BELKHITER Soraya
Université d’Oran 2 – Algérie
Laboratoire LAFRAMA
Résumé: Cet article s’intéresse à la formation universitaire des enseignants de français de l’université d’Oran2. Notre objectif est de cerner les difficultés que rencontrent les nouvelles recrues sur le terrain ainsi que les causes auxquelles sont dues ces difficultés et de proposer quelques solutions qui pourraient y remédier. Notre réflexion porte surtout sur les compétences professionnelles et leur prise en charge dans la formation initiale des enseignants.
Mots clés : théorie, pratique, difficultés, compétences professionnelles, formation initiale, formation continue.
1. Introduction
Si enseigner est une tâche difficile, ce n’est pas pour autant une mission impossible. Etre enseignant, c’est être spécialiste de sa discipline. Or, cela implique que le futur enseignant aie reçu une formation universitaire efficace.
« La formation doit permettre à chaque enseignant d’exercer son métier dans les meilleures conditions, de développer ses connaissances et compétences professionnelles acquises dès les stages destinés aux étudiants»1.
Former des enseignants, c’est leurs faire acquérir un savoir, une technique, une attitude, un comportement, une capacité, un savoir-faire. Une formation des enseignants réussie est celle qui dote le formé de compétences professionnelles qu’il adaptera à toutes les situations didactiques. C’est aussi une formation qui lui permettra de répondre aux besoins et aux attentes de ses apprenants.
« Aider les enseignants à mener à bien les grands chantiers nécessaires pour relancer la dynamique de l’école, c’est d’abord leur assurer la meilleure formation initiale et continue possibles. »2
Certes, la formation initiale des futurs enseignants vise à les doter de connaissances de type académique, alors que ces derniers nécessitent avant tout la maîtrise de contenus d’enseignement et de pratiques pédagogiques leurs permettant d’exercer la fonction enseignante.
A travers cette recherche , nous tentons tout d’abord d’identifier les lacunes de la formation initiale des enseignants de français, ensuite de cerner les causes auxquelles sont dues ces lacunes pour enfin proposer des solutions qui seraient susceptibles de remédier aux lacunes des enseignants de français fraichement sortis de l’université.
L’enquête menée pour les besoins de notre thèse de doctorat en 2008 atteste que les nouvelles recrues rencontrent d’énormes difficultés qui compliquent leur quotidien.
Des difficultés qui sont souvent traduites par l’incapacité de réaliser plusieurs tâches relatives au métier d’enseignant. En effet, la formation universitaire des futurs enseignants de français en Algérie néglige l’aspect didactico-pédagogique aux dépens d’un savoir purement théorique. En d’autres termes, le programme de la licence de français privilégie la théorie à la pratique et ne vise point l’installation des compétences didactiques, pédagogiques et psychopédagogiques.
2. Définition de la notion de formation
Pour faire la lumière sur la notion de « formation », nous proposons les définitions suivantes :
La notion de formation selon le dictionnaire Larousse est la suivante :« FORMATION n.f. 1-Action de former qqn intellectuellement ou moralement ; instruction, éducation. »3
Le dictionnaire de didactique du français langue étrangère et seconde quant à lui, définit cette notion comme suit :
« Désigne l’action de former, c’est-à-dire de développer les qualités et les facultés d’une personne sur le plan physique, moral, intellectuel et professionnel, mais aussi le résultat de ce processus ». (CUQ, 2003 : 103)
L’acquisition d’une identité professionnelle passe nécessairement par l’installation d’un certains nombre de compétences de type : académique, didactique, pédagogique, psychopédagogique.
En effet, c’est lors da sa formation initiale que le formé acquiert les compétences susceptibles de lui garantir une efficacité sur le terrain. Qu’est ce que la formation initiale ?
2.1. Formation initiale
« Peut-on orienter la formation des maîtres autrement que vers l’acquisition de compétences ? Qu’y a-t-il de neuf dans une telle orientation ? Existe-t-il une alternative ? N’est-il pas évident qu’une pratique professionnelle complexe exige des compétences et que la formation a pour principale vocation d’en permettre le développement ? »4
Dans le passage ci-dessus, Philipe Perrenoud affirme que c’est la formation initiale qui garantit l’acquisition d’un certain nombre de compétences professionnelles.
La préoccupation première de la formation initiale dans le domaine de l’enseignement des langues étrangères est avant tout de préparer le futur enseignant à l’enseignement, ensuite à l’enseignement de la langue cible, en le dotant de compétences indispensables afin qu’il puisse apprendre à ses apprenants cette langue.
« On entend par formation initiale le premier programme d’études qui conduit à l’exercice d’un métier ou d’une profession. Elle est dite « initiale » parce qu’elle vise d’abord l’acquisition de compétences par une personne qui n’a jamais exercé la profession pour laquelle elle désire se préparer. Cette formation, de durées variables, peut être offerte par l’un ou l’autre des trois ordres d’enseignement (secondaire, collégial et universitaire). Elle est toujours sanctionnée par un diplôme. »5
La formation initiale est la formation de base pour les formés qui exerceront le métier d’enseignant. Elle sert à installer chez eux un bagage nécessaire pour exercer ce métier. Cependant, une simple maitrise des notions théoriques ne peut suffire. Il faut tenir compte des exigences de la fonction enseignante : le programme d’enseignement doit intégrer aussi bien la formation théorique que l’expérience pratique. 6
Selon Jean-Claude Forquin, il s’agit d’un
« Un parcours éducationnel, un ensemble suivi d’expériences d’apprentissage effectuées par quelqu’un, sous le contrôle d’une institution d’éducation formelle au cours d’une période donnée. » (Forquin ,1984 : 213)
2.1.1. La formation scientifique
Nous entendons dire par formation scientifique, le savoir académique. Un futur enseignant doit d’abord bien maîtriser un domaine de connaissances. Or, cela ne peut être réalisable d’une manière quelconque. Il suppose une formation théorique solide, qu’il reçoit pour l’essentiel à l’université. Il doit, ensuite, réfléchir sur la façon dont les connaissances théoriques peuvent être mobilisées sur le terrain. Enfin, il doit s’initier à la pratique enseignante en assistant à des cours ayant lieu en dehors de l’université (au primaire, au moyen, au secondaire) par la réalisation des séances d’observation. La formation scientifique s’appuie sur des modules favorisant le développement de compétences disciplinaires.
Il s’agit d’une étape d’initiation lors de laquelle l’étudiant prend conscience des éléments qui lui permettraient de s’engager d’une manière valable dans sa profession et en parallèle, les responsables prennent conscience de ses aptitudes. La formation scientifique devrait avoir comme principales finalités : la transmission de connaissances, le développement de compétences, de savoir-faire et de savoir-être.
Suite aux besoins de formation exprimés par les enseignants interrogés7, nous trouvons qu’il serait nécessaire que l’accent soit mis sur des disciplines telles que la didactique, la pédagogie, la pratique systématique de la langue et la psychologie de l’enfant et de l’adolescent.
Ces disciplines ne sont pas choisies par hasard. La réalité du terrain ainsi que les exigences de la fonction enseignante font en sorte que le dispositif de la formation des enseignants s’appuie, en grande partie, sur les disciplines su-citées.
La formation initiale doit tenir compte des exigences de la fonction enseignante. Certes, le savoir académique est l’une des ses principales composantes. Cependant, une professionnalisation de la formation initiale (articulation entre le savoir académique et les compétences professionnelles) permet au formé d’obtenir le statut d’enseignant qualifié.
Après avoir vécu cette étape, nous assistons à une seconde phase où le futur enseignant poursuivra sa formation sous forme de séances et de stages plus poussés.
2.1.2. La formation pratique
Il s’agit sans conteste du meilleur moyen favorisant le développement de compétences professionnelles. Par le biais du stage pratique, le formé parvient à mettre en application en situation de classe les acquis de la formation scientifique. Des auteurs tels que (De Cock, 2007 ; Altet, 2008 ; Beckers, 2007) ont avancé des arguments prouvant l’importance des stages pratiques. D’après eux, l’importance de la pratique de stages se regroupe en trois catégories :
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« Le stage permet aux futurs enseignants de développer des compétences professionnelles et de construire leur identité professionnelle ;
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Le stage permet aux futurs enseignants d’acquérir une image réaliste du métier ;
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Le stage permet aux futurs enseignants de se socialiser à la profession »8.
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Nous remarquons que le stage représente, pour les auteurs su-cités, une composante fondamentale de la formation initiale favorisant l’installation de compétences professionnelles.
Beckers le confirme également en disant que : « Le stage reste irremplaçable pour la construction identitaire et le développement de compétences liées à ce métier ».9
Dans son ouvrage intitulé « Conseil et formation », Patrice Pelpel affirme, lui aussi, que l’installation de compétences professionnelles ne peut se faire que par la pratique de stage pédagogique. Il s’agit, selon lui, d’une expérience concrète que vit le stagiaire et qui lui permet à la fois d’être observé, aidé, guidé et supervisé par son encadreur. Dans le tableau ci-dessous, Patrice Pelpel détermine l’ensemble des rôles propres à l’encadreur et au stagiaire :
Avant |
Pendant |
Après |
information : le stagiaire attend qu’il soit informé avec précision sur le travail qu’il doit effectuer, sur les objectifs fixés et les méthodes utilisées. Mais cela n’empêche pas qu’une certaine liberté lui sera accordée. |
collaboration : il s’agit de la préparation des différentes interventions que le stagiaire va réaliser et celles-ci supposent une collaboration avec son encadreur. Alors, ce dernier sera rassuré sur ce qui va être mis en œuvre avec ses apprenants et le stagiaire à son tour sera sécurisé. – L’observation et le contrôle : l’encadreur effectuera ces tâches afin de valoriser le travail du stagiaire, autrement dit, une liste de points forts et de points faibles lui sera remise. De là il pourra se perfectionner, rendre plus au moins complet ce qui est incomplet et embellir ce qui reste insuffisant. |
l’étudiant ayant vécu des situations d’apprentissage concrètes pourra exercer sa profession tout en étant rassuré, surtout lorsqu’il s’agit d’un stage pédagogique qui a eu lieu au niveau du cycle où il enseignera. Mais, cela ne nie point qu’un enseignant continue à apprendre même après l’achèvement de la formation. |
2.2. La formation continue
Si la formation initiale se préoccupe d’aider les futurs enseignants à construire leur identité professionnelle, la formation continue des enseignants veille à les doter de compétences nécessaires aux évolutions du secteur de l’éducation.
« La formation continue contribue à l’amélioration des pratiques professionnelles, des qualifications en vue de leur promotion ainsi qu’à l’enrichissement culturel et à la réalisation de projets personnels, et ce pour toutes les catégories, sans exception. Il faut donc augmenter substantiellement les crédits affectés à la formation continue et prendre en compte les demandes des personnels. La formation continue doit répondre de façon équilibrée aux exigences institutionnelles et aux aspirations de l’individu. »10
La formation continue constitue un point d’appui essentiel dans la réussite de la nouvelle recrue dans sa profession, car elle l’aide à gérer la complexité de son métier. Il s’agit, en effet, d’une phase de perfectionnement.
Selon Limbos : « Le perfectionnement signifie une approche plus approfondie de certains aspects de la fonction d’animateur notamment au plan technique ou pédagogique. »11.
Le perfectionnement est un besoin qu’éprouve chaque débutant dans sa fonction. Au cours de ses activités, il se rend compte que certaines lacunes existent dans ses procédures, ses méthodes, ses techniques. D’ailleurs, rien n’est acquis d’une manière définitive, il faut s’instruire davantage en vue d’une amélioration comme on le souligne dans le passage ci dessous :
« Apprendre à devenir génial, enthousiaste, passionné… et communiquer cette flamme, est-ce que cela s’enseigne, est-ce que cela s’apprend suffisamment à l’université ? Est-ce un gage de qualité ? Je fais le pari que pour la profession enseignante – et pour bien d’autres-il y a là une avenue à explorer et à matérialiser. Je pense que l’on peut progresser sur ce terrain. »12
Tout enseignant débutant constatera que des lacunes subsistent dans sa formation initiale qu’il n’est pas préparé à accomplir certaines tâches. d’où le besoin de se perfectionner via une formation continue. Celle-ci construirait davantage leur identité professionnelle (séminaires et journées pédagogiques).
Il est indispensable que pratique professionnelle et formation continue soient alternées. Cependant, elles ne peuvent suffire. Une autoformation l’aiderait, sans doute, à faire face à la complexité de la fonction enseignante.
2.3. L’autoformation : un concept au service d’une pédagogie de l’autonomie
Selon l’encyclopédie Wikipédia autoformation signifie autodidaxie. C’est-à-dire, une pratique dont le but est d’apprendre individuellement tel qu’on l’exprime dans le passage qui suit :
« L’autodidaxie (ou autoformation) est un terme générique qui qualifie habituellement l’action d’une personne à se former elle-même, dans un cadre qui lui est propre, d’une façon plus au moins éloignée des structures et institutions enseignantes et formatives. »13
L’autoformation ou autodidaxie ne signifie point un parcours d’apprentissage ayant lieu sans l’aide de personne. L’autoformation est une attitude, une démarche individuelle que l’apprenant effectue vis-à-vis du savoir et la façon de l’acquérir. En effet, « L’autoformation est une méthode de formation active visant à la construction des savoirs par les formés eux-mêmes. »14. L’apprenant fournit des efforts personnels pour assimiler les connaissances. Selon Barry Nyhan :
« Se former, c’est apprendre à reconnaître ce que l’on ne sait pas. (…). C’est apprendre à résoudre les problèmes (…).Bref, s’engager dans l’autoformation, c’est éveiller en soi des capacités d’autonomie et de responsabilité. » 15
L’apprenant apprend seul, devient responsable et parvient à résoudre des situations problèmes. Comme le souligne Pascal Galvani : « L’autoformation, c’est la formation de soi par soi : se former, se créer, se donner une forme, s’approprier et s’appliquer à soi-même le processus de formation. »16
Certes, l’autoformation permet de combler en quelque sorte les insuffisances d’uneformation initiale. Cependant, selon Allouche-Benayoun. J, Pariat. M « La formation est le lieu de la structuration identitaire professionnelle de formés. » 17 Et selon Michel Lesne :
« Une connaissance concrète des réalités du travail semble constituer un des critères les plus retenus, liés à la nécessité de se référer à des exemples réels, à des expériences vécues, afin que l’enrichissement des personnels en formation, au niveau des connaissances méthodologiques et théoriques, puisse s’accompagner de possibilités réelles d’application. »18
2.4. Vers une formation professionnalisante
« Préparer une leçon, un cours, une séquence de formation, c’est concevoir un dispositif pédagogique capable de motiver ceux qui doivent apprendre, c’est présenter des contenus rigoureux, permettre leur appropriation progressive, prévoir les évaluations nécessaires, organiser les systèmes de recours pour ceux qui sont en difficulté ou en échec. Bref, préparer une leçon, c’est se situer délibérément du côté de celui qui apprend et préparer le chemin de son apprentissage. C’est interroger les savoirs pour trouver les moyens de les rendre accessibles. C’est travailler à impliquer ceux qui apprennent…car sans leur aide, leur participation active, la mobilisation de leur intelligence, le projet est condamné par avance. »19 Alain Rieunier
Un futur enseignant doit maitriser un ensemble de compétences nécessaires quant à la fonction enseignante et une formation initiale efficace est celle qui sert à sa professionnalisation.
D’après « le référentiel » de compétences de Philipe PERRENOUD, la formation des enseignants doit mettre l’accent sur l’ensemble des compétences suivantes20 :
1. « Organiser et animer des situations d’apprentissage. »
2. « Gérer la progression des apprentissages. »
3. « Concevoir et faire évoluer des dispositifs de différenciation.»
4. « Impliquer les élèves dans leurs apprentissages et leur travail. »
5. « Travailler en équipe. »
6. « Participer à la gestion de l’école. »
7. « Informer et impliquer les parents. »
8. « Se servir des technologies nouvelles. »
9. « Affronter les devoirs et les dilemmes éthiques de la profession. »
Un autre spécialiste de la formation des formateurs, affirme que six domaines de compétences sont à la base de l’acquisition de l’identité professionnelle par le futur enseignant. Ces domaines sont les suivants :
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« Le domaine de la maîtrise des connaissances disciplinaires et didactiques, de la conception et de la planification de l’enseignement » ;
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« Le domaine de la gestion de classe, de la régulation, de la remédiation et de la différenciation des apprentissages » ;
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« Le domaine de l’analyse réflexive, de l’autoévaluation et de l’autoformation » ;
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« Le domaine de la communication et de l’interaction en équipe » ;
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« Le domaine des compétences méthodologiques » ;
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« Le domaine de l’éthique professionnelle »21.
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Dans le cadre de notre recherche nous avons retenues les domaines liés aux compétences didactiques et aux compétences pédagogiques.
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Compétences didactiques : la maîtrise des connaissances disciplinaires et didactiques, de la conception et de la planification de l’enseignement
L’enseignant bien qu’il soit fraichement sorti de l’université doit avoir une parfaite maitrise de la discipline enseignée et de la langue utilisée en classe. En plus d’une parfaite maitrise de celles-ci, il doit planifier les objectifs d’apprentissage à atteindre.
Au terme de la formation initiale, le formé doit être en mesure de :
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« Maîtriser le savoir disciplinaire et les concepts didactiques propres à une discipline » ;
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« Maîtriser la langue d’enseignement, orale et écrite » ;
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« Concevoir, gérer, adapter et évaluer des séquences et des activités d’apprentissage » ;
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« Travailler à partir des représentations des élèves, de leurs erreurs et des obstacles à l’apprentissage » ;
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« Engager les élèves dans des activités de recherche, dans des projets de connaissance ».
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Compétence pédagogique : Exercer la médiation, gérer la classe et la progression des apprentissages
L’enseignant médiateur doit établir un bilan quant aux lacunes et aux forces de ses apprenants, et ce, par le biais d’une évaluation formative afin d’aider ceux qui sont en difficultés d’apprentissage à s’améliorer.
Au terme de la formation initiale, le formé doit être en mesure de:
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« Pratiquer du soutien intégré, travailler avec des élèves en difficulté » ;
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« Mettre en place un processus d’évaluation formative » ;
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« Analyser les résultats et les causes d’erreurs ou de difficultés » ;
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« Mettre à disposition des outils d’aide » ;
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« Adapter le choix des situations d’apprentissage et l’organisation des séances aux besoins du groupe, à leurs réussites et à leurs difficultés, et en fonction de leurs comportements » ;
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« Evaluer la progression des apprentissages » ;
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« Etablir des bilans périodiques de compétences et prendre des décisions de progression ».
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Nous remarquons que les compétences didactiques désignent tout ce qui se rapporte à la relation enseignant-savoir dans le processus enseigné. Les étudiants futurs enseignants doivent avoir une parfaite maitrise de la discipline qu’ils vont enseigner et transformer, par le biais de la transposition didactique, les savoirs savants en savoirs enseignés.
Les compétences pédagogiques quant à elles, concernent tout ce qui est en rapport avec la relation enseignant-enseigné dans le processus former. Ce sont des compétences qui permettent à l’étudiant futur-enseignant de connaitre les différents rôles qu’il peut et doit occuper. Il doit être médiateur, conseiller, facilitateur et/ou guide. Comme il doit mettre en œuvre des stratégies efficaces en vu de développer des compétences chez ses apprenants.
En plus des domaines de compétences su-cités il existerait d’autres domaines de compétences qui sont reconnus comme étant prioritaires dans la formation universitaire des enseignants. Puisque tel est le cas, devrions-nous former des futurs enseignants ou des futurs formateurs ? Autrement dit, la professionnalisation des formés nécessite-elle une formation privilégiant l’accumulation de connaissances ou le développement de compétences
Qu’en est-il de la formation des enseignants de français en Algérie et plus particulièrement au niveau de l’université d’Oran 2 ?
3. Enquête auprès des nouvelles recrues
Notre recherche est une étude de cas réalisée auprès des enseignants de français fraichement sortis de l’université d’Oran 2. L’objectif c’est de cerner les difficultés d’insertion professionnelle de ces derniers et d’apporter des réponses aux multiples questions relatives à la formation des formateurs.
3.1. L’échantillonnage
Nous avons interrogé par le biais d’un questionnaire cinquante nouveaux enseignants. Ces derniers sont titulaires d’une « licence d’enseignement de français » et exercent dans le cycle primaire ou moyen.
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Le questionnaire
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Nous avons choisi pour l’évaluation des compétences de base des futurs enseignants de français à l’issue de leur formation la technique du questionnaire. Celui-ci compte dix questions (ouvertes et fermées) se rapportant, en grande partie, à la formation des enseignants de français à l’université d’Oran. De même qu’il est inspiré du référentiel des compétences professionnelles des enseignants cité ci-dessus.
4. Résultats et discussion
L’analyse des résultats se présente comme suit:
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Quelles sont les tâches que vous ne parvenez pas à réaliser ?
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Faire parler vos apprenants (95%);
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Préparer une fiche pédagogique (90%) ;
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Planifier vos objectifs (91%) ;
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Gérer vos classes (98%) ;
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Diagnostiquer les lacunes et les besoins de vos apprenants (98%) ;
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Choisir des supports adéquats (96%);
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Remédier aux lacunes de vos apprenants (91%).
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Les pourcentages retenus pour cette question, parlent d’eux-mêmes. En effet, les résultats nous montrent d’entrée que les nouvelles recrues aucune compétence didactique, et que celle-ci est quasi inexistante. Le prorata des réponses données à cette question nous pousse à nous interroger sur les causes qui sont à l’origine de cette incapacité à réaliser l’ensemble de ces tâches.
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Quelles en sont, d’après vous, les causes ?
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Formation universitaire insuffisante (95%)
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Absence du stage pratique (100%)
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À la lecture de ces résultats, nous remarquons qu’un nombre important des enquêtés soit la totalité trouve qu’il s’agit d’un problème de formation initiale.
La formation universitaire : 95% des enquêtés qualifient la formation universitaire d’insuffisante. Il faut savoir qu’à cette interrogation, les propos de ces derniers vont dans le même sens, et leurs avis quant à la formation initiale des futurs enseignants de français sont plutôt négatifs. Les réponses qui reviennent souvent sont : « formation théorique », « formation insuffisante », « formation inappropriée », « formation inadéquate », « formation qui ne prépare pas au métier d’enseignant ». Ils trouvent que le déséquilibre est flagrant entre les matières enseignées et le volume horaire concernant celles-ci. Ils estiment que les matières qui sont en rapport direct avec la fonction enseignante et ciblant la compétence professionnelle sont inexistantes ou ne sont introduites qu’en dernière année de licence. Du point de vu quantitatif, le module de didactique bénéficie d’un nombre d’heures très restreint : ce n’est qu’en dernière année de licence que les étudiants apprennent cette matière.
L’absence du stage pratique : la totalité des enseignants interrogés soit 100% voient l’absence de stage pratique de la formation des futurs enseignants de français comme l’une des principales causes empêchant la professionnalisation de ces derniers .
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Afin que cette formation puisse répondre aux exigences de la fonction enseignante quels seraient, d’après vous, les changements à faire ?
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Afin de répondre aux besoins du métier d’enseignants, les enseignants néophytes suggèrent de :
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Intégrer dans le programme de la licence de français le stage pratique (100%) ;
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Etaler la formation sur quatre années (85%) ;
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Accroitre le volume horaire de modules ciblant l’installation de la compétence communicationnelle et la compétence didactico-pédagogique (99%).
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5. Conclusion
Enseigner est un métier qui nécessite une formation initiale efficace. Une formation qui ne se limite pas à des contenus d’enseignement purement théoriques ne ciblant point le développement de la compétence professionnelle, la compétence pédagogique et autre type de compétences.
Au terme de cette expérimentation, nous pouvons certifier que la formation universitaire des enseignants de français en Algérie :
1. ne peut prétendre au statut d’une formation professionnelle.
2. néglige l’aspect pédagogique au détriment d’un savoir purement disciplinaire.
3. est inefficace. Cette inefficacité s’explique par l’absence de stage pratique : il s’agit de privilégier une approche théorique au détriment de la pratique, alors que celle-ci est très importante dans la formation professionnelle des enseignants.
Aujourd’hui beaucoup de travail reste à faire pour améliorer la formation universitaire. Les résultats obtenus de l’enquête faite auprès des nouvelles recrues interpellent d’une façon ou d’une autre la tutelle pédagogique. Certes, les contenus d’enseignement du programme de la licence de français sont à revoir. Cependant, nous n’espérons point qu’il y ait une formation prenant l’allure d’une machine humaine dans une procédure mécaniste robotisant le formé.
A vrai dire, nous ne pouvons prétendre à un caractère définitif du formé, car il existera toujours quelques compétences qui ne seront totalement acquises par ce dernier.
Le métier d’enseignant nécessitera sans doute une formation continue et un constant apprentissage de la part de la personne qui l’exerce.
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1 http://eduscol.education.fr/pid23276/formation-des-enseignants.html , consulté le 27/01/2008.
2http://www.education.gouv.fr/cid373/intervention-de-luc-ferry-ameliorer-la-formation-des-enseignants.html . Consulté le 27.01.2008
3 Larousse, 2002, « Dictionnaire du petit Larousse grand format », Paris, p. 444, éd le Larousse.
4http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_1993/1993_03.html , consulté le 24.01.2008.
5 http://www.afjv.com/juridique/030707_formation_1.htm . Consulté le 26.01.2008
6 Il s’agit des contenus d’enseignement non lacunaires, l’accumulation des connaissances, la mobilisation des compétences et la pratique de stages pédagogiques.
7 Besoins exprimés dans l’enquête faite pour les besoins de notre magistère.
8revueeducationformation.be/include/download.php?idRevue=11&idRes=101,consulté le 10.10.13
9revueeducationformation.be/include/download.php?idRevue=11&idRes=101,consulté le 10.10.13.
10http://www.lamaisondesenseignants.com/index.php?action=afficher&id=2497&rub=5 ,consulté le 20.12.07.
11 Limbos. E, 1979, « La formation des animateurs de groupes de jeunes », Paris, p. 57, éd ESF Entreprise Moderne D’Edition, 93 pages.
12 http://www.aglouvain.be/wiki/index.php/Cartes_blanches , consulté le 25.01.08.
13http://fr.wikipedia.org/wiki/Construcctivisme_%28psychologie%29, consulté le 20.01.08.
14Dalgalian. G, Lieutaud. S, Weiss. F, 1981, « Pour un nouvel enseignement des langues et une nouvelle formation des enseignants », Paris, p. 107, éd CLE international, 143 pages.
15 Nyhan. B, in Prévost. H, 1994. Op. Cit. ,p. 47.
16 Galvani. P, in Prévost. Ibid. p. 50.
17 Allouche-Benayoun. J, Pariat. M, 2000, « La fonction formateur », Paris, p. 119, éd Dunod, 233 pages.
18 Lesne. M, in Allouche-Benayoun. J, Pariat. M, .Op. cit. p. 127.
19https://books.google.dz/books/about/Pr%C3%A9parer_un_cours.html?id=eD-pIgAACAAJ&redir_esc=y. Consulté le 16.06.2013
20https://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_2001/2001_04.html. Consulté le 08.01.08
21 http://www.rifeff.org/pdf/Ouvrage_fef_2.pdf. Consulté le 18.09.2011