi, dans le cimentière des rois situé à l’église de Kulumbimbi à Mbanza Kongo, certaines tombes ont une orientation confessionnelle (est-ouest) et d’autres, une orientation païenne (nord-sud). Par contre, dans la nécropole païenne d’Alvaro Buta dont la majorité des sépultures datent du 17e siècle, les sépultures ont uniquement une orientation nord-sud. Lors de la campagne de fouilles de mai à juillet 2014, en compagnie de João Barreira9, nous avons fouillé une tombe in ecclesia à Kulumbimbi dans laquelle une jeune femme appartenant à l’élite était inhumée. Elle portait au total 2970 perles, une bague en bronze et aussi surprenant, elle n’avait ni crucifix, ni médaillon religieux, bref aucun élément matériel qui trahirait sa chrétienté. Pourtant, sur le site de Kindoki à Mbanza Nsundi sur 12 sépultures fouillées, trois avaient une association des objets chrétiens et païens, dont des médailles religieuses, des crucifix, des colliers de perles, des bracelets ainsi que des épées (Matonda et al., 2015). Comme de nos jours en Afrique, les chrétiens du Kongo n’avaient donc pas tourné le dos à leurs croyances ancestrales. S’il est vrai qu’Alfonso I avait, à plusieurs reprises, détruit publiquement les fétiches (Jadin et Dicoreta, 1974, Heywood et Thornton, 2007 ; Thornton, 2013), leur survivance montre qu’au fil du temps, les croyances traditionnelles et certaines coutumes, comme la polygamie, ont cheminé à côté du christianisme, entrainant de fait une forme de syncrétisme entre foi chrétienne et paganisme. Certes, ce mélange de genres religieux a donné au christianisme kongolais une forte identité indigène. Mais il s’agit d’un syncrétisme voulu et réfléchi, car il permettait au Bakongo de rester en phase avec leurs traditions, leurs croyances. C’est donc cette pratique religieuse syncrétique que les esclaves kongolais perpétueront plus tard en Amérique.

Sur le plan axiologique, l’européanisation avait modifié le système de pensée endogène et c’est sous le règne d’Afonso I, entre 1509 et 1542, que le Kongo connaitra une véritable métamorphose. Sous l’effet conjugué du christianisme, de l’instruction et du commerce, le roi élimine, sans trop de succès, les cultes païens. Il modernise Mbanza Kongo renommé en 1570 Sãn Salvador. A partir de 1512, il introduit de nouvelles armoiries, don du roi Manuel I du Portugal. Il institut un système judiciaire à deux juridictions, l’une coutumière réservée aux locaux et l’autre moderne destinée aux étrangers. L’activité diplomatique s’intensifia avec la nomination d’ambassadeurs auprès des souverains Portugais et du Vatican. Des titres nobiliaires portugais (comte, marquis, ducs, infants et chevaliers du Christ) furent instaurés dans le royaume, avec pour conséquence, la transformation des unités administratives traditionnelles en duchés, marquisats et comtés. Les dignitaires Kongolais adoptèrent le mode vestimentaire occidental, comme on peut le voir sur la fresque représentant le roi Don Alvaro VI, recevant une délégation hollandaise en 1642.

De nouvelles constructions faites de pierre et du mortier de chaux, comme principaux éléments de maçonnerie portugaise firent leur apparition. L’un des plus anciens édifices fut l’église de Kulumbimbi, dont les travaux de construction ont durée de 1491 à 1548. De nombreux bâtiments en pierre furent également construits dont le palais de Dom Afonso I, des écoles, des églises et d’autres institutions religieuses, ainsi que les résidences de la diaspora portugaise. Lors des fouilles archéologiques effectuées à Mbanza Kongo, les vestiges de cette architecture en pierre ont été découvertes (Mbida et al., 2014). Sous le règne d’Afonso I, les écoles comptaient entre 600 et 1000 élèves de toutes conditions sociales (Jadin et Dicoreta, 1974 : 8). La figure 6 ci-dessous présente quelques innovations liées à la présence portugaise au Kongo.

Figure 6. De gauche à droite, armoiries du Kongo sous Afonso I, audience du Roi Dom Alvaro à une délégation hollandaise et vestige the la cathédrale de KDulumbimbi à Mbanza Kongo

Sous Afonso I, il eût une intense activité internationale et diplomatique. Si en 1483 son père Nzinga A Nkuvu fut le premier à nommer Joao Da Silva10 comme ambassadeur officiel auprès du Portugal, Afonso I diversifia ses rapports avec d’autres nations dont l’Espagne et le Vatican (Heywood et Thornton, 2007 ; Randles, 1968). Ce rayonnement fut tel qu’en 1512, le Roi Manuel I du Portugal envoya Simão Da Silva comme ambassadeur auprès du roi du kongo. Ce dernier fut immédiatement remplacé après sa mort précoce par Alvaro Lopes. Afonso I eu un grand souci pour la création du premier clergé africaine. D’ailleurs, un des ses fils, Dom Henrique, fit consacré évêque en mai 1518 à Rome. Le souverain encouragea donc la propagation de la foi chrétienne, construisant des églises, sollicitant toujours plus de prêtres, au regard de l’immensité du royaume. Cette sollicitude pour la foi chrétienne fut telle qu’entre 1504 et 1535, il envoya trois ambassades auprès du Vatican. Cette tradition perdura puisqu’en 1604, quand le roi Alvaro II nomma le plus célèbre d’entre eux, Dom Antonio Manuel Nsaku Ne Vunda ambassadeur auprès du Pape Paul V. De nos jours, son buste et une fresque de lui (figure 7) ornent respectivement la basilique Sainte Marie-Majeure du Vatican ainsi que le palais de Quirinal à Rome. Cette diplomatie fut si respectée que, non seulement les Kongolais envoyèrent d’autres ambassades en Hollande et au Brésil, mais ils en recevaient également, comme les Hollandais reçus par le roi Alvaro IV en 1642.

Figure 7. Buste et peinture de l’ambassadeur Dom Antonio Manuel Nsaku Ne Vunda exposé respectivement la basilique Sainte Marie-Majeure du Vatican ainsi que le palais de Quirinal à Rome.

Au 16e siècle, la physionomie de Mbanza Kongo se trouva transformée et elle devint une ville cosmopolite. La diaspora portugaise seule comptait environ un millier de personnes constituées de religieux, commerçants et aventuriers, souvent mercenaires à l’occasion. Le fabuleux développement du christianisme fut tel qu’en 1642, on dénombrait une dizaine d’églises, rien que dans la ville de Mbanza Kongo, au point que Linda Heywood a évoqué l’expression « Christian city » pour caractériser cette métropole (Heywood, 2014). Quant aux Bakongo, ils la baptisèrent « Kongo dia Ngunga », le Kongo des clochers (Cuvelier, 1946 : 79-80). Il faut bien noter que Mbanza Kongo était le troisième lieu de christianisation de l’Afrique, après Alexandrie au premier siècle et l’Ethiopie trois siècles plus tard. Allant de pair avec la diffusion du christianisme, la culture européenne s’est répandue sur l’ensemble du royaume du Kongo. En effet, les traces de la présence occidentale ont été découvertes lors des fouilles archéologiques entreprises à Mbanza Kongo (Mbida et al., 2014), à Kindoki ainsi qu’à Ngongo Mbata (Clist et al., 2015a et 2015b). Il s’agit, le plus souvent, de faïence, de porcelaine, ou alors de fondations d’habitations en pierre, avec mortier de chaux. On subodore que dans cette partie du bassin du Congo, de telles constructions sont apparues suite à la pénétration portugaise dans l’hinterland. On peut le constater dans les correspondances du roi Afonso I adressées au roi du Portugal Manuel I le 5 octobre 1514 et le 13 juin 1517, ainsi qu’à son successeur João III, le 25 août 152611. Dans ces lettres, le Mani Kongo sollicite des rois Portugais l’envoie d’artisans au Kongo pour réaliser de nouvelles constructions pour lesquelles le pays ne disposait pas de spécialistes. Les vestiges de ces constructions d’origine portugaise ont été mis à jour dans la capitale du royaume et en province. A Mbanza Kongo, trois sites, Lumbu, Mission catholique et à Tadi dia Bukikwa ont livré des plans de maisons en pierre. A Tadi dia Bukikwa, un important bâtiment dont la date se situe entre le 15e et le 17e siècle12, a été fouillé (Mbida et al., 2014). En ce qui concerne sa fonction, l’hypothèse avancée par John Thornton, lorsqu’il a visité le site en compagnie de Linda Heywood en septembre 2014, est qu’il pourrait bien s’agir du célèbre collège des Jésuites construit au 17e siècle et dont les constructions se sont étalées entre 1624 et 1626. A Ngongo Mbata, les fouilles ont mis à jour les fondations d’une église monumentale en pierre datée entre le 15e et le 17e siècle. Comme à Kulumbimbi, il y avait également des tombes in ecclesia (Clist et la, 2014 ; Clist et al., 2015b ). Notons qu’à Kindoki, dans le Nsundi, des artefacts chrétiens, notamment des crucifix et des médailles religieuses ont été également découverts dans les sépultures. Pour l’instant, de tels vestiges n’ont pas encore été trouvés lors des fouilles jusqu’ici réalisées à Mbanza Kongo.

Avant la découverte de l’Amérique en 1494, les Portugais pratiquaient déjà le lucratif commerce des esclaves à une échelle réduite. Ces captifs étaient déportés, soit vers la métropole, soit alors vers l’île de Sao Tomé, pour cultiver la canne à sucre. Malgré les plaintes13 d’Afonso I auprès du roi João III du Portugal sur les méfaits de ce trafic, rien n’y fit ; au contraire, la traite des noirs s’intensifia avec la découverte du Brésil. De là vient donc l’autre transformation du royaume évoqué par Linda Heywood (2014). Une transformation désastreuse, car le développement du commerce triangulaire a eu pour conséquence l’affaiblissement du royaume par la déstructuration du système économique, l’exacerbation des tensions suite à la généralisation de l’insécurité, ainsi que le dépeuplement à travers la déportation massive des esclaves vers plusieurs contrées du nouveau monde, notamment le Brésil, la Colombie, les Etats-Unis, ainsi que les Caraïbes (Trinidad, Cuba, Haïti, la Guyane, la Martinique, et Guadeloupe). Installés sur ces territoires, les nouveaux arrivants contribuèrent à internationaliser leurs cultures d’origine. Ces esclaves arrivaient avec leurs croyances, leurs mythes, leurs chants, leurs danses, leurs langues, leurs noms, bref leur identité que les maîtres essayeront, sans succès, d’annihiler. Si donc l’impact culturel des esclaves du Kongo au Portugal n’as pas été très significatif, c’est au contraire en Amérique que la culture bakongo s’implantera durablement, en se créolisant pour devenir un élément constitutif de la culture afro-américaine.

Pour survivre dans un environnement d’oppression, de domination et d’effacement de l’identité, les esclaves africains en général et kongolais en particulier avaient développé une résilience dans la quelle la composante culturelle a été déterminante, qu’il s’agisse des croyances et de la musique. La musique associe les chants, les danses et les instruments de percussion, notamment les tambours. Notons que la recomposition sociale des Africains commençait dans les cales des navires et se poursuivait dans les haciendas, les plantations des maîtres. L’hacienda poursuivait aussi la déshumanisation commencée lors de traversé. C’était un lieu de cruauté et d’inhumanité, un lieu d’ennui et de vacuité, car à part travailler dans les plantations de coton, de tabac ou de canne à sucre, il n’y avait pas beaucoup d’autres activités. Le soir, les esclaves se réunissaient pour chanter, danser, prier, se remémorer leurs histoires, réciter des contes, bref vivre ce que les colons, les maîtres ne pouvaient ni arracher ni effacer, c’est à dire leur mémoire, leur culture, leur imaginaire.

Rappelons que les psychologues ont montré que les communautés soumises aux stress de l’acculturation et aux pressions des cultures dominantes, développent généralement une forme de résilience dans laquelle les facteurs culturels jouent un rôle important (Johnson, 1995 ; Ionescu, 2007 ; Ionescu et al., 2010). Si donc la résilience naît toujours dans le cadre d’un traumatisme, pour les africains déportés contre leur gré en Amérique, l’esclavage en était un et peut-être le pire. Dans un tel contexte d’oppression et d’avilissement, les éléments culturels deviennent ce qu’Alf C. Johnson (1995) a appelé « facteurs de protection ». Mais à la base de ce système de protection, il y a la famille, à la fois au sens restreint et élargie du terme. C’est dans l’hacienda que se constituait ce cadre familial. Dans le premier cas, Alf Johnson compare la famille à une « arche sacrée ». Pour survivre à l’adversité dans des sociétés à frontières excluantes, les membres discriminés se regroupent pour protéger leurs traditions, pratiquer leurs rituels et croyances, ce qui permet la survivance de leurs mythes et de leurs histoires. Ce corpus de connaissances est alors transmis aux plus jeunes.

Dans l’isolation, la spiritualité encre la famille au monde des ancêtres et des esprits, un univers qui ne connait pas de frontières géographiques. Ainsi, certaines études ont montré comment des croyances telles que le Vaudou ont joué un rôle déterminant dans la révolte des esclaves, par exemple dans les Caraïbes, notamment Haïti, Saint Domingue ou Antigua (Walvin, 1993 ; Mennesson-Rigeau, 1958). Ces religions syncrétiques sont d’ascendance africaine avec des rites et des pratiques païennes, notamment les sacrifices d’animaux, l’ingestion du sang et l’usage des fétiches. Généralement dans leur confinement, les personnes discriminées, opprimées réunies au sein de groupes familiaux instaurent des facteurs d’identification par leur langue ; le cas le plus symptomatique est toute la variabilité des langues créoles des Amériques, comme la palenquera, une langue isolée du village de San Basilio en Colombie. La langue crée naturellement une barrière avec l’autre, car il y a une fierté à échanger entre soi, à l’abri de l’oppresseur. En plus de la langue, il faut rajouter les coutumes, les croyances, les chants et les danses, des éléments thérapeutiques traditionnels, des cérémonies, bref toute chose qui permet de raffermir les liens et renforcer le sentiment d’appartenance à un groupe. Ce confinement permet aux membres du groupe familial d’entretenir des rapports étroits et affectifs avec leur culture, devenu objet de défiance et véritable refuge. Alf Johnson a montré que ce regroupement peut aller plus loin et être élargie aux « gens de mon village », de ma tribu, de ma langue. Il se crée alors un deuxième cercle de protection et de manière inconditionnelle, les membres qui s’y reconnaissent s’apportent mutuellement affection, soutien et réconfort. Il est intéressant de constater que pour les enfants et les adolescents, ces deux niveaux de regroupements (famille restreinte et élargie) constituent autant de cercles d’identification et d’appropriation des valeurs culturelles fondamentales telles que « la dignité, la fierté, l’autonomie, la confiance et le respect ». Alf C. Johnson a montré que généralement la famille devient aussi le lieu où le pacte entre les cadets et les aînés s’établit. Or dans des sociétés d’oralité, les ainés constituent de véritables « bibliothèques » de sagesse et du savoir, comme l’a dit Amadou Hampâté Bâ14.

Les familles, petites et grandes, deviennent donc les garants de la sécurité, le refuge, l’abri pour tous leurs membres. Elles constituent des cocons qui les protègent contre l’oppression de la société dans laquelle les membres sont immergés. C’est donc par le canal de cette famille-refuge que les anciens esclaves africains ont su préserver certains éléments de leurs cultures d’origine, avant de les transmettre de génération en génération. Il faut d’ailleurs noter qu’ils en avaient l’habitude, puisqu’ils provenaient des sociétés à traditions orales ; et malgré l’instabilité générée par l’esclavage, la culture et la mémoire ont constitué des formes de réservoirs identitaires. En lisant des travaux récents sur la réaction des afro-américains dans une Amérique raciste et néolibérale, on se rend compte que la résilience a une dimension à la fois individuelle et collective. Elle fait intervenir la « force morale intérieur » de chacun, ainsi que les « répertoires qui favorisent la reconnaissance ou l’institutionnalisation et la diffusion de conceptions positives du moi individuel ou collectif » (Lamont et al., 2013 : 76). Autrement dit, dans des contextes d’oppression, l’individu doit être capable de se protéger et protéger son groupe. La préservation de l’identité est alors intimement liée à la composante culturelle de la résilience. Dès lors, la culture devient un élément de protection de soi, ainsi qu’un facteur de défiance et de résistance face à l’oppresseur. A l’observation, nous nous rendons compte que rien ne semble plus fort que vivre sa culture dans un contexte d’oppression et d’exclusion. Voici donc comment les esclaves africains en général et les Bakongo en particulier, déportés en esclavage aux Amériques, ont laissé un héritage culturel qui a su défier le temps pour parvenir jusqu’à nous.

Héritage culturel bakongo en Amérique

En général, l’héritage culturel des esclaves africains est observable un peu partout en Amérique et il fait partie de l’identité culturelle afro-américaine. Il en est de même pour ce qui est des Bakongo ; leur apport culturel se manifeste ou s’est manifesté dans plusieurs pays et dans des domaines aussi variés que les langues, la politique, les arts, la religion, la musique, les danses, les chants etc. (Damoiseau, 1980 ; Warner Lewis, 1991, 2003 ; Higman, 1995; Dianteill, 2002 ; Heywood, 2002 ; Thornton, 1991, 1993, 2015 ; Haviser and MacDonald, 2006). En réalité, tous ces éléments sont autant de manifestations aussi expressives les uns que les autres de la vie sociale et culturelle.

Sur le plan politique et idéologique, John Thornton (1991 et 1993) pense que la révolte des esclaves d’août 1791 à Saint Domingue était d’inspiration africaine, avec une forte composante kongolaise. Et Laënnec Hurbon (2000) a montré qu’à Saint Domingue justement, les esclaves dits « Congos » étaient trois fois plus nombreux que les Radas, originaires d’Afrique de l’ouest. Autrement dit, ils constituaient une bonne partie de l’effectif militaire des esclaves révoltés ; et Thornton (1991) pense que beaucoup connaissaient l’art de la guerre avant leur déportation d’Afrique. Cette expérience était, soit personnelle, pour les esclaves nouvellement débarqués, soit alors allusive, c’est à dire racontée par les parents ou les grands-parents originaires du Kongo à leurs descendants. Il est bien connu que la mémoire collective transmettait l’histoire des esclaves, y compris celle de leurs terres d’origine à travers les générations.

Pour Thornton, la majorité des esclaves Kongolais étaient des guerriers capturés lors des multiples guerres civiles qui ont contribué à affaiblir le royaume entre le 17e et le 19e siècles. C’est probablement le cas de Macaya, esclave fugitif originaire du Kongo, arrivé à Saint Domingue et qui devint l’un des leaders de la rébellion au nord de l’île. En 1793, face aux commissaires français Sonthonax et Polverel qui l’invitaient à rejoindre les rangs de la France révolutionnaire contre les envahisseurs royalistes espagnols, principaux soutiens des esclaves rebelles, Macaya qui disposait d’une armée d’insurgés refusa et déclara : « je suis le sujet de trois rois : le roi du Congo maître de tous les noirs, le roi de France qui représente mon père, et le roi d’Espagne qui représente ma mère. Ces trois rois sont les descendant de ceux qui, conduits par une étoile, ont été adoré l’Homme-Dieu… Si je passais au service de la république, je serai peut être amené à faire la guerre contre mes frères, les sujets de ces rois à qui j’ai promis fidélité » (de Lacroix, 1819 : 253). Macaya met en exergue certaines valeurs, notamment la loyauté, la fidélité et l’indépendance morale que partageaient les esclaves africains et qui faisaient partie de leur réservoir axiologique, héritage de leurs cultures africaines.

D’ailleurs, John Thornton (1993) considère que le fond idéologique qui a inspiré la rébellion des esclaves à Saint Domingue vient d’abord de l’expérience politique du Royaume du Kongo, qui était un Etat décentralisé. En conséquence, toute forme de centralisation y était combattue. Les Bakongo connaissaient le leadership, même si la moitié du 17e siècle et le début du 18e sont marquées par une guerre civile quasi permanente, liée à l’instabilité politique et à la traite des noirs. Ainsi, la majorité des jeunes kongolais étaient des guerriers qui savaient commander et discipliner des troupes. Or, un grand nombre d’esclaves de Saint Domingue étaient d’anciens guerriers kongolais, qui à l’occasion de la révolte de 1791, ont mis en pratique leurs connaissances polémologiques. Et comme Thornton (1993) l’a montré, les croyances jouaient également un rôle important durant les conflits et de nos jours des guerriers traditionnels africains arborent encore des gris-gris et des amulettes censées les protéger contre les armes ennemies. Toutes ces connaissances, à la fois pratiques et occultes, ont dû influencer le comportement de nombreux esclaves. Ainsi, Odette Mennesson-Rigaud (1958) a montré que le Vaudou y a joué un rôle mobilisateur et catalyseur dans la révolution haïtienne. En effet, la « cérémonie du bois caïman » tenue dans la nuit du 14 août 1791 a rassemblé de nombreux esclaves qui ont réalisé le rituel « du pacte de sang », en buvant le sang d’un cochon sacrifié. L’ingestion de cette potion était censée les rendre invulnérables. Nous n’entrerons pas dans le débat sur l’origine de ce pacte, à savoir s’il est dahoméen ou kongolais (Hurbon, 2000 : 136-140), puisqu’en Afrique, l’ingestion de potions magiques contenant du sang sacrificiel existe encore chez les Bakongo, comme au sein d’autres groupes Bantu.

En général, dans la révolte des esclaves, les réglions afro-américaines comme le Candomble, le Vaudou et le Palo Monte étaient des facteurs mobilisateurs, catalyseurs et elles jouaient un rôle important par leur aspect syncrétique, prophétique et révolutionnaire. Ces trois aspects existaient déjà dans le catholicisme kongolais qui était fortement politisé. Par exemple, en 1509, pour devenir roi, Afonso I aurait bénéficié de l’aide de Saint Jacques, accompagné de cavaliers blancs dans la guerre qui l’opposait à son frère Mpanza a Nzinga. Ce côté prophétique et révolutionnaire de la religion et son exploitation politique a persisté au Kongo, y compris au 18e siècle. C’est dans ce contexte que se situe le mouvement révolutionnaire antoiniste, lancé en 1704 par Dona Beatriz Kimpa Vita, une illuminée qui a déclaré être la réincarnation de Saint Antoine de Padoue. Dans un royaume en pleine déliquescence du fait la guerre civile et la traite négrière, ce mouvement qui militait contre l’esclavage et pour l’unité du royaume a attiré plusieurs milliers de fidèles formés aux techniques de guérilla et imprégnés de l’idée d’émancipation. Ils étaient contre les Européens, y compris le clergé, accusé d’avoir travesti le message biblique et participé à la traite des noirs. Kimpa Vita considérait donc que Jésus ne pouvait être que du côté des opprimés. Dans ce cas, il était kongolais et les saints étaient noirs. L’influence de cette secte fut telle qu’au 19e siècle à Cuba, certains esclaves d’origine kongolaise croyaient fermement que Jésus avait vécu au Kongo et que Mbanza Kongo était son lieu de naissance (Thornton, 1983). Pour Thornton, de tels mouvements ont donc inspiré de nombreux esclaves, y compris les leaders de la révolution haïtienne comme Macaya. C’est donc à juste titre que le Général Français Pamphile de Lacroix (1819) évoque dans ses mémoires le « fanatisme religieux » de ce dernier. En réalité, comme lui, les esclaves originaires du Kongo qui arrivaient en Amérique étaient souvent des chrétiens syncrétiques, ayant une tendance naturelle pour la révolution.

Le syncrétisme religieux reproduit par les Africains en Amérique ne pouvait être que catalytique et ostracisant, car il réunissait les esclaves autour d’un destin commun et tenait à l’écart les maîtres Blancs, souvent révulsés par les rites païens. Selon John Thornton (2013), la religion catholique et les croyances traditionnelles avaient fusionné au Kongo et produit une nouvelle forme de catholicisme indigénisé dans lequel les fétiches (nkisi) et les guérisseurs (nganga) occupaient toujours une place importante. Car si les Africains avaient bien adopté le christianisme, ils restaient attachés à leurs coutumes, comme on peut encore le voir de nos jours. Il était donc illusoire de penser que le baptême effacerait la culture kongolaise comme il efface les péchés. Le Bakongo à l’image de l’homme africain en général est profondément religieux et la foi chez lui est permanente et omniprésente. Tel que l’a dit T.K.M. Buakassa, « la religion africaine n’existe nulle part, mais elle est partout, dans les consciences, dans les opérations spirituelles ou empiriques, dans les représentations, dans les attitudes, dans les gestes, dans les proverbes, dans les légendes, dans les mythes… Elle est partout, à la campagne comme en ville… » (Buakassa, 1978: 23). Les esclaves africains avaient conservé ce côté fortement religieux et pratiquer la religion de leurs ancêtres constituait un acte militant, symbole d’une résistance de l’esprit face à l’oppression, car on opprime le corps et non l’esprit. Dans un tel environnement, pour contenter leurs maîtres, les esclaves louaient des saints chrétiens africanisés de même que les esprits des ancêtres. Cachés dans les fétiches, ces esprits pouvaient intercéder en leur faveur et cristalliser leurs revendications. C’est la raison pour laquelle, les fétiches jouent toujours un rôle important dans les religions afro-américaines comme le Vaudou haïtien, le Candomble au Brésil, le Palo Monte encore appelé Palo Mayombe à Cuba.

Ce syncrétisme n’est pas univoque, c’est-à-dire entre christianisme et religions africaines. Il concernait également les croyances africaines entre elles, puisque les religions dahoméenne et kongolaise, par exemple, bien qu’ayant des panthéons différents, ont su fusionner pour créer le Vaudou haïtien, qui est une parfaite synthèse des deux. C’est ainsi que dans cette religion, le terme Basimbi qui désigne les génies est d’ascendance bakongo. Ce vocable est une dérivation du mot kikongo Bisimbi qui désigne l’esprit des ancêtres disparus il y a très longtemps. Toujours dans le Vaudou haïtien, les talismans appelés « paket kongo » étaient préparés par le nganga ou prêtre en kikongo. Dans le Palo Mayombe15, on utilise les nkondi, qui sont des statuettes avec des clous et qu’on trouve uniquement chez les Bakongo. John Thornton (2015) a montré que ce sont les esclaves venus du Kongo entre 1760 et 1860 qui ont introduit l’afro-christianisme à Cuba et qui ont donc crée le Palo-Mayombe, une religion afro-cubaine.

Pour Erwan Dianteill (2002), le terme Mayombe renvoie à un bois du pays Kongo et la majorité des morphèmes du vocabulaire rituel utilisé par les Paleros (adeptes du Palo) sont issus des variantes dialectales kikongo. Certains termes sont restés typiquement kikongo, comme Nzambi, Nkisi ou Ndoki, qui désignent respectivement Dieu le créateur, les fétiches et le sorcier. D’autres sont des dérivations comme Ngangueros qui vient de Nganga ou féticheur en Kikongo. L’étude du vocabulaire et des pratiques rituelles montre également que le Candomble, religion afro-brésilienne est aussi d’origine bakongo. On y trouve des termes comme Calunga, Ganga, Pemba, Zambi qui viennent respectivement des termes kikongo Kalunga, Nganga, Pemba, Nzambi. Ces vocables désignent respectivement l’immanence de Dieu ou l’océan, le guérisseur, ce qui est blanc et Dieu.

En Colombie, les études génétiques ont confirmé l’origine Kongo des Palanqué, une communauté d’afro-colombiens (Ansari-Pour et al., 2016). Ces esclaves fugitifs ont créé un village libre fortifié situé à 80 km de la ville portuaire de Carthagène. Ces communautés parlent une langue créole, le palenquera, constitué d’espagnol et de bantu, plus spécifiquement de Kikongo et d’un peu d’Imbundu. La lexicologie a permis de localiser leurs origines au royaume du Kongo et en Angola (Schwegler, 2006). Les traces linguistiques, marquées par la présence de plus de 200 mots d’origine africaine, indiquent que l’apport le plus important est celui du Kikongo et particulièrement le Yombé, une de ses variantes dialectales parlées dans la zone de Pointe-Noire au Congo (Ansari-Pour et al., 2016 : 2).

Sur le plan anthropologique, les chants mortuaires appelées lumbalú sont issus du répertoire mélancolique des Bakongo, le lu-mbalu, chanté lors des obsèques (Schwegler, 2006 : 211). Sur le plan génétique, les études ont montré qu’il y a plus de ressemblances entre les locuteurs du Palenque et ceux du Yombé qu’avec les autres populations non-Yombé (Ansari-Pour et al., 2016 :2).

Dans les Caraïbes, Barry W. Higman (1995) a montré que les esclaves d’origines kongo étaient nombreux et la linguiste Maureen Warner Lewis (1991, 2003, 2004) a consacré ses travaux à l’étude de l’influence des idiomes africains, dont le kikongo, sur les langues et cultures créoles d’Amérique. Sur le plan lexical, elle a montré que de nombreux mots créoles sont issus du kikongo. Dans une étude portant sur la contribution africaine aux langues créoles françaises, Philip Baker (1993) y a listé les vocables bantu. Nous en avons dénombré 131 dont 31 kikongo, soit 23,6%, donc presque le tiers. En Jamaïque, ce chiffre tombe à 19% sur un total de 289 mots d’origine africaine (Farquharson, 2012 : 27). Nous pensons donc qu’environ un quart au moins des mots africains utilisés dans les langues créoles d’Amérique sont issus du Kikongo. Dans trois études, Maureen Warner Lewis (1991, 2003, 2004) a montré à quel point cette langue a influencé les créoles des Caraïbes qu’il s’agisse de Cuba, Trinidad, Tobago, Surinam, la Guadeloupe ou la Martinique. A Trinidad, on trouve de nombreuses unités linguistiques composées, associant des termes kikongo ou alors utilisant le nom même de Kongo. C’est ainsi que dans cette île, une rivière est appelée Kongo, alors qu’un groupe ethnique se réfère comme les Kongo Zagunga. A Cuba, les Congos Banda sont liés aux langues kikongo et Kibundu. Des mots parasynthétiques avec le terme kongo se rencontrent également dans d’autres îles. Par exemple au nord de la Martinique, un village porte le nom de Morne Kongo, alors qu’au Bahamas, une autre localité, située dans l’île d’Andros, est nommée Congo town (Warner Lewis, 2003). Les mots issus du Kikongo sont tout aussi nombreux comme Musundi, qui vient de Nsundi, chef lieu de la province kongolaise éponyme. Au Surinam, les Saramakan, un groupe ethnique de l’île, utilisent le terme Bótê qui vient du kikongo Mbote, pour dire bonjour. Ils répondent Sikenai Bótê qui vient de l’expression ngui sikama na mbote qui signifie en kikongo « je suis en santé, je me porte bien » (Warner Lewis, 2003 : 61). L’influence de cette langue fut telle que dans de nombreux mots créoles, le radical est souvent resté le même, seuls le préfixe et le suffixe ont parfois changé. C’est le cas du terme Lahay à Trinidad qui vient du vocable kikongo laha, qui veut dire mendier. Toujours à Trinidad, l’expression Lebby-lebby, qui signifie « mou, sans énergie », vient du kikongo lébé-lébé, c’est-à-dire fragile. Certains Trinidadiens parlent même le „Kongo Angôl„, une langue d’origine bantu dont le nom désigne l’ascendance de ses locuteurs, originaires du Kongo et d’Angola (Warner Lewis, 1991).

Maureen Warner Lewis révèle également que le nom Mbanza Kongo revient dans de nombreuses chansons populaires. En réalité, l’influence africaine est partout inextricable en Amérique et on la trouve également dans les musiques et les danses afro-américaines. Antoine Manda Tchebwa (2012) a montré comment, à Cuba, la musique, plus précisément la rumba cubaine, est un élément fondateur de l’héritage afro-cubain dans l’affirmation culturelle et même idéologique des Cubains. En effet la rumba était d’abord une danse de fécondité, née dans les communautés afro-Kongo, au point de devenir la matrice qui fonde la musique afro-cubaine. Manda Tchebwa a montré que bien que débarquant démunis aux Amériques, les anciens esclaves ont su se reconstituer par la croyance et la musique. Ce dernier a joué le rôle de « support ontologique de reconstruction des esclaves » avec le tambour comme élément majeur. Ainsi, de nombreux instruments musicaux qu’on trouve en Amérique font partie de l’héritage culturel africain. En ce qui concerne les Bakongo, leurs descendants en Amérique ont importé des instruments de percussion, notamment les tambours Yuka et Kalunga (figure 8). L’ancêtre du Yuka peut être observé sur la figure 4.

Figure 8. (A)Tambour Kalunga joué par trois percussionnistes et (B) tambour Yuka d’origine kongolaise à Cuba.

On trouve d’autres tambours dans les communautés africaines de Cuba, comme les tambours Bata, originaires d’Afrique de l’ouest (Bénin, Ghana) et qui sont surtout utilisés dans la liturgie du Vaudou. Pour Antoine Manda Tchebwa, c’est par réminiscence que chaque communauté africaine déportée fabriquait ses tambours, en fonction des modes ancestraux connus en Afrique.

L’influence culturelle bakongo se fait aussi ressentir dans certaines manifestions culturelles comme le Congado au Brésil, qui retrace le couronnement du roi du Kongo. Dans l’Etat de Pernambouc, situé au nord-est de ce pays, une autre cérémonie rituelle tout aussi colorée, le Maracatu évoque l’histoire et les coutumes de la cour des rois du Kongo. Dans les Caraïbes, de nombreux anthroponymes sont également d’origine kongolaise et dans ses recherches, Maureen Warner Lewis en a dénombré 42 pour Cuba, la Guyane et Trinidad (Warner-Lewis, 2003 : 81-82). C’est le cas de Biloongo, Bugulu, Enlongo, Kabungo, Lubamba, Mantumba, Kimboogo, etc. A Haïti, on a aussi des noms célèbres comme Macaya et Makunda. Nous avons aussi trouvé les noms Massembo en Guadeloupe, Makesa et Mabiela en Martinique.

De nombreux toponymes sont aussi d’origine kongo et Maureen Warner Lewis en a dénombré plusieurs. C’est le cas des termes Makungo en Jamaïque, El Cerro del Kongo ou colline du Kongo au Mexique, Congo Kunuk à Trinidad (Warner Lewis, 2003 : 57-65). Aux Etats-Unis, le conflit entre colons Anglais et Espagnols a emmené le gouverneur de Floride, l’Espagnol Manuel de Montiano, à établir, en 1758, une ville réservée aux esclaves fugitifs. C’est dans ce contexte que fut crée le Fort militaire à Gracia Real de Santa Teresa de Mosé réservé aux esclaves fuyant la Géorgie et la Caroline. Pour retrouver la liberté, ces derniers devaient se convertir au catholicisme et on pense qu’ils étaient majoritairement d’origine kongolaise (Riordan, 1996). Cette ville est devenue la première cité des noirs libres. Mais, les influences bakongo dans ce pays pourraient être plus importantes, comme l’a montré le linguiste Koen Bostoen dans les travaux qu’il a publié sur le site en ligne kongoking projetc. Ainsi, dans la Nouvelle-Orléans, le lieu mythique associé à la naissance du Jazz est appelé Kongo square. Depuis le 18e siècle, il s’agit de la place où les esclaves avaient l’habitude de danser des rythmes d’origine africaine. D’ailleurs, le groupe culturel qui gère ce site porte le nom de Kongo nation. Bostoen a montré que certains mots anglicisés sont issus du kikongo. C’est le cas de peanut (arachide) qui est une transformation du néerlandais pinda qui vient du terme kikongo Mpiinda. Le terme goober dans l’anglais américain vient du kikongo Ngúba qui désigne aussi les arachides tandis Bambi petite antilope serait issu du mot Mbambi.

Au terme de cette étude, il ressort que les Bakongo avaient une culture riche, prestigieuse ancrée dans les entrailles de l’histoire. Les contingences historiques ont voulu qu’en Afrique, ce peuple entre en contact avec la culture européenne, entrainant des processus d’acculturation et d’inculturation. La conséquence a été la créolisation de la culture bakongo, et nous avons montré que cette culture africaine a su s’enrichir des influences occidentales sans renoncer à son essence identitaire. Mais la rencontre avec le Portugal, notamment, a été aussi la source des malheurs du Kongo, puisque sa participation au commerce triangulaire a eu des conséquences néfastes sur tous les plans : politique, économique, social, sécuritaire et démographique. Les guerres civiles, la désorganisation des circuits économiques, le dépeuplement massif des territoires du royaume du Kongo l’ont irrémédiablement affaibli. Mais les Bakongo, transportés en esclavage aux Amériques ont su maintenir leur héritage culturel dans un environnement hostile et avilissant. Nous avons montré le rôle que les facteurs culturels ont joué dans cette résilience. Comme les autres cultures africaines emmenées en Amérique par les esclaves, celle des Bakongo a su se conserver, se mélanger, se transmettre au fil des générations, pour devenir un élément déterminant de la culture afro-américaine actuelle. Sur le plan politique, nous avons montré l’impact de l’idéologie kongo sur la révolte des esclaves et l’évolution politique d’Haïti, première nation noire devenue indépendante en 1804. Mais c’est surtout dans le domaine religieux et linguistique que l’influence de la culture bakongo est la plus patente. De nombreux mots et expressions dans les langues créoles des Caraïbes sont issus du kikongo. Si certaines religions afro-américaines dont le Candomble et le Palo Mayombe sont d’origine kongolaise, les esclaves Bakongo ont contribué à la structuration théologique du vaudou haïtien. Ces influences kongolaises sont aussi observables au niveau artistique, à travers les chants, les danses et certains instruments de musique. Il serait donc difficile de concevoir la culture américaine telle qu’elle existe aujourd’hui sans l’apport des Africains en général et des Bakongo en particulier.

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1 Je tiens personnellement à remercier le Professeur John Thornton pour ses conseils et pour avoir mis à notre disposition une bonne partie de son abondante littérature sur le Kongo.

2 Il s’agit du Yombé parlé en Angola, au Congo démocratique ainsi qu’au Congo Brazzaville, du Manyanga parlé uniquement dans ces deux derniers pays tandis que les autres sont plus localisées comme le Kotchi, le Lindji, le Woyo qu’on trouve en Angola et au Cabinda, le Besi-Ngombé, le Lemfu, le Mbata, le Ndibu, le Ntandu, le Solongo et le Zombo de RDC. Le Bembé, le Dondo, le Kamba, le Hangala, le Kongo Boko, la Kugni, le Lari, le N’kengué, le Suundi sont parlés au Congo Brazzaville. Le Bavili ou Vili est parlé au Congo-Brazzaville et Gabon. Le Kituba est une version créolisée du Kikongo parlée uniquement dans les deux Congo.

3 Notamment les provinces de Bandundu, du Bas Congo et de Kinshasa.

4 Anthroponymes: Badila, Kele, Kisangu, Lwamba, Mabele, Mabiala, Mabungu, Mbinda, Mpanzu, Mpungi, Muyabi, Mvembe, Ndamba, Ndulu, Ndzumba, Ngoma, Nkenge, Nkokolo, Nkombo, Nkula; Nkumba, Nsakala, Ntamba.

Hydronymes: Kwilu, Loa, Loangu, Luwa, Lwadi, Munie.

Toponymes: Kangu, Kibangu, Kibwende, Kigimbi, Kikanga, Kilunga, Kinanga, Kindongo, Kindulu, Kingoy, Kinsaka, Kimbauka, Kimbenza, Kimpandu, Kimpongui, Kimpongo, Kimpuni, Kumvemba, Kianda, Kiyangala, Kolo, Loangu, Lombo, Luozi, Madimba, Madula, Mandzau, Manambu, Masengi, Mbanda, Mbeembe, Mboma, Midimba, Minga, Mpangala, Mpasa, Musanda, Mwembe, Ndingi, Nganda, Ngoyo, Nkanka, Nsongo, Ntembese, Ntombo, Ngasi, Tchela.

5 Beta – 385810 : 470 +/- 30 BP soit Cal AD 1435 to 1495 (2 sigma)

Beta – 385811 : 590 +/- 30 BP soit Cal AD 1390 to 1435 (2 sigma)

6 Certains de ces esprits comme les Bisimbi sont des génies dont certains habitent dans l’eau (Lembi) ou le sol (Tolula) ou alors les arbres (Nzenzi).

7 Mpindi A Tadi

Beta – 385810: 470 +/- 30 BP Cal AD 1435 to 1495

Beta – 385811: 590 +/- 30 BP Cal AD 1390 to 1435

8 Jadis appelé Olivancillaria nana. Il appartient à la famille des Olividae (Lamarck, 1811).

9 Université de Coimbra (Portugal)

10 De son vrai nom Kasuta, ce noble de la famille royale pris le nom de Joao Da Silva après son baptême (Heywood et Thornton, 2007 : 60).

11) Lettre du roi Afonso au roi du Portugal Manuel I du 05 octobre 1514. In Antonio Brasio (ed), 1952-1988. Monumenta Missionaria Africana (MMA). Lisboa, Agência Geral do Ultramar : Divisão de Publicações e Biblioteca, Vol. 1 (15 volumes) : 294-323.

Lettre du roi Afonso à Manuel I du 13 juin 1517. In Antonio Brasio (ed), 1952-1988. Monumenta Missionaria Africana (MMA). Lisboa, Agência Geral do Ultramar : Divisão de Publicações e Biblioteca, Vol. 1 (15 volumes): 410-411.

Lettre du roi Afonso au roi du Portugal Joao III du 25 août 1526. In Antonio Brasio (ed), 1952-1988. Monumenta Missionaria Africana (MMA). Lisboa, Agência Geral do Ultramar : Divisão de Publicações e Biblioteca, Vol. 1 (15 volumes) : 475-479.

12 Beta 386539 : 360±30BP soit AD cal. 1485-1650

Beta 386540 : 380±30BP soit AD cal. 1460-1635

13 Lettre du roi Afonso à Joao III du 18 octobre 1526. In Antonio Brasio (ed), 1952-1988. Monumenta Missionaria Africana (MMA). Lisboa, Agência Geral do Ultramar : Divisão de Publicações e Biblioteca, Vol. 1 (15 volumes) : 489.

14 Ce proverbe est de l’écrivain et diplomate Malien Amadou Hampâté Bâ. Dans un discours prononcé à l’Unesco le 22 septembre 1960, il fait un plaidoyer pour que l’institution sauvegarde également les traditions orales africaines au même titre que les monuments de Nubie. C’est dans ce contexte qu’il déclare qu’en Afrique « un vieillard qui meurt c’est une bibliothèque qui brûle ». Il considère le vieillard et la bibliothèque comme deux véhicules de transmission du savoir.

15 Le Palo Mayombe est une religion afro-cubaine également appelé Palo-Monte ou Regla de Congo et dont les adeptes sont appelés Paleros.