L’indice de l’horreur

FALK LITANE PETEGOU

Université Protestante d’Afrique Centrale

RESUME

Les instruments traditionnels de prévention des conflits ne développent pas d’indice de la conflictualité interethnique ; ceci à cause d’une extrême focalisation des mesures préventives sur les politiques néolibérales de gestion des conflits. Ce qui occulte l’intégration des groupes ethniques au centre des mécanismes de prévention des conflits, limite les possibilités d’anticiper sur la violence et sur les horreurs qui s’en suivent. Cet article a pour objectif de proposer un indice de l’horreur qui permet de classifier les groupes ethniques en conflit en fonction de leur potentialité à provoquer l’escalade des conflits. Ce qui au plan opérationnel permet l’intervention rapide face aux situations d’escalade des conflits. Au plan théorique, il permet l’élargissement du champ d’investigation sur les modalités de construction de la paix. L’indice de l’horreur est composite et se construit à travers quatre indicateurs qui sont : grief de groupe, développement économique inégal, élites factionnalisées, réfugiés et personnes déplacées internes. Ces indicateurs combinés permettent de lire le niveau de conflictualité à l’intérieur d’un groupe ethnique et débouche , par comparaison, sur l’identification des risques d’irruption de la violence entre des groupes ethniques appartenant à une même sphère géographique1.

Mots clés : Indice de l’horreur, conflits ethniques, prévention des conflits

ABSTRACT

The traditional instruments of conflict prevention do not develop an index of interethnic conflictuality because of the extreme focus of preventive measures on neo-liberal conflict management policies. That obscures the integration of ethnic groups in conflict at the center of conflict prevention mechanisms, limits opportunities to anticipate violence and the horrors that follow. This article aims to propose an index of horror which makes it possible to classify the ethnic groups in conflict according to their potentiality to cause the escalation of conflicts. Operationally, this allows for rapid response to escalating conflict situations. From a theoretical point of view, it allows the widening of the field of investigation on the modalities of peace building.The index of horror is composite and is constructed through four indicators: group grievance, unequal economic development, factionalized elites, refugees and internally displaced persons. These four combined indicators make it possible to perceive the level of conflictuality within an ethnic group and to compare the identification of the risks of violence between ethnic groups belonging to the same geographical area.

Key Words: Index of Horror , Ethnic Conflict, Conflict Prevention

INTRODUCTION

Ces 27 dernières années, les conflits ethniques passent pour être l’une des plus grandes menaces à la paix et à la sécurité nationale et internationale. Aux plans local, national et global, les conflits ethniques s’expriment avec beaucoup de virulence, entrainant avec eux des horreurs incommensurables. Que ce soit en ex-yougoslavie, au Rwanda, en serbie ou en RDC, ces conflits montrent à quel point les antagonismes ethniques, quoi qu’ils participent de l’élaboration de nouvelles grilles d’analyses en Sciences sociales, en Sciences politiques ou en Etudes internationales constituent un ajournement de la paix positive2 et une catastrophe humaine.

Cette catastrophe, cette horreur qui résulte des conflits ethniques touche aussi bien les plans humains, économiques, sociaux, environnementaux que culturels. L’horreur est « une sensation d’effroi, de répulsion causée par l’idée ou la vue d’une chose horrible, affreuse, repoussante. L’horreur provoque la répugnance, l’effroi, le dégoût »3.

Pour le seul cas de la RDC, le rapport Mapping fait mention de millions de morts, de millions de déplacés, des meurtres et mutilations, de viols massifs, de traumatismes4. Dans de nombreux rapports et publications, des ONG comme l’ONU5 dénoncent les atrocités humaines commises lors des guerres et autres séries de violences au Sud Kivu. De graves violations des Droits de l’homme et du Droit de la guerre sont relevées chez les belligérants. Viols, assassinats, traitements inhumains et dégradants, crimes de génocide sont les principaux impacts au plan humain des violences répétitives. En plus d’utiliser les populations comme bouclier humain, les groupes de rébellion procèdent à de sévices corporels ignobles. Certaines personnes sont brûlées vives, d’autres décapitées à l’aide d’une machette, d’un couteau ou d’une lame de rasoir. L’on assiste à des scènes où des nouveaux nés sont transpercés à l’aide d’un bois puis passés à la braise pour être rôti comme de la viande. Comme Colette Braeckman6 le souligne, cette région a atteint le seuil de l’indignation. Le lait est injecté quelquefois à certaines personnes ; d’autres se voient traîner par terres à des dizaines de kilomètres avant de trouver la mort. Des torses atrocement carbonisés, des bras tordus et brûlés témoignent aussi de cette indignation dont parle Braeckman7. L’essentiel des viols et autres mutilations est commis contre les femmes. Individuellement ou en groupes, des soldats à tour de rôle violent femmes, jeunes filles et parfois des enfants de moins de 7 ans. En plus d’être violées, leurs organes génitaux sont mutilés à l’aide des lames de rasoir. Certaines femmes se voient enfoncées des revolvers dans le vagin avant d’en recevoir les balles, tandis que d’autres sont enterrées vivantes ou déportés vers des camps de rebelles, pour servir comme ménagères et instruments sexuels des leaders de ces dits groupes, avant d’être coupées en morceaux. Quelques fois, l’on a relevé des scénarios où des femmes enceintes sont d’abord violées, puis éventrées. Les enfants quant à eux, sont plus enrôlés et déportés pour être des soldats. Dans la plupart des cas, les atrocités les plus ignobles sont perpétrées par ces derniers. Tout ceci explique que 2,5 millions8 de personnes ont perdu leur vie suite aux violences au Kivu en 4 ans entre 1996 et 2000. Ces données décrivent toutes l’état de décrépitude humanitaire et l’horreur qui sévit au Sud Kivu, zone qui ne constitue qu’un cas parmi tant d’autre.

Face à cette excroissance de l’horreur, plusieurs instruments de gestion et prévention des conflits sont mis en œuvre dans le but de contenir la violence directe et empêcher l’escalade de nouveaux conflits. Ces instruments sont politiques, opérationnels et conceptuels. Si dans l’ensemble ils opèrent à travers des indicateurs de la conflictualité vers lesquels des actions rapides sont dirigées, ils ignorent, d’une part, l’analyse systématique des interactions entre les groupes ethniques qui pourtant sont au centre des conflits ethniques. Ils privilégient plutôt les faits généraux de société qui limitent la démocratie et l’exercice des droits de l’homme, tout comme les questions liées à la pauvreté. L’accent est donc beaucoup plus mis sur le versant néolibéral de construction/reconstruction de l’harmonie à l’intérieur des sociétés. De là, ne sont pas pris en compte la subjectivité et le sens qui nourrissent les interactions entre les groupes ethniques et qui, le plus souvent, sont à la base des conflits. D’autre part, les indicateurs développés ne sont pas synthétisés pour la construction d’un indice composite qui permette de lire le niveau de conflictualité au sein des entités ethniques et, par ricochet, de classifier les groupes ethniques en contact en fonction de leur capacité à entrer dans l’activité belligérante. Cette réflexion a donc ce souci de proposer un indice qui va permettre d’établir un ranking des groupes ethniques en conflit à l’intérieur d’une société. Ceci pourrait permettre d’agir de manière rapide et efficace pour prévenir les conflits ethniques. Le cas du Sud Kivu situé à l’est de la République Démocratique du Congo, où s’aperçoit des escalades de conflits permanents va nous permettre d’expliciter l’indice de l’horreur que nous proposons.

La réflexion se divise en trois parties. La première partie discute les théories des conflits ethniques(I). La seconde partie présente les efforts menés au plan global pour prévenir les conflits ethniques(II) et la troisième partie, enfin, présente le contenu de l’indice de l’horreur(III).

  1. LES THEORIES DES CONFLITS ETHNIQUES

Les conflits ethniques constituent un phénomène global9. Ils touchent aussi bien les pays d’Afrique, d’Europe que d’Amérique et d’Asie. Mais, les manifestations en sont différentes. Dans une étude comparative sur les causes des conflits ethniques et les mécanismes de leur gestion dans les pays développés et en voie de développement, Hossien Mohammadzadeh10 relève que les conflits ethniques sont plus virulents dans les pays en voie de développement et moins présents dans les pays développés. Il se situe ainsi dans la suite d’une longue littérature sur la prolifération des conflits ethniques en Afrique particulièrement, après la chute du mur de Berlin. La géopolitique des conflits ethniques en Afrique met aux prises des acteurs de tout bord avec des objectifs et des motivations multiformes, ainsi que des conséquences incommensurables. Il est donc normal que les considérations théoriques qui en découlent soient également enchevêtrées de controverses. A cet effet, quels repères théoriques permettent de lire les conflits ethniques ?

Au même titre que les concepts d’ethnie et/ou d’ethnicité, les théories des conflits ethniques qui en découlent ne connaissent pas de consensus à la lecture des auteurs qui abordent ce phénomène. Certains auteurs séquencent ces théories en cinq, à savoir : les théories réalistes, les théories primordialistes, les théories constructivistes, les théories instrumentalistes et les théories institutionnalistes11. D’autres auteurs préfèrent une classification sous une triple détente, à savoir : les théories primordialistes, les théories ethnosymboliques et les théories constructivistes12. Certains auteurs établissent plutôt l’existence de deux principales théories des conflits ethniques : les théories essentialistes et les théories constructivistes. Quoi que ces auteurs n’offrent pas de justification sur le choix des catégories établies, nous estimons que les deux premières distinctions tiennent compte des acteurs engagés dans le conflit ethnique, tandis que la dernière met en exergue les interactions entre ces acteurs et l’objet du conflit ; c’est pourquoi cette dernière est plus restreinte. Sans vouloir rentrer dans ce débat taxinomique, notre essai fera ressortir l’existence de deux principales théories des conflits ethniques : les théories essentialistes et les théories constructivistes. Les définitions que nous donnerons des concepts  essentialisme et constructivisme vont permettre de comprendre les raisons de notre choix. Ils vont permettre de comprendre également que la théorie réaliste est un pan de l’essentialisme, dans le mesure où elle fixe un déterminisme et nie la nécessité d’apporter des solutions pacifiques aux conflits. Aussi, la théorie instrumentaliste est un pan du constructivisme, dans la mesure où elle met en exergue le conflit comme conséquence d’une suite d’interaction entre acteurs qui peuvent être des entrepreneurs politiques ou des institutions qui participent de la régulation des conflits entre entrepreneurs politiques et les groupes. Il en découle que la théorie institutionnaliste est un pan de l’instrumentalisme et donc du constructivisme. Il y a donc lieu de considérer l’existence, en l’état actuel de la recherche, des théories essentialistes et constructivistes.

  1. Les théories essentialistes

La théorie essentialiste situe les conflits ethniques dans l’existence des anciennes inimitiés entre les groupes. Cette tradition pose que le caractère primordial et inné de l’ethnicité est la cause des conflits ethniques.

Dans ce cas, l’envie de définir et de rejeter les autres remonte aux ancêtres les plus éloignés et effectivement, par-delà, aux prédécesseurs. D’après cette approche, les tendances xénophobes et l’intolérance sont plus naturelles dans les sociétés humaines.

L’approche essentialiste permet d’expliquer le rôle et la potentialité des émotions dans les conflits ethniques. Ronald Grigor Sunny illustre ce phénomène en mentionnant que les identités nationales sont saturées par des émotions qui ont été créées à travers l’enseignement, la répétition et la reproduction quotidienne jusqu’à s’imposer au sens commun ; ces tropes, trahison, déloyauté et menace des autres sont incrustés dans l’émotion familière et s’expriment par la peur, l’anxiété, l’insécurité et l’orgueil13.

Il n’est pas évident de prouver la primordialité des animosités ; mais tout au moins, leur enracinement historique peut être établie dans la mémoire collective. Les groupes ethniques utilisent les mémoires historiques des griefs passés, comme point de référence des sources de justification des actions discriminatoires à l’endroit des autres groupes. Joseph Rothschild14 affirme à ce titre que, sous des conditions rapides de changements contemporains, les groupes redécouvrent ou inventent leur ethnicité essentiellement enracinée dans les liens primordiaux pour l’identification personnelle, la sécurité émotionnelle et l’ancrage communautaire.

Par ailleurs, l’approche essentialiste est défaitiste. En effet, en admettant que les tensions entre les groupes ethniques sont naturelles, elle admet  que rien ne peut être fait pour prévenir ou résoudre les conflits ethniques. En fait, seule l’animosité ne peut pas expliquer les conflits ethniques. Comme Rajat Ganguly l’affirme, « A proper understanding of the causes of ethnic political mobilization and conflict is crucial, and we must move beyond simplistic discussions of ‘ancient hatreds’ to search for more systematic explanations»15.

D’autres limites de la théorie essentialiste concernent également comme le mentionne Varshney16, la question de variation, le contact entre les groupes ethniques et l’apparition des nations. En effet, si les conflits sont causés par les haines passées, comment pourrait-on expliquer qu’il y ait des moments d’accalmie entre des groupes en opposition ? Dans cette même perspective, comment pourrait –on expliquer qu’à certains endroits les mêmes groupes s’opposent et à d’autres endroits ils ne s’opposent pas ? Aussi, des groupes peuvent-ils s’opposer sans avoir une longue histoire de cohabitation ; dans ce cas, la primordialité de la relation de haine ne peut pas être établit. Bien plus, les constructivistes postulent que la nation apparait avec la modernité. Dans l’époque prémoderne, les formes d’organisation sociale étaient religieuses et dynastiques. Dans ce cas, il est absurde de parler de l’existence des anciennes haines ou hostilités entre les nations. Ceci dit, les conflits ethniques (ou entre nations) ont des protocoles locaux et régionaux.

  1. Les théories constructivistes

Comme le souligne Varshney17, la théorie constructiviste postule que l’ethnicité est une création de la modernité. Ceci signifie que la modernité a impulsé la conscience de l’identité ethnique. La modernité a changé la perception de l’homme à plusieurs égards. Dans la période prémoderne, l’attribution ou l’identification à un lieu géographique détermine l’identité d’un individu. Dans la période moderne, cette attribution est de moins en moins acceptée. Aussi, la modernité introduit la notion de dignité qui s’oppose de plus en plus à la question de l’honneur de l’époque prémoderne ; et c’est cette dignité ( le soucis des autres) qui marque l’identité de l’homme moderne.

Le constructivisme s’est développé dans les disciplines telles que l’Anthropologie et la Philosophie. En tant que théorie des conflits, le constructivisme repose sur certaines théories fondamentales:

  • toutes les pratiques sociales sont en relation avec le contexte particulier dans lequel elles sont produites ou reproduites. Ces contextes peuvent être d’ordre historique, politique, économique ou géographique ;

  • le constructivisme pense que toute situation est la résultante d’une vision des choses. Il n’y a donc pas de réalité en soi, mais de réalité telle que vécue et telle que perçue. On peut vivre une situation comme oppressante à un moment donné, alors qu’à un autre moment, on a pu la vivre d’une autre manière.

Dans la théorie des Relations internationales, Nicholas Onuf est vraisemblablement le premier à appliquer le constructivisme à la fin des années 1980, notamment dans son livre World of Our Making18. Dans ce livre, il s’oppose aux théories néo-réalistes et néo-libérales. Il reproche aux unes et aux autres d’être anhistoriques et d’être incapables d’expliquer le changement dans l’histoire. Ainsi donc, à ceux qui pensent que le comportement des acteurs est essentiellement guidé par des contraintes de divers ordres, ou par une nature humaine immuable, les constructivistes répondent que les règles et les normes infléchissent profondément le comportement des acteurs, déstructure la vie internationale, et que les acteurs sont capables, à tout moment, de faire des arrangements intersubjectifs pour ainsi créer de nouvelles situations, en modifiant celles qui existent. C’est ainsi que de nouvelles institutions peuvent voir le jour, tant au niveau national qu’international. Le comportement des acteurs ne s’inscrit pas toujours dans un cadre préétabli et n’obéit pas à des règles figées ; mais crée de nouvelles possibilités et introduisent de nouvelles règles. Les constructivistes pensent que les institutions et les structures sont fondamentalement des constructions sociales, c’est-à-dire le résultat de l’imagination et de l’interaction entre les forces en présence, même si elles sont institutionnalisées et formalisées.

Les constructivistes font valoir le fait que la mise en place des institutions au niveau international n’est pas le seul fait des Etats, mais également celui des acteurs non étatiques qui sont perpétuellement en concurrence, proposent des normes et finalement aboutissent à des accords sociaux. Ils réfutent l’idée que tout soit prévisible et obéit à une logique clairement identifiable pour introduire l’idée de la surprise, de l’inattendu et des voltes face. D’autre part, le constructivisme réfute les approches néolibérales et néoréalistes, en ce sens qu’il ne perçoit pas les règles comme des moyens de régulation, comme une contrainte ou alors comme participant aux calculs, coûts, bénéfices des acteurs. En effet, la définition même ou mieux la perception des intérêts peut varier. Les règles du jeu et les aménagements sont l’aboutissement des comportements des acteurs. Il en ressort que le changement dans la politique internationale, mais également le changement dans un groupe se produit lorsque les acteurs, par leur pratique, changent les règles et les normes constitutives de l’interaction.

La plupart des règles ne font que formaliser le développement d’une activité. Les règles créent donc la possibilité de l’activité, mais l’activité crée également les règles. Les constructivistes redéfinissent également les concepts d’intérêt et d’identité19. Ils pensent que les intérêts sont des constructions sociales et sont de ce fait dynamique et doivent être appréciés par rapport à des contextes historico-culturels et socio politiques. L’identité est également une construction. La définition de ce que l’on est ou de ce que l’on n’est pas est tributaire du contexte et des enjeux. Dès lors, la violence a des causes multiples, complexes et construites, dès lors, la solutionner peut être l’issue d’une construction entre acteurs y impliqués.

L’approche constructiviste postule que les conflits ethniques sont des constructions identitaires, ils sont créés. Ensuite, elle pose que les barrières ethniques sont flexibles et changeables. Par conséquent, les conflits ethniques sont dynamiques. Ils constituent une réaction pour changer l’environnement social ; donc, la société les construit. C’est ce qui amène David Simo à rechercher « de nouvelles dynamiques, de nouveaux espaces susceptible de fournir des éléments d’identification et d’identité…une autre logique identitaire »20 dans l’explication de l’instrumentaliation du « discours de distinction, de démarcation et de mobilisation »21 par l’élite africaine. Ainsi, les approches qui tendent à fournir de nouvelles grilles de lecture anti-déterministes et privilégie les transformations dans les rapports aux conflits constituent des pans du constructivisme.

Quoi que les conflits ethniques posent des problèmes de sécurité pour de nombreuses vies humaines et pour les Etats, des efforts sont menés pour anticiper sur leur irruption. Les mécanismes de prévention des conflits en constituent des exemples.

  1. LA PREVENTION DES CONFLITS : ANTICIPER SUR LES ANTAGONISMES ETHNIQUES

Le conflit ne peut pas être prévenu22. Par contre, l’escalade du conflit peut être contenue et limitée sur le long terme. Le conflit est naturel, inhérent à la nature humaine et participe au dynamisme des sociétés. Mais, l’escalade du conflit est une construction de l’imaginaire qui va des contradictions et se manifeste par le renchérissement, tout en faisant appel à la violence. Dans le jargon académique actuel et même dans celui des praticiens de la paix, le terme « prévention des conflits » est couramment utilisé pour signifier « prévention de l’escalade des conflits ». C’est une erreur de sens qui mérite d’être mentionnée ; mais par souci de commodité, nous gardons l’utilisation de ce concept tout en sachant que le sens renvoie bel et bien à la prévention de l’escalade des conflits.

i. Controverses autour de l’action préventive

L’évolution du concept de « prévention des conflits » montre qu’il est assez controversé de par ses multiples acceptions ainsi que par la nature des opérations mises à profil. Au plan académique comme opérationnel, la prévention des conflits ne connaît pas de réel consensus. Ceci est dû aux approches conceptuelles, ainsi qu’aux actions à mettre en œuvre pour empêcher l’escalade des conflits.

La « prévention des conflits » n’adhère pas à une définition fixe, elle a des acceptions différentes pour différents analystes. Pendant la guerre froide, plusieurs scientifiques et hommes de terrain perçoivent les actions préventives comme étant synonyme de limitation des combats. Mais, après la guerre froide, le sens de la prévention des conflits change pour signifier la prévention pacifique des disputes.

Anders Bjurner, faisant référence à l’évolution conceptuelle de la prévention des conflits, souligne qu’elle est une nouvelle sous-culture des études sur la sécurité et la politique étrangère23.Mais, il s’agit d’une sous-culture avec une longue histoire. La prévention des conflits comprend trois principales composantes qui sont entre autres : la prévention directe, la prévention structurelle et la prévention systémique24.

La prévention directe25 renvoie aux mesures prises pour prévenir à court terme l’escalade imminente d’un conflit. Elle ne poursuit pas l’objectif de résoudre le conflit, mais plutôt d’user des moyens pragmatiques et non conventionnels pour éliminer et contrôler les causes imminentes de la violence qui pourrait escalader. Il s’agit, par exemple, du dépêchement d’un médiateur ainsi que du déploiement des forces militaires. Par contre, la prévention structurelle26 renvoie aux mesures prises pour éliminer à long terme les causes d’un potentiel conflit ayant plusieurs potentialités d’escalade et de facteurs dangereux. La prévention structurelle met l’accent sur les déterminants socioéconomique, culturels, institutionnels et politiques qui pourraient fragiliser les relations entre parties et conduire aux conflits. Cette prévention dépasse ainsi le cadre de la paix négative pour rechercher des voies et moyens de construction d’une paix positive intégrale et intégrée. L’aide au développement, l’augmentation de la participation politique sont des exemples de mesures structurelles intervenant au titre de la prévention des conflits. De son côté, la prévention systémique27 concerne les dispositions prises pour limiter l’escalade des conflits dans leur verticalité, sans cible précise, mais avec des agendas globaux. Kofi Annan l’utilise pour signifier «measures to address global risk of conflict that transcend particular states »28.  Il s’agit ici par exemple de la régulation des ressources commerciales, de l’action contre la prolifération nucléaire, ainsi que des armes chimiques et biologiques et même de la dégradation de l’environnement, pour ne citer que ces éléments.

Les trois composantes de la prévention des conflits témoignent de l’absence de consensus sur la définition de ce concept très englobant. Michael Lund29 rapproche cette notion de prévention des conflits de celle de diplomatie préventive. Il la définit comme des actions prises en des endroits vulnérables pour éviter l’usage de la force et autres formes relevant de coercition par les Etats ou les groupes, pour résoudre les disputes politiques qui peuvent survenir des effets économiques, sociaux, politiques, déstabilisateurs ainsi que du changement international.

Dans la même lancée que Lund en ce qui concerne la conception de l’action préventive, Boutros Boutros-Ghali30 définit la diplomatie préventive comme l’usage des techniques diplomatiques pour prévenir les disputes qui surviennent, les prévenir d’escalader en conflit armé et, empêcher les conflits armés de resurgir.

Ces deux précédentes définitions se limitent aux méthodes diplomatiques et n’intègrent pas les méthodes non diplomatiques à la prévention des conflits tels que l’assistance économique et les stratégies militaires. Or, la diplomatie préventive, dans son acception, renvoie aux efforts diplomatiques pour la prévention des conflits pendant le déclenchement du conflit ; Tandis que la prévention des conflits définit un ensemble de mesures préventives au rand desquelles la diplomatie préventive n’est qu’un aspect. Ceci crée quelques fois des problèmes de compréhension et de communication, car les acteurs pensent parfois parler de la même chose lorsqu’ils évoquent la prévention des conflits. Ces définitions n’omettent pas tout au moins l’objectif de la prévention des conflits.

David Carment et Albrecht Schnabel31 définissent de leur côté la prévention des conflits comme des stratégies à long terme, proactives, opérationnelles et structurelles adoptées par des acteurs divers dans l’intention d’identifier et de créer des conditions d’un environnement sécuritaire international stable et plus prédictible. Cette définition n’est pas loin de celle de Gabriel Munuera32 qui voit en la prévention des conflits l’application des mesures non contraignantes dans leur nature. Ces mesures sont également non coercitives et dépendent des bonnes intentions des parties en conflit.

Plusieurs faits évocateurs président à l’application de la prévention des conflits. Ceux-ci se trouvent dans la progression de l’histoire et les considérations de construction des sociétés socialement, économiquement et politiquement stables.

La prévention des conflits n’est donc pas qu’un idéal, mais comme le mentionne William Zartman33 elle demeure une option prudente qui marche quelques fois.

Partant de ce constat, les acteurs internationaux doivent se servir des expériences passées pour construire de nouvelles sociétés dans lesquelles les génocides sont évités, les armes de destructions massives réduites et les violences limitées.

La prévention des conflits concerne dans son applicabilité, des situations pacifiques où une violence physique substantielle est possible et basée sur des indicateurs d’hostilités typiques.

  1. Les approches préventives des conflits

Les spécialistes, en matière de prévention des conflits, attribuent à ce processus deux approches qui sont, d’une part, le moment, la phase de l’émergence de la violence où la prévention intervient, et d’autre part, les méthodes d’engagement que la prévention déploie34. Aussi, la prévention des conflits se différencie des autres approches du conflit par le moment où elle intervient et non par la façon dont elle s’effectue.

Le changement conceptuel dans la prévention des conflits susmentionné fait passer le moment de l’action au stade où les disputes non-violentes émergent, mais n’ont pas encore escaladé dans une violence significative ou en conflit armé. Connie Peck35 délimite la prévention précoce de la prévention tardive. La prévention précoce cherche à améliorer les relations entre les parties ou les Etats qui ne combattent pas activement mais sont manifestement étranges. Ainsi, ne pas intervenir pour résoudre ces tensions pourrait conduire à l’utilisation de la violence. La prévention tardive, quant à elle, se réfère au moment où les luttes entre les parties sont imminentes. Cependant, considérer la prévention lorsque l’hostilité est déjà ouverte, en plus de rendre flou la connotation de la prévention, relègue les acteurs engagés dans le processus à une simple position d’observateur ; ce qui limite leur chance de ne pas être en avant du jeu.

Quoique quelques analystes des conflits appliquent la prévention aux différentes phases du cycle du conflit, beaucoup, actuellement, la confine aux actions d’évitement de l’irruption des disputes sociales et politiques dans une violence substantielle ; et ceci, avant et non pendant le conflit violent.

La notion de prévention des conflits varie également, au regard des méthodes d’engagement et d’intervention des acteurs. Michael Lund36 mentionne que parler des méthodes d’intervention, c’est faire ressortir les instruments acquis pour cette effectivité. Ces instruments utilisés dépendent des causes du conflit qui sont ciblées et de l’acteur de la prévention qui entre en jeu37. Entre autres, nous pouvons lister : l’alerte précoce, la médiation, la construction de la confiance, la recherche des preuves, le déploiement préventif dans la zone de paix. Plusieurs documents de l’ONU des années 1990, notamment l’agenda pour le développement, étendent ces mesures préventives à une panoplie de politiques qui concernent l’environnement institutionnel, socioéconomique et global dans lequel les parties en conflit opèrent, à l’instar de l’aide humanitaire, le contrôle des armes, le bien-être social, les médias et les déploiements militaires38.

Les méthodes, d’une part, sont focalisées sur les acteurs ou les événements. Elles ont pour objectif spécifique d’empêcher l’escalade d’un conflit manifeste. Pour cela, elles ciblent des parties spécifiques et les divergences qui existent entre elles. D’autre part, les méthodes sont intégrales. Lund les nomme « actions or policy that address deeper societal conditions that generate conflicts between interests and/or the institutional, procedural and policy deficits or capacities that determine wheter competing interest are channeled and mutually adjusted peacefully »39. Ces méthodes basiques déterminent l’environnement dans lequel les acteurs opèrent. Par conséquent, les politiques entre eux peuvent créer des contraintes ou des opportunités. C’est le cas par exemple de la réduction des grandes disparités régionales dans les standards de vie ou la construction effective des institutions de gouvernance.

Les acteurs qui interviennent dans la prévention des conflits passent progressivement des émissaires officiels à plusieurs acteurs gouvernementaux et non gouvernementaux dans des agences sociales, économiques, politiques et culturelles comme à l’intérieur de l’ONU, des institutions financières internationales, des organisations régionales à travers l’assistance sécuritaire et économique. Kofi Annan labelle ces instruments, acteurs et échelles multiples de  culture de la prévention40

Lund précise également qu’une autre perception de la prévention des conflits l’étend du champ national où un Etat connaît des violences imminentes aux champs global et régional incluant des normes standards de façon instantanée tel que les Droits de l’Homme et la Démocratie41. Ici, les risques spécifiques des conflits connaissent une réponse grâce à un ensemble d’actions entreprises. La prévention peut donc être Ad hoc ou prioritaire. Elle est prioritaire lorsque les agents ou les Etats où les violations pourraient survenir sont entièrement influencés par des régimes normatifs internationaux. Un ensemble générique de principes internationaux acceptés par les organisations globales et régionales comme des guides de normalisation des relations entre Etats sont mis en œuvre.

Deux variétés de principes peuvent être évoquées. Nous distinguons les principes normatifs supranationaux tels que les Droits de l’Homme de la régulation internationale des ressources qui alimentent les conflits à l’instar des armes, du diamant et autres ressources42. A côté de ces principes, se trouvent des instruments qui, dans une perspective prioritaire ou ad hoc visent également la limitation des conflits. A titre illustratif, nous pouvons relever la création du TPI, ainsi que des tribunaux criminels pour l’ex Yougoslavie et le Rwanda. Ces instruments croient fermement en l’empêchement des futurs crimes contre l’humanité et pas seulement en la poursuite de ceux qui les commettent.

L’observation de la scène internationale relève une permanence des conflits violents. Malgré le désir des Etats d’améliorer les actions de prévention des conflits en qualité comme en quantité, l’idée ne va pas sans critiques. Ceci dit, le bilan de la communauté internationale en matière de prévention des conflits n’est pas très appréciable. Ainsi, partant des critiques qu’elle connaît, la prévention des conflits se doit de relever un certain nombre de défis pour son effectivité.

Neclâ Tschirgi43 fait ressortir que la prévention des conflits est confrontée à plusieurs défis qui sont sécuritaire, conceptuel et opérationnel ;tous sont relatifs au contexte international. Elle prend de l’ampleur dans un moment spécial de l’histoire où la fin des deux blocs politiques crée des opportunités de coopération multilatérale, afin de juguler les conflits. Sans s’éloigner des intérêts des Etats, la prévention des conflits représente un projet collectif international.

Les défis sécuritaires concernent l’ensemble de la problématique liée aux nouvelles formes de violence et d’armes dont l’objectif est de créer un climat de peur généralisé pour équilibrer le statu quo au plan international.

Les défis de la prévention des conflits sont aussi politiques ou systémiques au plan académique et sont liés à l’implémentation au plan opérationnel44.

  1. Les limites des instruments traditionnels de prévention des conflits

L’orthodoxie politique de la prévention des conflits présente une orientation normative libérale. Des projets tels que la promotion de la société civile, le multipartisme, le genre, la bonne gouvernance la promotion des droits des minorités ainsi que le libéralisme économique sont appuyés par la prévention des conflits. Ces éléments sont cohérents et se renforcent, mais ne donnent pas toujours une suite favorable aux conflits. Le libéralisme se justifie par le fait que la guerre est une aberration qui peut être corrigée et redressée. La guerre est naturelle et constitue un produit de la globalisation qui crée des opportunités et la stabilité pour certains et l’instabilité puis la violence pour les autres. Mais cet avis n’est pas partagé par tous. 

James Boyce dans une étude sur la reconstruction post-conflit en El Salvador démontre que les réformes économiques conventionnelles sont inappropriées et non productives dans un stade de reconstruction. Les objectifs des politiques économiques ne doivent pas se limiter aux ajustements structurels et conventionnels macroéconomiques qui sont la base de la politique libérale. Elles doivent également promouvoir des ajustements dirigés vers la paix. Il affirme à ce titre: « these require policies that mobilise ressources for the peace process and financing the immediate costs of peace while addressing the longer term relationship among economic growth, income distribution and the consolidation of peace »45. Cette étude a été renforcée par une recherche du groupe de la Banque Mondiale en matière de recherche sur le développement. Elle concerne les conséquences économiques et les coûts de la guerre civile. Dans un ouvrage intitulé Breaking the conflict trap : civil War and development policy, Paul Collier et al46 font valoir que si les politiques sont bien choisies, les incidences de la guerre civile seront réduites ; il suffit juste qu’elles soient appropriées au contexte et prennent en compte les caractéristiques spécifiques du pays. Pour ces auteurs, la communauté internationale peut réduire les risques de conflit, en adoptant des mesures solides à implémenter ; qui sont par exemple l’intégration des politiques économiques aux stratégies militaires, aux réformes politiques ainsi qu’à l’aide au développement. Cette étude conduit également les principes libéraux. C’est pourquoi les recommandations qui en découlent sont sévèrement critiquées.

La première critique relève que cette étude réduit la guerre civile comme les conflits à leur dimension économique qui sera dès lors résolu par les politiques fixées par les acteurs externes dans un contexte spécifique. Aussi, les théories du développement des années 1950-1960 sont ineffectives dans le monde actuel. Dès lors, des approches nouvelles d’étude sur la prévention des conflits vont naître. Celles-ci prennent en compte des éléments tels que : l’emploi, les politiques sociales envers les groupes spécifiques et le retour des populations déplacées. L’aide à la démocratie est aussi priorisée. Les programmes en faveur de la démocratie promeuvent les élections, les droits de l’homme et le développement des médias qui ne correspondent pas nécessairement aux besoins locaux. Les facteurs internes sont souvent plus efficaces que l’aide des bailleurs en matière de démocratie. Roland Paris47 fait les mêmes observations. Il souligne que le libéralisme politique et économique, dans une phase de reconstruction, est inefficace ; d’autant plus qu’il crée la compétition politique et économique dans ce contexte fragile.

Cet ensemble de remarques déterminent les challenges auxquels la prévention des conflits doit faire face pour améliorer son statut, ses objectifs et ses actions en vue de construire une réelle paix consensuelle. De plus, l’effectivité de la prévention des conflits dépend aussi en grande partie de son implémentation.

La prévention doit donc dépasser les particularismes, les idéologies et surtout améliorer le cadre de sa conceptualisation et de son implémentation dans une approche intégrée et communicationnelle, afin de rendre de meilleurs services pour la cause de la paix.

Bien plus, les recherches sur la prévention des conflits se limitent pour la plupart au niveau de la construction des catégories d’indicateurs qui permettent soit de lire le conflit, soit de le contenir. Dans les Etats multiethniques, pour la plupart, elles ne vont pas plus loin, se contente de synthétiser ces indicateurs pour la construction d’indices qui permettront de repérer l’escalade des conflits entre groupes. Or le repère indiciel est capital, dans la mesure où il pourrait favoriser une intervention rapide dans des situations d’escalade des conflits. Ceci pourrait permettre de résoudre le défis conceptuel et opérationnel tel que susmentionné par Necla48. Aussi, plusieurs indicateurs développés, présentent-ils soit des rapports de force entre les groupes ethniques et les Etats49 soit des facteurs généraux de l’escalade des conflits à l’intérieur d’un Etat50. Ils ignorent dès lors la dynamique de conflictualité qui s’opère entre les groupes ethniques. Dans ce cas, partir de l’analyse des conflits entre les groupes ethniques constitués pourrait permettre de lire avec beaucoup d’acuité les conflits civils qui secouent les Etats, particulièrement ceux d’Afrique. Des instruments de prévention des conflits, seul l’indice de l’Etat fragile propose non pas un ensemble, mais quelques indicateurs qui informent sur des situations potentielles d’escalade des conflits entre les groupes ethniques. D’où l’intérêt que nous portons à cet indice aussi bien pour ce qui est de ses indicateurs que de sa méthodologie.

  1. DE L’INDICE DE L’HORREUR : LE CAS DU SUD-KIVU

i.. L’indice de l’Etat fragile : base de l’Indice de l’Horreur

L’indice de l’Horreur est la potentialité dont dispose un groupe ethnique pour provoquer l’escalade des conflits. Il mesure les potentialités de l’horreur et de l’escalade des conflits à l’intérieur d’un groupe ethnique. C’est en fait l’indice qui quantifie la possibilité de l’horreur au niveau des groupes ethniques. La mesure de cet indice permet de classifier les groupes dans une échelle croissante, selon qu’il est perçu à un niveau d’horreur bas ou élevé dans ces groupes ethniques. L’indice de l’horreur s’inspire des données des indicateurs composites développés par Fund For Peace dont la méthodologie a pour base le Conflict Assessment Tool (CAST).

Le CAST est une méthodologie développée par Fund For Peace pour mesurer la vulnérabilité à chuter des Etats51. Le CAST mesure cette vulnérabilité dans les situations Pré, active et post-conflit. Les indicateurs sont qualitatifs et quantitatifs, ils proviennent des sources publiques pour produire des résultats quantifiables. Il inclut l’analyse de la situation des Etats, les risques politiques et des stratégies d’intervention. Cette méthodologie est à l’origine de l’indice de l’Etat fragile ou Fragile State Index (FSI) dans son acception anglosaxone. Cet indice propose un profil comparé des risques ou de vulnérabilité au conflit interne violent au plan global.

Le FSI présente les pressions subites par un Etat et le moment où elles entrainent sa chute. Chaque jour, le FFP collecte des milliers de rapports et d’informations à travers le monde, lesquelles détaillent l’existence des pressions social, politique et économique auxquelles font face chacun des 178 pays analysés. Les informations obtenues sont triangulées et critiquées pour obtenir des scores.

Dans la méthodologie du CAST, 12 indicateurs sont utilisés pour mesurer la condition de l’Etat à tout moment. Ces indicateurs sont les suivants : la pression démographique, réfugiés et personnes déplacées interne, les griefs des groupes, la fuite des cerveaux, l’inégalité du développement économique, la légitimité de l’Etat, les services publics, les droits de l’homme et l’exercice de la loi, les appareils sécuritaires, les élites factionnalisées, l’intervention externe. Ces indicateurs, en fonction du temps, permettent de voir si la condition s’améliore ou régresse. Chaque indicateur est classé dans une échelle allant de 1 à 10. 1 signifie faible et 10 signifie élevé. Le 10 marque le plus grand risque de chuter et de basculer dans la violence. 10 est le niveau dangereux, tandis que 1 est le niveau acceptable.

Pour un Etat, le rang est le score total qui est la somme des 12 indicateurs située dans une échelle de 0 à 120. Les 178 Etats sont divisés en 4 catégories en fonction des scores52. Cette catégorisation est la suivante :

  • les Etats dont le score se situe entre 90.0 et 120.0 sont classés dans la catégorie « alerte » rouge ;

  • les Etats dont le score se situe entre 60.0 et 89.9 sont classés dans la catégorie « attention » de couleur jaune-orange ;

  • les Etats dont le score se situe entre 30.0 et 59.9 sont classés dans la catégorie « stable » de couleur verte ;

  • les Etats dont le score se situe entre 0.0 et 29.9 sont classés dans la catégorie « soutenable » de couleur bleue ;

Les Etas qui ne sont pas évalués sont catégorisés comme non-applicable avec une couleur grise.

Les méthodes de collecte des données sont l’analyse contingente, les données quantitatives et les données qualitatives53. Tout d’abord, plusieurs millions de documents sont téléchargés (environ 42 millions chaque année), ils contiennent des informations, des articles de presse, des essais, des magazines, des discours, des rapports des gouvernements et des agences non gouvernementales. Par la suite, l’analyse contingente est utilisée pour scanner les documents en utilisant les phrases codifiées pour les indicateurs figurant dans la méthodologie du CAST. Le filtre introduit extrait les documents erronés qui ne contiennent pas les codes préalablement introduit pour les indicateurs. Dans un second temps, les données quantitatives des institutions réputées tel que le PNUD, l’OMS, le UNHCR, transparency International, la Banque Mondiale sont incorporées. Dans un troisième moment, les résultats sont comparés à ceux internes, à partir d’une revue qualitative de chaque indicateur pour chaque pays. Les données agrégées sont normalisées et classées dans une échelle de 0 à 10 pour obtenir le score final des 12 indicateurs pour les 178 Etats. Les résultats sont enfin critiqués par des analystes différents de ceux qui ont conduis la première recherche

  1. Méthodologie de l’Indice de l’Horreur

Dans la présente recherche, nous utilisons 4 des 12 indicateurs développés dans l’indice de l’Etat fragile. Ceci tient lieu d’un souci méthodologique. Ces indicateurs sont les suivants : le grief de groupe, les élites factionnalisées, le développement économique inégal et les réfugiés et personnes déplacées internes. Le tableau ci-dessous présente la description de ces indicateurs et des scores qui leur sont attribués54 :

Scores

Indicateurs

Grief de groupe

10

Le grief de groupe est extrêmement profond, engendre des actes organisés de représailles violentes de la part des milices et des miliciens en raison des injustices perçues, de la discrimination institutionnalisée, de l’exclusion politique ou d’un modèle constant d’atrocités commises en toute impunité. Résulte dans le nettoyage ethnique, l’extrémisme militant ou la saignée génocidaire.

9

Le grief de groupe est extrêmement profonds et génèrent des actes systématiques de représailles violentes combinées à de fréquentes poussées spontanées de violence collective

8

Le grief de groupe est profond et génère un modèle de violence spontanée avec l’apparition de groupes ethniques nationalistes «d’autodéfense» ou de groupes de protection qui surveillent les quartiers

7

Le grief de groupe n’est pas abordé et se développe avec des explosions sporadiques de violence des groupes souvent déclenchées par des événements ou des activités de provocation, y compris les médias qui inspirent le bouc émissaire, la violence de la foule et les hostilités des groupes

6

Les mécanismes de règlement des griefs des groupes sont en train d’émerger; La réconciliation croît et des mesures sont prises pour remédier aux injustices

5

Les griefs des groupes sont présents, mais ils reculent ou sont traités de façon provisoire

4

Les griefs des groupes sont en diminution, dans la mesure où les mécanismes permettant de les traiter sont institutionnalisés

3

Les griefs des groupes sont remplacés par des activités intercommunales ayant une intégration sociétale croissante

2

Les groupes lésés sont plus divers, règlent les divergences par les voies légales, le plaidoyer de la société civile, l’expression publique et une presse libre avec peu ou pas de violence

1

La société n’est plus divisée en divisions ethniques ou communales avec de fortes différences et les droits et griefs individuels sont traités par le système juridique et politique, la société civile et la liberté d’expression et de plaidoyer

0

Il n’y a jamais eu de grief de groupe

Développement économique inégal

10

Le développement économique inégal est tellement sévère entre les groupes que la violence ou de profonds griefs de groupes en résultent

9

Le développement économique inégal est sévère entre les groupes et la violence qui y est associée et le grief de groupe augmente

8

Le développement économique inégal est sévère entre les groupes et la violence qui y est associée est sporadique ou le grief de groupe est à la hausse

7

Le développement économique inégal est quelque peu sévère entre les groupes et la violence qui y est associée ou les manifestations de grief collectif est sporadique

6

Le développement économique inégal est quelque peu sévère entre les groupes, mais la violence qui y est associée est rare et / ou le grief de groupe est faible

5

Le développement économique inégal existe entre les groupes, mais la violence associée est inexistante et le grief de groupe faible ou inexistant

4

Le développement économique inégal existe, mais pas de façon claire entre les groupes et la violence associée et / ou le grief de groupe est inexistant

3

Il y a seulement un peu de développement économique inégal et il n’est pas clairement visible entre les groupes

2

Le développement économique inégal diminue

1

Le développement économique inégal est faible

0

Il n’y a pas de développement économique inégal

Élites factionnalisées

10

Il n’existe pas de classe politique ou de dirigeant national acceptable pour la majorité de la population; les leaders sont divisés en partis factionnistes; les chefs de guerre ou les chefs de faction soutenus par les milices ou un autocrate extrêmement répressif ou un parti dictatorial prend le pouvoir par la force, empêchant la formation d’une gouvernance stable, légitime et efficace

9

Une classe politique faible et déchirée et une direction nationale divisée, avec des ruptures fréquentes dans le gouvernement, un fort roulement des élites politiques et des structures politiques qui ne sont pas profondément enracinées ou présentes dans une grande partie de la société

8

Une classe politique faible et déchirée essaie de surmonter les divisions profondes avec les élites dirigeantes, mais sans succès durable et expérimente un échec fréquent dans des coalitions et alliances avec le gouvernement

7

Une classe politique faible et déchirée a eu quelques succès mineurs dans la formation de coalitions, l’obtention d’un consensus sur les structures constitutionnelles et la mise en place de programmes de gouvernance

6

Des alliances politiques et des coalitions fragiles qui font des progrès modestes dans la création de programmes gouvernementaux et l’établissement des bases constitutionnelles

5

Les partis politiques et les élites commencent à se stabiliser avec des programmes identifiables, des circonscriptions politiques, des règles de conduite politique, le respect croissant de la règle constitutionnelle

4

Les élites politiques tournent avec régularité et l’alternance politique est fluide. La polarisation politique, la confrontation et la rivalité peuvent être élevées mais sont gérées par des mécanismes constitutionnels

3

L’espace entre les élites politiques se rétrécit, il est principalement basé sur des questions de gouvernance plutôt que sur l’identité de groupe. Les orientations constitutionnelles sont respectées pour régler les différends politiques

2

Accord bipartisan sur la plupart des questions, avec un système constitutionnel hautement fonctionnel qui gère les différences fondées sur des problèmes dans des débats sains et ouverts

1

Un leadership national populaire et efficace, avec des intérêts politiques rivaux articulés et représentés par l’expression politique libre dans une structure constitutionnelle légitime soutenue par le peuple

0

Il n’y a pas de factions dans la direction politique

Réfugiés et personnes déplacées internes

10

Des millions de réfugiés ou de déplacés internes fuyant ou entrant dans le pays, ou déracinés à l’intérieur du pays, à cause de la violence, de la répression ou des catastrophes naturelles

9

Des centaines de milliers de personnes déplacées fuient la violence, la répression ou les catastrophes naturelles

8

Des dizaines de milliers de personnes sont en fuite

7

Des centaines de personnes déplacées sont en fuite

6

Certaines communautés sont en fuite

5

Les populations déplacées se sont stabilisées sous l’égide du HCR, des ONG ou des gouvernements d’accueil

4

Des milliers de personnes déplacées rentrent chez elles et sont absorbées dans les sociétés d’accueil ou sont rapatriées

3

Des centaines de personnes déplacées rentrent chez elles, sont absorbées dans les sociétés d’accueil ou sont rapatriées

2

Il existe un nombre insignifiant de personnes déplacées, absorbées dans les sociétés d’accueil ou rapatriées

1

Il existe un petit nombre de personnes déplacées et elles sont entièrement absorbées par les sociétés d’accueil

0

Il n’y a pas de réfugiés ou de personnes déplacées internes

A l’analyse, les données de l’indice de l’Etat fragile concernent la situation des Etats. Il ne serait donc pas pertinent de les utiliser dans l’ensemble pour catégoriser et classifier des relations entre groupes ethniques, tel que l’orientation de notre travail nous le recommande. Nous avons donc pour cela procéder à un choix qui consiste à identifier les indicateurs utiles pour caractériser les relations entre groupes ethniques. Ces indicateurs se rapprochent de la situation des interactions entre groupes ethniques. Ils nous permettent d’apprécier l’évolution ou la régression de l’horreur dans chaque groupe ethnique. Les 4 indicateurs développés dans l’indice de l’Etat fragile sont utilisés, y compris le système de mesure et d’échelle proposés par leur méthodologie d’origine. Ceci veut dire que l’échelle de mesure des indicateurs est de 0-10, comme dans la méthodologie développée par le CAST. Le niveau d’appréciation de l’horreur reste le même à l’exemple de celui proposé pour les Etats fragiles à savoir : alerte, attention, stable, soutenable. Dans l’ordre de l’échelle, le niveau 0 signifie que l’horreur est à son minimum tandis que le niveau 10 signifie que l’horreur est maximale. Aussi, un groupe dont le niveau de l’horreur présente l’indication « alerte » possède-t-il une plus grande potentialité d’entrer dans l’escalade de la violence. Tandis qu’un groupe dont le niveau de l’horreur présente l’indication « soutenable » est pacifique et a le risque le plus réduit d’entrer dans l’activité belligérante, en se confrontant directement à un ou plusieurs autres groupes.

Toutefois, il existe une nuance qui marque la distanciation avec l’indice de l’Etat fragile. En fait, les intervalles de l’indice de l’Etat fragile varient de 0 à 120, par le fait de l’utilisation de 12 indicateurs avec 10 sous indicateurs. Le produit de ces indicateurs par le nombre de sous indicateurs ou vecteurs de pressions des Etats (12×10) donne 120 qui délimite les frontières de l’indice de l’Etat fragile.

Dans notre cas, nous avons eu recours à 4 indicateurs et 10 vecteurs de l’horreur pour chaque indicateur. Le produit de ces indicateurs par le nombre de vecteurs de l’horreur par indicateur (4×10) donne 40. Dans ce cas, l’indice de l’horreur oscille entre 0 et 40. De là, découle la quadruple catégorisation des groupes ethniques en fonction du niveau de l’horreur perçu :

  • les groupes dont le score se situe entre 30.0 et 40 sont classés dans la catégorie « alerte» de couleur rouge ;

  • les groupes dont le score se situe entre 20.0 et 29.9 sont classés dans la catégorie «attention » de couleur jaune-orange ;

  • les groupes dont le score se situe entre 10.0 et 19.9 sont classés dans la catégorie «stable» de couleur verte ;

  • les groupes dont le score se situe entre 0.0 et 9.9 sont classés dans la catégorie «soutenable » de couleur bleue.

Cette catégorisation nous permet d’avoir juste un aspect de l’allure générale de ce que constitue l’indice de l’Horreur. Le second aspect constitue la dimension temporelle à savoir le moment(ou la période) dans lequel l’analyse de l’horreur se produit.

L’indice de l’Etat fragile se trouve par un calcul annuel. Nous considérons que cet espace de temps est assez long pour effectuer une analyse sur l’horreur, dans la mesure où les événements sont fluctuants au quotidien. Aussi, l’identification des facteurs d’escalade de la violence nécessite-t-elle la prise en compte d’un temps plus réduit. Ceci permet de réduire les risques d’omission de certaines observations faites et qui sont capitales dans la compréhension et l’évolution de l’horreur. C’est en cela que nous nous démarquons également de l’indice de l’Etat fragile. Nous considérons ainsi un espace temporel répartit en semestre sur une année. Ce choix prend en compte la collecte des informations relatives à l’horreur, l’analyse des informations et la transmission des rapports aux différents groupes impliqués dans les conflits, aux décideurs et aux institutions internationales.

  1. Formule de l’Indice de l’Horreur

L’Indice de l’Horreur est une fonction du temps. Il se trouve par la somme des valeurs des indicateurs composites mesurés pour un groupe ethnique, dans un espace de temps semestriel.

Si nous considérons que :

griefs des groupes= G ; développement économique inégal = D ; élites factionnalisées = E ; réfugiés et personnes déplacées internes = R ; IH = indice de l’horreur, nous aurons :

IH= (valeur de G+ valeur de D+ valeur de E+ valeur de R)/4

Cette formule montre que l’indice de l’Horreur se trouve par le quotient de la valeur des indicateurs composites sur le nombre de ces indicateurs qui est 4. Pour une plus bonne clarté de la formule, Si nous considérons également que :

Valeur de G = X ; valeur de D = Y ; valeur de E = Z ; valeur de R = P, alors nous aurons :

L’on peut appliquer cette formule pour trouver l’indice de l’Horreur pour chaque groupe ethnique.

De cette formule de l’indice de l’horreur, il peut découler l’appréciation de l’horreur, de manière générale, dans une localité ou région55. Dans ce cas, le nombre de groupes ethniques partageant cet espace géographique doit être pris en compte. Le lieu géographique est le principal élément qui permet de les regrouper. Si l’indice local de l’horreur s’applique à des groupes qui sont du ressort d’une même aire géographique au niveau local, cet indice est une variable du temps pris en compte, ainsi que du nombre de groupes identifiés dans la localité.

En outre si nous considérons que :

ILH = indice local de l’Horreur ; IH = somme des indices de chacun des groupes et N= nombre total de groupes ethniques, nous aurons :

En l’état, nous n’émettons pas de valeur, dans la mesure où nous sommes encore à la phase de modélisation. Dans l’application pratique, les variables sus-évoqués pris en compte peuvent présenter l’allure de l’horreur par groupe et au plan local.

Ces formules sont applicables au Sud Kivu. Dans cette région, nous distinguons 10 principaux groupes ethniques qui sont : Bashi, Barega, Bahavu, Bavira, Bafuliiru, Barundi, Babembe, Banyindu, Batwa, Banyamulenge.

Si nous voulons par exemple trouver l’indice de l’horreur pour le groupe Bafuliiru, nous appliquons juste la formule de l’indice de l’horreur développée ci-dessus à savoir :

Ce même calcul est effectué pour les autres groupes, tout en sachant bien sûr que X, Y, Z et P varient en fonction des groupes. Par conséquent, chaque groupe à ses propres valeurs X, Y, Z, P. Toutefois, il peut y exister des cas où X, Y, Z, P ont la même valeur pour chacun des groupes. Mais c’est juste une probabilité ; nous ne saurons l’occulter de notre analyse.

Au Sud Kivu, l’indice local de l’horreur sera trouvé par le calcul suivant :

IH étant la somme de l’indice de l’horreur de chacun des groupes ethniques du Sud Kivu.

CONCLUSION

Les instruments traditionnels de prévention des conflits ethniques omettent l’unité de prévention des conflits ethniques qu’est le groupe ethnique, dans leur proposition de limitation de la violence. Les mesures proposées relèvent de l’idéologie néolibérale de gestion des conflits. Ce qui implique que les groupes actifs dans les conflits ethniques soient des oubliés des mécanismes de paix, qui pourtant les concerne. L’accent est porté beaucoup plus sur des interventions externes dans la prévention des conflits. Cette façon d’opérer s’appesantit alors sur la formulation des indicateurs d’alerte précoce qui, pour la plupart, ne décrivent que soit des faits généraux de conflits sociaux ou des rapports conflictuels des groupes à l’Etat. Et pourtant, le développement des indicateurs des conflits, au sein et entre groupes ethniques, pourrait permettre, d’une part, une lecture aisée des conflits ethniques. D’autre part, elle permettrait de prévenir, avec beaucoup plus d’efficacité, les conflits entre groupes ethniques. D’où l’objectif de cet article qui visait la proposition d’un indice de l’horreur qui permettrait de prévenir à court, moyen et long terme, les conflits entre groupes ethniques à l’intérieur des Etats multiethniques.

L’indice de l’horreur mesure la potentialité de l’escalade des conflits à l’intérieur d’un groupe ethnique. Dans ce sens, l’indice de l’horreur servirait à alerter les parties en conflit sur les risques qu’ils encourent à plonger dans la violence. Il se mesure à travers 4 indicateurs composites qui sont : grief de groupe, développement économique inégal, élites factionnalisées, réfugiés et personnes déplacées internes. Il s’inspire ainsi de ces quelques indicateurs et de la méthodologie développés par Fund For Peace, dans l’élaboration de l’indice de l’Etat Fragile. L’indice de l’horreur permet donc de mesurer la violence au sein du groupe ethnique et au niveau local, pour une action rapide. C’est une contribution aux mécanismes d’alerte précoce de prévention des conflits et des recherches sur les voies solutionnant aux conflits dans les études de paix. C’est en même temps une voie de restauration des équilibres de paix à l’intérieur des Etats qui chaque année paient très cher le prix des violences interethniques, à l’instar de la République Démocratique du Congo, dans sa province du Sud-Kivu.

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  37. Zartman, William (dir): Preventive Negotiation. Lanham, Rowman and Littlefield, 2001


1 Je remercie le corps enseignant de l’Ecole Doctorale de la Faculté des Sciences Sociales et Relations Internationales de l’Université Protestante d’Afrique Centrale de Yaoundé et plus précisément : le Prof. David Simo, le Prof. Jean Emmanuel Pondi, le Prof. Célestin Tagou et le Prof. Alexandre Magloire Schouame, qui m’ont suggéré la rédaction de cet article.

2 Ce concept renvoie à une « Paix qui va au-delà d’une simple absence de guerre et de violence et présuppose une condition qui réunit harmonieusement les dimensions de justice sociale, d’égalité, de libertés politiques et individuelles, de plein épanouissement des potentialités de l’humain tout court et une existence harmonieuse avec l’écologie ». C’est donc l’absence des violences structurelle, culturelle et directe dans une société établit. Cf Tagou, Célestin (dir) : La dynamique des conflits, de la Paix et du Développement dans les Sociétés Africaines, du local au global. Yaoundé,PUPA, 2010, p. 31

3 Rey-Debove, Josette et Rey, Alain (dir) : Le nouveau Petit Robert de la langue française. Paris, Le Robert, 2009

4 Cf République Démocratique du Congo : Rapport du projet mapping concernant les violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire de la République Démocratique du Congo. Haut commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, août 2010

5 Voir à ce titre, United Nations Security Council : Letter dated 12 January 2015 from the Chair of the Security Council Committee established pursuant to resolution 1533 (2004) concerning the Democratic Republic of the Congo addressed to the President of the Security Council. Security Council, 2015

6 Braeckman, Colette : Les Nouveaux Prédateurs, Politique des puissances en Afrique Centrale. Paris, Fayard, 2003 pp 149-178

7 ibid

8 International Rescue Comittee : Mortality in Eastern Democratic Republic of Congo, results from eleven Mortality Surveys, 2000

9 Horrowitz, Donald : ethnic groups in conflict. University of California Press,Berkeley/Los Angeles/ California, 1985, p.3

10 Hossien Mohammadzadeh : the causes of ethnic conflict in multiethnic societies in World Scientific News 42, 2016

11 Voir à ce titre la catégorisation faite par Ashutosh Varshney :Ethnicity and ethnic conflict in Oxford Handbook of Comparative Politics, july 2009

12 Voir à ce titre la catégorisation faite par Karl Cordell et Stefan Wolff : Ethnic Conflict, causes-Consequences-responses. Cambridge/Malden, Polity Press, 2009

13 Sunny, Ronald Grigor: Why We Hate You: The Passions of Religious and Ethnic Violence in A Talk for Purdue University, November 7, 2002.

14 Rothschild, Joseph: Ethnopolitics: A Conceptual Framework. Columbia University Press, New York, 1981, p.247

15 Ganguly, Rajat: Why Do Ethnic Groups Mobilize? in R. Taras(ed): National Identities and Ethnic Minorities in Eastern Europe, Selected papers from the Fifth World Congress of Central and East European Studies,Warshaw, 1995, p. 49

16 A.Varshney : Ethnicity and Ethnic conflict, op.cit,

17 Ibid

18 Onuf, Nicholas: World of our making, rules and rule in social theory and international relations. Michigan,University of South Carolina Press, 1989

19 Roche, Jean Jacques: Théories des Relations Internationales. Paris ,Montchrestien, , 6è édition, 2006 , p.142

20 Simo, David : Elites et Constructions Identitaires : le piège tribal in Simo, David (dir) : Constructions Identitaires en Afrique. Yaoundé, CLE, 2006, PP 30-31

21 Id, p.31

22 Cf Galtung, Johan : Transcendance et Transformation des conflits, une introduction au métier de médiateur. Yaoundé, PUPA, Traduit par Célestin Tagou, 2010

23 Bjurner, Anders :Security for the next century :towards a wider concept of prevention in Wallensteen, Peter(dir):preventing violent conflict :past records,future challendes, report no 58,department of peace and conflict research,Uppsala University, Sweden, 1998

24 Melander, Erik, Pigache, Claire : Conflict Prevention, Concepts and Challenges consulté en ligne le 19 mai 2017 url : https://www.wilsoncenter.org/…/134-preventing-ethnic-conflict-macedonia-and-the-pl

25 ibid,p.13

26 id

27 id

28 Annan,Kofi:Progress Report of armed conflict.A/60/891,p.7

29 Lund S, Michael: Preventing violent conflicts. United States Institute of peace Press, Washington DC,1996,p.37

30 Boutros Boutros-Ghali: Challenges of preventive diplomacy:the role of the United Nations and its Secretary General in Cahill, Kevin(dir):Preventive diplomacy.Stopping wars before they start, Basic Books and the Center for International Health and Cooperation, 1996, p.18 cité par Niklas, Swanstrom and Weissmann, Mikael: Conflict, Conflict Prevention, Conflict Management and beyond, a conceptual exploration, central Asia-Caucasus Institute, Silk Road Studies, summer 2005,p.20

31 Carment, David and Albrecht, Schnabel: Introduction to conflict prevention: a concept in search of a policy in Carment, David and Albrecht, Schnabel (dir): Conflict prevention.Path to peace or grand illusion? United Nations University Press, Tokyo, 2003, p.11

32 Munuera, Gabriel: Preventing armed conflicts in Europe: Lessons learned from recent experience, Chaillot Paper, 1994, p.3

33 Zartman, William (dir): Preventive Negotiation. Rowman and Littlefield, Lanham, 2001

34 Voir à ce titre Lund, Michael : Conflict Prevention, Theory in pursuit of policy and practice in The Sage Handbook of Conflict Resolution, eds., J. Bercovitch, V. Kremenyuk, and I. W. Zartman, SAGE, London, 2009

35 Peck, Connie: Sustainable peace: the role of the UN and Regional organizations in preventing conflict. Rowman and Littlefield, Lanham,1998

36 Lund, Michael: Conflict Prevention: theory in pursuit of policy…,op.cit

37 Id

38 Id

39 Id,p.290, «  Les actions ou la politique qui résolvent les facteurs sociaux des conflits d’intérêt et/ou les déficits institutionnels, de procédure et politiques ou encore les capacités qui déterminent si les intérêts concurrents sont canalisés et mutuellement ajustés pacifiquement », traduction faite par nous même.

40 Kofi, Annan, cité par Lund, op.cit, p.290

41 Lund S, Michael: Conflict Prevention: theory in pursuit of policy and practice ,op.cit

42 Id

43 Tschirgi, Neclâ : Post-conflict Peacebuilding revisited : achievements, limitations, challenges in Peacebuilding Forum, New York, October 2004

44 Id

45 Boyce K, James : Economic policy for building peace: the lessons of El Salvador. Boulder,Lynne Rienner, 1996 cité par Neclâ Tschirgi, op.cit, p.14, «Ceux-ci nécessitent des politiques qui mobilisent des ressources pour le processus de paix et financent les coûts immédiats de la paix tout en abordant les relations à plus long terme entre la croissance économique, la répartition des revenus et la consolidation de la paix », traduction faite par nous même.

46 Collier, Paul (dir): Breaking the conflict trap: civil war and development policy. World Bank, Washington D.C, 2003

47 Paris, Roland : At war’s end : building peace after civil conflict. Cambridge University Press, 2004

48T. Necla : postconflict peacebuilding…op.cit

49 Voir à ce titre Vogt, Manuel et al : Integrating Data on Ethnicity, Geography and Conflict: The Ethnic Power Relations Dataset Family in Journal of Conflict Resolution, june 18, 2015

50 Voir à ce titre Clionadh Raleigh and Caitriona Dowd : Armed Conflict Location and Event Data Project (ACLED) Codebook 2017 in ACLED home page, url : https://www.acleddata.com/

51 Fund For Peace : CAST Conflict Assessment Framework Manual. Fund For Peace, Washington, 2014

52 Fund For Peace : What do the Colors and Categories in the Index and on the Map Signify? Consulté en ligne le 08 janvier 2017, http://fsi.fundforpeace.org/faq-05-heat-categories

53 Fund For Peace : What Methodology Was Used for the Ratings? Consulté en ligne le 08 janvier 2017, http://fsi.fundforpeace.org/faq-03-what-methodology

54 Nous précisons que les scores et les vecteurs des indicateurs utilisés ici sont ceux développés dans l’indice de l’Etat Fragile pour les catégories d’indicateurs que nous retenons pour analyser l’horreur.

55 Dans la présente recherche, l’indice de l’horreur au sein d’une région est dénommée indice local de l’horreur. Le terme local renvoie ici à la dimension géographique et intègre l’ensemble des groupes ethniques qui agissent au niveau provincial, si nous utilisons la répartition administrative de la RDC.