Trans | Internet-Zeitschrift für Kulturwissenschaften | 15. Nr. | Juni 2004 | |
1.2. Signs, Texts, Cultures.
Conviviality from a Semiotic Point of View / Buch: Das Verbindende der Kulturen | Book: The Unifying Aspects of Cultures | Livre: Les points communs des cultures |
Grundlagen/Fundamentals |
Teil 1/Part
1: Theorie/Theory |
Teil 2/Part
2: Sprache(n)/Language(s) |
Teil 3/Part
3: Literatur(en)/Literature(s) |
Teil 4/Part
4: Nonverbale Zeichen/Non-verbal Signs |
Bernard
Lamizet (Lyon)
[BIO]
Résumé: La médiation culturelle exprime l'identité des acteurs de la sociabilité en l'in scrivant dans une logique de sublimation esthétique. Elle articule les logiques singulières de la subjectivité, fondées sur la représentation du désir, et les logiques collectives du politique, fondées sur celle du pouvoir. Les formes post-industrielles de la médiation culturelle se caractérisent par quatre éléments majeurs: l'éclatement et le morcellement de l'espace public, la disparition des formes monumentales du politique, l'importance des formes symboliques qui expriment la quotidienneté, et l'existence d'espaces transnationaux et de formes périphériques d'appartenance et de sociabilité. Les formes contemporaines de la médiation culturelle inaugurent trois logiques majeures de rationalité, articulées aux formes contemporaines des médias, de l'information et de la communication, au savoir sur l'inconscient et sur la psychanalyse, et à des logiques de réseaux, dans une conception nouvelle de la spatialité.
La médiation culturelle consiste dans la représentation esthétique des formes de l'identité, qu'il s'agisse de l'identité des sujets singuliers, qui s'exprime dans leurs pratiques culturelles (spectacles, arts, etc.) ou de celle des acteurs collectifs et des institutions, qui s'exprime dans les politiques culturelles, dans l'aménagement esthétique de l'espace ou dans les formes collectives de la représentation. La médiation culturelle constitue, ainsi, une médiation exprimant l'identité des acteurs de la sociabilité en la rendant intelligible et en l'inscrivant dans une logique de sublimation esthétique.
La culture articule ensemble l'instance sémiotique, l'instance politique et l'instance esthétique de l'identité. L'instance sémiotique de l'identité donne du sens aux pratiques et aux uvres culturelles par l'interprétation et permet de penser l'investissement de la culture par le désir du sujet (désir de création et désir de lecture). C'est l'instance sémiotique de l'identité qui rend possible la diffusion de la médiation culturelle en permettant l'interprétation et la mémoire des uvres esthétiques de la culture et de la représentation. L'instance politique de l'identité est la représentation de l'appartenance et de la sociabilité par les pratiques culturelles et la possibilité pour les acteurs institutionnels d'acquérir une visibilité dans l'espace public qui leur assure une reconnaissance. C'est l'instance politique de l'identité qui rend nécessaire la représentation culturelle de l'identité. En effet, cette dernière met les sujets singuliers de la sociabilité en mesure de reconnaître les appartenances dont ils sont porteurs et dont ils exercent la citoyenneté. L'instance esthétique de l'identité inscrit les significations et les identités dans des formes qui font l'objet d'une diffusion dans l'espace public, d'une conservation dans le patrimoine, d'une interprétation par ceux qui les mettent en uvre et par ceux qui les reçoivent, et d'une identification symbolique qui, elle-même, constitue le processus même de la médiation culturelle. En articulant ensemble ces trois instances, et en organisant la représentation d'un langage à la fois sémiotique, politique et esthétique, la médiation culturelle s'inscrit dans les formes esthétiques dans lesquelles s'actualisent et se matérialisent les événements, les médias, les lieux et les institutions qui définissent ce que l'on peut appeler l'espace public culturel.
La médiation culturelle se pense, dès lors, comme un ensemble de pratiques et de modes d'intelligibilité qui articulent les logiques singulières de la subjectivité et les logiques collectives du politique.
Les logiques singulières de la subjectivité sont fondées sur le désir. En effet, il n'y a pas de culture dans désir de culture, ni d'art, sans désir de beau. Ce sont les logiques singulières de la subjectivité qui rendent possibles l'appropriation de la médiation culturelle et la reconnaissance de sa signification par les sujets singuliers qui mettent en uvre des pratiques culturelles. Pas de médiation culturelle sans un désir de culture et sans un désir d'identité qui suscite les pratiques culturelles en suscitant chez les spectateurs et les usagers de la médiation culturelle le désir d'être confrontés à des représentations esthétiques de leur propre identité et de leur propre sociabilité. C'est le désir qui est à l'origine des pratiques esthétiques et culturelles, qui ne sauraient être rendues obligatoires, et c'est le désir qui s'exprime à l'occasion de la mise en uvre de la médiation culturelle qui, lui-même, rend possible l'acquisition de l'identité par ceux qui en sont porteurs. C'est enfin dans les logiques singulières de la médiation culturelle que le sujet, en rencontrant des représentations sublimées de son propre désir, peut mieux comprendre et mieux penser son inconscient et les logiques propres de sa subjectivité.
Les logiques collectives de l'appartenance et de la sociabilité sont fondées sur le pouvoir. En effet, c'est le pouvoir qui met en uvre les formes et les pratiques de la culture pour se mettre en scène, mais c'est aussi contre le pouvoir que s'expriment certaines formes esthétiques et culturelles de contestation. Le pouvoir est, ainsi, au centre des activités de la médiation culturelle. C'est toujours le pouvoir qui les suscite, soit qu'il suscite l'élaboration et la mise en uvre de pratiques esthétiques et culturelles de nature à le soutenir, soit qu'il suscite des pratiques politiques de nature à le combattre ou à le critiquer, et, ainsi, des représentations esthétiques et culturelles ironiques ou polémiques. C'est enfin dans les logiques collectives de la médiation culturelles que les foules et les citoyens, en rencontrant des représentations sublimées de la citoyenneté, de l'appartenance et de la sociabilité, peuvent mieux comprendre et mieux penser les formes et les lois de leur société et les logiques particulières de leur sociabilité.
Le champ et les concepts de la sémiotique de la culture rendent intelligible l'articulation entre les logiques de l'appartenance et de la sociabilité, qui relèvent du discours politique, et les logiques de la filiation et du désir, qui relèvent du discours de la psychanalyse. Ces deux types de logique représentent, en fait, les différentes formes que revêtent les deux dimensions du sujet de la communication et de la médiation : sa dimension singulière (sa subjectivité) et sa dimension collective (la citoyenneté qu'il exprime dans ses pratiques sociales et la conscience politique dont il est porteur).
Les formes post-industrielles de la médiation culturelle se caractérisent par quatre éléments majeurs, qui renvoient à de nouvelles pratiques culturelles et à de nouvelles logiques d'intelligibilité de la médiation culturelle qui manifestent la naissance du nouvel espace public culturel, fondé sur les logiques du réseau et de la convivialité. D'une part, il s'agit de l'éclatement et du morcellement de l'espace public, en petites structures, voire en pratiques culturelles individualisées (CD Rom, formes culturelles en réseaux, médias domestiques, etc.). Une telle individualisation des formes et des pratiques de la médiation culturelle conduit les formes post-industrielles de la culture à s'exercer dans un espace public qui est désormais, en quelque sorte, invisible, puisqu'il est dématérialisé, ne s'exprimant plus dans les formes de l'urbanisme ou de la monumentalité. D'autre part, il s'agit, de la même manière, de la disparition des formes monumentales du politique, et de l'apparition de formes médiatées de la représentation du pouvoir (journaux, associations, comités de quartier ou de voisinage etc.). Dans ces conditions, les formes et les pratiques de la culture politique s'inscrivent, désormais, dans des structures de voisinage (fêtes de quartier, activités culturelles de voisinage), qui donnent de l'espace public une vision individuelle. Par ailleurs, les pratiques culturelles et artistiques représentent des formes symboliques qui expriment la quotidienneté (mises en scène de la vie quotidienne, formes publicitaires de médiation artistique, etc.). La quotidienneté, telle, en particulier, qu'elle est structurée par des pratiques et des lieux uniformisés de médiation, est mise en scène par les représentations qu'en donne la publicité, et par les représentations qu'en donnent certains spectacles qui la mettent en scène dans une spécularité en laquelle peuvent se reconnaître les spectateurs. Enfin, et, en quelque sorte, selon une tendance inverse de la tendance à l'individualisation, les formes post-industrielles de la médiation culturelle s'inscrivent dans des espaces transnationaux et dans des formes périphériques d'appartenance et de sociabilité (retour aux pratiques identitaires locales ou régionales, cultures patrimoniales, etc.). La médiation culturelle se diffuse et se met en uvre sous des formes transculturelles qui se répandent dans tous les pays et dans tous les réseaux, faisant, ainsi, apparaître des logiques et des représentations transculturelles de l'identité.
L'espace politique se reconfigure et se restructure sous des formes nouvelles d'appartenance, de sociabilité et d'activité institutionnelle, qui se donnent de nouvelles formes esthétiques et culturelles de représentation. C'est ainsi, en particulier, que les formes post-industrielles de la médiation culturelle donnent naissance à des institutions culturelles moins pérennes, plus temporaires, plus réduites aussi dans leur emprise sur l'espace public et dans les publics d'usagers et de spectateurs qu'elles visent. Il y a, en particulier, à analyser une dialectique culturelle nouvelle, liée au concept de réseau, entre transnationalité et formes mondialisées de la médiation culturelle et cultures locales, relevant d'une approche restreinte de l'espace public.
Interpréter la médiation culturelle en termes politiques, c'est penser le sens de la culture comme une logique de représentation et d'expression des appartenances sociales. Il peut s'agir des appartenances politiques proprement dites. En effet, elles peuvent concerner des pays, des états, des institutions politiques, des partis, etc. Mais il peut s'agir, aussi, d'appartenances sociales de façon plus générale. En effet, il s'agit de formes d'expression qui confèrent à ceux qui en sont porteurs des logiques d'identité qui s'expriment dans les formes de la culture. Elles donnent de nouvelles formes esthétiques à leurs représentations, les associations, les mouvements de défense de l'environnement, les nouvelles formes de revendication politique inaugurent de nouvelles logiques esthétiques et culturelles.
L'interculturalité classique et industrielle est une interculturalité de confrontation, mettant en contact des identités culturelles étrangères les unes aux autres, et fondées sur leur singularité même. En revanche, l'interculturalité post-industrielle dessine un espace public interculturel, c'est-à-dire un espace dans lequel les pratiques culturelles se diffusent et s'échangent dans des dynamiques transculturelles de traduction et de diffusion qui rendent possibles des appropriations multiples et des fécondations croisées. L'interculturalité post-industrielle est une interculturalité d'échanges et de circulations dans laquelle la traduction et les échanges symboliques participent à la formation même des représentations, des discours et des images.
Dans les formes post-industrielles de la culture, le signe s'articule en trois instances, la médiation, l'inconscient et la spatialité, qui se déploient dans deux plans : le plan des identités et celui de la sublimation esthétique.
Le plan des identités se caractérise dans les logiques post-industrielles du signe, par des formes très fluctuantes d'identités, par des identités que l'on peut qualifier de schizées, par opposition aux identités consistantes de l'époque industrielle. Dans le plan des identités, la médiation prend la forme du politique, l'inconscient prend la forme de l'expression de la subjectivité, et la spatialité prend la forme du réseau. La médiation prend la forme du politique, car les acteurs qui l'élaborent et qui la mettent en uvre sont tous inscrits dans des logiques institutionnelles et dans des pratiques de représentation des pouvoirs. Les identités dont nous sommes porteurs sont toutes liées ou articulées à des formes d'appartenance et de sociabilité qui sont structurées par le rapport au politique et par les contraintes énoncées par les acteurs qui disposent des pouvoirs. Les logiques inconscientes de la subjectivité s'inscrivent dans les formes et dans les pratiques symboliques qui expriment les désirs du sujet et qui manifestent, dans l'espace public, les pulsions dont il est porteur dans son inconscient. De la même manière, les représentations des acteurs sociaux se font par la médiation de leur subjectivité et dans la mise en scène de leurs désirs et de leur inconscient. Enfin, l'espace public mis en scène dans les représentations post-industrielles se caractérise par l'importance des connexions et des réseaux, d'où l'importance, par exemple, de la télévision par câble et du « réseau des réseaux », Internet. L'espace public interculturel contemporain se caractérise aussi par la mise en uvre de ce que l'on peut appeler une économie politique du réseau, qui repose sur la valeur et l'importance déterminantes de l'information dans l'élaboration de stratégies politiques. C'est dans un tel contexte que les identités culturelles se définissent, désormais, fondées sur des identifications de relation et non sur des identifications liées à des appartenances pérennes.
Le plan de la sublimation se caractérise dans les logiques post-industrielles du signe par des pratiques individualisées et morcelées de la sublimation. La médiation esthétique prend la forme d'uvres interactives et de pratiques artistiques engageant leur spectateur dans des usages et dans des parcours qui impliquent dans une relation active aux formes et aux représentations. Dans le plan de la sublimation, la médiation prend la forme de l'art, l'inconscient prend la forme du plaisir et du désir, et la spatialité prend la forme de la virtualité. La médiation s'inscrit dans des formes qui mettent en continuité le politique et le culturel par la représentation artistique des formes symboliques de l'identité. C'est le sens de spectacles mettant en scène l'éclatement des identités politiques issues de la seconde guerre mondiale, comme dans le film Good bye Lenin!, de W. Becker (2003). Les représentations de l'inconscient prennent la forme de la mise en scène du plaisir et du désir, ce qui aboutit à une sublimation morcelée, fragmentée, de la subjectivité, et à la mise en scène d'émotions non maîtrisées, non contrôlées, non unifiées dans la personnalité. C'est le sens de spectacles qui représentent la folie, comme le très beau film, Aloïse, de L. de Kermadec (1975).
Le concept de convivialité faisant partie des formes de la culture contemporaine, il importe d'en proposer une définition en termes sémiotiques. Le concept de convivialité exprime l'importance du désir et de la subjectivité dans l'expérience esthétique et culturelle. Il a été élaboré récemment, pour désigner à la fois des structures institutionnelles de nature à faciliter les rapports sociaux et des processus technologiques facilement maîtrisables et utilisables avec plaisir. La convivialité représente la reconnaissance de l'importance de la subjectivité et de la singularité de nos expériences sociales dans l'élaboration des logiques de la communication et de la sociabilité. La figure de la convivialité désigne l'expérience d'une cohérence symbolique entre les trois instances de la sémiotique de la culture (médiation, inconscient, spatialité) et d'une expression de cette cohérence par des pratiques esthétiques et symboliques qui assurent une représentation pleine de ces trois dimensions dans l'espace public(1). Le thème de la convivialité est un thème majeur des nouvelles technologies de l'information et de la communication, et représente, ainsi, une caractéristique essentielle des pratiques contemporaines de la médiation culturelle. On peut le définir de quatre manières complémentaires.
L'individualisation des pratiques de communication et le souci de la subjectivité des usagers ont suscité, dans l'élaboration des stratégies et des technologies de communication, l'élaboration et la mise en uvre de modèles favorisant l'implication de l'usager et l'expression de ses désirs et de son individualité dans les pratiques et les objets qu'il est amené à mettre en uvre au cours de ses activités de communication. C'est toute une sémiotique de la subjectivité qui se déploie, ainsi, dans les médias contemporains, sous la forme de choix et de menus de consultation personnalisés dans les dispositifs télématiques et dans les sites Internet, ou encore sous la forme de rubriques personnalisées dans les pratiques culturelles, dans les médias et dans les aides à l'information.
La généralisation et la banalisation de l'usage des nouvelles technologies de l'information et de la communication ont entraîné ce que l'on peut appeler une vulgarisation de ces technologies, et, parallèlement à cette vulgarisation, la recherche d'une simplification accrue de leur usage. Pour faciliter encore la diffusion des N.T.I.C.(2) dans le grand public, les concepteurs des médias, des instruments et des appareils ont multiplié les simplifications de procédures, et ont amélioré la conception des modes de présentation des instruments et des programmes. Une telle simplification, liée, par ailleurs, aux exigences de la diffusion et de la mercatique, a entraîné la recherche d'une convivialité de plus en plus poussée des formes de la médiation culturelle.
La simplification des procédures a été, elle-même, liée à l'amélioration de la qualité des systèmes d'information. Comme dans tous les dispositifs techniques, plus les systèmes sont complexes, plus leur usage est simple, car leur complexité les met en mesure de prévoir les erreurs, de s'adapter aux exigences des usagers, y compris quand ils ne disposent pas d'une grande information et d'une grande maîtrise. C'est ainsi que les dispositifs interactifs de la médiation culturelle sont en mesure d'offrir des interfaces de communication avec les usagers, le plus souvent en langage clair, pour faciliter l'apprentissage des consignes et des modes d'emploi.
Le développement des logiques de la communication multimédia entraîne une généralisation et une uniformisation des médias et des technologies, qui entraînent, elles-mêmes, l'uniformisation des procédures, et, par conséquent, l'amélioration de leur convivialité. En effet, à partir du moment où l'espace public se mondialise pour devenir interculturel, les médias et les formes et pratiques de la médiation culturelle s'inscrivent aussi dans ce processus d'uniformisation des pratiques de l'information et de la représentation. La globalisation des médias et des systèmes d'information entraîne l'uniformisation des langages et des codes mis en uvre dans les pratiques de la médiation culturelle.
Les formes contemporaines de la médiation culturelle inaugurent trois logiques majeures de rationalité.
La première est une rationalité esthétique. Il convient d'articuler les formes post-industrielles de la médiation culturelle aux formes contemporaines des médias, de l'information et de la communication. La médiation culturelle s'inscrit aujourd'hui dans quatre logiques. D'abord, on observe une continuité entre les médiations politiques de l'information et les médiations esthétiques de la culture et de la représentation. Le développement des formes nouvelles de l'information, en particulier dans le domaine de l'audiovisuel, contribue à une telle esthétisation de l'information et à son inscription dans les logiques de l'art et de la culture. Ce que l'on peut appeler la médiatisation généralisée de l'espace public entraîne une continuité esthétique et symbolique des formes et des pratiques de l'information et de celles de la culture et de l'art. On peut observer, en particulier, à cet égard, la continuité entre la publicité et l'esthétique. Les exigences de la mise en scène des journaux télévisés et celles de la représentation esthétique des objets et des pratiques de consommation dans les images et les discours publicitaires ont entraîné l'élaboration de toute une rationalité esthétique des formes contemporaines de la communication.
On peut appeler la seconde logique une rationalité de l'expression de la subjectivité. La rationalité contemporaine de la culture articule savoir et désir, information et plaisir esthétique, dans des pratiques de la médiation esthétique inscrites dans des formes nouvelles de représentation de la subjectivité, et la rationalité contemporaine de la médiation culturelle est articulée, ainsi, au savoir sur l'inconscient et sur la psychanalyse. La découverte de l'inconscient et des logiques dont il est le siège a ouvert le champ des représentations symboliques de l'identité à des formes nouvelles d'expression et d'intelligibilité. C'est ainsi, en particulier, que la connaissance de la folie et des pathologies mentales a pu faire entrer des représentations de ces dernières dans les pratiques culturelles et les représentations esthétiques inscrites dans l'espace public. Par ailleurs, la connaissance de l'inconscient et des logiques qui structurent le désir a donné à la rhétorique mise en uvre par la médiation publicitaire des horizons nouveaux et des objets nouveaux d'expression, et de représentation, caractéristiques de la culture post-industrielle dans leur maîtrise de nos logiques inconscientes.
Enfin, la rationalité post-industrielle de la médiation culturelle a à imaginer de nouvelles formes de spectacles et de représentations, mobiles et inscrites dans des logiques de réseaux, dans une conception nouvelle de la spatialité. Nous sommes confrontés, aujourd'hui, à ce que nous pouvons appeler les nouvelles frontières de l'espace public de la médiation culturelle et de la représentation. L'espace public donne aujourd'hui aux formes et aux pratiques de la médiation culturelle trois traits majeurs. D'abord, l'espace de la communication est un espace de réseau, de la relation, qui perd sa dimension matérielle proprement géographique. Les lieux et les territoires de la culture et de la représentation sont aujourd'hui délocalisés, comme déspatialisés. Ensuite, l'espace du réseau est un espace de la connexion et non de la situation. Le développement des usages d'Internet, y compris en matière esthétique, conduit à une dématérialisation de l'espace. Les formes et les pratiques de la culture sont mises en représentation dans des lieux dématérialisés de communication. Enfin, la multiplication et l'homogénéisation des médias et des pratiques de communication conduisent à une uniformisation des pratiques esthétiques et culturelles dans un processus sémiotique d'interculturalité et de globalisation(3).
Certains objets, certaines pratiques, échappent à la médiation culturelle, à la sémiotisation et à la représentation. Comme tout système symbolique, la médiation culturelle est limitée par une limite qui sépare deux domaines. Dans le premier domaine, se trouvent les formes et les lieux de la culture, qui rendent possible une unification sociale et politique. C'est le domaine du sens, du légitime, de ce qui peut faire l'objet d'un échange et qui, par conséquent, a lieu de s'inscrire dans le champ de la médiation. Dans l'autre domaine, se trouvent les objets et les lieux de la «non-culture», c'est-à-dire les objets, les lieux et les pratiques indicibles, irreprésentables, qui ne sauraient fonder l'unification de la société que sur son exclusion des pratiques et des activités symboliques. C'est le domaine du sale et du malsain, du dangereux et de l'horreur. Ce qui définit ce champ, c'est qu'il ne saurait fonder une unification culturelle que sur la base de son rejet, et que nul ne saurait fonder légitimement sur lui de représentation de son identité.
Enfin, il existe certaines figures qui sont, en propres, irreprésentables, mais qui, au contraire, le sont parce que nul humain ne saurait s'identifier symboliquement à elles. Il s'agit, d'abord, de la figure de l'imprévisible. L'imprévisible (qui n'est pas la même chose que l'aléatoire) est ce qui échappe aux représentations que je suis en mesure d'énoncer de mes attentes. C'est, justement, parce que je ne suis pas en mesure de connaître ou de représenter de tels événements qu'ils sont imprévisibles et empêchent de fonder aucune relation de communication et d'échange symbolique.
Il s'agit, par ailleurs, de la figure de la divinité, en particulier dans les cultures monothéistes. En effet, la divinité est la figure majeure de ce que l'on peut, ainsi, désigner comme un irreprésentable par excès de puissance. En raison de cet excès de puissance, aucune relation spéculaire n'est possible à de telles figures, nul ne saurait s'identifier symboliquement à elles, et, de la même façon qu'en ce qui concerne les figures du rejet, la médiation et l'unification culturelles ne peuvent se fonder que sur la base de la reconnaissance de l'impossibilité de s'identifier à elles(4).
Dans les cultures post-industrielles, l'incommunicable et l'irreprésentable prennent essentiellement trois formes. Il s'agit du terrorisme (cf. les attentats du 11 septembre 2001 à New York), de l'infection (cf. le SIDA et les peurs ou inhibitions qu'il suscite) et de la peur (cf. les figures des films fantastiques ou les figures menaçantes comme les Pokémons).
© Bernard Lamizet (Lyon)
NOTES
(1) On entend, ici, par représentation pleine, une représentation qui exprime et rend intelligibles à la fois le désir et le savoir des sujets de la médiation culturelle.
(2) N.T.I.C. est l'abréviation française pour nouvelles technologies de l'information et de la communication.
(3) Le thème «Interculturalité et globalisation» est le thème du congrès de l'Association Internationale de Sémiotique (Lyon, 7-12 juillet 2004). Pour toute information, consulter le site du Congrès: http://sites.univ-lyon2.fr/semio2004
(4) Comme en une accentuation de cette impossibilité de s'identifier à elle, les religions monothéistes ont institué une figure anthropomorphe de la divinité. En effet, l'impossibilité de la relation de miroir est d'autant plus marquée et d'autant plus instituante que l'on pourrait s'imaginer possible la relation de miroir. C'est parce que la relation de spécularité semble possible que l'impossibilité de s'identifier à la figure de la divinité prend la forme d'un interdit.
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AUTORXXXXXX In: TRANS. Internet-Zeitschrift für Kulturwissenschaften.
No. 15/2003. WWW: http://www.inst.at/trans/15Nr/01_2/mestrovic15.htm