Trans Internet-Zeitschrift für Kulturwissenschaften 15. Nr. September 2004
 

8.4. L'éducation multiculturelle ou Est-il possible de créer un espace culturel commun?
HerausgeberIn | Editor | Éditeur: Mirela Moldoveanu (Université d'Ottawa, Canada)

Buch: Das Verbindende der Kulturen | Book: The Unifying Aspects of Cultures | Livre: Les points communs des cultures


Les perceptions de futurs enseignants sur l'éducation interculturelle en Roumanie

Mirela Moldoveanu (Université d'Ottawa, Canada) / Anca Dumitru (Université de Bucarest, Roumanie)

 

I. Argument

Les préoccupations pour l'éducation multiculturelle ou interculturelle occupent une place centrale dans les politiques européenne des dernières années. Les pays membres de la Communauté européenne ou ceux qui aspirent à rejoindre un jour l'Union sont en train de prendre des mesures effectives afin d'implanter non seulement un cadre législatif, mais aussi des changements profonds de mentalité. Parce que, il faut l'admettre, adopter une politique n'équivaut pas toujours à l'implanter d'une manière efficace, si des résistances se manifestent au niveau des mentalités ou de la volonté de l'implanter.

La Roumanie, pays qui aspire à devenir membre de la Communauté européenne en 2007, fait des efforts considérables afin d'aligner ses politiques d'éducation interculturelle aux lignes directrices de l'Union et des organismes européens et mondiaux. L'éducation interculturelle revêt des aspects spécifiques en Roumanie depuis l'ouverture du pays vers la Communauté européenne. Il s'agit premièrement de l'importance grandissante que les contenus culturels acquièrent dans les programmes de formation à tous les niveaux scolaires; deuxièmement, les questions reliées à l'éducation des groupes minoritaires occupent une place privilégiée dans la recherche et dans l'action politique de la dernière décennie. Notre étude vise à analyser ce deuxième aspect, sous l'angle des perceptions de futurs enseignants sur l'éducation interculturelle, envisagée à la fois comme éducation des groupes minoritaires et éducation de la majorité à l'ouverture culturelle vers ces groupes.

Le présent article comporte quatre parties: dans la première, nous essaierons de situer notre recherche, du point de vue aussi bien pratique (en nous occupant spécifiquement de la demande sociale pour une éducation interculturelle en Roumanie) que théorique. La deuxième partie sera consacrée à la présentation de notre méthodologie de recherche. Nous ferons état des résultats de notre étude dans la troisième partie. Finalement, la quatrième partie sera réservée aux conclusions.

 

II. Cadre de référence

L'éducation interculturelle fait couler beaucoup d'encre depuis quelques décennies. La nécessité d'implanter les principes de l'interculturalisme a émergé une fois que le phénomène de la mondialisation s'est accentué et que le concept d'État national unitaire s'est vu remis en question. Éduquer les migrants dans les sociétés d'accueil, éduquer les membres des minorités ethnoculturelles traditionnellement établies sur le territoire national, éduquer les membres de la majorité afin d'assurer la cohésion sociale au sein d'un pays en voilà tout autant d'aspects de l'éducation interculturelle (Abdallah-Pretceille, 1986; Banks, 1988, 1997; Ghosh, 1996). Si les programmes de formation dans les langues des minorités ethnoculturelles traditionnelles sont bien établis depuis plusieurs décennies dans presque tous les pays européens, les programmes d'éducation des migrants récents et la formation interculturelle de la majorité représentent des nouveautés. Après l'approche assimilationniste des années 80, la fin des années 90 a vu émerger de nouveaux principes d'équité en éducation. Ce mouvement novateur s'est accompagné d'une ouverture de la majorité vers les minorités, traduite dans l'implantation des contenus de formation qui présentent une image plus juste des migrants ou des autres groupes ethniques présents sur le territoire national. De nombreux obstacles s'opposent encore à l'implantation efficace des principes de l'éducation interculturelle: les stéréotypes culturels profondément ancrés dans la mentalité des gens, l'image des groupes ethnoculturels présentée par les médias, des résistances individuelles provenant de l'incompréhension ou de raisons strictement personnelles (Blondin, 1991; Dei et Callixte, 2001; Gohard-Radenkovic, 1999).

Pour notre part, nous considérons l'éducation interculturelle comme une ouverture nécessaire vers l'autre, surtout dans le nouveau contexte de la mondialisation et, spécifiquement pour le contexte européen, de la création des nouvelles structures de la Communauté européenne. Sans trop insister sur la signification du concept d'éducation interculturelle, précisons simplement que celle-ci recouvre:

a) l'ouverture vers le dialogue culturel entre les différents groupes ethniques;

b) le principe d'équité et de justice sociale au sens de l'égalité des chances en éducation et dans la participation à la vie de la société;

c) le principe d'harmonie et de cohésion sociale au sens qu'un dialogue compréhensif engendrera certainement une détension des relations interethniques là où il y a encore des conflits apparents ou latents.

L'éducation interculturelle s'avère selon nous une nécessité en Roumanie de plusieurs points de vue. Premièrement, il y a une forte demande sociale, étant donné la composition ethnique de la population (les membres des communautés culturelles représentent environ 11% de la population selon le dernier recensement de 1992). Deuxièmement, les études sociologiques ont montré que les groupes ethniques vivant sur le territoire roumain n'ont pas tous des chances égales de recevoir une éducation et de participer pleinement à la vie sociale. Sans prétendre d'une façon utopique que l'éducation interculturelle représente la solution miracle aux problèmes des groupes défavorisés, nous croyons que celle-ci, concertée avec d'autres mesures institutionnelles, pourrait avoir un effet positif à long terme. Finalement, la société roumaine se confronte encore à des tensions entre les groupes ethniques, profondément enracinées dans les représentations stéréotypiques des gens et alimentées par les représentations dévalorisantes dans les médias. Encore une fois, l'éducation interculturelle ne saurait être la solution miracle, mais elle pourrait contribuer à atténuer à long terme ces tensions, en offrant une connaissance réciproque plus approfondie et en favorisant le dialogue.

Le Gouvernement de la Roumanie a compris la nécessité d'assurer l'égalité des chances en éducation et d'implanter les principes d'équité et de justice sociale. Les lois adoptées ou modifiées depuis 1990 (la Constitution, la Loi sur l'éducation) en témoignent. Dans la Constitution de la Roumanie on peut lire explicitement:

Le droit des personnes appartenant aux minorités nationales d'apprendre leur langue maternelle et leur droit de pouvoir être instruites dans cette langue sont garantis; les modalités d'exercice de ces droits sont établis par la loi. (Art. 32, par. 3)

L'État assure la liberté de l'enseignement religieux, suivant les demandes spécifiques à chaque culte. Dans les écoles d'État, l'enseignement religieux est organisé et garanti par la loi. (Art. 32, par. 7)

La Loi de l'enseignement No 84/1995, re-publiée en base de l'art. II de la Loi No 151/1999 quant à l'approbation de l'Ordonnance d'urgence du gouvernement No 36/1997 pour modifier et compléter la Loi de l'enseignement No 84/1995, publiée dans le Moniteur Oficiel de la Roumanie, Première Partie, No 370 du 3 août 1999 est aussi explicite:

Les citoyens de la Roumanie ont des droits d'accès égaux à tous les niveaux et à toutes les formes d'enseignement, sans égard à la condition sociale et matérielle, sexe, race, nationalité, appartenance politique ou religieuse. (Art. 5, par. 1)

Dans chaque localité on organise et fonctionnent des unités, classes ou formations d'études ayant comme langue d'enseignement le roumain et, selon le cas, ayant comme langue d'enseignement les langues des minorités nationales ou on assure la scolarisation en langue maternelle dans la plus proche localité possible. (Art. 8, par. 2)

L'enseignement dans l'école de la langue roumaine, comme langue officielle d'État, est obligatoire pour tous les citoyens roumains, indifféremment de la nationalité. Les plans d'enseignement doivent comprendre le nombre nécessaire de classes et, en même temps on assurera des conditions qui permettent l'enseignement de la langue oficielle d'État. (Art. 8, par. 3)

Conformément à la Loi de l'éducation, trois types d'enseignement pour les enfants minoritaires fonctionnent en Roumanie:

Les lignes directrices de l'éducation sont définis comme suit dans la même loi:

"Le Gouvernement de la Roumanie considère que dans les domaines de l'éducation et de la recherche scientifique la Roumanie doit s'engager avec détermination dans la voie choisie par les pays développés. Toutes les sociétés, les plus développées y incluses, se trouvent aujourd'hui dans une période de grande transition historique, qui durera plusieurs décennies ce qui représente le passage d'une civilisation de type industriel à la société post-industrielle, informationnelle, intellectuelle et culturelle. La Roumanie doit répondre concomitamment aux provocations de la réforme interne et aux défis impliqués par l'adaptation aux nouvelles tendances de la civilisation mondiale." (chapitre VI: l'Éducation, la recherche et la culture facteurs stratégiques du développement du Programme de gouvernement)

Ces principes formels s'appliquent aussi bien à la formation initiale des enseignants: la formation des instituteurs a lieu dans des écoles normales et collèges pédagogiques à l'enseignement dispensé exclusivement en langue maternelle, pour les minorités hongroise et allemande, ainsi que dans des écoles normales et collèges pédagogiques roumains où il est organisé l'étude de la langue maternelle. Ce genre d'écoles normales fonctionnent à Braºov, Constanþa, Sibiu, Odorhei, Satu Mare, Suceava, Tg. Secuiesc, Timiºoara, Aiud, Cluj etc. pour toutes les minorités. Les universités de Roumanie sont encouragées à organiser des chaînes d'enseignement et de spécialisation dans les langues et littératures des minorités nationales. Le recrutement de professeurs pour l'enseignement des minorités se réalise également par des études à l'étranger la Hongrie, l'Ukraine, la Slovaquie, la Turquie, la Bulgarie, la Serbie, la Croatie. Pour l'enseignement dispensé en langue allemande, le Centre pour la Formation Continue en Allemand de Mediaº a les attributions d'une Maison des Enseignants sauf qu'il étend au niveau de tout le pays l'activité de formation continue du personnel didactique, qui enseigne en allemand.

 

III. Méthodologie

Dans ce contexte favorable du point de vue de la décision politique, nous nous sommes proposée d'analyser quelles sont les perceptions des futurs enseignants face à l'implantation de l'éducation interculturelle. Pour ce faire, nous avons choisi de mener une étude exploratoire de type qualitatif, dont l'objectif reste d'offrir une image détaillée de la place que l'éducation interculturelle occupe dans le système de valeurs des futurs enseignants, de leur préparation (psychologique, théorique et pratique) à l'interculturalisme.

Nous avons interrogé 18 sujets, étudiants dans des programmes de formation menant à l'enseignement au niveau intermédiaire (5ème 8ème année) ou secondaire (9ème 12ème année). Il y a eu un équilibre de représentation entre les sexes: 9 hommes et 9 femmes. Âgés de 21 à 25 ans, les sujets avaient complété au moins 2 années d'études universitaires au moment de l'entrevue, la plupart avaient complété 3 années. Tandis que 15 sujets sont nés en Roumanie, 2 sont nés en République de la Moldavie et 1 en Ukraïne. 16 sujets poursuivent leurs études à l'Université de Bucarest, 2 à l'Université de Galaþi. À la fin de leurs études, ils vont enseigner: les langues modernes (anglais et français), l'histoire, les sciences politiques, la sociologie, la psychologie, la religion.

Nous avons organisé des entrevues semi-structurées, d'une durée de 30 à 45 minutes chacune, qui ont permis aux sujets d'exprimer librement leurs opinions par rapport aux thèmes proposés par les chercheuses. Les entrevues se sont déroulées en roumain et ont été traduites en français par les chercheuses. Le protocole d'entrevue a compris des questions portant sur: la définition que les sujets donnent à l'éducation multiculturelle; la place qu'ils accordent à l'éducation multiculturelle dans leur système de valeurs et dans la société roumaine actuelle; leurs expériences interculturelles; leurs préjugés ethniques et / ou raciales et l'influence de ceux-ci sur leur future activité d'enseignants; la structure du programme de formation suivi (cours, activités en lien avec l'éducation interculturelle et à la citoyenneté, contribution des stages pratiques d'enseignement à l'éducation interculturelle); leur niveau de préparation pour enseigner dans des écoles multiethniques; leur niveau de satisfaction par rapport à l'éducation interculturelle reçue pendant le programme de formation universitaire.

 

III. Résultats et discussion

III. 1. La place qu'ils accordent à l'éducation multiculturelle dans leur système de valeurs et dans la société roumaine actuelle.

Tous les participants admettent l'importance de l'éducation multiculturelle dans le contexte actuel. Leurs arguments touchent en principal la globalisation, la nécessité de l'intégration de la Roumanie dans la communauté européenne.: "[L'éducation interculturelle est] assez importante surtout dans la perspective de l'intégration dans l'Union européenne en 2007. Cela a des liens avec le standard d'implantation de la démocratie, avec le niveau auquel la société est capable d'accepter sa propre diversité, tout en gardant l'idée de nationalité." (Sujet 3). Et au sujet 6 d'ajouter: "Oui, c'est important en vue de la future création de la culture européenne, il me semble important de connaître les autres cultures de l'espace européen et non seulement."

Une place moins importante est accordée par contre au fait que la diversité réelle de la population roumaine d'aujourd'hui devrait imposer une attention accrue aux questions de l'interculturalisme. Tout en parlant de l'intégration européenne, la plupart des participants oublient la nécessité première de connaître et de se faire connaître par ceux qui les côtoient quotidiennement. Tel que le sujet 12 affirmait: "On devrait gagner la multitude des perspectives: quand on regarde quelque chose, on doit prendre en considération tous les points de vue, quels que soient les tiens."

III. 2. L'influence des préjugés ethniques et / ou raciales sur leur future activité d'enseignants. Les participants à notre étude affirment ne pas avoir des préjugés ethniques ou raciales. Mais à regarder plus attentivement, il apparaît que les stéréotypes culturels sont assez profondément enracinés dans leurs conceptions, sans qu'ils s'en rendent compte. La plupart des sujets décrivent les Rroms ou les Hongrois d'un point de vue bourré de préjugés, même s'ils admettent n'avoir jamais eu contact direct avec des membres de ces ethnies. Ces préjugés proviennent en grande partie de conflits séculaires, perpétués de nos jours à force des interventions politiques et économiques. Voici par exemple ce que S1 nous a dit à ce propos: "Nous éprouvons de l'aversion envers les Rroms parce qu'ils nous ont fait une mauvaise image à l'étranger. Enfin, ils sont des êtres humains, eux-aussi, et il faut les traiter en conséquence. Les Rroms portent des vêtements ostentatifs, ils ne s'habillent pas comme les Roumains. Ils sont des truands en général. Je ne pense pas qu'en employeur embauche plutôt un Rrom qu'un Roumain parce que leur image est différente de la nôtre. Il se peut qu'il y en a qui s'habillent bien et alors il est devenu Roumain, on peut plus l'appeler Rrom, donc on ne se rend plus compte de son origine. Quand on dit Hongrois, on dit arrogant ils sont fiers et arrogants. Par expérience personnelle et par les histoires que j'ai entendues, je sais qu'ils ne traitent pas bien les Roumains"

En même temps, la majorité des participants ne comprennent pas la nécessité de décentration de la majorité, traduite en pratique par l'acceptation d'une certaine perte de pouvoir et même par certains privilèges accordés aux minorités, injustes à un premier regard. Par exemple, plusieurs sujets se déclarent mécontents des différences de traitement entre les étudiants roumains et rroms ou moldaves (il y a des programmes d'accès privilégié pour ces derniers un nombre de places réservés dans les universités, les programmes de bourses sont plus généreux que pour les étudiants majoritaires). Cette attitude témoigne en fait d'une impossibilité de décentration et d'abandon du pouvoir majoritaire dans les relations avec les minorités. Ce qui va à l'encontre des principes de l'interculturalisme

Tout en se déclarant libres de tout préjugé, les participants à cette étude affirment pouvoir fonctionner dans des milieux multiculturels. "[Les préjugés] n'affecteront pas mon activité, par contre, j'accorderai plus d'importance aux personnes ayant des préjugés" (Sujet 18). Et au sujet 12 de compléter: "Je n'ai pas de préjugés, il y a encore des stéréotypes, mais je pense avoir assez de force pour porter un regard objectif sur la situation. C'est la règle première d'un professeur: quand on entre dans la salle de classe, on n'y trouve que des élèves: il n'y a pas de Roumains, Allemands, Hongrois Ils sont tous pareils on les aide tous comme on peut."

Par ailleurs, quelques participants reconnaissent des difficultés de fonctionnement au niveau religieux. Dans les classes hétérogènes, les différences se font, selon l'expérience du sujet 16, du point de vue religieux. Même quand la tolérance ethnique et culturelle semble devenir principe de base, les critères religieux interviennent pour souligner la fragilité de l'équilibre.

III. 2. Quelle éducation interculturelle?

Tel que tous les participants le déclarent, les programmes de formation initiale des maîtres ne contiennent aucun cours ou activité en lien avec l'education interculturelle et à la citoyenneté. Prenons par exemple le témoignage du sujet 7: "L'école n'offre pas de programme d'éducation interculturelle. Ces aspects se situent sur un plan secondaire, parce que chez nous cela ne représente pas un problème. Cela dépend aussi de la région c'est important en Suisse, par exemple, où il y a pas mal de nationalités. Peut-être que chez nous aussi c'est important dans les régions où il y a un pourcentage élevé d'Hongrois." Relier l'éducation interculturelle au pourcentage des minorités dans une région constitue l'attitude principale chez nos sujets. En même temps, groupe minoritaire équivaut pour la plupart uniquement à la minorité hongroise. Le sujet 10 dépasse cette idée pour souligner l'importance de la généralisation des principes de l'éducation interculturelle: "Pour éduquer à l'interculturalisme, on doit offrir des cours spécifiques aux enseignants. Moi, je crois que les programmes d'éducation interculturelle devraient faire partie des curricula des lycées et que l'idée d'avoir une université multiculturelle serait bonne dans plusieurs régions, pas seulement à Cluj. En Dobrogea, par exemple, spécialement à Tulcea, où beaucoup de groupes minoritaires sont représentés. Peut-être pas forcément une université, mais une institution où l'on fasse de l'éducation interculturelle. Pour l'instant, il y a des programmes offerts par les municipalités mais ces programmes-là sont temporaires."

Les stages pratiques d'enseignement ne contribuent eux non plus à préparer les futurs enseignants pour devenir des agents reproducteurs des valeurs de l'ouverture à la diversité et de la justice sociale. Les futurs enseignants se fient seulement à leurs propres expériences interculturelles afin de fonctionner dans des écoles hétérogènes (surtout en milieux défavorisés et dans certaines écoles en milieu rural, où il y a un grand pourcentage d'élèves rroms).

Malgré l'absence des activités spécifiquement consacrées à l'éducation interculturelle, les participants à notre étude se déclarent prêts à enseginer dans des écoles multiethniques. Pas sans crainte, par contre, provenant surtout des représentations négatives des groupes minoritaires hongrois et rrom.

 

IV. Conclusions

L'analyse des documents officiels montre que l'éducation interculturelle en Roumanie se résume à l'enseignement dans les langues minoritaires. Cela représente sans doute une des dimensions principales de l'implantation de la démocratie: le droit fondamental d'être éduqué dans la langue maternelle fait depuis longtemps partie des principes clés du respect des droits de la personne. En même temps, il n'en reste pas moins vrai que seul l'enseignement dans les langues minoritaires ne saurait frayer chemin aux principes de l'interculturalisme. Cela conduit inévitablement à des tendances isolationnistes, venant autant des groupes minoritaires que des groupes majoritaires. Ces tendances émergent avec évidence des témoignages des participants à notre étude: la plupart accepterait de travailler dans des écoles multiculturelles, mais ils craignent les barrières linguistiques. C'est comme s'il s'agissait de mondes clos, entre lesquels le dialogue reste impossible.

Des changements structurels s'imposeraient dans l'orientation des programmes de formation à tous les niveaux, universitaire y compris, et dans leur structure. L'implantation de l'éducation interculturelle devrait aller au-delà des acquis essentiels mais insuffisants de l'enseignement dans les langues minoritaires. Des contenus culturels, qui permettent la connaissance réciproque des groupes ethniques et religieux partageant un espace commun, devraient être introduits. Dans le même sens, réviser les matériels didactiques pour assurer une représentativité équitable des groupes composant actuellement la population de la Roumanie pourrait conduire à la création de représentations plus positives de la diversité de facto du pays et à l'atténuation des préjugés et des stéréotypes, source de tensions dans la société.

Selon nous, cela devrait commencer par les programmes de formation initiale des maîtres. L'attitude actuelle de neutralité face aux questions de l'éducation interculturelle et à la citoyenneté, mise en évidence par les affirmations de tous les participants à notre étude, devrait être remplacée par un traitement raisonné et juste des défis de l'ouverture vers l'autre.

© Mirela Moldoveanu (Université d'Ottawa, Canada) / Anca Dumitru (Université de Bucarest, Roumanie)


REFERENCES

Abdallah-Pretceille, M. (1986). Vers une pédagogie interculturelle. Paris: Institut national de recherche pédagogique.

Banks, J. A. (1988). Multiethnic education: Theory and practice. 2nd édition. Boston: Allyn and Bacon.

Banks, J. (1997). Educating Citizens in a Multicultural Society. New York: Teachers College Press.

Blondin, D. (1991). Les deux espèces humaines ou l'impossibilité de la communication interculturelle entre les races. In F. Ouellet (Éd.), Pluralisme et école, pp. 485-510. Québec: IQRC.

Dei, G. et Callixte, A. (Éds.). (2001). Power, Knowledge and Anti-Racism Education: A Reader. Halifax: Fernwood.

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Gohard-Radenkovic, A. (1999). Communiquer en langue étrangère. Des compétences culturelles vers des compétences linguistiques. Berne: Peter Lang.

James, C. and Schecter, S. (2000). "Mainstreaming and Marginalization: Two National Strategies in the Circumscription of Difference." Pedagogy, Culture and Society 8 (1), p. 23-41.

Laperrière, A. (1991). De l'indifférenciation à l'évitement. In F. Ouellet et M. Pagé (Éds.), Pluriethnicité, éducation et société, pp. 543-562. Montréal: IQRC.

Ouellet, F. (2002). Les défis du pluralisme en éducation: Essais sur la formation interculturelle. Québec: Les Presses de l'Université Laval.

Simard, J.-J. (1991). Droits, minorités et identité. A l'arrière-plan de l'éducation interculturelle. In F. Ouellet et M. Pagé (Éds.), Pluriethnicité, éducation et société. Construire un espace commun, pp. 155-197. Québec: IQRC.


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For quotation purposes:
Mirela Moldoveanu (Université d'Ottawa, Canada) / Anca Dumitru (Université de Bucarest, Roumanie): Les perceptions de futurs enseignants sur l'éducation interculturelle en Roumanie. In: TRANS. Internet-Zeitschrift für Kulturwissenschaften. No. 15/2003. WWW: http://www.inst.at/trans/15Nr/08_4/moldoveanu15.htm

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