Angèle Vermeersch
Paul Vermeersch
André Vermeersch
Décembre 2019
Le 31 juillet 2017, ce fut un énorme choc pour mes frères et moi d’apprendre le décès soudain et brutal de Gerti[1], d’autant plus qu’aucun signe avant-coureur ne nous le laissait présager.
Fort heureusement nous avons tous pu nous rendre à Izmir pour les funérailles mais ce furent des retrouvailles où, pour la première fois, notre fratrie allait être incomplète car l’un d’entre nous allait manquer. L’un de mes frères a exprimé à haute voix ce que nous ressentions tous : « Nous aurions dû prendre le temps – dans nos vies bien remplies – de nous voir plus régulièrement… ».
On July 31, 2017, this came as a tremendous shock to my brothers and me when we heard that Gerti had just very suddenly passed away, with no warning signs ever.
Fortunately we were all able to come to Izmir and attend the funerals but this was a strange family reunion: for the first time, someone of the siblings would be missing. One of my brothers said outloud what we all were quietly thinking, « In our busy lives, we should have taken time to get together more regularly. »
Nous nous sommes donc retrouvés chez Gerti, mais sans Gerti, nous avons rencontré ses nombreux amis et collègues mais sans Gerti, nous avons passé du temps avec ses enfants et petits-enfants, mais sans Gerti. Elle était « là » mais sans plus être là, nous ne parvenions pas à réaliser qu’elle était partie et elle nous manquait déjà beaucoup.
We were guests at Gerti’s place, but without Gerti ; we were introduced to her numerous friends and colleagues, but without Gerti ; we spent time with her children and grand-children, but without Gerti. She was « there », without being there anymore, we were unable to realize she was gone and were already missing her so much.
Nous avons évoqué beaucoup de souvenirs mais un regret immense nous habitait désormais, comme si nous étions tout à coup amputés d’une partie de nos racines et de notre histoire familiale, la partie tchèque que Gerti connaissait bien avant de la quitter à 9 ans pour venir en France, mais dont elle nous avait peu parlé. Elle a désormais emporté avec elle ces souvenirs d’enfance qui nous manqueront toujours.
We shared lots of memories but were filled with such a deep regret, as if we had been amputated from an early part of our family roots and story, the first 9 years Gerti lived in Czechoslovakia prior to her moving to France, which she rarely spoke of. Now she took all these childhood memories with her that will remain unknown to us.
Gerti était quelqu’un de simple, sans chichi, qui ne cherchait pas les honneurs ni le prestige même si ses travaux lui ont valu des reconnaissances internationales. Elle était avant tout notre sœur et nous n’avions pas l’impression de vivre à côté d’un monument historique.
Gerti was a rather quiet person, without fuss or glitter, who was not looking for honors nor prestige, although her works met international recognition and praise. She was primarily our sister and we never got the impression to live close to a historic monument.
Elle a eu une vie bien remplie, elle a connu un seul grand amour, Fikret Durusoy, qui lui a fait connaître son nouveau pays d’adoption, la Turquie, et ajouter une autre langue à celles qu’elle parlait déjà. Elle aimait ce genre de défi.
Nous avions bien conscience qu’elle était atypique du fait d’être polyglotte, mais nous l’avons pleinement mesuré à Izmir lors de l’hommage qui lui a été rendu à l’Université.
She lived a complete and full life, she has known a single great love, Fikret Durusoy, who had her come and enjoy this new country to be adopted, Turkey, and add a new language to all she already spoke. She loved this kind of challenge.
We knew she was atypical because of being a polyglot but we never took the full measure of it until we saw and heard all the tributes shared by so many at the University.
Personnellement, de par nos échanges au fil des ans, j’ai mesuré à quel point vibrait en elle une « âme slave ». Etait-ce le propre de celles et ceux qui ont connu une forme d’exil, ou dû quitter une terre, une partie de leur famille, pour aller vivre dans cet ailleurs dont ils ne parlaient pas encore la langue et n’en connaissaient pas encore les coutumes ? Avait-elle pu s’enraciner quelque part ? Papa l’appelait souvent « le pigeon voyageur ». A-t-elle été habitée longtemps de la nostalgie de la terre d’origine ou d’un ailleurs insaisissable ou plein de promesses ? Cela demeurera sa part de mystère.
Personally, as we talked and wrote over the years, I realized how strongly her « slavic soul » was vibrating. Was this something special about those who had experienced some kind of exile, or had to move far from home and leave relatives behind to live in this unknown place where they did not master the language yet nor knew the customs ? Had she been able to take root somewhere ? Dad was calling her often « homing pigeon ». Did she stay somehow homesick of her native land or maybe of an unreachable or promising « somewhere » ? This will remain a mystery, her mystery.
Une certitude demeure cependant : elle s’est vraiment posée, installée, corps et âme, dans une terre choisie, par amour, la Turquie, auprès de son mari. Et elle nous l’a fait connaître et aimer, à nous ses frères et sœur qui étions encore enfants à l’époque de sa rencontre avec Fikret. Pour nous, tout y était magique, exotique, surprenant, extraordinaire et cela nous faisait rêver.
However one thing we know for sure: she really settled down and rested, body and soul, in a land she chose, out of love, Turkey, with her husband. She made it known to us, her siblings who were in our early teens when they met. They made us love and dream of it since to us, everything there was magic, exotic, surprising and extraordinary.
En 1990, Gerti et moi avons eu le privilège de vivre une expérience professionnelle inattendue lors de la DRUPA ’90[2]. Nous étions les interprètes de deux entreprises associées qui construisaient deux types de machines. Nous avons passé 15 jours ensemble et c’était incroyable, J’en garde un souvenir vraiment précieux.
In 1990 Gerti and I had the privilège to share a common unexpected professional experience at the Drupa Exhibition in Düsseldorf. We were there to translate for two associated companies manufacturing two different types of machines. These two weeks together have been an incredible opportunity and wonderful time together. A sweet memory to cherish.
C’est vrai que la soudaineté du décès de Gerti nous a laissé un sentiment d’inachevé, nous avions encore tant à nous dire, tant de choses à vivre et d’amour à partager ensemble…
Alors dans un tout proche avenir, nous tenons à faire découvrir à nos petits-enfants leurs propres racines et nous rendre, en famille, sur cette terre où est née notre mère, en Bohème, près de Prague et là où Gerti et Fikret se sont fiancés.
Nous continuerons de chérir le souvenir de Gerti et de Fikret, et nos retrouvailles familiales exprimeront notre gratitude et notre hymne à la vie.
It’s true that the abruptness of Gerti’s death left us all with a feeling of incompletion and unfinished conversations, we still had so much to talk about, so many more things to live together and love to share…
For this reason in a near future, we will take our grandchildren meet their slavic roots, go back, as a family, to this land where everything started, where our mother was born, in Bohemia, near Prag and where Gerti and Fikret got engaged.
We’ll go on cherishing Gerti and Fikret in our hearts and this family reunion will express our gratitude and celebrate life.
Angèle Vermeersch
Lorsque j’avais environ 7 ans, Gerti m’a emmené en train à travers la France pour passer quelques semaines de vacances dans le Sud-Ouest (Béziers et Cordes). Ce voyage m’a profondément marqué : je quittais le Nord, mes repères familiers, pour découvrir d’autres paysages, d’autres régions, pour rencontrer d’autres gens. Je garde ce souvenir comme l’un des plus extraordinaires et inoubliables avec Gerti.
I was about 7 years old when Gerti took me along on a summer vacation trip by train across France to Béziers and Cordes (South West). This trip had a tremendous impact on me a this young age. I was leaving the north of France, my familiar place, to go and discover new places, new landscapes, meet new people. This is one of the many extraordinary and unforgettable memories I still cherish today with Gerti.
Paul Vermeersch
Gerti était ma grande sœur (14 ans d’écart) et aussi ma marraine. Je n’avais de 6 ans quand elle est partie faire ses études à Lille, et 10 ans quand elle est partie s’installer en Turquie. De ce fait mes souvenirs les plus marquants sont de Gerti ET Fikret ensemble puis avec leurs enfants lors de leurs visites régulières en France.
Gerti was my big sister (14 years older) and my godmother as well. I was only 6 years old when she left for college and 10 when she and Fikret left for Turkey. Therefore most of my memories have been built on them both and their children, Isabelle and Daniel, when they came back for visit every other year.
Grâce à eux, beaucoup de gens, souvent des étrangers, venaient aussi nous rendre visite à la maison, à Cambrai (Nord de la France). C’était déjà l’Europe à la maison car nous découvrions constamment de nouveaux horizons. Nous étions même allés en Tchécoslovaquie quand j’avais 6 ans pour découvrir le village de Sosen où ma mère et ma sœur étaient nées.
Thank to them, lots of people, mostly foreigners, came to our home in Cambrai (North of France). We were truly living Europe at home before it came to existence since our guests made us always curious of new horizons. We even went to Czechoslovakia when I was 6 to spend vacations at my Mom’s native village where Gerti was born as well.
Lors d’un voyage en famille à Münster (Allemagne) pour leur rendre visite, Fikret nous a fait découvrir les joies de l’eau : piscine privée, kayak. C’était quelque chose d’exceptionnel ! Mon goût pour le waterpolo vient peut-être de là !
Un jour, j’ai conduit Gerti à Paris où elle devait recevoir une distinction. Nous avons pris le temps de bavarder, de déjeuner. Un souvenir heureux et très personnel, juste à deux.
When we first visited Gerti and Fikret at their home in Münster, Fikret took us to a private swimming pool and to canooing on a nearby lake. This was quite an experience ! This may be where my taste for waterpolo originated…
One day I had to take her to Paris where she was to receive an academic distinction. We took the time to talk, and have lunch. A special moment just the two of us.
A mon jeune âge, je n’avais pas du tout conscience de vivre des choses exceptionnelles, tout simplement parce que c’était la norme de notre vie de famille : belge, française, tchèque, turque, mais aujourd’hui, avec l’âge, je réalise à quel point notre famille était avant-gardiste et je lui en suis reconnaissant.
At this early age of mine, I was not aware we were living quite an exceptional family life, life, it was just our normal family lifestyle, a melting pot of Belgium, Czechoslovakia, France and Turkey. But today, at past 60, I do realize how our family has been ahead on her time and I am thankful for it.
André Vermeersch
[1] C’est ainsi que nous l’appelions à la maison
[2] DRUPA, Druck & Papier, salon mondial de l’impression sur papier et carton / World Exhibition of printing machines for paper and corrugated board.