La didactique de la traduction juridique via l’ordinateur

BENCHERIF Mohammed Hichem,
Centre universitaire de Mila

Abstract:

In nowadays, Algeria needs more and more legal translators in order to facilitate international business and partnership with other countries because whose are mediators. Otherwise, the curriculum furnished by our universities is enough and it can’t produce qualified legal translators after their studies. As a result, this research paper aims to present a new understanding of legal translation teaching by proposing a suitable curriculum based on law, its language and its culture. The use of computer in teaching legal translation like Wordfast translation software is very important in order to earn time and effort. Legal translator training must improve their translation competency which is divided into three kinds: the first one is linguistic competency based on mastering source and target legal languages; the second is a cognitive competency related to psychological aspect of translation and the last one is the strategic competency. We have mentioned in this paper a set of conventions given by Gémar that must be followed by a legal translator in one hand, and by the Didacticien of legal translation in the other hand.

Keywords: Legal translator in Algeria – legal translation curriculum- computer aided legal translation- translation competencies.

Introduction

Le nouveau modèle économique adopté par l’Algérie, depuis un certain temps, se caractérise par la multiplication des échanges internationaux et la coopération entre les sociétés nationales et les entreprises étrangères dans le but de remplacer la rente pétrolière, impose aux universités algériennes de former des médiateurs professionnels, en l’occurrence des traducteurs juridiques qui seront capables de relever les défis lors de l’exercice quotidien de la traduction.

Ces défis sont généralement liés au nombre croissant des documents à traduire, la multiplicité de ces documents et rapidité de remettre les traductions aux donneurs d’ouvrage tout en respectant la bonne qualité des documents traduits.

Le présent article, tend à dresser un bilan concernant l’enseignement de la traduction juridique en Algérie et de savoir si sa didactique a reçu un tournant technologique ou non et comment en profiter de l’outil informatique pour faciliter le travail du traducteur juridique. D’où l’intérêt de poser la question suivante : comment peut –on utilisé la traduction automatique dans la didactique de la traduction juridique ?

1-Enseignement de la traduction juridique en Algérie 

Avant de parler de la didactique de la traduction juridique, il bien de signaler que l’enseignement de la traduction comme filière scientifique fut entrepris à l’université d’Alger où les étudiants passaient une période de quatre années pour décrocher une licence de traduction en trois langues dans le système classique (AISSANI, 2000).

Quant au nouveau système de formation le LMD, la traduction n’est pas accessible et certains départements de traduction forment des masters mais avec la même vision de formation qui demeure contestée. Car les contenus de formation sont loin de satisfaire les exigences de la profession du traducteur, puisqu’on forme des traducteurs généraux et n’ont pas des professionnels comme il est le cas pour la traduction juridique qui n’a pas de statut de spécialité en Algérie.

De plus, les méthodes d’enseignement s’inscrivent généralement dans l’optique traditionnelle, car lors des travaux dirigés l’enseignant utilise comme support didactique des textes déjà traduits ou des textes mal choisis. Ensuite, l’enseignant donne aux étudiants une lecture analytique et explicative du texte à traduire, puis il fournit aux étudiants la signification ainsi les équivalences des termes difficiles. Finalement, l’enseignant corrige les traductions proposées par les étudiants et offre sa propre traduction comme référence.

Nous avons parlé brièvement de l’aspect pratique de l’enseignement dans nos universités. Quant au volet théorique, il est profitable de souligner que la didactique de la traduction s’intéresse aux questions qui portent sur la manière de traduire et sur l’utilisation des approches théoriques telles que l’approche fonctionnelle, interprétative, linguistique.

Dans ce sens, nous soulignons que chaque approche a des avantages et des inconvénients et il ne faut pas écarter aucune d’elles, parce qu’elles présentent des réponses aux questions relatives à la traduction et son enseignement.

Déjà, Cary (1990) avait écrit tout un livre pour répondre à la question du comment traduire dans lequel il a avancé l’idée que la traduction littéraire est un don et la traduction technique pourrait être enseignée. Mais cette position n’est pas acceptée aujourd’hui car la traduction est conçue comme un métier intellectuel et avec l’évolution dans laquelle nous vivons on peut enseigner et la traduction littéraire et la traduction technique.

Concernant la traduction juridique, elle est généralement entendue par la traduction des textes appartenant au droit, bien sûr c’est une définition simple et réductrice car le droit est une science sociale qui englobe un nombre plus large des textes qui touchent plusieurs branches, on parle ici de droit civil, droit commercial, droit des obligations, droit des entreprises…etc

Ceci nous montre que les textes du droit sont multiples et peuvent être hybrides par conséquent ils causent une grande confusion chez l’apprenti- traducteur d’où la nécessité de s’entendre sur une acception de base du texte juridique. Pour Pelage

«  un texte juridique, au sens strict, doit remplir trois conditions : 1- traiter d’une question relevant d’une catégorie admise par le droit positif ;2- être rédigé par un juriste, professionnel du droit, ou par un auteur se substituant à un juriste ; 3-avoir un destinataire qui traite le message reçu en juriste ou est susceptible de subir les effets du droit du message original. ». (PELAGE, 2007: 25).

En plus de la multiplicité des textes juridiques, qui représente une problématique parmi les autres qui font de la traduction juridique une spécialité difficile et complexe, on y ajoute les questions relatives à la terminologie juridique, la culture juridique, la communication juridique et les formes des langages juridiques. Finalement, on pourrait dire que pour que l’enseignement de la traduction juridique soit complet et adéquat il faut qu’il prenne en compte l’ensemble des problématiques citées qui font face à la traduction juridique. (BENCHERIF, 2012)

2- Vers une didactique de la traduction juridique 

Nous ne pouvons pas parler de la didactique de la traduction juridique sans mentionner le fameux développement qui s’est produit dans les pays multilingues et bilingues comme la Suisse et le Canada. Ces deux pays ont acquis une expérience de renom en matière de didactique de la traduction juridique, car les formations dispensées sont de plus en plus spécialisées.

Il est à noter qu’en Suisse et au Canada la traduction juridique a un statut de spécialité autonome par ses supports d’enseignement et contenus de formation, et lors des travaux de traduction on invite les étudiants à effectuer la traduction à partir de documents authentiques tels que les contrats et jugements…etc.

Ajoutons que cette filière est enseignée sous l’orientation d’un grand nombre de didacticiens et spécialistes et chercheurs- théoriciens qui ont mené des recherches pointues, à l’instar de Jean –Claude Gémar et Claude Bocquet pour ne citer que ces deux noms. Ce dernier a consacré à la didactique de la traduction juridique tout un chapitre, dans lequel il remet en cause les méthodes traditionnelles basées sur la compétence de l’enseignant et l’esprit passif. (BOCQUET, 2008: 89)

En revanche, une formation destinée aux traducteurs juridiques est un cursus universitaire qui vise à qualifier des traducteurs spécialisés dans le droit qui est une science et un phénomène social qui vise à organiser les relations entre États ; droit international; États et individus ; droit civil, individus entre eux-mêmes ; droit privé. En tenant que de la multiplicité du droit et l’imbrication de ses branches, la formation du traducteur juridique doit permettre à ce dernier de comprendre et produire des textes juridiques et être capable de rendre le message juridique, qui pourrait être une décision judiciaire ou un arrêt de la Cour ou un jugement ou un contrat.

À cet effet, nous reprenons les volets proposés par Bocquet en ajustant les contenus de formation selon la spécificité algérienne et la langue arabe ce qui débouchera sur les grandes lignes suivants :

a-Introduction générale au Droit: Cette matière présentera à l’apprenti-traducteur juridique l’évolution du droit à travers le temps, les systèmes de droits (civiliste, coutumier, musulman) ses sources et branches ; droit des obligations ….etc.

b-Linguistique juridique: Cette matière sera consacrée à la description formelle des discours juridiques français et arabe et leurs structures en se basant sur la construction des phrases juridique et leur analyse. De plus, la connaissance des acteurs engagés dans la chaine de communication du texte traduit, c’est-à-dire le rédacteur du texte source : juge, notaire, avocat et le récepteur du texte juridique cible ; simple justiciable, avocat, parties contractantes…

c-Théories de la traduction: La théorie est la réflexion consciente sur la pratique, donc elle nous aide à comprendre sur quel fondement, linguistique, sémantique, communicationnel ou fonctionnel porte l’opération traduisante, c’est une compétence nécessaire pour positionner théoriquement le traducteur et lui faire comprendre ce qui se passe dans son cerveau.

d-Terminologie juridique: La terminologie nous permis de replacer les termes juridiques dans leur contexte réel, car la polysémie est l’une des caractéristiques les plus dominantes en terminologie juridique.

e-Techniques de rédaction juridique: La rédaction juridique du texte source et texte cible nous éclaire sur les énoncés et les expressions juridiques utilisés pendant la réaction des documents juridiques, les contrats, par exemple.

f-Méthodes de traduction juridique: Faire apprendre au traducteur juridique les procédés de la traduction qui ont été introduits par Vinay et Derbenlet (1977), en les appliquant sur des textes juridiques authentiques. Ici la primauté sera accordée à la pratique en évitant la traduction par improvisation, tout en insistant sur l’équivalence fonctionnelle.

g-Droit comparé: Le droit comparé sera utilisé pour établir les convergences et divergences qui existent entre le droit source (français) et arabe (algérien) en matière d’institutions juridiques et de la pensée juridique. De plus, il faudrait aborder la culture juridique source et la culture juridique cible.

3-La traduction juridique humaine assistée par ordinateur

L’idée d’utiliser l’outil informatique remonte aux années cinquante du siècle dernier, elle fut introduite par les USA durant la Deuxième Guerre mondiale pour comprendre les contenus de documents rédigés en langue russe et rendre cette langue accessible par les services secrets. La traduction dite automatique vise à utiliser les logiciels et dictionnaires online pour traduire des textes d’une langue vers une autre en utilisant la traduction littérale qui considère le mot comme unité de basé en traduction.

Selon Hutchins (1993: 04) la traduction automatique a connu des changements énormes représentés par trois époques ; l’époque de transfert syntaxique qui consistait à utiliser des logiciels de traduction pour trouver des correspondances syntaxiques hors contexte. La deuxième époque s’est orientée vers la recherche des règles lexicales puis dans la troisième époque on donnait plus d’importance à la connaissance des textes à traduire ou le domaine thématique des textes.

Malgré les fameux développements vécus par la traduction automatique elle n’a pu se détacher de l’homme, c’est pourquoi il est apparu le concept de la traduction humaine assistée par ordinateur dans lequel le traducteur joue un rôle important et décisif. C’est une technique qui facilite la tâche du traducteur à travers l’utilisation de logiciel de traduction et mémoire de traduction, mais la traduction elle-même sera effectuée par le traducteur lui-même. De plus, l’utilisation de logiciel de traduction représente un gain de temps et épargne l’effort du traducteur surtout lorsqu’il veut rendre des documents nombreux en nombre et en genre.

Parmi ces logiciels, nous citons à titre d’exemple Wordfast qui est un logiciel de post-édition utilisé en traduction humaine assistée par ordinateur, celui-là offre une série d’avantages comme le découpage du texte source en unités de traduction, stockage en mémoire de traduction des termes et leurs équivalents en langue cible, comptage des mots à traduire ce qui facilitera l’élaboration de devis de la traduction. Reste à signaler que la traduction humaine assistée par ordinateur diffère totalement de la traduction automatique car le traducteur est le responsable de la traduction tout au long de l’opération traduisante.

Par contre dans la traduction automatique, le traducteur électronique fait le travail mais produit généralement des traductions médiocres et non cohérentes comme Google.

  1. Compétences traductives

Le traducteur est une personne qui traduit un texte rédigé en langue source (français, anglais…) vers un texte rédigé en langue cible qui est sa langue maternelle d’une façon générale (l’arabe). Il essaye de reproduire un texte cible qui sera équivalent à l’original tout en gardant le sens global et parfois même la forme de l’écrit, comme il est le cas dans la traduction des textes juridiques (contrats, loi, décision judiciaire). Pour que ce dernier puisse mener à bien sa mission, il devra posséder un certain nombre de compétences traductives et juridiques.

Il est à noter que les compétences traductives ont fait couler beaucoup d’encre de la part des théoriciens et critiques de la traduction qui insistaient tous sur la connaissance linguistique et extralinguistique.

Pour Cao (2007: 39), la compétence traductive est la connaissance nécessaire intervenant dans l’acte du traduire et qui inclut la compétence linguistique, la compétence cognitive et la compétence stratégique. D’autres pensent que le traducteur juridique doit avoir une compétence rédactionnelle qui a trait à la capacité de rédiger des textes juridiques dans la culture réceptrice (BOCQUET, 2008: 88).

Dans le même ordre d’idées, Smith (in Cao, 2007 :37) pense que le traducteur doit connaitre parfaitement le système juridique source et le système juridique cible en plus la maitrise de la terminologie juridique. Selon Wagner (in Cao : 39), le traducteur juridique doit comprendre le sens porté par le message juridique et être fidèle et produire un texte juridique et connaitre les techniques de rédaction et l’interprétation.

Sarcevic (1997: 71) pense que le traducteur juridique doit produire un texte juridique cible qui porte les mêmes effets juridiques et non pas un texte portant le même sens ; c’est-à-dire de produire le même équivalent.

En outre, J-C Gémar (in Pelage, 2007: 21) avait élaboré dix commandements pour le traducteur juridique qui résument à la fois les compétences à viser par le traducteur et les engagements à respecter par ce dernier. Ces commandements sont tour à tour :

Art-1. Généraliste du droit, de préférence à spécialiste, devenir t’efforceras.

Art -2. Traducteur avant tout resteras, car de la langue au service demeureras.

Art -3. Les principes généraux du droit parfaitement assimileras.

Art-4. Le langage du droit et ses subtilités possèderas.

Art.5. la langue d’arrivée, ta langue, maîtriseras.

Art-6. Le système juridique étranger et la langue qui l’exprime le mieux possible comprendras.

Art-7. Le système d’arrivée sous tous les angles connaîtras

Art-8. L’auteur du texte juridique et son intention, de même que son expression le moins possible trahiras.

Art 9. Ta langue et son génie propre respecteras.

Art 10. À la facilité ne céderas et de rigueur preuve tu feras.

Conclusion

De ce qui précède, on pourrait dire que la didactique de la traduction juridique en Algérie nécessite des recherches approfondies pour combler le déficit dan ce domaine, mais les réflexions présentées dans le présent article peuvent être conçues comme une base, certes elles ne sont pas exhaustives mais elles représentent l’essentiel des problématiques de la traduction juridique.

On pourrait dire que le contenu de formation du traducteur juridique devrait prendre en considération l’enseignement de la traduction juridique comme une formation professionnelle et non pas académique, ou l’aspect pratique occupe une place extrêmement importante et afin de façonner ce métier, il est plus bénéfique d’inclure l’outil informatique à travers la traduction humaine assisté pars l’ordinateur qui tient une relation de complémentarité avec l’enseignement de la traduction juridique envisagée dans cet exposé.

A ceci s’ajoutent les compétences traductives que doit acquérir le traducteur juridique et qui ont une relation étroite avec les différentes facettes formant le droit ; à savoir la culture juridique source et cible, les langages juridiques source et cibles ; les systèmes juridiques (systèmes, français, algérien…), branches du droit (droit des contrats, obligations…) et la communication juridique (émetteur et récepteur juridiques). De plus, les compétences linguistiques, c’est-à-dire la maitrise irréprochable des nuances de sens et de la terminologie inhérentes des deux langages source et cibles. Sans oublier d’insister sur les connaissances techniques relatives à la traduction juridique comme la bonne utilisation des procédés de la traduction, directs ou obliques.

Nous avons présenté dans cet exposé quelques réflexions sur la formation du traducteur juridique et ses compétences traductives, ainsi sur l’aspect spécialisé de la traduction juridique. On pourrait dire que pour que la formation du traducteur juridique soit cohérente et fructueuse elle devra inclure les principaux éléments cités en haut, qui ne sont pas exhaustifs mais indispensables.

Car traduire le droit nécessite sa compréhension en tant que lecteur spécialiste et non pas comme un profane.

Bibliographie

CAO, D. (2007), Translating Law, USA, Multilingual Matters Ltd, USA.

BOCQUET, C, (2008) La traduction juridique, Fondement et méthode. Belgique, De Boeck.

CARY, E. (1990) , Comment faut-il traduire ? Lilles, Presses Universitaires de Lilles.

Hutchins, J. (1993), Vers une nouvelle époque en traduction automatique In TO-TAO : recherches de pointe et applications immédiates. Actes du colloque de Montréal.

PELAGE, J.(2007) .  La traduction des discours juridiques : Problématiques et méthodes. Paris, autoédition.

VINAY J.P. et. Darbelnet . J, (1977), Stylistique comparée du français et de l’anglais. Paris: Didier, 2nd Edition,

SARCEVIC, S , (1997) New approach to legal translation, The Hague, Kluwer International law.,

AISSANI, A.( 2000) , L’enseignement de la traduction en Algérie . Meta : journal des traducteurs. Vol 45, N°3, p.480-490.

BENCHERIF, M.H. (2012), Problématiques inhérentes à la traduction des contrats : français arabe ». revue Traduction et Langues, N° 11, Dar El Quods Arbabi, Oran, Arabi , Algérie. 2012. p.52-63.