L’importance des langues étrangères dans le marché du travail

FELLAH Fatima Zohra
Doctorante à l’Université d’Oran 2

Résumé :Aujourd’hui, une grande importance dans l’éducation a été accordée à la notion de compétence communicative ; la capacité de bien communiquer avec autrui et d’échanger de l’information devenant ainsi indispensable. La langue françaisen’est plus considérée comme une question de grammaire seulement. Sa maîtrise estune compétence que les apprenants et les étudiants doivent acquérir en priorité pour pouvoir réussir leurs études et leur avenir professionnel et intellectuel. L’objectif que nous fixons à travers cette réflexion s’articule autour du rôle de la langue étrangère (FLE) dans le marché du travail.

Mots clés : Enseignement/apprentissage- FLE- Apprenant- Marché du travail.

Abstract: The importance of foreign languages in the labor market

Today, a great importance in education has been given to the notion of communicative competence; the ability to communicate well with others and to exchange information thus becoming essential. The french language is no longer considered a question of grammar only. His master’s degree is a skill that learners and students must acquire in order to succeed in their studies and their professional and intellectual future.The objective we set out in this reflection revolves around the role of the foreign language (FLE) in the labor market.

Key words: Teaching / Learning- FLE- Learner- Labor Market.

Introduction

Il est généralement admis que le FLEjoue un rôle particulier dans le développement de l’apprenant, de sorte qu’il n’est pas seulement considéré comme un outil de communication, mais un pivot pour le développement de saréflexion, la construction de son identité et son développement personnel.

L’objectif de cette étude est de proposer une réflexion sur la relation qui existe entre la maîtrise du FLE et le marché du travail.L’existence même de tels liens ne fait guère de doute. Tout étudiant la reconnaît d’une manière ou d’une autre.

Dans le domaine de l’enseignement/apprentissage, la culture et le comportement social ontaussi un impact très important dans l’acquisition d’une langue étrangère(FLE)car l’étudiant est confronté à différentes langues étrangères (français, anglais, espagnol…) donc à des cultures divergentes. Sur ce point, Colles et al (2005. P. 135) expliquent : « La didactique des langues doit dépasser le simple objectif de développer les compétences linguistiques des apprenants afin d’enrichir les représentations et les attitudes à l’égard des pays et des habitants dont ils apprennent la langue. L’utilisation d’une langue en situation réelle implique une connaissance de la société sous tous ses aspects : réalité actuelle, arrière-plan historique, codes comportementaux, valeurs morales, etc. »

Nous avons constaté que les étudiants inscrits en 2ème année master, option commerce international de l’Université Ibn Khaldoun à Tiaret font une formation en langue arabe, alors que le français est plus demandé et utilisé comme langue de travail et d’embauche.

Ce constat nous conduit à formuler la question suivante : La connaissance et la maîtrise du FLE représentent-elles une condition nécessaire et suffisante pour accéder au marché du travail ?Autrement dit,

Est-ce que le fait d’apprendre une langue et sa culture permet aux apprenants d’ouvrir la voie qui suscite à les intégrer dans le marché du travail ?

Cela nous amène à envisager d’autres questions comme :

-L’apprentissage du FLEa- t-il un impact sur le marché du travail ?

-Est-ce que l’enseignement/apprentissage du FLE se résume dans l’accumulation des connaissances théoriques et la maîtrise du système linguistique (la grammaire, le vocabulaire et la syntaxe) ou devrait-il se concrétiser par le transfert des connaissances scolaires en savoir-faire et savoir-être utilisable dans la vie professionnelle ?

Le FLE est utilisé comme langue de travail et comme langue de communication, sa maîtrise représente un critère lors de l’embauche. Pour cela nous avons formulé les hypothèses suivantes :

-Le français, langue de transmission des savoirs disciplinaires à l’université, contribuerait significativement à l’insertion et au maintien de l’étudiant dans le marché du travail

-Les compétences linguistiques de l’étudiant favoriseraient l’insertion professionnelle.

Premièrement, nous présentons quelques références théoriques qui sous-tendent notre étude, en précisant quelques pistes de recherches ayant rapport à l’objet qui nous occupe : le concept de langue. Puis, nous proposons des réflexions axées sur la relation qui existe entre la langue et la culture, ensuite la langue et le marché du travail.

1. Le concept de langue

On apprend une langue pour des raisons sociales, pour être capable de communiquer, de prendre part à des interactions sociales et pour faire partir d’un groupe.

Pour définir ce concept, nous nous référons à Jean Paul Cuq et Isabelle Gruca à leur livre, Cours de didactique du français langue étrangère et seconde.

1.1. La langue, concept linguistique

Selon la tradition linguistique, le concept de langue est établi sur deux aspects, un aspect abstrait et systématique, et un aspect social (Jean Pierre Cuq.2002. P 37). La langue est conçue comme un système abstrait de signes dont on veut étudier, de façon séparée ou concomitante suivant la théorie, l’évolution, les aspects phonétiques, la morphologie, le lexique, la syntaxe, la sémantique. Pour cet aspect de la langue, Jean Pierre Cuq utilise le mot d’idiome.

Le second aspect, est aujourd’hui valorisé, justifie les travaux de la sociolinguistique, comprise au sens large comme la partie de la linguistique qui s’occupe des rapports entre les langues et les locuteurs. Le terme de langue lui-même est ambigu parce qu’il « comporte un jugement, manifeste une émotion ou uneopinion » (Joshua Fishman.1971. P.35). Jean Pierre Cuq, pour sa part préfère utiliser le mot de variété pour désigner des réalisations systématiques de variantes (Géographique, sociales, ou autres) d’un même idiome.

Pour la linguistique, elle-même, le concept éponyme de langue peut donc être conçu de façon plus ou moins restreinte : il peut se limiter à l’étude du système abstrait ou englober, de façon plus large la mise en acte de ce système et par conséquent les locuteurs, que ce soit à titre individuel ou collectif.

1.1.2. La langue, concept didactique

Selon Jean Pierre Cuq (Op. Cit. P.37), il existe deux paramètres qui fondent le concept de langue en didactique et qui ne sont pas pris en compte en tant que tels par la linguistique. Le premier est que la didactique fait de la langue un objet d’enseignement et d’apprentissage. Le second, qui élargit considérablement l’objet lui-même, est l’aspect culturel de la langue. Comme le dit Porcher (1995. P. 53) « Toute langue véhicule avec elle une culture dont elle est à la fois la productrice et le produit »

Du point de vue didactique, la langue est définit comme un objet d’enseignement et d’apprentissage composé d’un idiome et d’une culture.

Saussure à son tour a parlé de langue. Pour lui, la langue se différencie de la parole qui est l’expression des variations individuelles. Dans cette optique, la langue est un contrat collectif accepté par tous les membres, un produit social « extérieur à l’individu » qui ne peut ni la créer, ni la modifier, mais qui l’enregistre passivement.

2. Culture

Nous ne nous lancerons pas ici dans des considérations compliquées et dans de longues discussions au sujet de la définition de la culture parce qu’il s’agit d’un concept polysémique et variable qui change selon les disciplines et les approches théoriques convoquées. La notion « culture » est vue en didactique des langues comme « un ensemble de schèmes interprétatifs, c’est-à-dire un ensemble de données, de principes et de conventions qui guident les comportements des acteurs sociaux et qui constituent la grille d’analyse sur la base de laquelle ils interprètent les comportements d’autrui (comportement incluant les comportements verbaux, c’est-à-dire les pratiques linguistiques et les messages) »(Blanchet. 2007. P. 22 ;cité par Rana Kandeel. 2013)

La langue, la façon de vivre et les formes des échanges ainsi que les différents modes d’interaction avec les autres font partie d’une culture, car cette dernière, se voit, se pratique et se partage dans les situations de communication. En ce sens, Louis Porcher (1995. p.55) dit « Une culture est un ensemble de pratiques communes, de manière de voir, de penser et de faire qui contribuent à définir les appartenances des individus, c’est-à-dire les héritages partagés dont ceux-ci sont les produits et qui constituent une partie de leur identité »

Enfin (Riley. 1998) distingue trois types de savoirs, « savoir que », « savoir de » et « savoir comment », pour lui la culture est une « connaissance sociale dans la plus large acception du terme ».

3. Rapport entre langue et culture

L’acquisition d’un système linguistique n’est pas suffisante pour permettre l’accès à la culture d’une langue étrangère. Pour cette raison, il est important que la culture soit prise comme une nécessité dans l’enseignement/ apprentissage d’une langue étrangère ; vu que « L’apprentissage de la culture est […] un facteur clé dans l’aptitude à employer et à maîtriser un système linguistique étranger et non pas simplement la déclaration plutôt arbitraire que l’apprentissage de la culture fait partie de l’enseignement des langues» (Byrem. 1992. P. 88)

Les réflexions en didactique des langues étrangères admettent que la langue et la culture sont intimement liées, et que l’approche des langues étrangères permet d’entrer en contact avec « des individus appartenanteffectivement à une autre société » (Beacco. 1995) ; cette réflexion sur la langue-culture étrangère enrichit les connaissances de l’apprenant et développe son travail analytique comme le confirme le CECRL1« Les compétences linguistiques et culturelles relatives à chaque langue sont modifiées par la connaissance de l’autre et contribuent à la prise de conscience interculturelle, aux habiletés et aux savoir-faire. Elles permettent à l’individu de développer une personnalité plus riche et plus complexe et d’accroître sa capacité à apprendre d’autres langues étrangères et à s’ouvrir à des expériences culturelles nouvelles » (Conseil de l’Europe. 2000. P. 40).

En réalité, chaque culture s’exprime par le biais d’une langue, c’est-à-dire que la langue exprime la pensée, les savoirs et les traditions des sociétés.Pour Pierre Bourdieu, s’approprier une langue étrangère modifie considérablement le capital culturel d’un individu, il s’agit pour lui de maîtriser suffisamment le réseau symbolique qui la constitue en tant que langue étrangère pour être capable de produire et de recevoir du sens en cette langue. L’approche d’une autre culture permet d’affirmer une identité individuelle. Louis Porcher (1995. P.60) dit à ce propos « Pour être complète, une compétence culturelle doit inclure une compétence interculturelle »Mackey. W (P. 106) à son tour ajoute « […] la puissance d’une langue n’est pas due à sa valeur linguistique interne à la forme de ses mots ou auxstructures de sa grammaire […]. »Mais elle est due à sa valeur sociale et à la richesse culturelle du peuple qui la parle.

Dans cette perspective, la culture est dans la langue et la langue, dans la culture; c’est donc la langue-culture qui forme l’être.

4. Rapport entre langue et marché du travail

Le travail est un lieu de vie, de contact de langues et de diversité linguistique, ainsi un terrain favorable pour «l’aménagement linguistique»En effet, c’est au travail que la ou les langues se changent et se transforment (Cherfaoui Fatma. 2008. P. 29)

Au travail, la communication est un outil majeur de régulation sociale entre et au sein des groupes humains, ainsi que le véhicule par excellence de la transmission des savoirs.

L’apprenant d’une langue étrangère a besoin d’avoir des connaissances grammaticales, mais il a également besoin d’avoir la capacité d’utiliser la langue dans des situations sociales.

« La langue est un bien symbolique, qui se dote d’une certaine valeur sur le marché des échanges linguistiques. Il s’en suit que les langues ayant un plus grand rôle au cours des échanges linguistiques acquièrent une plus grande valeur. » (Zita Gurmaï. 2011).

5. Enquête

5.1. Méthode

Pour répondre à notre interrogation, nous avons mené une enquête par questionnaire auprès de vingt étudiants inscrit en 2ème année master, option commerce international dans la faculté des sciences commerciales de l’Université de Tiaret. Ces étudiants suivent une formation en langue arabe. Les matières (informatique et mathématique) sont dispensées en français.

Les questions posées sont semi ouvertes et ouvertes, elles s’articulent toutes autour de l’utilisation du FLE comme moyen d’investigation.

5.2. Résultats

Nous avons fait le choix de procéder à une analyse qualitative afin decomprendre le point de vue des étudiants sur le FLE, son rôle et sa place dans le marché du travail.

Pour 60% des sujets interrogés, la langue française les intéresse. C’est une langue intéressante, belle, importante dans notre société, très utilisées dans la vie quotidienne. Pour 40% d’étudiants, cette langue ne les intéresse pas pour des raisons variées, elle reste pour eux une langue difficile, ils ne la comprennent pas, un butin de guerre ; la langue anglaise est beaucoup plus demandée dans le monde.Ils la considèrent comme une langue seconde qui n’est pas scientifique par excellence.Nous avons obtenu un résultat de (95%) d’étudiants qui n’arrivent pas à échanger avec leurs enseignants les cours présentés en langue française, parce qu’ils ne possèdent pas assez d’outil en français pour comprendre la pensée que tentent de leur communiquer les enseignants. Les sujets interrogés subissent une formation presque en langue arabe. Avant cette formation, ils ont suivi un cursus en langue arabe jusqu’à l’obtention de master, ce qui justifie leur non maîtrise de la langue française.

Pour ce qui est du rôle et de l’importance de cette langue, tous les étudiants interrogés (100%) affirment que le FLE a un impact sur le marché du travail, il représente un critère lors de l’embauche. La langue française est largement utilisée comme langue de travail et de communication en Algérie, ce qui rend son apprentissage une nécessité.Les sujets de l’enquête ont cité différentes entreprises commerciales et économiques que leur diplôme permet de favoriser un emploi tel que les secteurs d’énergie, les banques, les secteurs de transports, les administrations…où le français est utilisé comme langue de travail et d’embauche : Parler des conditions de travail, rédiger des rapports, écrireau sein de la presse de la communication interne, sont des pratiques de travail, la langue française est reconnue là comme un facteur de productivité, elle favorise la compétitivité et le rendement du travail, ainsi que l’inclusion sociale.

5.3. Interprétation des résultats

La relation entre la langue française et le marché du travail est une question importante et préoccupante en Algérie.

L’apprentissage d’unelangue est une activité de communication, et la communication est une activité d’apprentissage. Ce qui signifie que c’est pour répondre à des problèmes de communication que l’on étend son répertoire verbal, et inversement, que , dans la mesure où toute activité de communication finit par rencontrer des problèmes linguistiques, elle ouvre la voie à des modifications plus ou moins durables, plus ou moins importantes, de compétence du locuteur. (Rémy Porquier et Bernard Py (2013. P. 8).

Cette étude montre un décalage entre le système éducatif et le marché du travail en matière d’enseignement des langues, ce qui justifie l’inadaptation aux exigences du marché du travail et l’incapacité des étudiants à intégrer leurs compétences.

6. Conclusion

Nous avons fait le point sur des notions qui contournent la langue française et son rôle dans le marché du travail. A travers cette procédure, nous pouvons avancer les résultats suivants :

La maîtrise du FLEn’est pas un but en fonction duquel on doit juger tout, mais reste un moyen important dans le marché du travail, un moyen qui pourrait augmenter les opportunités d’obtenir un emploi.

Il est nécessaire que l’enseignement/apprentissage des langues étrangères s’appuie sur une démarche visant l’objectif de socialisation et d’éveil à l’ouverture et la familiarisation avec d’autres perceptions du monde et d’autres cultures, de plus, le lien étroit entre langue et culture amène forcément à s’intéresser à la dimension culturelle de cette langue (Neciri. S ; 2011) Donc l’objectif de l’enseignant est la transmission du savoir mais aussi la construction des compétences cognitives (savoir-faire) et communicationnelles.S’appuyant sur la vision de Salmi (1985. P120)

« La langue n’est pas un outil neutre, c’est un phénomène de civilisation qui porte en soi les symboles et les valeurs de la culture dont elle est issue […] lorsqu’on enseigne une langue à un enfant, on ne lui apprend pas seulement le vocabulaire, la grammaire ou la phonétique mais on lui transmet aussi, le plus souvent de manière inconsciente des notions et des conceptions propres au contexte socioculturel de cette langue »

Bibliographie 

-BEACCO, J-C. (1995): Les dimensions culturelles des enseignements de langue, Hachette livre, Paris.

-BLANCHET, Ph. (2007): Cité par Rana Kandeel, dans L’approche interculturelle comme principe didactique et pédagogique structurant dans l’enseignement/apprentissage de la pluralité linguistique. In Synergies Chili, n° 3, pp. 21-27. 2013.

-BYREM. M. (1992): Culture et éducation en langue étrangère, HATIER, DEDIER, CREDIF, Paris. p88.

-COLLES, L., et al. (2005): Espaces francophones. Diversité linguistique et culturelle, CortilWodon: E.M.E (cité par Samira Boubakeur. L’enseignement des langues-cultures : dimensions et perspectives. Synergies Algérie n°9 (2010).

-CHERFAOUI. F. (2008): Langues et marché du travail en Algérie : Cas de la Sonelgaz. Mémoire de Magistère. Option Science du langage.

-Conseil de l’Europe (2000): Un cadre européen commun de référence pour les langues : apprendre, enseigner, évaluer. Strasbourg: Division des politiques linguistiques. (Cité par Rana Kandeel, Synergies Chili n°9. 2013)

-FISHMAN.J.(1971): Sociolinguistique, trad française, Labor, Bruxelles, Fernand Nathan, « Langue et Cultures », Paris. P. 35.

-CUQ, J-P et Gruca. I. (2002): Cours de didactique du français langue étrangère etseconde. Grenoble, Presses universitaires de Grenoble.

– MACKEY.W. Cité par SoumiaNeciri. Pour une compétence culturelle en français langue étrangère en Algérie (2011): Le manuel de FLE de la 3ème A.S en question. Mémoire de magistère. Option Didactique.

-NECRI. S. (16- 07- 2011): Pour une compétence culturelle en français langue étrangère en Algérie : Le manuel de FLE de 3ème A.S en question. Mémoire pour l’obtention du diplôme de Magistère. Spécialité Français. Option Didactique.

– POCHER. L. (1995): Le français langue étrangère, émergence et enseignement d’une discipline, CNDP, Hachette éducation.

– PORQUIER. R et BERNARD Py. (2013): Apprentissage d’une langue étrangère : contexte et discours. Collection Essais C.R.E.D.I.F. Ed Didier

SALMI.J.(1985): Crise de l’enseignement des langues et reproduction sociale, Editions maghrébines.

– GURMAÏ, Zita (12-01-2011): Des langues pour gagner des marchés, enjeu économiques, enjeu social. Infolettre n°23 spéciale, Bruxelles. DLF Bruxelles. Europe. Diversité linguistique et langue française.

1Cadre européen commun de référence pour les langues.