Enseignement des langues et employabilité, quels déplacements?

BENABDALLAH Imene
Université Oran II

Résumé 

Le monde s’est orienté ces dernières décennies vers le multiculturel et le plurilinguisme ; la question des langues et des pratiques linguistiques devient dès lors l’une des préoccupations majeures en particulier dans le domaine de l’employabilité.

Les besoins des employeurs sorientent davantage sur les compétences interculturelles. En effet, se pencher sur les besoins du marché de l’emploi permet d’apporter un éclairage nouveau sur les besoins des recruteurs et l’aptitude au multilinguisme qui constitue une passerelle entre les peuples et les cultures.

Notre questionnement vise à comprendre à quel degré l’inscription dans une dimension interculturelle influence le monde du travail ?

Mots clés : Employabilité, Enseignement/ Apprentissage, Formation (s), Langues.

Abstract 

In recent decades, the world has turned towards multiculturalism and plurilingualism. The issue of languages ​​and linguistic practices is therefore becoming a major concern, particularly in the field of employability.

Employers‘ needs are more focused on intercultural skills. Indeed, looking at the needs of the labor market sheds new light on the needs of recruiters and the ability of multilingualism to bridge the gap between people and cultures.

Our questioning is to understand the degree to which inclusion in an intercultural dimension that influences the world of work.

Keywords: Employability, Teaching / Learning, Training (s), Languages.

Introduction

L’apprentissage des langues étrangères contribue à l’enrichissement des connaissances. Depuis plusieurs décennies cet apprentissage constitue l’un des atouts majeurs dans différents secteurs, notamment dans celui de l’emploi. Beaucoup d’employeurs sont demandeurs de formations internes au sein de leurs établissements ; le but étant de mettre, voire de remettre à niveau les connaissances en langues.

L’intérêt porté à la question de l’enseignement des langues dans le secteur de l’emploi est fonction d’une économie en transition dans laquelle le glissement vers l’individualisation ou la mondialisation des parcours de formation et le développement professionnels se font plus pressants.

En effet, les débats se trouvent renvoyés à des questions d’ordre politique, linguistique et social. Les langues constituent dès lors un véritable enjeu en relation avec les différentes dimensions de rapports sociaux- culturels et professionnels.

Dans un contexte mondialisé, les candidats multilingues sont de plus en plus choisis par les entreprises. À compétences égales, un profil maîtrisant une ou plusieurs langues étrangères est très probablement privilégié par un recruteur car les entreprises sont de plus en plus nombreuses à interagir avec des interlocuteurs internationaux, il est donc intéressant d’avoir des ressources permettant de développer ces interactions.

  1. Les langues étrangères et l’apprentissage interculturel

Maîtriser une ou plusieurs langues étrangères permet de multiplier les opportunités pour obtenir un emploi. Les compétences en langues étrangères sont très prisées dans certains secteurs comme le tourisme, les finances, l’hôtellerie, ou encore pour certains postes administratifs.

Ce savoir représente une source de mobilité à l’international et multiplie les opportunités d’emploi. Les connaissances linguistiques prennent également toute leur importance dans le cadre de la vie professionnelle quotidienne. La connaissance des langues étrangères élargit les possibilités de s’informer sur l’activité de son secteur d’activité, des concurrents ou tout simplement pour identifier les bonnes pratiques.

L’internationalisation des entreprises, les interactions entre le local et le global, la mondialisation de l’économie, les fusions, les partenariats ainsi que les contrats internationaux conduisent à mettre en relation des cultures et des identités multiples. Mais le simple regroupement de personnes originaires de cultures différentes ne suffit pas à créer des apprentissages interculturels.

En effet, pour qu’il y ait apprentissage, il faut qu’il y ait une transformation lorsque certains obstacles s’installent dans le processus de différenciation (O. Meier ; 2016). Cette transformation implique des communications et relations interculturelles fortes qui s’effectuent de manière progressive en faisant émerger des phénomènes d’acculturation, donnant lieu à des changements dans les modèles culturels originaux (J.M. Bennett ; 1993).

L’apprentissage interculturel est par conséquent un processus à long terme orienté vers la construction et le développement d’une compétence interculturelle qui dépasse les compétences sociales et relationnelles traditionnelles. La compétence interculturelle se définit dès lors comme la capacité d’un individu à savoir analyser et comprendre les situations de contacts entre personnes ou groupes de cultures différentes à différents niveaux : émotionnel, cognitif et comportemental, l’objectif étant de gérer et de valoriser les attentes de son organisation.

Parmi les aptitudes essentielles au développement d’une telle compétence :

  • La capacité d’accès : elle consiste à décrypter certains codes liés au monde dans toutes ses dimensions : historique, politique, économique, socioculturel, religieux…

  • L’expérimentation : elle est liée à l’expérimentation de nouvelles façons de penser et de s’adapter aux différents contextes.

  • L’interactivité : elle représente les échanges entre individu et la connaissance des valeurs d’autrui et de ses modes de fonctionnements.

  • Les systèmes de représentations : ils sont liés aux différentes approches sur les comportements.

  • La coopération : Elle représente l’intégration de l’autre dans ses réflexions, raisonnements ainsi que les modalités d’actions.

Les compétences interculturelles représentent l’ensemble des connaissances sur la culture de l’Autre et l’aptitude à la compréhension, la capacité à interagir, en faisant preuve d’adaptation et d’engagement. Le développement de telles compétences est lié à un « savoir-être », d’une compétence fondée sur des expériences vécues et analysées dans des contextes interculturels divers.

  1. Diversité culturelle et adaptation professionnelle

De nos jours, les entreprises se sont lancées dans un mouvement d’internationalisation passant par l’exportation, la création de filiales commerciales et de production pour aboutir pour certaines d’entre elles à la multinationalisation. S’ajoute à cela diverses formes de partenariats et de coopérations avec des entreprises étrangères.

Le lien entre le degré de diversité d’une organisation et sa performance s’appuie sur des constats empiriques. Dans ce contexte, plusieurs recherches universitaires ont été menées pour tenter de démontrer cet impact sur l’employabilité, sur la performance et sur l’adaptation aux différents contextes.

La maîtrise de la langue étrangère, comprendre les différences interculturelles permet ainsi d’éviter des difficultés professionnelles et contribue à développer une compétence recherchée et spécifique liée à la capacité de travailler dans des univers multiculturels.

C’est pourquoi les entreprises recherchent des candidats ayant un potentiel d’adaptation à des environnements professionnels différents. Les compétences interculturelles, l’aptitude à travailler au sein d’équipes multilingues et multiculturelles, l’adaptabilité et de bonnes compétences en communication sont très recherchées. 

L’accroissement au sein de l’entreprise de la diversité culturelle constitue l’un des défis majeurs du management moderne de par ses implications tant sur les processus de gestion des ressources humaines que sur les dynamiques organisationnelles (C.R. Orlando, 2000). La diversité des collaborateurs impliquerait pour l’entreprise de s’entourer des meilleures compétences et favoriserait la complémentarité des profils et l’équilibre de l’entreprise.

Dans cette perspective, E. Bellard souligne que « la diversité des personnes est une source intarissable de créativité, particulièrement utile dans le cadre de travail en projet ou en équipe »(E. Bellard ; 2005). Cependant, les chercheurs tout comme les praticiens tentent d’élucider l’articulation entre la diversité culturelle et la performance des organisations, mais sans aboutir à un véritable consensus gage de crédibilité scientifique.

  1. Les langues étrangères au service du monde professionnel

Nous partons du principe selon lequel la coexistence d’une diversité de langues étrangères dans un environnement professionnel correspond à au moins deux cas de figure bien différents : le multilinguisme, c’est-à-dire la cohabitation de plusieurs langues au sein d’un groupe de collaborateurs, et le plurilinguisme, à savoir la capacité de l’individu à utiliser plusieurs langues, à des niveaux de compétences différents. Le concept de plurilinguisme a été formalisé par le CECRL1 qui donne la définition suivante : « Par plurilinguisme nous entendons l’aptitude de l’individu à puiser dans un répertoire de savoir-faire et de connaissances dans plusieurs langues pour faire face aux situations de communication les plus variées ».

Le plurilinguisme est alors définit comme une compétence unique, « naturellement déséquilibrée et évolutive, c’est-à-dire dans laquelle les niveaux de maîtrise dans les diverses langues et dans les différentes activités langagières de compréhension et d’expression ne peuvent être que très rarement identiques et sont nécessairement appelés à évoluer pendant le parcours individuel ». Il joue  un rôle très important en tant que facteur de production au sein de l’entreprise ; plus les langues maîtrisées sont nombreuses, plus il y aura de chances d’élargir le marché de référence et d’accroître le volume d’affaires avec des partenaires étrangers.

Le débat permanent sur le plurilinguisme individuel et le multilinguisme sociétal fait de manière assez fréquente référence aux besoins des entreprises en matière de compétences linguistiques.

Certaines études nous permettent d’enrichir notre vision des processus de communication sur l’utilisation des langues dans le contexte linguistiquement pluriel de telle ou telle entreprise et fournissent une observation détaillée des pratiques linguistiques d’acteurs donnés dans des situations spécifiques.

Afin d’évaluer le degré d’importance du rôle que les compétences linguistiques jouent dans le fonctionnement de l’entreprise, il faut comparer d’une part, les exigences en la matière qu’elles formulent lors des entretiens d’embauche ; d’autre part, l’utilisation effective des langues dans le cadre professionnel : réunions, échanges entre collaborateurs et clients, …etc.

Les données récoltées de ces enquêtes sur les langues dans le secteur du travail montrent que l’utilisation des langues étrangères ainsi que les exigences en termes de compétences linguistiques au sein de l’activité professionnelle sont très différenciées selon l’activité professionnelle, le secteur d’activité ainsi que l’échelle d’activité internationale, nationale ou locale.

L’utilisation des langues étrangères est nettement plus répandue au sein de catégories professionnelles supérieures (professions libérales, fonctionnaires supérieurs, (cadres, patrons). De même, les secteurs orientés vers la production (agriculture, métallurgie et machinerie) ainsi que des secteurs comme le transport, la santé et l’immobilier utilisent moins les langues étrangères que les services l’électronique/informatique, l’économie/finance/assurances, le tourisme, l’hôtellerie, l’enseignement et la recherche ainsi que le marketing. Enfin, en ce qui concerne l’échelle d’activité, nous constatons que les entreprises dont les activités et échanges se déroulent au niveau international et national, les langues étrangères sont le plus souvent utilisées. La diversité culturelle au sein de l’entreprise contribue au développement des différentes équipes formées, le travail collectif renforce le potentiel d’innovation de l’organisation, tant au niveau des produits ou des services qu’au niveau des processus.

Si la promotion du plurilinguisme ou du multilinguisme est censée apporter les compétences linguistiques nécessaires grâce à un processus d’enseignement / apprentissage des langues dans des milieux spécifiques, elle n’a pas encore obtenu le résultat escompté.

Dans ce sens (I. Bernier, 2001 : 8) souligne que les initiatives prises pour préserver la diversité linguistique se sont concentrées sur les droits de la personne – interdiction de la discrimination fondée sur la langue, reconnaissance et proposition des droits linguistiques. Il explique que cela est insuffisant pour faire face à la mondialisation car la dimension internationale a besoin d’être davantage considérée pour obtenir des résultats en termes de diversité linguistique.

Par ailleurs, la communication au sein de l’entreprise est assez „limitée“ du point de vue de la diversité (anglais-français) et „la richesse des répertoires est relativement peu exploitée par les sujets et donc par l’entreprise“ (Simon, D-L, Thamin, N., 2009 : 304).

Conclusion

Les langues étrangères intéressent toutes les composantes de l’entreprise, tous les métiers et tous les niveaux dans la hiérarchie, même si le plus gros quota de locuteurs est surtout chez les cadres et les dirigeants. La production écrite est légèrement plus faible que la production orale. La maîtrise des langues permet de favoriser le rayonnement international des sociétés et assure une meilleure compréhension des partenaires étrangers.

A l’intérieur de l’organisation, le processus d’internationalisation confronte l’entreprise à la diversité et peut influencer de manière effective le processus de créativité. L’entreprise, se doit alors d’intégrer dans ses équipes des personnes de cultures très diverses pour manager les activités des nouveaux marchés. La multiplicité culturelle devient alors un élément incontournable du développement mondial et offre à l’organisation de formidables opportunités pour intensifier les échanges et les partenariats.

Toutefois, cette diversité doit être gérée afin de déboucher sur des résultats positifs et surmonter les réelles difficultés qui ne manquent pas d’apparaître. L’entreprise doit créer les dispositifs organisationnels et managériaux permettant de valoriser et de faire fructifier le creuset interculturel lié à l’expansion internationale. Il est donc nécessaire d’accompagner et de valoriser l’acquisition de nouveaux modes de travail, ce qui est loin d’être facile au sein d’organisations qui se sont forgées dans des contextes souvent très spécifiques.

Bibliographie

-Bellard. E. (2005), HR Today, s.p. http://www.pspindex.ch/hrtoday/fr/.

-Bennett J.M, towards ethnorelativism, in Education for the intercultural experience, Paige.

Bernier, I. (2001), La préservation de la diversité linguistique à l’heure de la mondialisation. Étude faite pour le compte du ministère de la culture et des communications du Québec.

-Meier O. (2016), Management interculturel : stratégie, organisation, performance, Editions Dunod, 6ème éd.

Mourlhon- Dallies, F, (2008). Des ressources linguistiques dans les entreprises. In „Multilinguisme, compétitivité économique et cohésion sociale“.

Simon, D-L, Thamin, N, (2009). Laboratoire Lidilem, Université de Grenoble. Biographies langagières, compétences plurilingues et affiliation sociale : Enquête auprès de cadres étrangers en entreprise internationale de la région Rhone- Alpes. In Actes du colloque Acedle à l’Université Lille 3, du 10 au 12 décembre 2009.

-Orlando. R.C. (2000), Racial diversity, business strategy, and firm performance: A resource-based view, Academy of Management Journal, 43(2).

1 Cadre Européen Commun de Référence pour les Langues.